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Citations de Juan Rulfo (94)


- Eh, oui ! j'ai failli être ta mère. Elle ne t'a jamais rien dit de ça ?
- Non, elle ne me racontait que les choses agréables.
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La nuit, tous ces gens énervés se calmaient. Dispersés un peu partout, les feux brillaient et, autour des lumières, les pèlerins disaient leur rosaire, les bras en croix, le regard tourné vers le ciel de Talpa. On écoutait le vent emporter et rapporter ces rumeurs, les mélanger jusqu'à en faire un seul mugissement.
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«Le temps doit avoir changé, dehors. Ma mère me disait qu'à l'arrivée des pluies, tout se remplissait de scintillements et de l'odeur verte des jeunes pousses. Elle me racontait comment montait la marée des nuages, comment ils se précipitaient sur la terre et la transformaient en lui donnant d'autres couleurs, ma mère... Elle qui a vécu son enfance et ses plus belles années dans ce village et n'a pas pu y mourir. Elle m'a envoyé ici à sa place. C'est étrange, Dorotea, je n'ai pas réussi à voir le ciel. Peut-être lui, au moins, est-il le même que celui qu'elle a connu.
- Je n'en sais rien, Juan Preciado ; je n'ai plus levé la tête depuis tant d'années que j'ai oublié le ciel. D'ailleurs, si je l'avais fait, qu'y aurais-je gagné? Le ciel était si haut et ma vue si basse que je m'estimais déjà heureuse de savoir où se trouvait la terre. [...]»
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Ce village est plein d'échos. Ils semblent avoir été reclus au creux des murs ou sous les pierres. Quand on marche on a l'impression qu'ils vous emboîtent le pas. On entend des craquements. Des rires. Des rires très anciens, comme lassés de rire. Des voix usées d'avoir trop servi. On entend tout ça. Je crois qu'un jour viendra où ces voix s'éteindront
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Je suis venu à Comala parce que j’ai appris que mon père, un certain Pedro Paramo, y vivait. C’est ma mère qui me l’a dit. Et je lui ai promis d’aller le voir quand elle serait morte. J’ai pressé ses mains pour lui assurer que je le ferais; elle se mourait et j’étais prêt à lui promettre n’importe quoi. «Ne manque pas d’aller le trouver, m’a-t-elle recommandé. Il porte tel prénom et tel nom. Je suis sûre qu’il sera content de te connaître.» Dans ces conditions, il a bien fallu lui dire que je n’y manquerais pas, et, à force de le lui répéter, j’y étais encore après avoir, non sans peine, détaché mes mains de ses mains mortes.
Auparavant, elle m’avait encore dit: «Surtout, ne lui réclame rien. N’exige que notre dû. Ce qu’il me devait et ne m’a jamais donné… L’oubli dans lequel il nous a laissés, fais-le-lui payer cher, mon enfant. – Je le ferai, maman.»
Mais je ne comptais pas tenir ma promesse. Du moins jusqu’à ces derniers temps, quand j’ai commencé à me remplir de rêves, à laisser les illusions grandir. C’est ainsi que je me suis bâti tout un monde autour de l’espoir qu’était pour moi ce monsieur appelé Pedro Paramo, le mari de ma mère. Voilà pourquoi je suis venu à Comala.
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C'est la volonté de Dieu ; il faut toujours que les choses tournent autrement qu'on le voudrait.
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Une goutte d’eau tombe, grande et grosse, qui fait un trou dans la terre et y laisse une trace qu’a tout l’air d’un crachat. Une seule goutte. Nous, on s’attend à ce qu’il en vienne encore, après. Mais il ne pleut pas. Maintenant, si l’on regarde le ciel, on voit le nuage de pluie filer très loin, drôlement vite. Le vent qui vient du côté du village l’empoigne et le lance contre les ombres bleues des montagnes. Et la terre avale la goutte d’eau tombée par erreur, avec une telle soif qu’elle n’en laisse rien.
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Moi seule sais à quel point le ciel est loin de nous. Mais je sais aussi comment raccourcir les chemins.
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Lorsque l'aube commence à poindre, le jour se retourne sur lui-même, lentement, on entend presque tourner les gonds moisis de la terre, la vibration de cette vieille terre qui rejette l'obscurité.
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Non, il n’était pas possible de sonder la profondeur du silence que ce cri avait laissé après lui. La terre semblait s’être vidée de son atmosphère. Pas le moindre son ne se faisait entendre, ni celui de ma respiration ni celui des battements de mon cœur ; même le murmure de ma conscience semblait arrêté. Et au moment où je m’étais rasséréné et allais me rendormir, la plainte a de nouveau retenti et traîné en longueur : « Laissez-moi au moins le droit des pendus, le droit de gigoter ! ».
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- Ce village est plein d'échos. Il semble qu'on les ait enfermés dans le creux des murs ou sous les pierres. Lorsque tu marches, tu les sens sur tes talons. Tu entends des craquements. Des rires. Des rires déjà très vieux, comme lassés de rire. Et des voix usées d'avoir trop servi. Tu entends tout ça. Je pense que le jour viendra où ces bruits s'éteindront.
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Il y a des villages qui ont un goût de malheur. On les reconnaît dès que l'on avale un peu de leur air usé et stagnant, aussi appauvri et sec que la vieillesse.
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Chaque soupir est comme une gorgée de vie qui s’en va.
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C’était pendant les jours caniculaires où souffle le vent d’août brûlant, corrompu par l’odeur putride des savonniers.
Le chemin montait et descendait : “Il monte ou il descend selon que l’on s’en va ou que l’on arrive. Pour qui s’en va il monte ; pour qui arrive, il descend.”
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Ce village est plein d'échos. Il semble qu'on les ait enfermés dans le creux des murs ou sous les pierres. Lorsque tu marches, tu les sens sur tes talons. Tu entends des craquements. Des rires. Des rires déjà tres vieux, comme lassés de rire. Et des voix usées d'avoir trop servi. Tu entends tout ça. Je pense que le jour viendra où ces bruits s'éteindront.
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Ce monde nous opprime de tous les côtés, répand ca et la des poignées de notre poussières nous dépèce comme pour abreuver la terre de notre sang.
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J'ai la salive écumeuse. Je mâche des mottes de terre pleines de vers qui se nouent dans ma gorge et me râpent la paroi du palais. Ma bouche se creuse, tordue de grimaces, percée par les dents qui la trouent et la dévorent. Le nez se ramollit. L'humeur des yeux fond. Les cheveux brûlent d'une seule flambée...
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Comme dit mon papa, si mes soeurs se sont gâtées, c'est parce qu'on est très pauvres à la maison, et que c'étaient de vraies têtes de mule. Toutes petites, elles n'arrêtaient pas de se plaindre. Dès qu'elles ont grandi, elles sont allées avec les plus mauvais des hommes, qui leur apprenaient de vilaines choses. Elles apprenaient vite et elles comprenaient très bien les coups de sifflets quand on les appelait tard dans la nuit.
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« Réveille-toi ! » lui dit-on.
Il reconnaît le timbre de la voix. Il essaie de deviner de qui il s’agit, mais son corps se dérobe et il sombre dans la torpeur, écrasé par le poids du sommeil. Des mains viennent tirer les couvertures sous lesquelles le corps se tapit dans la chaleur, cherchant la paix, et elles s’y agrippent.
« Réveille-toi ! » dit-on encore.
La voix fait tressaillir les épaules, force le corps à se tendre, les yeux à s’ouvrir. Des gouttes d’eau qui tombent du filtre dans la cruche pleine, des pas traînants font entendre… Puis une plainte.
Alors, il a entendu une plainte. C’est ce qui l’a réveillé : une plainte égale et grêle qui, peut-être parce qu’elle est si grêle, a pu traverser l’écheveau du sommeil et atteindre l’endroit où nichent les alertes.
Il s’est relevé tout doucement et a vu le visage d’une femme en larmes, appuyée contre le jambage de la porte et encore enténébrée par la nuit.
« Pourquoi pleures-tu, maman ? a-t-il demandé en posant les pieds par terre, quand il reconnut les traits de sa mère.
« Ton père est mort », lui a-t-elle dit.
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Voici ce qui, selon moi, est le passage le plus perturbant de Pedro Páramo :

C'est qu'il n'y avait pas d'air, mais seulement la nuit lourde et calme, toute chaude de la canicule d'août.
Il n'y avait pas d'air. J'ai dû boire celui qui sortait de ma bouche en l'arrêtant avec mes mains avant qu'il ne s'échappe. Je le sentais aller et venir, de plus en plus imperceptible, jusqu'au moment où il est devenu si ténu qu'il m'a glissé entre les doigt à jamais.
Je dis bien à jamais.
Je me rappelle avoir vu des sortes de nuages écumeux tourbillonner au-dessus de ma tête, puis me tremper dans leur bouillonnement et me perdre dans leurs sombres vapeurs. C'est la dernière chose que j'aie vue.
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