AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Juan Gabriel Vásquez (141)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Une rétrospective

Une biographie romancée qui m'a attiré de la première à la dernière page.

Les péripéties de la vie du cinéaste colombien, Sergio Cabrera prennent la forme d'un long voyage passionnant, grâce à la plume et le talent de Juan Gabriel Vasquez.

Nous suivons Sergio Cabrera et toute sa famille dans la Chine de Mao, pendant la révolution culturelle et nous l'accompagnons même au coeur de la jungle colombienne lorsque lui et les siens font partie de la guérilla... Nous vivons avec lui les victoires, les déceptions, ses convictions... Nous ressentons la peur, la faim, les doutes,..



C'est un livre fascinant et addictif. Impossible d'arrêter la lecture. J'ai adoré.





Commenter  J’apprécie          180
Une rétrospective

"Une rétrospective est une œuvre de fiction, mais elle ne contient aucun épisode imaginaire" écrit Juan Gabriel Vásquez dans sa postface à Une rétrospective, qui pourrait bien être son meilleur livre. L'affirmation de l'auteur ressemble à un paradoxe mais n'en est pas un, eu égard à la forme qu'il a souhaité donner à son récit, conçu autour de la vie de Sergio Cabrera, cinéaste colombien reconnu et bien vivant (Perdre est une question de méthode, La stratégie de l'escargot) et de sa famille. Tout ce qui est arrivé au héros d'Une rétrospective est relaté fidèlement, la fiction se chargeant de modeler et de tailler dans les nombreuses péripéties qui ont affecté la vie de Cabrera, dans ses 20 premières années et des poussières. Si le roman commence en 2016, lors d'une rétrospective de la cinémathèque de Barcelone consacré au réalisateur, alors âgé de 66 ans, ce n'est que pour mieux nous conter son enfance, son adolescence et ses premiers pas de jeune adulte dans un tourbillon d'aventures rocambolesques et inouïes, qui pourraient sembler invraisemblables si elles n'étaient pas vraies. Après avoir quitté l'Espagne de la guerre civile, la famille de Cabrera, politiquement très à gauche, va finalement se retrouver dans la Chine de Mao, en particulier pendant la période terrible de la Révolution culturelle. Comment Sergio, ses parents et sa sœur, tous acquis à la cause communiste, vont vivre ces années, à la fois comme privilégiés et suspects car étrangers, est raconté de manière prodigieuse et foisonnante par l'auteur, dans un véritable exercice d'immersion. La suite n'est pas moins passionnante avec le récit des combats menés par la guérilla maoïste en Colombie, à la fin des années 60 et le début de la décennie suivante. Ce qui ressort de ces incroyables épopées est un sentiment amer et douloureux, décrit avec une lucidité telle qu'elle ne peut être précisément que celle exprimée par Cabrera lui-même, recueillie et admirablement retranscrite par Juan Gabriel Vásquez. Celui-ci, à l'instar d'un Cisneros, d'un Carrère ou d'un Cercas, est de la stature de ces écrivains qui ont le talent rare d'écrire sur des vies réellement vécues pour en tirer des livres où le romanesque s'épanouit dans toute sa splendeur.
Lien : https://cinephile-m-etait-co..
Commenter  J’apprécie          202
Une rétrospective

Biographie romancée, roman de non-fiction, derrière ces qualifications il n'est pas toujours aisé de distinguer la part fictive de la dimension réelle. Encore moins lorsque l'auteur n'a nullement besoin de rendre plus romanesque une vie qui l'est déjà largement.

Retracer l'enfance et l'adolescence du cinéaste colombien Sergio Cabrera, c'est exposer une vie d'exil et d'aliénation familiale, de radicalité et de violence politique, de défaite et de désillusion avant même d'avoir atteint l'âge de vingt ans. C'est se perdre dans la jungle colombienne en compagnie des guérilleros des FARC après avoir vu son éducation confiée aux gardes rouges de Chine en pleine révolutions culturelle.

Mais lorsque Juan Gabriel Vasquez évoque cette jeunesse dédiée à la gauche prolétarienne, elle nous apparaît comme une parenthèse évanouie, lointaine, presque irréelle que la mort soudaine du père de Sergio Cabrera, Fausto, vient rouvrir et peut-être refermer définitivement. Outre le fait de redéployer une histoire intime que le temps patine et pour laquelle certains souvenirs brillent comme de simples reflets, on devine la tendresse distante que peut témoigner l'auteur envers son ami qui l'empêche de jouer les archéologues et de creuser trop profondément. Un voile noir est jeté sur ce passé, et l'auteur semble s'être donné pour règle narrative de faire défiler les images, à la manière d'une rétrospective, d'une vie s'inscrivant dans la trajectoire d'une famille engagée dans la lutte communiste depuis la guerre civile espagnole et sous l'ombre écrasante de ce père amoureux de poésie. Ne comptez pas sur Juan Gabriel Vasquez pour soulever les pierres, les conflits familiaux surgissent çà et là mais disparaissent aussitôt. L'écriture se refuse à explorer les replis de la psyché, fouailler les blessures ou à épouser les contours de la violence. Sergio et son père auquel il a voué toute sa vie une grande loyauté, ont « fait beaucoup de choses ensemble. En Chine, dans la guérilla, au cinéma, à la télévision, mais [il a] beau édulcorer cet ensemble de souvenirs, ils ne sont pas positifs ». Si son regard se porte sur le passé c'est pour refermer une page et mieux regarder l'avenir...



Il y a donc une froideur persistante mais elle n'est nullement un frein au plaisir de lecture. On se laisse facilement embarquer par ces aventures rocambolesques, de la même manière que Sergio et sa soeur se laissent entraîner par le radicalisme de leurs parents. Peut-être parce que plus que l'histoire des Cabrera, c'est un certain rapport au monde que raconte Juan Gabriel Vasquez, miroir de l'histoire politique de l'Amérique latine et de la gauche révolutionnaire internationale du XXe siècle.

Jolie découverte qui n'aurait pas pu se faire sans Booky.
Commenter  J’apprécie          565
Une rétrospective

Un biographie romancée sur Sergio Cabrera, cinéaste colombien, ça vous dit?

Présenté comme ça, je ne m'y serais probablement pas arrêté mais le parcours de ce réalisateur pour le moins atypique ainsi que les divers avis

élogieux ont suscité un vif intérêt chez moi...



...et j'ai bien fait puisque j'ai beaucoup aimé ce roman.



Le point de départ est une rétrospective, organisée à Barcelone, en l'honneur du réalisateur, Sergio Cabrera, qui y sera présent pour rencontrer son public mais aussi pour faire le point sur sa vie.



En alternant entre le présent et le passé, l'auteur va ausculter à la loupe la branche paternelle de S.C. On remonte jusqu'à son grand père, Domingo Cabrera qui sera obligé de fuir l'Espagne de Franco pour se réfugier en Colombie en passant par la République Dominicaine.



Son père, Fausto, quant à lui, acteur et maoïste convaincu, emmènera sa femme, son fils Sergio et sa fille Marianella en Chine pour parfaire leur éducation communiste.

C'est à mon sens la partie la plus réussie du roman car j'ai appris pas mal de choses sur la révolution culturelle ainsi que sur la vie des expatriés en Chine.

Fausto fera tout pour que ses enfants soient des révolutionnaires convaincus en leur refusant le confort d'expatriés et en les obligeant à aller travailler avec la population chinoise.

Fausto ira même jusqu'à laisser ses enfants seuls en Chine pendant 2 ans (l'endoctrinement n'ayant pas encore touché à sa fin) tandis que lui et sa femme s'enrôleront dans la guérilla colombienne.



Sergio et Marianella intégreront à leur tour les forces armées révolutionnaires de Colombie...

... mais la révolution colombienne n'est pas la révolution chinoise et les convictions laisseront petit à petit la place aux désillusions.

J'ai un peu moins aimé cette partie que j'ai trouvé un peu longue bien qu'intéressante sur le fond.



L'histoire se termine par un retour en Chine pour Fausto, sa femme et Sergio. Ce sera également l'heure du bilan pour ce dernier et de régler ses comptes avec son père pour enfin commencer une nouvelle vie pour son futur métier de cinéaste



Au final, un excellent roman malgré les quelques longueurs.



C'est un travail remarquable qu'a réussi l'auteur et comme il le précise dans sa postface, 7 ans de rencontres et 30 heures d'enregistrements ont été nécessaires de même que cette fiction ne contient aucun épisode imaginaire. Bref, je recommande chaleureusement.
Commenter  J’apprécie          40
Une rétrospective

Mais quelle famille !. Voilà bien longtemps qu’un roman ne m’avait, à ce point, saisi du début jusqu’au terme de la postface, « une œuvre de fiction, [qui] ne contient aucun épisode imaginaire ».



Ce livre parcourt l’histoire d’une famille totalement engagée dans la culture révolutionnaire, de la guerre d’Espagne à la deuxième moitié du 20ème siècle, avec leurs espoirs et leurs désillusions.



Le réalisateur colombien Sergio Cabrera lors d’une rétrospective de ses films à Barcelone en 2016, va retrouver son fils et faire, avec lui, une « rétrospective » de sa vie dans cette ville où tout avait commencé avec son grand-père Domingo Cabrera. La source de ce parcours mémoriel est l’annonce du décès, à 92 ans, du père de Sergio, Fausto Cabrera, poète, acteur brillant et maoïste convaincu.



Une véritable histoire du 20ème siècle depuis la première république espagnole vécue par les grands-parents puis la guerre d’Espagne, pour Fausto Cabrera et toute sa famille, Luz Elena, Sergio, Marianella. L’exil à Cuba, le Venezuela, le Mexique, la Colombie puis l’envol vers la Chine comme « expert » étranger, la participation à la guérilla maoïste colombienne, le retour en Chine. Enfin le départ de Sergio Cabrera pour Londres où il entamera une carrière de réalisateur.



Cette famille est emblématique, me semble-t-il, des espoirs et des désillusions de beaucoup d’intellectuels engagés dans les révolutions prolétariennes des années 1930 à 1970.



C’est aussi un parcours dans les milieux culturels et artistiques de ces années à travers les pays dans lesquels ils ont résidés, c’est également un témoignage sur le bouillonnement intellectuel de ces années dans le monde hispanique. J’ai découvert en le lisant une bonne quarantaine d’écrivains, de poètes, de réalisateur ou de metteur en scène dont les noms m’étaient inconnus. Des individus étonnants comme Seki Sano, acteur japonais, metteur en scène et chorégraphe, «père du théâtre mexicain» et promoteur de la méthode Stanislavski, discipline d’acteur que l’on retrouvera dans l’Actor Studio.

Aussi cette colonie « d’experts » étrangers, recrutés par le parti communiste chinois Pékin, vivant à l’Hôtel de l’Amitié, dans le centre de Pékin, dans des conditions fastueuses. Dans le maelström de cette période Sergio Cabrera et Marianella, sa sœur, seront, à l’âge de 10 ans confiés à des éducateurs chinois, leurs parents repartant en Colombie pour y animer les révolutions maoïstes. Ces deux adolescents deviendront de parfaits « gardes rouges », avant de partir eux-mêmes pour la Colombie et s’engager dans la guérilla.

A partir de cette expérience et d’une description très réaliste de la vie de guérillero, le livre bascule dans la désillusion du mythe du révolutionnaire vertueux et probe, guidé par l’idéal maoïste.

Fausto, Luz Elena et Sergio seront exfiltrés de Colombie, à nouveau vers la Chine. La suite de l’histoire sera déterminée, pour Sergio cabrera, par la rencontre du réalisateur Joris Iven.



Juan Gabriel Vásquez signe un remarquable travail de recréation biographique dont il donne les clefs dans une note de fin d’ouvrage, « L’interprétation fait également partie de l’art de la fiction ; que le personnage soit réel ou inventé est dans la pratique une distinction improductive et superflue ».



Un livre riche et absolument passionnant.

Commenter  J’apprécie          30
Une rétrospective

J’ai lu puis survolé, n’arrivant pas vraiment à m’intéresser au sort des lobotomisés colombiens, maoïstes en Chine, puis maoïstes en Colombie. Lobotomisé ne saurait être une excuse à leurs activités criminelles. Et pourtant, ils avaient toute latitude pour voir la réalité du communisme chinois dans sa pire période, la Révolution culturelle, dont nos écrivassiers français vantaient les mérites dans les colonnes de gauche ! Lire ce livre montre comment la propagande peut détruire toute capacité de réflexion, même devant l’évidence. Toute ressemblance avec la situation actuelle n’est pas une coïncidence. Rendons grâce toutefois au talent de l’auteur qui a su rendre le tragique de ces destins saccagés par l’aveuglement idéologique.
Commenter  J’apprécie          10
Une rétrospective

Juan Gabriel Vasquez

Une rétrospective, un titre pas très attirant

Prix du meilleur livre étranger 2022

Du coup, j’ achète sur un coup de tête et j’ai raiment bien fait

Ce roman sans fiction raconte l’histoire de Sergio Cabrera , un réalisateur et acteur colombien, que connaît bien Juan Gabriel Vasquez

L’histoire débute par une rétrospective des films du réalisateur connu pour La Stratégie de l’escargot, parmi d’autres films

Question: que serait devenu Sergio Cabrera sans son père, réfugié politique, républicain fuyant Franco , devenu farouche communiste intransigeant ?

L’ épopée peut commencer car ce père joint les actes à l’ idéologie

Ses enfants ,un garçon, une fille devront devenir de vrais révolutionnaires et , pour cela , direction la Chine pour une formation prolongée qui leur permettra de revenir en Colombie pour porter la véritable révolution prolétarienne

La description de cette éducation à la chinoise est absolument épatante, inquiétante par moments, humoristique ( au second degré) à d’autres. Car les enfants vont jouer le jeu, apprendre le chinois pour devenir de vrais prolétaires parfaits . Cela passera par l’usine mais aussi par des situations ubuesques: un hôtel du Parti est même réquisitionné juste pour eux deux.D’ où moult quiproquos que je vous laisse découvrir

Ce qui est extraordinaire dans le récit qui, je le rappelle, n’est pas une fiction, c’est le talent de JuanGabriel Marquez pour nous raconter les péripéties invraisemblables de cette éducation qui va durer des années

C’est aussi l’aveuglement absolu devant la réalité du régime chinois

Le lecteur s’ attend à une prise de conscience

C’est l’inverse qui se produit

Je vous laisse découvrir cette longue période qui paraît invraisemblable avec le recul

Quelques années plus tard les enfants donnent raison au père

On les retrouve dans la guérilla colombienne où ils se considèrent comme les seuls vrais révolutionnaires, ce qui a un peu de mal à passer auprès de leurs frères d’armes colombiens

Il y a des moments assez loufoques à cette période , où on fait la guérilla sans la faire tout en attendant la grande offensive en pleine jungle au milieu des moustiques

Je vous laisse apprécier la plume de Juan Gabriel Marquez car.’histoire n’est pas finie

Cette histoire de communisme pur et dur à la mode sud-américaine pourrait paraître farfelue et peu crédible

Pas du tout carl’auteur a écrit avec l’accord de Sergio Cabrera qui a trouvé le texte tout à fait conforme à la réalité

Pour le plaisir , après la lecture , lisez une petite biographie de Sergio Cabrera, célèbre en Amérique Latine.C’est ce qu’on appelle une vie bien remplie

Et c’ est aussi un très grand livre
Commenter  J’apprécie          274
Une rétrospective

Ce roman alter l’histoire authentique de Sergio Cabrera réalisateur colombien né en 1950.

De l’utopie à la désillusion.

Adolescent, Sergio Cabrera d’origine espagnole né en Colombie, est issu d’un milieu artistique et républicain. Il a 12 ans quand son père maoïste convaincu, emmène sa famille en Chine pour rejoindre la révolution culturelle. Dès l’enfance avec sa cadette de 2 ans, ils ont suivi une éducation comme leurs homologues chinois. Cursus qui les a amené à être garde rouge, ouvrier en usine puis suivre la formation militaire du Parti. Bercé par l’histoire du grand père ayant fui le franquiste, nourri de l’admiration pour leur père reconnu comme représentant de la guérilla colombienne. Il adhéreront avec sa sœur à cette doctrine très sévère où ils sont à la fois privilégiés et suspects par leur origine étrangère. Formé au culte de Mao, Sergio Cabrera rejoindra 18 ans plus tard la guérilla dans la jungle colombienne au service de la révolution. Puis viendra le temps de s’émanciper de l’emprise paternelle après avoir compris que les valeurs de leur lutte n’était qu’une utopie. Il se destinera à la réalisation de films, où son père sera acteur.
Commenter  J’apprécie          20
Une rétrospective

« Une rétrospective » de Juan Gabriel VASQUEZ :

L’auteur raconte l’histoire incroyable de Sergio CABRERA, de sa sœur et de ses parents. Le père de l’intéressé, après un début de vie déjà assez agitée, décide de partir vivre avec les membres de sa famille dans la Chine de la Révolution Culturelle.

Qui plus est, les parents vont décider au bout d’une certain temps de laisser sur place leurs enfants pendant qu’eux partaient participer à la révolution dans leur pays d’origine, à savoir la Colombie. Sergio et sa sœur recevront une éducation complète maoïste suivie par les jeunes chinois et deviendront même des gardes rouges.

Ils retournement eux aussi, dans une phase suivante, en Colombie et participeront aux mouvements révolutionnaires locaux.

Rarement une famille aura-elle eu une vie si atypique et pleine de risques.

Sergio CABRERA est devenu depuis cette époque un cinéaste réputé et on le retrouve notamment lors d’une rétrospective de sa filmographie qui se tient à Barcelone.

L’auteur a recueilli des témoignages et de la documentation pendant sept ans. Il considère que son ouvrage reste de la fiction mais elle est très proche de ce qu’ont vraiment connu les CABRERA.

Le livre est bien écrit. Il est un peu riche en détails (il fait quand même 500 pages) mais ces vies mouvementées méritaient bien un tel développement.

Commenter  J’apprécie          30
Une rétrospective

En 2016, Sergio Cabrera a soixante-six ans, marié trois fois (très bel homme , voir photo sur internet😊), quatre enfants, né à Medellin, a vécu en Chine, combattu dans la guérilla en Colombie et travaillé en Espagne et ne croit pas en Dieu. Cinéaste, fils d'une famille de militaires qui n'avaient pas appuyé le coup d'Etat de Franco, en exil en Colombie, il revient dans son pays d'origine à l'occasion d'une rétrospective de ses films à Barcelone, lorsque meurt son père Fausto, figure célèbre du monde du théâtre , du cinéma et de la télévision colombienne. « Rétrospective » est un retour vers le passé de la famille Cabrera, du père, de la soeur et du fils. de la guerre civile en Espagne à l'exil en Colombie, de la Révolution culturelle en Chine aux mouvements de guérilla dans les années 60 en Colombie, une expérience extraordinaire basée sur des faits et personnages réels. Sergio fut un disciple de son père, et tout ce qu'il accomplit dans la vie il l'a pu grâce au fait qu'il grandit dans son monde, mais chose étonnante ses souvenirs même édulcorés , dans l'ensemble résultent négatifs….pourtant en découvrant l'enfance et l'adolescence de Sergio on comprend vite d'où vient cette amertume envers un père et je dirais même une mère qui ont fait payer leurs propres conflits morals et émotionnels à leurs enfants.



Dans son dernier roman l'auteur colombien Juan Gabriel Vasquez revient sur son obsession de l'expérience personnelle mêlée étroitement aux oscillations de l'Histoire. Il connut Sergio Cabrera en 2002, alors qu'il était déjà un fervent admirateur de ses films et ils devinrent amis. C'est ainsi qu'il apprit la vraie histoire rocambolesque de la famille Cabrera qu'il eut envie de réécrire l'enrichissant par le biais de la fiction. Car pour Vasquez la littérature est un moyen pour éclairer le côté invisible de la réalité, « le côté émotionnel ou psychologique, parfois moral, des éléments historiques et sociaux qu'on ne peut pas atteindre autrement. ». Un moyen qui permet de découvrir les mécanismes cachés «  trouver les questions les plus justes », même si elle n'y apporte ni réponses ni solutions. A travers l'histoire intime de Sergio et sa famille prise dans les griffes des forces de la grande Histoire dont les grandes idéologies ont sillonné le XXè siècle : le Socialisme, le Communisme et le Marxisme, on suit l'évolution de ces derniers confrontés à l'illusion suivie de l'espoir pour en finir avec la déception, magnifiquement contés dans les deux épisodes majeures du livre, celles de la Chine maoïste , pays des moutons de Panurge et celle de la guérilla maoïste colombienne. On y retrouve la confusion et la paranoïa de l'organisation du régime maoïste déjà entrevue dans des romans chinois comme «  Nous qui n'étions rien » de Madeleine Thien, idem pour l'organisation de la guérilla maoïste colombienne. Sont aussi présentes certaines pages de l'histoire de la Colombie déjà sujets des livres précédents de l'auteur comme l'assassinat du leader libéral Jorge Elicer Gaitan de son sublime roman « Le Corps des ruines », mais aussi des personnages célèbres de la littérature, de la peinture, du cinéma, dont le médecin Hector Abad Gomez , le père de l'écrivain Hector Abad Faciolince le superbe personnage de son magnifique livre « L'oubli que nous serons », Fernando Botero,….amis de Fausto, Louis Malle…

L'homme dans son essence ne change pas, son ego, sa jalousie, sa cruauté, sa cupidité, ses instincts bestiaux refont très vite surface quelque soit l'idéologie choisie, capitaliste, maoïste, communiste, fasciste….et quelque soit la pureté des idéaux du départ. Même si on part d'un bon pied avec de bonnes intentions les circonstances font éclore très vite son côté maléfique.

Je viens de lire le cinquième livre de ce grand auteur, Vasquez est unique et comme toujours passionnant !





« Quand la lumière faiblit et que tout s'assombrit, disait-il souvent, la seule façon de ne pas se perdre consiste à regarder derrière soi. La lumière qu'on laisse nous indique qu'une autre nous attend. »



« Le chemin se fait en marchant


Le chemin se fait en marchant


Et quand tu regardes en arrière


Tu vois le sentier que jamais


Tu ne dois à nouveau fouler… »

(Antonio Machado)









Commenter  J’apprécie          9618
Une rétrospective

Séjournant à Barcelone pour y participer à une rétrospective de son œuvre, le réalisateur colombien Sergio Cabrera apprend la mort de son père Fausto. Alors sexagénaire, le cinéaste traverse une période difficile. Il souffre notamment de la séparation que lui a imposée sa femme, qui espère qu’il affrontera ainsi la dépression qui le rend, depuis de longs mois, amorphe. L’annonce du décès paternel réveille en Sergio des souvenirs occultés, des images désagréables. Fausto, dont il a conscience d’être un disciple, a pourtant eu une grande importance dans sa vie, et son fantôme plane sur chacun de ses films, où il apparaît même parfois en chair et en os. Il décide de ne pas se rendre aux obsèques, d’autant plus que ce séjour à Barcelone est l’occasion de rencontrer son fils aîné, qu’il voit rarement.

La forte personnalité de ce père, figure célèbre du monde du théâtre, de la télévision ou même du cinéma, et l’emprise qu’elle lui octroyait sur son entourage, expliquent sans doute les sentiments ambivalents de Sergio. Fausto, barcelonais d’origine, a connu l'exil, alors adolescent, pour fuir la guerre d’Espagne et le danger qui menaçait son père et surtout son oncle Felipe, héros républicain auquel il a toujours voué une immense admiration. Installé en Colombie avec sa famille, porté par une force de travail et une détermination hors du commun, il a rapidement fait son chemin dans le domaine du théâtre puis de la télévision, et s’est très tôt rapproché des milieux communistes révolutionnaires.



Avec Luz Elena, son épouse, femme d’extraction bourgeoise mais partageant ses convictions gauchistes, ils ont deux enfants, Sergio et Marianella. Très tôt, les choix politiques et idéologiques de leur père influent très fortement sur leur vie. Ce dernier est d’une intégrité sans faille, refusant toute compromission, ne renonçant jamais à ses principes. Il initie aussi Sergio à la carrière artistique, l’emmenant très jeune sur les plateaux télé, lui faisant parfois même interpréter un rôle au sein de ses pièces.



La situation se dégradant en Colombie, Fausto profite d’une proposition des autorités chinoises pour déménager avec sa famille à Pékin. Dans le cadre de sa politique révolutionnaire, le gouvernement de Mao Zedong est à la recherche de professeurs de langues étrangères, pour comprendre le reste du monde et y faire circuler sa propagande et son message. C’est l’époque du Grand Bond en avant, des efforts et des sacrifices insensés ayant épuisé une population encore meurtrie par les effets d’une des famines les plus meurtrières de son histoire. Mais la Chine est aussi le terreau d’expérimentation d’une nouvelle forme de socialisme qui prend ses distances avec l’Union Soviétique de Staline, se réclamant de marxisme-léninisme.



La relation de ces événements met en évidence l’influence de ce père aussi charismatique qu’intransigeant sur le parcours de ses deux enfants, précocement imbibés de culture socialiste, dont il a toujours exigé une rectitude et une force morales fondées sur un engagement allant au-delà de la seule adhésion à la cause. C’est ainsi que lorsque le couple Cabrera rentre en Colombie, Sergio et Marianella sont laissés en Chine, afin d’y parfaire leur éducation révolutionnaire. Et il se conforment au credo paternel, orientant leur vie et choisissant leurs relations selon leurs convictions politiques, rejetant tout ce qui émane de la classe bourgeoise, malgré les signes de plus en plus évidents démontrant que le régime du président Mao est une dictature.



Ils n’ont pas encore la vingtaine que les enfants Cabrera, guerilleros formés au combat, s’engagent dans la lutte clandestine aux côtés des insurgés Colombiens.



Le récit, passionnant, se laisse peu à peu envahir par la mélancolie. Après l’aveuglement de l’endoctrinement, vient le doute, non pas tant sur la légitimité de la révolution que sur la violence meurtrière perpétrée en son nom, sur l’égarement et la folie auxquels elle peut conduire.



En parallèle de la rétrospective qui rend hommage à son œuvre, Sergio en déroule ainsi une autre, celle de sa jeunesse, à l’intention de son fils Raul. C’est une manière de faire le deuil, non pas tant de son père que de l’emprise qu’il a eue sur lui, puis du ressentiment qu’il en a éprouvé. Le deuil, aussi, d’un temps qui semble désormais bien loin, celui d’idéologies où l’on s’investissait corps et âme, porté par la conviction d’avoir le pouvoir de diminuer la souffrance du monde et de rendre l’homme meilleur. Il semble n’en rester que la désillusion que provoque inévitablement la confrontation entre la pureté de l’idéal et les travers de ses apôtres.



C’est peu dire que Juan Gabriel Vásquez a été inspiré en choisissant comme figure centrale de son roman cet homme dont la vie est digne d’une fiction. "Une rétrospective" est dense, palpitant, et très intelligemment construit.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
Commenter  J’apprécie          70
Une rétrospective

Le dernier roman de Juan Gabriel Vasquez retrace la vie extraordinaire du réalisateur colombien Sergio Cabrera. Une histoire intime qui se mêle au grands mouvements collectifs du XXe siècle entre la Chine maoïste, la France de Mai-68 et la Colombie révolutionnaire.
Lien : https://www.rfi.fr/fr/podcas..
Commenter  J’apprécie          00
Une rétrospective

Cinéaste colombien, Sergio Cabrera est invité à Barcelone pour une rétrospective de son œuvre. Mais, si nous assistons bien à quelques soirées de projection, de débat et à une ou deux interviews, ce n'est que brièvement. Car au moment où le réalisateur arrive en Espagne, il apprend le décès de son père ; et le livre devient alors essentiellement une rétrospective de la vie de Sergio Cabrera, sur les plans personnel, politique et guerrier, des domaines dans lesquels le défunt paternel a pesé très fortement pour orienter les choix de Sergio, tout comme ceux de sa mère, Luz Elena, et de sa sœur, Marianella. Car les 4 membres de la famille Cabrera ont suivi le chemin tracé par Fausto, maoïste convaincu. Il les a emmené vivre en Chine, dans les années 60, les a "éduqués", les a poussés à s'intégrer et est parvenu à créer en eux la conviction de revenir en Colombie pour s'engager dans la guérilla.

Après la description de la vie sous Mao, détaillée, animée, édifiante, nous sommes donc transportés dans la jungle sud-américaine, pour vivre au plus près une existence étrange, dans laquelle l'attente, les déplacements et finalement les doutes sont plus présents que les combats.

Ces deux phases de la vie de Sergio Cabrera sont tout aussi passionnantes et instructives. Très bien écrit et construit de manière virtuose, par des sauts réguliers entre les époques, ce roman est une vraie réussite. Sauf que ça n'est pas un roman ; enfin si... mais non. Car Sergio Cabrera, dont je n'avais jamais entendu parler, est une personnalité réelle du cinéma colombien, ancien guérillero, ancien député et fils de l'acteur Fausto Cabrera, tout aussi réel. L'auteur parvient ainsi à romancer leurs existence de manière prenante, vivante et pas du tout académique, tout en respectant scrupuleusement la chronologie, l'état d'esprit et les motivations de ses personnages. C'est donc bien une biographie, mais c'est aussi un roman d'aventure, un roman historique, un roman politique parfaitement mené... et édifiant.
Commenter  J’apprécie          80
Une rétrospective

Je remercie une nouvelle fois Idil (@Bookycooky) qui ,une fois de plus, me fait sortir de mes zones de confort littéraire . Et là je suis un peu désarçonné. C'était le but, vous me direz...

Impossible de ne pas renvoyer les babéliotes vers sa critique du 26/08/22 .

Elle re-situe "Une rétrospective" à la fois dans l'oeuvre fictionnelle de Juan Gabriel Vasquez mais aussi dans sa vraie vie . Vasquez connut Sergio Cabrera en 20O2 et devint son ami.

Le héros du bouquin est bien le metteur en scène Sergio Cabrera et Une rétrospective est une oeuvre de fiction qui ne contient aucun épisode imaginaire . Bref Vasquez modèle, conçoit et donne forme à l'expérience étonnante de Sergio Cabrera , le célèbre réalisateur colombien mais aussi à celle de sa famille. Photos et manuscrits à l'appui .

Fausto, le père de Sergio, va fuir l'Espagne de Franco pour la République Dominicaine puis le Vénézuéla pour finalement s'établir en Colombie et y fonder une famille. Puis il va embrigader tout ce petit monde dans la Chine de la révolution culturelle ( et ses quelques millions de morts ) puis 300 pages plus loin dans la guérilla colombienne .

Le livre s'ouvre sur la mort de Fausto, le Père et s'achève (ou presque) sur les adieux à son Fils Raoul qui l'a rejoint à Barcelone pour la fameuse rétrospective de ses films. Entre le début et la fin du livre il n'y a que le temps de la Rétrospective (quelques chapitres) . Tout le reste est l'histoire de la famille Cabrera...

Et j'avoue humblement qu'elle ne m'a pas passionné .

Je ne suis pas un fin connaisseur de la littérature sud-américaine, c'est certain. Mais ici pas le moindre souffle épique, pas le moindre rebond romanesque . Juste un récit presque épuré, quasiment sans allusion à la violence de la répression ou de la guérilla.

A moins de prendre ce récit pour ce qu'il est peut-être , une oeuvre quasi-cathartique où Cabrera ( et donc Vasquez) cherche le muti-déterminisme de son engagement et de sa destinée , le livre risque de vous paraitre long.

Cabrera , à travers son histoire intime, est ballotté par la grande Histoire , en particulier celle du marxisme et du maoïsme . Et même s'il croise Louis Malle ou Fernando Botero, rien n'est vraiment stimulant, tout est un peu lénifiant. Comme un manuel d'Histoire à l'ancienne.

J'ai un peu honte de le dire mais je me suis un peu ennuyé.

Par contre je reste persuadé qu'il va en passionner plus d'un.

Mais c'est un registre dans lequel je m'englue et ce n'est que ma faute.

La faute. C'est sans doute le vrai sujet d'"Une rétrospective" et du temps perdu mais retrouvé par Sergio Cabrera, que j'aurai tant aimé en looser magnifique !!!
Commenter  J’apprécie          266
Une rétrospective

C'est en cherchant, en vain, le film de Sergio Cabrera "la estrategia del caracol" que je suis tombée sur le roman de Juan Gabriel Vasquez "une rétrospective" dans lequel il nous fait part de l'histoire extrêmement riche de Sergio Cabrera sa sœur Marianella, son père Fausto et sa mère Lus Elena.

Fausto Cabrera va embarquer toute sa famille à Pékin pour suivre l'idéologie de Mao.

Les deux enfants apprendront le chinois iront à l'école et vont à leur tour embrasser l ideologie maoïste. Sergio sera garde rouge de Mao.

Les parents finiront par laisser leurs enfants en Chine et repartir en Colombie pour intégrer la guérilla marxiste leniniste tendance Mao.

Quelques années plus tard Sergio et Marianella vont, à leur tour, devenir guerilleros dans la jungle colombienne à la fin des années 60. Voici en très très synthétisée la vie de cette famille. Juan Gabriel Vasquez en a fait un livre de plus de 400 pages et ce n'est vraiment pas de trop. Á aucun moment on s'ennuie.

Dire que ce livre est d'une grande richesse et fascinant n'est pas exagéré. Il nous apprend beaucoup sur les mouvements révolutionnaires, sur les idéologies, c'est d'ailleurs parfois un peu compliqué de suivre toutes ces branches révolutionnaires.

Je suis alors maintenant, après avoir lu l'histoire de ce réalisateur colombien, encore plus avide de découvrir les films de Sergio Cabrera. Juan Gabriel Vasquez a vraiment brillamment retracé, sous forme de roman, la vie de cette famille Cabrera. Tout est vrai !

Commenter  J’apprécie          384
Une rétrospective

Quelle vie que celle de Sergio et de sa sœur Marianella, les enfants de Fausto Cabrera !

Fils d'une famille de républicains espagnols, Fausto Cabrera fuit le franquisme à la fin des années 30 pour l'Amérique latine. Après s'être établi à Saint-Domingue, puis au Venezuela, il s'installe en Colombie et entame une carrière d'homme de théâtre. C'est là que naquirent ses enfants Sergio et Marianella. Dans les années 50 et 60, l'homme de gauche Fausto se radicalise peu à peu et épouse la cause maoïste dont il devient un fervent militant. Et ce, à un point tel, qu'il embarque sa femme et ses jeunes enfants pour la Chine afin de se mettre à la disposition de la Révolution et de parfaire leur éducation politique. Quelques années plus tard, les parents laisseront leurs jeunes ados seuls en Chine, aux bons soins du régime, et rejoignirent la guérilla d’obédience maoïste de Colombie. Sergio et sa sœur vécurent alors les événements de la Révolution culturelle et se radicalisèrent.

Comme leurs parents ils rentrèrent en Colombie pour s'engager dans la guérilla. Les conditions de ce combat en pleine jungle furent évidemment épouvantables et ils finirent par prendre leur distance, passant en quelque sorte du fanatisme à la désillusion.

Plus tard, Sergio deviendra un cinéaste de renommé internationale.

Rapport au père, sens de l'engagement et de la violence sont au cœur de ce roman qui n'en est pas vraiment un : les personnages cités existent et ont vécu cette histoire.

C'est écrit dans un style fluide, les pages se tournent toute seules, il n'y aucun temps mort ni baisse de tension et tout porte le lecteur à la réflexion.

Il faut féliciter pour son travail la traductrice Isabelle Gugnon, elle contribue grandement à la qualité de ce livre.
Commenter  J’apprécie          201
Une rétrospective

Petit-fils de Républicains espagnols ayant refait leur vie en Colombie, Sergio Cabrera appartient à la bourgeoisie éclairée de Medellín en Colombie. Il vit confortablement à Bogota, la capitale, où son père Fausto est scénariste pour la télévision nationale. Or, un beau jour, l’audace politico-artistique de ce dernier finit par mettre sa situation privilégiée en danger.

C’est à ce moment-là que lui parvient une offre attrayante en provenance de l’institut des langues étrangères de Pékin : devenir professeur d’espagnol pour les élites du maoïsme. Pensant pouvoir enfin « servir la révolution », Fausto emmène sans hésiter sa femme et ses trois enfants dans l’empire du Milieu.

Nous sommes en 1960, Sergio a dix ans et doit coûte que coûte apprendre le mandarin. Finalement, il va si bien s’intégrer qu’il se sentira Chinois à part entière au moment où éclate la Révolution culturelle (1966-1976) impulsée par Mao. Malgré son admiration sans bornes pour ce dernier, il découvrira les dérives et les exactions des jeunes de sa génération face aux lettrés qualifiés de « bourgeois » et de « contre-révolutionnaires » à rééduquer : ou comment le pays le plus peuplé du monde humilie ses intellectuels pour créer « l’homme nouveau » voulu par le « grand timonier ». Il faut savoir que le roman de Juan Gabriel Vasquez est vraiment basé sur l’épopée hors-norme de la famille Cabrera Diaz entre 1930 et 2016. On va d’ailleurs rapidement s’apercevoir que la réalité peut parfois dépasser la fiction !

Comme les universités ont fermé leur porte au début de la Révolution culturelle, Sergio et sa sœur Marianela se retrouvent un peu désœuvrés. En effet, les « étrangers » sont soigneusement tenus à l’écart des convulsions qui secouent le pays. Pourtant, à force de les supplier, les communistes permettent aux deux jeunes Colombiens de travailler quelque temps comme simples ouvriers dans une usine de réveille-matin de la capitale.

Mais, le gouvernement marxiste a d’autres plans pour la fratrie. Rapidement, on les exfiltre vers un centre secret de formation militaire destiné aux étrangers. Ils y apprennent le maniement de plusieurs types d’armes et les techniques de guérilla. Dès que leurs instructeurs les jugent prêts, les Cabrera sont renvoyés en Colombie pour y rejoindre les escadrons maoïstes qui tentent de créer des « zones révolutionnaires » dans la jungle tropicale.

Sans dévoiler la suite, j’ai beaucoup apprécié la description du choc culturel subi par Sergio et sa sœur en Chine. Mais aussi et surtout les problèmes éthiques, sociaux, voire physiologiques, auxquels tous deux ont été confrontés avec la même intensité ravageuse au fin fond de la brousse colombienne.

Toutes ces épreuves endurées non pas par conviction intime, mais avant tout pour faire plaisir à un père complètement obnubilé par le discours tiers-mondiste et anti-capitaliste. On le subodore, Fausto va devoir un jour payer pour cet aveuglement idéologique l’ayant conduit à risquer l’avenir de ses propres enfants.

En se mettant dans la peau de Sergio, Juan Gabriel Vasquez nous livre non seulement une belle fresque historico-sociologique, mais aussi une critique acerbe des relations familiales sous la domination d’un patriarche prêchant davantage par la parole que par l’exemple...
Commenter  J’apprécie          120
Une rétrospective

un excellent roman biographique, centré sur le personnage de Sergio Cabrera, cinéaste accompli, invité à une rétrospective de son œuvre, prétexte à la rétrospective de sa vie. C'est une histoire rocambolesque et romanesque qui commence avec l'histoire du père, Fausto, républicain pendant la guerre d'Espagne et contraint de s'exiler en Amérique latine. Jusqu'à un nouvel exil qui l'emmène avec sa famille à Pékin et nous balade dans les arcanes de la vie chinoise des années 60, telle qu'elle est vécue par des sympathisants-militants étrangers et leur progéniture. Ce seront les années de formation de Sergio et de sa sœur Marianella. On passe ensuite aux méandres obscurs des manœuvres des guérilleros au cœur de la jungle colombienne et à la manière dont a famille va émerger de l'épreuve, chacun à sa manière. C'est passionnant. J.G Vasquez raconte formidablement le rêve de révolution et la "descente" en enfer quand l'idéal révolutionnaire se trouve confronté à la résistance du réel, à l'opacité de l'encadrement, à la rétention de l'information...

Je suppose que dans 40 ans, quelqu'un saura écrire un roman sur le djihad et la propagande islamiste et que ce sera intéressant de lire ça sous une forme aussi intelligente, analysée, documentée et romancée que cette Rétrospective.
Commenter  J’apprécie          61
Une rétrospective

« Volver la vista atras », tel est le titre original du livre de Juan Gabriel Vasquez sorti en 2020 (édité en français en 2022 aux éditions du Seuil). Le titre français fait directement référence au vocabulaire du cinéma. Le héros du roman est effectivement cinéaste. Il a réellement existé et s’appelle Sergio Cabrera. En 2016, une rétrospective de ses films est organisée à la Cinémathèque de Barcelone. Tel est le point de départ de ce livre touffu qui, beaucoup plus que simplement retracer la carrière artistique de ce réalisateur, revient sur sa vie incroyablement romanesque.



Sergio Cabrera fait partie d’une famille qui a été pleinement impliquée dans plusieurs événements majeurs du XXème siècle, sous des latitudes différentes : en Espagne pendant la guerre civile, en Chine à l’époque de la Révolution Culturelle, en Colombie au début du conflit armé entre les guérillas marxistes et le gouvernement en place. L’auteur retrace avec brio le destin des parents de Sergio Cabrera, obligés de fuir l’Espagne suite à la défaite du camp républicain. Fausto, le père de Sergio, entraine alors sa famille dans un périple ou l’engagement et la foi en la Révolution prennent toute la place. Une partie importante du roman est consacrée aux années chinoises. Elle est passionnante. En pleine Révolution Culturelle, la famille Cabrera se retrouve à Pékin dans un hôtel destiné aux expatriés. La fascination exercée par Mao et son petit Livre Rouge est à son comble. La famille Cabrera est persuadée d’être au bon endroit, au coeur de la révolution prolétarienne. Fausto et sa femme retournent en Colombie pour travailler à l’expansion de cette révolution. Ils laissent derrière eux leurs deux enfants adolescents, qui travaillent en usine, s’initient au maniement des armes… On a du mal à y croire, mais les choses se sont réellement passées ainsi.



Le retour en Colombie des deux enfants, devenus jeunes adultes, est conditionné à l’entrée en guérilla. Là encore, le lecteur que je suis a été assez éberlué par la rudesse qu’implique cet engagement où les états d’âmes ont peu de place. Nous pénétrons avec Sergio et sa soeur au coeur de la jungle, lieu hautement inhospitalier…



Juan Gabriel Vasquez signe un livre fort, haletant. Il met ses talents de conteur au service d’une histoire tirées de faits réels. Plusieurs photos illustrent les années passées en Chine par exemple. La réalité dépasse la fiction. Ce livre en donne encore une fois la preuve.
Lien : https://in-the-mood-for.fr
Commenter  J’apprécie          20
Une rétrospective

Cette biographie du réalisateur Sergio Cabrera par son ami Juan Gabriel Vasquez est qualifiée par son auteur d’ « œuvre de fiction », mais qui « ne contient aucun épisode imaginaire ». Ah bon. Vasquez justifie cette coquetterie en expliquant qu’il lui a fallu « modeler, concevoir, donner forme » à la gigantesque somme d’informations soutirée à Cabrera et à ses proches. Effectivement, le texte ne suit pas un ordre chronologique mais alterne souvenirs et retour à un quasi-présent (2016), la rétrospective organisée à Barcelone pour l’ensemble de son œuvre offrant au réalisateur l’occasion de se replonger dans son passé au cours de réminiscences spontanées.

Or, le plus extraordinaire est que cette disposition relève à peine de la création. Vasquez rêvait d’utiliser la vie de son aîné (Faut dire, un type abandonné en Chine par ses parents pour devenir garde rouge, ça ne laisse pas indifférent…) ; il imagine une fiction où un réalisateur invité à l’étranger apprend la mort de son père : le projet est mis en pause et deux ans plus tard Cabrera apprend effectivement la mort de son père alors qu’il est en Espagne pour présenter une rétrospective de ses films…

Alors, va pour roman, puisque la vie de ce type explose les catégories habituelles et ne semble pas pouvoir s’insérer dans un cadre normal : emmené en Chine avec sa sœur par des parents avides de rencontrer l’homme nouveau, il grandira dans un hôtel désert dont il ne sortira que pour travailler dans une usine de réveille-matin ; à 20 ans, il rentre en Argentine pour exporter la révolution prolétarienne et devenir guérillero… puis repartira en Chine soigner ses désillusions.

Au-delà de ce destin follement romanesque, c’est évidemment l’incroyable cécité d’une génération biberonnée au Grand Soir qui interroge. On sait que Cabreras a été un membre actif de la guérilla mais le récit de Vasquez ne raconte aucun épisode qui témoigne du sang qu’il a versé. J’ai d’abord été choquée de cette pudeur incongrue avant de penser que c’était peut-être là la force du livre : faire le portrait d’un Cabrera tueur l’aurait éloigné de son lecteur alors que les illusions qui l’ont nourri sont aussi les nôtres, comme l’a notamment prouvé l’échec du référendum colombien en faveur de la paix. Depuis les justifications des parents Cabrera pour laisser leurs enfants aux bons soins de la révolution maoïste jusqu’aux fake news qui ont fait capoter l’accord de paix, le processus est le même : à chacun son aveuglement, à chacun sa raison pour rester droit dans ses bottes, sourd à toute objection. Et il est passionnant de se retrouver dans la tête d’un type dont les choix idéologiques nous stupéfient mais dont nous voyons bien qu’il n’est ni plus idiot ni moins rationnel que nous et qu’il est notre frère, sinon notre camarade.

Bref, que tous ceux qui croient que l’intime est l’autre nom de l’histoire et n’ont pas encore lu Vasquez s’y collent immédiatement. Il y a des cas où le culte de la personnalité n’est pas totalement déraisonnable.
Commenter  J’apprécie          3312




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Juan Gabriel Vásquez (557)Voir plus

Quiz Voir plus

Les prénoms des personnages de Harry Potter (+ noms dans la version originale)

Quel est le prénom de Hagrid ?

Hagrid est son prénom
Rubeus
Filius
Severus

17 questions
6103 lecteurs ont répondu
Thème : Harry Potter, tome 1 : Harry Potter à l'école des sorciers de J. K. RowlingCréer un quiz sur cet auteur

{* *}