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Critiques de Jules Supervielle (90)
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Le forcat innocent

Il fut en France un écrivain

Dont le nom était Supervielle

Ses mots étaient tristes et sereins

Ses phrases simples et belles.



Il n’écrivit pas tant de choses

Ces poèmes, quelques nouvelles,

Qui pourraient sembler moroses

N’était leur douceur si frêle



Il évoquait la mort, de loin

Par la tristesse, l’abandon

La neige tombant en crachin

Sur l’ordure et les bris de béton



Mais les mondes qu’il peignait

L’espoir ne les avait pas désertés

Toujours s’y trouvait une menue graine

Proclamant que la vie n’est pas vaine.
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L'enfant de la haute mer

Sans doute le livre le plus superbement mélancolique qu’il m’ait jamais été donné de lire. Peut-être n’est-il pas de plus grand écrivain que Supervielle qui soit tombé dans un oubli aussi complet. Il est dur de décrire la subtilité de son écriture, l’étrange ambiance de ces quelques nouvelles, la douceur triste qui habite chacune de ses phrases.



La première histoire, celle qui donne son nom au recueil, en est l’apogée. Une fillette vit seule dans un village au milieu de l’océan. Quand un navire s’approche, elle tombe soudainement endormie, et les maisons plongent sous la mer. Que fait-elle là, toute seule ? De toute sa vie, elle n’a connue que l’immensité de la solitude… Connaitra-t-elle un jour autre chose ? Quel est cet endroit, pourquoi est-elle là ?



Chaque nouvelle développe son étrange atmosphère douce-amère, campe ses personnages acceptant silencieusement leurs destins trop lourds. Celui-ci va même par delà la mort dans ‘Les boiteux du ciel’. Là où ce qui reste des hommes n’est plus qu’ombre au milieu des ombres, croyant mener une vie dans ce qui n’est qu’ombre... Paradoxalement, la plus sombre du recueil et la seule qui se termine sur une note heureuse !



Et au milieu de tout cela une touche de merveilleux presque incongrue, qui révèle une foi profonde et nourrie de la ‘Légende Dorée’ chez celui qu’on aurait pu croire athée, au vu de sa description de l’après-mort. C’est la nativité racontée du point de vue du bœuf et de l’âne de la crèche. Un doux moment de beauté et de paix, où le bœuf réchauffe de son souffle l’enfantelet dans la paille… Qu’a-t-il fallut pour que Supervielle chasse la mélancolie qui habite chacune de ses lignes, en dehors de celles-ci ? Un souvenir des Noëls de l’enfance, peut-être…



Peut-être est-ce mieux au fond que Supervielle ne soit pas plus connu. Entendre la presse ou la télévision en parler me donnerait l’impression de voir un ours fouiller dans des dentelles aux fuseaux…
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Le voleur d'enfants

N'étant pas une grande amatrice de poésie, c'est au Supervielle romancier, conteur, que je m'intéresse ici. Car il faut dire que ce texte a de quoi dérouter. L'histoire est simple : Un couple n'a pas pu avoir d'enfants. Il s'agit du Colonel Philémon Bigua et de sa femme, Desposoria. Alors plutôt que d'entamer de longues procédures d'adoption, Monsieur pare au plus pressé : il vole les enfants. Mais pas n'importe lesquels : les malheureux. C'est ainsi que le jeune Antoine, sept ans, sera arraché, à la sortie d'un magasin, aux mains de la Bonne qui l'accompagnait. Le Colonel se plaît à raconter à ses petits protégés ses exploits, son pays natal (l'Amérique du Sud). Il agit en père. Cependant, les Bigua ne voudraient pas repartir chez eux sans une fille. Ce sera le début de leur perte...



Le rythme narratif est haletant. Le lecteur ne s'ennuie pas une seule seconde. Bien plus, il adhère à l'histoire vue à travers le narrateur. On ressent la tension interne au récit. On suit la progression du petit Antoine qui, de passif, se prendra en charge afin d'aller vers son indépendance et se retirer de la famille Bigua. On passe de ce que l'on croyait être un conte à une tragédie en bonne et due forme...



Du grand art !
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Choix de poèmes

Des couleurs, des sons, des sensations, de la poésie tout simplement. Découvert grâce à la rencontre d'un professeur de lettre moderne de la fac d'Orléans au détour d'un rayon de la librairie "les temps moderne", tous deux en quête de ce qu'on espérait y trouver, il m'indiqua un certain nombre d'œuvres dont celle-ci. Je ne l'ai jamais revu mais j'ai toujours ces poèmes choisis que je relis régulièrement. Je remercie celui qui, pour moins d'une heure, avait cessé d'être un inconnu.

Jules Supervielle, une expérience unique.
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Gravitations

Jules Supervielle cumulait les prétextes les plus justifiés pour tomber dans le piège de la poésie narcissique, celle qui se nourrit d’amour-propre et retombe rapidement dans l’épuisement de la substance d’un seul être : déchirement géographique doublé de la mort précoce de ses parents constituaient les prétextes qu’il aurait pu utiliser pour justifier l’épandage massif de larmoiements. Si Jules Supervielle semble avoir frôlé plusieurs fois cette tentation, il évite toute complaisance maussade dans ce recueil, considéré comme le sommet de son art poétique. Pas même de tragique : les sentiments se transforment en faits, s’animent dans un bestiaire étrange peuplé de créatures, minérales, végétales, animales ou humaines, figées entre vie et mort, entre deux secondes mortelles.





Presque surréaliste, Jules Supervielle refuse cependant le ton de révolte outré du Manifeste. Surtout, il reconnaît l’insignifiance de son âme et oppose sa modestie aux ambitions parfois mégalomaniaques des surréalistes. Tous ses poèmes ne fonctionnent pas avec la même intensité mais ceux qui sont les plus réussis transmettent courage et grâce. Après avoir longtemps hésité à céder à la tentation de la mort, Jules Supervielle semble avoir refusé ce territoire des merveilles figées pour choisir de rester parmi le peuple des os et du cœur.

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L'enfant de la haute mer

C'est un bouquet de fulgurances poétique qu'offre Supervielle, avec ces contes au fantastique parfois burlesque.

Des histoires en forme de rêves, parfois, dans lesquelles le lecteur subjugué se laisse emmener. Mondes marins ou aériens, habités d'ombres ou de créatures étranges. Terres cruelles et fascinantes où une voix étrange résonne, où un homme meurt après un long voyage, où un autre mute étrangement.

Le livre refermé, je reste avec un tourbillon magique dans la tête.

Je garde le livre non loin, à portée de doigts.

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Supervielle : Oeuvres poétiques complètes

Jules Supervielle est né en 1884 à Montevideo, comme Laforgue (en 1860) et comme Lautréamont (en 1846). Avant l'âge d'un an, emmené en France par ses parents, il se retrouve brutalement orphelin. Recueilli par sa grand-mère, puis élevé par son oncle Bernard, qui le ramène à Montevideo. Agé de 9 ans, il découvre que ses parents ne sont pas ses géniteurs.

Il commence à écrire, des Fables. L'année suivante, retour en France et scolarité à Janson-de-Sailly. Le petit Jules parle espagnol, anglais et français. En 1901, il a 17 ans, il publie "Brumes du passé", poèmes frémissants et mélancoliques.

Dix ans plus tard, "Comme des voiliers" est dédié à sa femme, et commence par Le Clair Sourire.

Orphelin, vagabond et amoureux, il possède le don de nous faire apercevoir ce qui se cache sous la mer ou au fond des forêts, ce qui palpite sourdement dans nos entrailles, ces choses qu'on devine sans les comprendre.
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Le voleur d'enfants

- " Tu te trouves bien ici, mon petit ? Je veux que tu sois heureux dit l'homme. Tu ne t'ennuieras pas chez moi, il y a d'autres enfants qui t'attendent. "

On tend à Antoine une main de quinze ans et deux autres qui sont plus petites que les siennes.



Parce que le Colonel Bigua et sa femme Déposoria ne peuvent avoir d'enfant, et plutôt que de lancer une procédure d'adoption trop longue, kidnapper des enfants leur parait la meilleure solution. Mais pas n'importe quels enfants : les plus malchanceux, d'autant plus que leur fortune permet d'offrir une vie luxueuse aux enfants volés.

Antoine est confus. Il vient de perdre Rose, la bonne, devant les galeries Lafayette. Aussi, lorsque la limousine du Colonel Bigua s'arrête à sa hauteur et que l'homme lui propose gentiment de monter, bizarrement, Antoine suit cet homme qu'il ne connaît ni d'Eve, ni d'Adam. Au terme du trajet, il fait la connaissance de trois autres enfants volés, évoluants à leur guise dans la somptueuse demeure du couple. L'univers du Colonel bascule à l'arrivée de Marcelle, une jeune fille dont le père alcoolique presse Bigua de l'acceuillir au même titre que les autres enfants kidnappés



Lorsque je me suis lancée dans ce récit, j'avais un sérieux doute quant à sa qualité, ne connaissant nullement les ouvrages de Jules Supervielle. Je me suis laissée véhiculée dans cette limousine et je ne regrette en rien mon voyage. Si le début du roman ressemble à une sorte de conte, au fil des pages l'atmosphère devient plus soutenue. Tout laisse supposer que la rivalité amoureuse entre Joseph et le Colonel Bigua va virer au cauchemar. Mais Joseph claque la porte, décidé à vivre sa liberté, tandis que Bigua vogue vers l'Amérique du sud, son pays natal, où il compte bien couler des jours heureux en compagnie de Déposoria et des enfants volés.



Une lecture dans laquelle on ne s'ennuie pas. Une fois le décor bien planté, tout s'enchaîne très vite et l'on sent bien la tension monter crescendo, jusqu'au dénouement final. Le personnage du Colonel est décrit d'une manière assez impressionnante, mystérieuse. Les zones d'ombres entourant cet homme, donne au récit une touche plus captivante.



J'ai éprouvé le même ressenti que pour Thérèse Raquin de Zola. Une similitude d'écriture et une atmosphère pesante, laissant entrevoir une terrible fatalité.

Ce n'est pas un coup de coeur, mais une lecture somme toute, assez agréable.
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Le forcat innocent / Les amis inconnus

Après les Gravitations considéré à juste titre comme son recueil poétique d’excellence, le recueil suivant publié par Jules Supervielle est celui du Forçat innocent.





Quelques charmants poèmes ne répondent toutefois pas à la question légitime suivante : était-il utile de publier ce nouveau recueil alors que le précédent constituait à la fois un chef d’œuvre et le point culminant d’un art poétique ? Au-delà de la réconciliation avec soi-même et avec l’univers, dans la transparence et la pureté littéraires les plus déliées, peut-on continuer à écrire des poèmes ? C’est une tentation qui fait prendre le risque de diminuer la puissance conclusive des poèmes des Gravitations.





Avec le Forçat innocent, Jules Supervielle reste fidèle à lui-même. Cinq ans après sa dernière publication poétique, cette ressemblance est problématique : Jules Supervielle a-t-il voulu s’imiter ou n’arrive-t-il plus à se renouveler ? Les poèmes de ce recueil abordent les thématiques et utilisent les images poétiques des Gravitations comme si Supervielle regrettait déjà de moins les reconnaître, et essayait malgré tout de se les réapproprier. Il faut peut-être lire les poèmes de ce recueil avant de découvrir ceux plus puissants des Gravitations.
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L'enfant de la haute mer

Une relecture faite avec appréhension, de peur d’être déçue tant j’avais gardé de bonnes impressions de ce texte sans arriver pour autant à me souvenir de quoi que ce soit. Comme il s’agit d’un recueil de nouvelles j’ai choisi de les lire en commençant par la fin, pour lire en dernier la nouvelle titre. En général dans les recueils de nouvelles, c’est la nouvelle titre qui est la meilleure et assez souvent l’éditeur la place en premier. Comme choix éditorial c’est compréhensible (le lecteur est accroché), mais c’est tout de même un peu dommageable pour le lecteur, qui reste sur sa faim, et pour l’auteur parce que le lecteur ne reste pas sur la meilleure impression possible. Ces nouvelles ont ceci de particulier qu’il me semble impossible de les divulgacher car l’essentiel n’est pas du tout dans l’histoire ni vraiment dans sa chute.



«L’enfant de la haute mer» : une fillette solitaire, unique habitante d’un village dans les profondeurs d’un océan. Le village n’apparaît qu’à ses yeux quand elle est éveillée. Ce récit est tout en douceur, plein de délicatesse et d’émotions. La plume de Supervielle est légère, elle glisse comme une onde tranquille...

"Le Boeuf et l'Âne et la Crèche" : la nativité racontée du point de vue du bœuf et de l’âne de la crèche, plus exactement surtout du point de vue du bœuf...

"L'Inconnue de la Seine" : un deuxième texte qui se passe sous les eaux, dans l’univers des noyés. L’histoire d’une jeune noyée de la Seine qui découvre cet univers...

"Les Boiteux du Ciel" : un jeune homme qui n’a jamais osé aborder une jeune femme la retrouve au ciel après sa mort...

"Rani" : un indien est choisi comme cacique de son clan puis, défiguré, est rejeté par celui-ci...

"La jeune fille à la voix de violon» : une enfant à la voix de violon préfère solitude et silence de peur de dévoiler ses sentiments. Cette nouvelle poétique très courte et un peu triste plairait probablement à un psychanalyste.

"Les suites d'une course" : un jockey se retrouve changé en cheval. Dans le film «Didier» Alain Chabat n’avait rien inventé. Nouvelle pleine d’un humour absurde et de fantaisie.

"La piste et la mare" : fin sordide et cruelle d’un colporteur au fin fond de la pampa, un meurtre absurde et toujours un texte qui hésite entre poésie délicate et surréalisme.

Supervielle est un poète, mais il est difficile de qualifier ces textes de poésies en prose, il s’agit clairement de nouvelles; il est cependant tout aussi difficile, voire impossible de ne pas percevoir le poète dans cette prose, dans le premier texte en particulier. Les sujets et thèmes abordés sont plutôt lourds, presque tous liés à la mort, et pourtant quelle impression de sérénité et de légèreté au sortir de cette lecture !
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Le voleur d'enfants

Jules Supervielle aurait pu dire le gentil voleur d'enfants! Il a fallu qu'Antoine ait été kidnappé par le très gentil voleur d'enfants, le colonel Philémon Bigua pour que Hélène, sa mère, se rende compte de son manque d'affection pour son fils ou elle est simplement incapable de l'extérioriser, même quand elle le retrouve, sa joie n'est pas du tout enthousiasmée, elle est même confuse.

C'est bien là une réflexion sur l'amour maternel, le fait d'être femme peut-il faire qu'on soit une mère affective?...
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L'enfant de la haute mer

Les huit nouvelles "surréalistes" de ce recueil sont autant des contes fantastiques que des poèmes. On y retrouve, dans un style simple et facile à lire, agrémenté de l'humour malicieux et décalé de Supervielle, un questionnement plus profond, plus sérieux, sur le rapport entre la soi-disant réalité et la fiction , entre la vie et la mort. Ce questionnement se rapproche de celui de Saint Exupéry et ,comme le Petit Prince, interpelle aussi bien l'adulte que l'enfant, ou plus probablement l'enfant en chacun de nous, plus à même de se "reconnecter" au sens profond des choses. Ce n'est pas un hasard si les personnages mis en scène sont "en rupture de ban", autant de funambules glissant sur une frontière ambiguë, presque morbide. souvent au bord d'une faille, au bord du vide. Mais, dans ce recueil, le questionnement poétique inquiet se trouve équilibré par un conte fantastique plus tendre et chaleureux, qui rassure l'enfant que nous sommes. L'enfant de la Haute Mer nous fait plonger dans les eaux inconnues du rêve et de l'inconscient, mais à travers des personnages auxquels on compatit plus qu'on s'identifie ; ce qui nous permet de rester étroitement arrimés au cadre du lit, serrant bien fort le doudou familier.
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Choix de poèmes

J'ai trouvé cette édition de 1947 dans une boutique oxfam, et j'y suis très attachée car elle offre un large choix de poèmes, tirés de recueils différents, et permet bien d'appréhender l'univers de ce poète si secret.



Jules Supervielle a été déchiré dès le plus jeune âge entre deux pays: né en Uruguay, il est revenu en France, bébé, avec ses parents qui y sont morts juste après. Il s'est partagé toute sa vie entre ces deux endroits aimés.



L'appel du voyage, le goût de la mer et du large se retrouvent pleinement dans sa poésie, d'ailleurs l'un de ses recueils s'intitule "Débarcadères".



Le thème de l'eau est de ce fait très présent dans son oeuvre:



" Mémoire des poissons dans les criques profondes,

Que puis-je faire ici de vos lents souvenirs,

Je ne sais rien de vous qu'un peu d'écume et d'ombre

Et qu'un jour, comme moi, il vous faudra mourir."



Un autre aspect qui me frappe ,c'est sa chaleur humaine, son besoin des autres, au- delà de sa réserve naturelle.J'ai remarqué qu'il utilisait souvent le mot "visages":



" De beaux visages se formant

Autour de ma plume avançante ".

Il a d'ailleurs eu des amis très fidèles, comme Jean Paulhan ou Henri Michaux .



En plus de ses blessures personnelles, il a connu la guerre , dont il témoigne par écrit :



" Compagnons du silence, il est temps de partir,

de grands loups familiers attendent à la porte."



Pour moi, Jules Supervielle est un poète de l'intime dans ce qu'il a de plus délicat, de plus pudique. Il se laisse deviner, effleurer, mais ne se révèle jamais vraiment.Ses vers fluides, à l'image de son attirance aquatique, sont plus complexes qu'ils ne paraissent. Il faut creuser les mots, les humer, les rêver ... Certains de ses textes me bouleversent toujours comme son vibrant "Hommage à la vie":



" C'est beau d'avoir élu

Domicile vivant

Et de loger le temps

Dans un coeur continu,

Et d'avoir vu ses mains

Se poser sur le monde

Comme sur une pomme

Dans un petit jardin

D'avoir aimé la terre,

La lune et le soleil,

Comme des familiers

Qui n'ont pas leur pareils (...)



On sent que toute son existence a été baignée de poésie, qu'elle a été son essentiel. Comme il l'écrit à la fin du poème cité juste avant, c'est beau :

"D'avoir senti la vie

Hâtive et mal aimée,

de l'avoir enfermée

Dans cette poésie. "



C'est beau aussi de lire et relire Jules Supervielle....





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L'enfant de la haute mer

Ce recueil comprend huit nouvelles à savoir "L'enfant de la Haute Mer", nouvelle éponyme de l'ouvrage, "Le Boeuf et l’Âne et la Crèche", "L'Inconnue de la Seine", "Les Boiteux du Ciel", "Rani", "La jeune fille à la voix de violon, "Les suites d'une course" et enfin "La piste et la mare".



Il est vrai que le thème de l'eau est omniprésent dans toutes ces nouvelles mais un autre qui est tout aussi important et à ne surtout pas négliger est celui de la mort. Bien que l'écriture de Jules Supervielle soit pleine de poésie, j'ai néanmoins ressenti un certain malaise à lire ces nouvelles en raison de l'atmosphère morbide qui s'en réchappent.



L'écriture est néanmoins très agréable et l'auteur s'amuse à jouer tantôt sur l'humour tantôt sur le drame. Certaines nouvelles m'ont donc à la fois fait sourire telles "Les suites d'une course" dans laquelle cavalier et cheval portent le même nom, aussi bien que le maître, se sentant plus cheval qu'homme, fini par se transformer en monture ou émue ou encore "La jeune fille à la voix de violon" alors que d'autres m'ont au contraire émue et m'ont même laissée avec un certain mal-être.



Je recommande néanmoins cette lecture car celle-ci reste agréable et se lit en un rien de temps.
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Gravitations

Probablement un de mes poètes préférés, découvert ces dernières années. Ses poèmes sont des fables, presque des paraboles. Dans des vers accessibles, il invite le lecteur au dialogue.



Dans Débarcadères, il apparaît en poète du voyage, nous nourrissant d'exotisme et de sensualité. L'homme se confronte à la nature. Celle-ci, brute, immuable et physique, rend l'homme petit, fragile, contingent, dérisoire....

Dans Gravitations, presque surréaliste, mais pas tout à fait, il nous donne à voir un monde apparemment léger, évoquant les oiseaux, les nuages, les nuits étoilées, tout en s'appuyant sur les connaissances scientifiques de son temps.



Mais s'en tenir là serait méconnaître la profondeur de son exploration poétique, déformant le réel. Sous des dehors humoristiques et malicieux, Jules Supervielle introduit le paradoxe, brouillant, dans une expression qui reste simple, le sens habituel des image et des mots... ce faisant, il nous fait toucher du doigt, avec modestie et lucidité, la réalité toute relative des choses. A sa lecture, on entre en méditation.



Partir, pour mieux se retrouver... à travers le voyage, Jules Supervielle nous invite en fait à une quête intérieure et spirituelle. Le but n'est pas le voyage en soi, mais le fait de s'embarquer. Paradoxe..., l'homme se met à rêver, et cette confrontation se révèle alors passage immobile, "débarcadère" , vers plus grand; Alternant vers réguliers et libres, il semble hésiter, pris dans la houle, questionnant l'univers..

Rien de cérébral dans cette exploration, qui s'appuie cependant sur une bonne connaissance scientifique. Il nous livre des clés, mais c'est à chacun d'interroger son être intérieur, après avoir laissé son ego gisant su rla bastingage. Sa démarche fait penser au questionnement des maîtres bouddhistes : sans rien forcer, partant des situations matérielles vécues par chacun, il nous amènent à toucher avec le coeur les ressorts cachés de nos actes, de la vacuité, le sens des choses au-delà des sens.



Dans Gravitations aussi, l'espace et le temps perdent leurs amarres. Dans une démarche métaphysique que je rapprocherais de celle de Miro, il nous extrait des lourdeurs de ce monde sot disant "réel", tout en lui conservant l'empathie due à l'humanité . Cette démarche génère une certaine angoisse, car "graviter" c'est aussi se rapprocher de la mort, et s'extraire, c'est s'interroger sur le vide, le néant, et perdre tout repère, comme dans le voyage.



Mais au final la poésie de Supervielle reste fraîche et optimiste, nous rassure, transcende les angoisses et difficultés, comme autant d'apparences vaines, et invite à une quête d'absolu, non par la connaissance mais par l'observation méditative d'un nuage, d'un oiseau, d'une nuit étoilée.



Supervielle, dans cette exploration du cosmos, qui confronte l'homme à ses peurs, est le poète-guide que je choisirais, plutôt que le surréalistes, Réda ou René Char ; car il le fait avec douceur et légèreté, avec une retenue et une simplicité, qui ne nuisent pas au double-sens des images et des mots, que chacun peut ainsi assimiler à son rythme.





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L'enfant de la haute mer

"Comment s'était formée cette rue flottante ? Quels marins, avec l'aide de quels architectes, l'avaient construite dans le haut Atlantique à la surface de la mer, au-dessus d'un gouffre de six mille mètres? Cette longue rue aux maisons de briques rouges si décolorées qu'elles prenaient une teinte gris-de-France, ces toits d'ardoise,de tuile, ces humbles boutiques immuables? Et ce clocher très ajouré? Et ceci qui ne contenait que de l'eau marine et voulait sans doute être un jardin clos de murs, garni de tessons de bouteilles, par-dessus lesquels sautait parfois un poisson?"



Ainsi commence ce charmant, mais si énigmatique, livre de Jules Supervielle.



Il s'agit d'une nouvelle bien étrange où le lecteur rencontre une petite fille, très seule, unique habitante de ce village liquide, guettant sans fin l'apparition d'un bateau qui pourrait naviguer jusqu'à elle. Mais en vain !



Conté d’une voix d’apparence égale et calme, cette courte nouvelle évoque les profondeurs insondables et terribles de l’âme. Une fois lu, on ne peut l’oublier, il marque à jamais le souvenir, et remonte au souvenir, tel le spectre de cet enfant des abîmes de la mer, à des moments de croisement dans la vie...
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L'enfant de la haute mer

Livre bien écrit, mais il m'aura déçue car je m'attendais à autre chose... Il y a de la poésie, mais c'est une ambiance très surréaliste, trop pour moi. Rendez-vous à moitié manqué avec ce grand poète.
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L'homme de la pampa

Jules Supervielle le flâneur des deux rives de l'Atlantique, fait le lien entre son passé sud-américain et son présent parisien. L'ex-enfant de la pampa met en scène un adulte au corps volcanique, gorgé de rêves qui ne demandent qu'à entrer en éruption pour le plus grand plaisir du lecteur prêt à applaudir devant un étonnant spectacle d'acrobatie. le personnage principal ne se confond pas explicitement avec l'auteur, mais il ressemble à son avatar mégalomane.



Il se contorsionne, s'agrandît, comme si son corps le limitait. Prestidigitateur, il pousse les indésirables dans la mer et en sort une sirène. Mais surtout, ce bâtisseur construit des volcans à son image, car ils brassent des objets disparates, aux allures de souvenirs, dans le but de les convertir en énergie créatrice. du passé surgit le Futur, nom du mini-volcan spécialisé dans le domaine olfactif. Or, on sait que les souvenirs les plus intenses de l'enfance s'impriment via les odeurs. Voilà sans doute pourquoi cet échantillon volcanique est le seul que le héros peut emporter avec lui en France. Une nouvelle limitation. Cela forcera la lave à sortir par des voies imprévues, qui pourraient tout aussi bien être les pages de ce livre. On peut s'étonner de tant d'effusion chez un amoureux de la mer, mais à bien y réfléchir, la plupart des volcans ne sont-ils pas sous-marins ?
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Le forcat innocent / Les amis inconnus

J'ai commencé à lire ces poèmes il y a environ 30 ans et je ne me lasse toujours pas de les re re re ...relire.

Il y a de la magie dans ces textes où l'on trouve tous les thèmes de prédilection de l'auteur : la vie, l'amour, la mort, la vie après la mort, les moments où le temps s'arrête et bien sur la création artistique avec les magnifique poèmes "le pommier" et "les chevaux du temps".
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L'enfant de la haute mer

Dans ce livre, vous trouverez :

Un enfant dans un village vide en bord de mer,

La Crèche visitée et revisitée,

Une noyée qui ne se sent pas morte parmi des ombres grises,

Un homme défiguré condamné à la solitude, Une enfant à la voix étonnante,

Un homme en son cheval (oui, « en » et pas « et »...),

Un crime qui ne reste pas impuni.



Il y a un parallèle évident avec les nouvelles de Michel Tournier : j'y retrouve le même enchantement et la même poésie un peu folle. La douceur aussi et le goût d'un merveilleux qui n'est pas niais, mais qui réapprend à rêver. « Souvent les bœufs font semblant de ruminer alors qu'au fond de leur âme ils chantent. » (p. 37) C'est beau, tout simplement, parce que c'est faussement naïf, mais véritablement candide. Ça parle de l'homme et ça célèbre son pouvoir d'imagination. « Marins qui rêvez en haute mer, les coudes appuyés sur la lisse, craignez de penser longtemps dans le noir de la nuit à un visage aimé. » (p. 22)



Pendant mes études, j'ai étudié La fable du monde du même auteur. Ce poème au long cours raconte la création du monde. Et j'ai retrouvé dans ce recueil de contes la même spiritualité profonde. « Quand le visage est obligé de sourire pour des besoins professionnels, il faut bien que notre humaine tristesse se réfugie quelque part. » (p. 149)



L'enfant de la haute mer est une magnifique lecture dont j'avais, sans le savoir, le plus grand besoin.
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