AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Jules Supervielle (90)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


La fable du monde

Une poésie étonnamment simple, loin de la suspension du sens que cherchent la plupart de ses contemporains, voilà sans doute ce qui fait la particularité de Supervielle. Il y a dans ses vers, souvent classiques, une limpidité qui ramène à des époques anciennes, la genèse du monde ou l’enfance, peut-être. Il y a aussi, et c’est ce qui touche profondément à la lecture de sa poésie, cette volonté de décrire l’expérience humaine dans ce qu’elle a de plus fondamental et de plus mystérieux, sans pour autant que le mystère ne vienne troubler la lucidité du poète qui pense à son monde intérieur, à ses nerfs, à ses organes qui répondent un par un aux astres du ciel, réveillant ainsi la veille théorie du microcosme et du macrocosme et jouant cette partition harmonique que l’on croyait perdue depuis belle lurette. Cette expérience de l’infini du dedans de l’homme s’élargit même à celle, plus mystérieuse et plus simple encore, du dedans de Dieu, qui se voit créer le monde et qui s’étonne de se sentir devenir arbre ou homme, comme si la création n’était que duplication infinie faisant de chaque parcelle de l’univers entier à chaque fois un fragment complet (étrange expression…) de Dieu. Le poète est Dieu, puisqu’il parle pour lui et puisque comme lui, il sent en lui un monde qui lui échappe alors qu’il constitue sa plus sûre identité. Rien de religieux dans tout ça, juste le sentiment vrai d’être tout. Dieu, c’est le poète au carré, l’infini multiplié par l’infini.

Commenter  J’apprécie          170
Boire à la source, confidences de la mémoire et..

On retrouve, délié en prose, des thèmes chers à Supervielle qui faisaient vers.

Autobiographie traversée par le passage, les marques du temps, où il flotte comme un air de fables au long du récit, dans un style un peu incolore mais léger, aérien et toujours juste : c'est que sa voix préférée le peu pertinent au beaucoup qui produit trop de de déchets.

Supervielle se surplombe sans arrêt et son introspection aussi est poétique, qu'il traite des traversées maritimes, de son enfance, des bovins ou de la guerre. Belle distance avec lui-même.

Nous sommes un corps pensant et / ou un esprit incarné semble nous dire le poète avec brio et incrédulité.
Commenter  J’apprécie          150
L'enfant de la haute mer

Chez Supervielle, rien ne s'efface facilement. Les désirs et les regrets maintiennent les corps dans une dérive douce-amère à travers la nature, et l'eau en particulier. La mer alimente la rêverie de cet auteur, car elle rattache la France à l'Uruguay de son passé. Elle donne à voir une enfance inaccessible, à l'image de cette jeune fille incapable de grandir et retenue dans une ville marine invisible même aux navigateurs, sans issue apparente. L'image de sa vie au milieu de l'océan surnage dans les songes du lecteur, mais pas que.



Supervielle rumine l'enfance perdue, obsession d'une (re)naissance impossible. Ainsi, le pauvre boeuf de la crèche, subjugué par la Nativité, néglige sa propre vie, qui lui paraît dérisoire et l'abandonne à l'enfant qui le fascine, un sacrifice perdu dans les révérences de la nature, d'autant plus beau qu'il est inutile.



L'humour fantaisiste souligne parfois l'impossibilité du renoncement, tel ce jockey changé en cheval qui conserve sa jalousie humaine envers son ancienne maîtresse (au sens amante) devenue sa maîtresse (au sens de propriétaire).



Nous flottons avec ces personnages, loin de leur vie passée. La dérive ne peut s'achever qu'en laissant la bulle mélancolique éclater et se disperser à la surface. Via une mort définitive ou une parole amoureuse, comme dans la nouvelle "Les boiteux du ciel".



Avec des thématiques aussi sensibles, il serait aisé de tomber dans le pathos larmoyant et la niaiserie. Et c'est là que Supervielle est immense, puisqu'il zigzague tout en simplicité entre ces écueils, avec la même douceur que ses héros noyés. Pour rejoindre la haute mer. Et s'assurer qu'un peu de sa vie persiste, au delà de la mort.
Commenter  J’apprécie          150
Le forcat innocent

Un poète timide et discret comme ses "amis inconnus".



Il se dérobe, se cache, s'effarouche mais si on sait l'attendre, l'entendre, écouter son murmure, si on se laisse charmer par ses images douces, déployées dans la pénombre, enfin, il se laisse apprivoiser.



Quelle récompense, alors, à notre patience: on a gagné un trésor de vers magiques, à dire à mi-voix.



On est amis de la nuit pour toujours. Les arbres nous parlent. Le monde s'ouvre comme un bivalve des profondeurs, tout nacré à l'intérieur...
Commenter  J’apprécie          150
Un boeuf de Chine

Nous avons découvert plusieurs livres de la collection « petits géants » où « les petits et les grands géants se rencontrent pour se raconter des histoires ». Ici, un très beau poème de Jules Supervielle que je ne connaissais pas. Les illustrations de Marc Daniau n'ont pas plu à ma petite lectrice. Moi, en revanche, j'ai apprécié le clin d'œil à la pollution dans la page dont le texte est « le tour de la planète ».
Commenter  J’apprécie          140
Le voleur d'enfants

Un jour Antoine sort avec sa bonne, Rose, en quête d'un nouveau costume. Une fois sorti de la boutique, portant fièrement ses nouveaux vêtements, l'enfant est séparé de sa protectrice. Un homme lui propose de monter dans sa belle voiture. Avec une grande ingénuité, et tout à fait rassuré par le regard bienveillant et la voix profonde de cet bomme, Antoine n'hésite pas. Il est emmené dans le bel appartement du colonel Bigua, où se trouvent trois autres garçons...



Un très bel ouvrage, une vraie plume. Jules Supervielle conte dans ce cours roman l'histoire d'un homme désireux d'avoir des enfants, qui se rêve père et s'y perd. L'amour filial, l'Amérique du Sud, la solitude, la paternité, l'amour sont autant de sujets abordés. Mais aussi la folie, la pauvreté, la lâcheté...

Même si cet ouvrage est souvent tendre, parfois mélancolique, il reste angoissant. Il me laisse une impression étrange, entre mal-être et angoisse.
Commenter  J’apprécie          131
L'enfant de la haute mer

"Et si nous regardions la vie par ses interstices?" cette question posée par Jules Supervielle tourne en vrille dans ce recueil de prose poétique.

Orphelin très jeune, l'auteur qui nous livre ici huit nouvelles courtes ou plutot huit petits contes, reste toujours attentif aux fantomes de son monde intérieur. Son enfance uruguayenne, sa vie d'un océan à l'autre, le thème de la différence,du doute,de la solitude et de la mort abordée de façon pudique parsèment ses écrits.Se dissociant des surréalistes, il évoque le mystère de l'absence et l'irréalité de la mort d'une manière apparentée au fantastique.

Ce livre jeunesse est tout public, c'est du rêve, de l'âme profonde, non de l'inconscient.

Tour à tour nous découvrons ici des personnages délaissés entre vie et mort:

la petite fille prisonnière d'une rue flottante, qui habite seule un village liquide, née de l'imagination de son père marin et qui revit grace à lui.

la jeune noyée de la Seine, son vécu et son ressenti par rapport aux autres noyés

le boiteux qui a aimé une jeune femme sans jamais oser l'aborder dans une bibliothèque et qui au ciel vit pleinement son amour

le boeuf et l'ane de la crèche émerveillés face au petit jésus.

Rani le jeune indien défiguré rejeté par sa tribu et son pouvoir de vengeance

la fillette à la voix de violonqui garde le silence de peur de révéler ses sentiments

la métamorphose d'un homme en cheval

la fin sordide d'un vagabond



Bref, des histoires surprenantes, décalées où la souffrance est traitée par touches légères qui chuchotent, se racontent et flottent un peu devant nos yeux comme une petite fille de la haute mer.
Commenter  J’apprécie          120
Gravitations

Recueil que je relis avec beaucoup de plaisir.

Des poèmes hors du temps : anciens, actuels, rimes, non rimes, rythme, non rythme, lyrisme, non lyrisme... Tout cela, toutes ces frontières, toutes ces catégories, se trouvent comme par enchantement largement dépassées avec Superviel : aucune mode, aucune idéologie, rien à prendre de "l'air du temps" dans sa mauvaise acception du terme, mais tout à prendre de la poésie !!!... sur les tempos de la vie certes, mais avec ce "je ne sais quoi" de fable, de rêve intemporel, universel, de limpidité aussi qui pour ma part me vont à ravir et me séduisent...

*

Merci à babelio pour me donner ainsi l'occasion et l'envie de "revisiter" les livres de ma bibliothèque !!!

*

Superviel ? à lire et à RE-lire donc ! ...
Commenter  J’apprécie          110
L'enfant de la haute mer

Entre nouvelles et contes, ce recueil d'histoires oniriques à la fois tristes et lumineuses parlent de mort, d'absence, d'intégration, d'acceptation de soi et des autres, et de destinée... Des thèmes intemporels qui font que ce livre reste d'actualité même longtemps après sa publication initiale. Ce qui signifie également qu'il n'est jamais trop tard pour découvrir des auteurs dits classiques.
Commenter  J’apprécie          100
Supervielle : Oeuvres poétiques complètes

Supervielle est un poète pour tous les âges, comme Prévert. Parce qu'il recèle du merveilleux, parce qu'il est celui qui, les pieds sur terre, fait rêver aux étoiles. Parce qu'il sait aussi parler des choses simples et de ceux qu'il aime.
Commenter  J’apprécie          100
La fable du monde

De Jules Supervielle, je ne connaissais au début que ses nouvelles presque surréalistes. Je me rappelle comme si c’était hier (et c’est loin d’être le cas…), de la première fois où j’ai lu L’Enfant De La Haute Mer, en classe de primaire, suite à une dictée ou quelque exercice de ce genre. Par la suite j’avais emprunté le recueil de nouvelles au CDI, et bien plus tard j’ai découvert ses poèmes.



Contrairement aux nouvelles, la poésie de Supervielle ne s’inscrit pas dans le Surréalisme. On y retrouve la fragilité, la douceur, une élégance de chevalier d’un autre temps. Est-ce de n’avoir pas connu ses parents, morts dans sa très jeune enfance ; est-ce d’être de deux patries, et donc du monde, la poésie de Supervielle est de celle qui trace un chemin vers le cœur, discrètement mais pour longtemps.



De manière tout à fait personnelle, et peut-être à cause de L’Enfant De La Haute Mer, Jules Supervielle est pour moi le poète de l’océan, des rivages et des voyages imaginaires. Mais ce serait vain et réducteur de vouloir l’assigner quelque part. Supervielle est un poète, et comme tous les poètes : le messager universel de la beauté et des sentiments humains.
Commenter  J’apprécie          91
L'enfant de la haute mer

J’ai eu l’impression de me retrouver dans un jardin familier où se promènent Prévert, Aymé, Buzzati et même Barjavel.

La langue est belle, la poésie magistrale et l’absurde si délicatement raffiné.

De très belles petites scènes qui témoignent souvent d’une humanité fragile.
Commenter  J’apprécie          80
Le forcat innocent / Les amis inconnus

Avec ses mots toujours simples, Supervielle n'a pas son pareil pour écrire selon les mouvements d’une mer paisible. Sa plume se dépose sur la p(l)age par douces vagues, et se retire en y laissant d'innombrables chemins dessinés par des ruisselets d'encres. Des pistes diffuses, vers les origines. Pour le lecteur, cet écoulement est difficile à « saisir » sans déformer les motifs tracés. Ainsi les vers suivants lui sont-ils présentés comme un problème à résoudre :



« Saisir, saisir le soir, la pomme et la statue,


Saisir l'ombre et le mur et le bout de la rue.

Saisir le pied, le cou de la femme couchée »



Le lecteur n'est pas seul à trébucher maladroitement dans ses tentatives pour s'approprier le sens de ces images : la mémoire du poète l'éloigne aussi de ces choses qui lui sont chères. Leur existence de jadis est oblitérée, remplacée par un présent observable dans des oiseaux prenant leur essor. Une rêverie mélancolique s'installe.



« Combien d'oiseaux lâchés 

Combien d'oiseaux perdus qui deviennent la rue,

L'ombre, le mur, le soir, la pomme et la statue.».



Face au tourment du temps qui s'écoule, Supervielle recherche en permanence l'apaisement, et le trouve dans l'humilité, qui efface son corps et « coupe à ras » ses mains avides de tout ramener à celui qu'il a été. En dissolvant sa vie dans la nature, Supervielle surmonte sa crainte de la mort, et semble même avoir oublié de la rencontrer, puisqu'il nous parle encore :



« Disparais un instant, fais place au paysage,

Le jardin sera beau comme avant le déluge,

Sans hommes, le cactus redevient végétal,

Et tu n'as rien à voir aux racines qui cherchent

Ce qui t'échappera, même les yeux fermés.

Laisse l'herbe pousser en dehors de ton songe

Et puis tu reviendras voir ce qui s'est passé. »
Commenter  J’apprécie          80
L'enfant de la haute mer

J'avoue avoir été surprise par le format : je pensais que L'Enfant de la haute mer était un récit - or, il s'agit de 8 contes différents. Je ne pense pas détailler chaque conte, mais l'effet d'ensemble est à la fois varié, avec des univers et personnages très différents, tout en gardant un ton uni, poétique et légèrement fantastique, voire même surréaliste.



De la cité engloutie dans "L'Enfant de la haute mer", à la ville sous l'océan qui accueille les noyés dans "L'Inconnue de la Seine", nous nous promenons par la crèche de Jésus dans "Le Boeuf et l'Âne de la crèche", le royaume des Ombres dans "les Boiteux du ciel", une cité indienne dans "Rani", la maison bourgeoise d'une famille tranquille dans "la jeune fille à la voix de violon", les champs de courses d'Auteuil, avec Rufus l'homme-cheval, et un rancho dans les plaines d'Amérique latine, dans "la piste et la mare".



Nous voyageons, et ces univers ouverts, le temps d'un conte précisément ciselé, se déroulent entre rêve et réalité, imagination et trivialité, superbe et bassesse ; l'atmosphère est comme hors du temps, philosophique et métaphysique, non sans quelques touches délicates d'humour. Il s'y pose la question de la mort, de l'éternité, de la perception de l'existence. Il se dégage également une douce mélancolie de leurs intrigues, ce sont des personnages qui, souvent, n'ont pas eu de chance, ou ont été trompés, égarés, ou encore sont différents et plus ou moins rejetés...



Tous ces contes m'ont plu, et je les ai lus avec plaisir, j'ai préféré "Le boeuf et l'âne de la crèche", qui donne un point de vue original sur la naissance de Jésus, en une langue très poétique. L'ensemble me fait penser à ces crèches en terre d'Amérique latine, naïves et colorées, pleines de vie.
Commenter  J’apprécie          70
Le voleur d'enfants

Je connaissais déjà Supervielle comme (grand) poète, mais je n'avais jamais découvert sa prose. J'ai réparé cette lacune en lisant ce court roman. J'avoue que cette lecture m'a un peu désarçonné. En effet, l'auteur nous met en présence d'un (vrai) voleur d'enfants, le colonel Philémon Bigua, présenté comme bienveillant et altruiste. Sa motivation principale ? il n'a pas pu avoir d'enfants avec son épouse. Dès les premières pages, on le voit en action: il kidnappe "gentiment" Antoine, un enfant de 7 ans. Il a une sorte de génie pour "choisir" les enfants qui ont du mal avec leur vie familiale. Par exemple, Antoine est plutôt mal aimé par sa mère. Donc il n'accepte pas la proposition de Bigua d'être ramené immédiatement chez lui, après son rapt. Tout va pour le mieux, dans le meilleur des mondes ? Non, car de nouveaux venus au domicile du colonel apportent le trouble: Bigua est déstabilisé dans son jeu de rôle d'aimable père de substitution. Je n'en dirai pas plus.

Le sujet et le ton de ce petit roman m'ont semblé assez bizarres et peu attractifs. Donc je n'ai pas vraiment apprécié "Le voleur d'enfants".

Commenter  J’apprécie          70
Le forcat innocent / Les amis inconnus

La plupart des poètes se rattachent à un mouvement ou une école (classicisme, romantisme, symbolisme, surréalisme, par exemple). Mais il en est d'autres qui font cavalier seul ("lonesome cowboys") et qui de ce fait sont parfaitement inclassables. Ce qui toutefois n'enlève rien à leur valeur. Témoin Jules Supervielle.

Jules Supervielle est un cas. On ne parle jamais de lui quand on évoque les grands poètes du XXème siècle, Apollinaire, Aragon, Eluard et les autres. Pourtant il est leur égal sur bien des points.

Si je me suis intéressé à lui c'est d'abord à titre personnel : c'est un compatriote. Jules Supervielle (1884-1960) est né à Montevideo (Uruguay) (comme Lautréamont et Jules Laforgue), mais sa famille était originaire d'Oloron-Sainte-Marie (Basses-Pyrénées, aujourd'hui Pyrénées-Atlantiques) et il y est enterré. Oloron est ma ville natale. Jules Supervielle aurait pu être mon grand-père.

Ensuite Supervielle est un grand poète. Son domaine à lui ce n'est pas l'épopée, ni la satire, ni le pamphlet, ni même la poésie purement lyrique. En fait sa poésie échappe elle aussi à toute classification : elle est à la fois familière, profonde, très proche de la nature, et très proche des humains. Elle n'a pas la transparence d'Eluard, le lyrisme d'Aragon, l'humour de Desnos, elle ne revendique aucun modernisme, ne s'enferme pas non plus dans un quelconque passéisme. Elle est sa poésie, la poésie de Jules Supervielle, subtile, souvent touchante, attachée à des sentiments comme la nostalgie ou une forme de désenchantement, peut-être, mais dont le fil rouge semble être la place de l'homme dans le monde, le monde réel et le monde imaginaire.

Les deux recueils que voici donnent une idée assez précise de ce que propose Supervielle. Il fait fi des règles classiques de prosodie, de métrique et de versification, il ne se sert pas des schémas habituels, il utilise plus souvent des assonances que de rimes... le résultat donne une simplicité de forme et de ton qui emporte l'adhésion; simplicité qui n'exclut pas d'ailleurs une certaine profondeur : Supervielle nous invite aussi à réfléchir sur nous-mêmes.

J'ai mis en citation trois poèmes qui illustrent bien ce propos.

Oloron-Sainte-Marie est un hommage à la ville de ses parents, où ils moururent l'année de sa naissance, empoisonnés par de l'eau corrompue. Hommage à la cité, et au-delà hommage émouvant à ses parents et à ses ancêtres - hommage que nous pouvons prendre à notre compte, qui que nous soyons, et d'où que nous venions.

La demeure entourée, plus léger, est à la fois un hymne à la nature et une parabole sur la place de l'homme dans l'univers.

Les amis inconnus ... le titre se suffit à lui-même.

Il faut relire Supervielle, un peu méconnu aujourd'hui, parce qu'il nous parle de lui, parce qu'il nous parle de nous, parce qu'il nous parle du monde qui nous entoure, et de celui à l'intérieur de nous...

Il faut relire Supervielle parce qu'il le vaut bien, et parce que Supervielle, c'est un peu nous.



Commenter  J’apprécie          60
L'enfant de la haute mer

« L’enfant de la haute mer » Jules Supervielle (Folio 158 pages)

Écrites en 1931, huit nouvelles d’un auteur que je n’avais jamais lu - mais n’avais-je pas appris l’un ou l’autre poème de lui durant ma scolarité du primaire ? Juste le souvenir du nom.

Impossible à résumer, ces brèves convoquent l’onirisme, le fantastique, le surréalisme, parfois une certaine religiosité, et ici ou là une touche d’humour, aucune n’est réellement ancrée dans la réalité. On aime ou pas, moi je n’ai pas vraiment ressenti d’émotion. Une enfant qui vit dans un village impalpable et visible par elle seule, désert et irréel sur l’océan ; une parisienne qui se jette dans la Seine et finit, âme désincarnée, par être accueillie par les fantômes des profondeurs maritimes ; le bœuf et l’âne qui veillent très humainement sur Jésus dans la crèche, sans oublier de philosopher ; un indien promis au destin de cacique, mais qui défiguré, est rejeté par sa promise ; un jockey qui se transforme en son propre cheval… Et dans ces textes truffés d’ombres immatérielles l’on découvre que les morts ne sont pas forcément meilleurs que les vivants. Et d’ailleurs la mort est quasi présente partout dans ce recueil.

Il y a de jolies tournures de phrases, l’écriture est imprégnée d’une atmosphère poétique, mais ça n’a pas été suffisant pour m’embarquer, ni même me faire rêver un tant soit peu. Comme si cette forme de littérature, très datée, n’avait pas vraiment résisté au temps.

Commenter  J’apprécie          60
Gravitations

Jules Supervielle n'est pas le plus connu des poètes français et il n'est pas improbable que dans un futur plus ou moins proche ces écrits achèvent de se disperser dans les limbes de l'oubli. Et ce serait une importante perte pour la littérature. Il faut lire ou relire Jules Supervielle tant sa poésie est singulière, émouvante et attachante.



Pour autant, il ne faut pas craindre de s'empêtrer dans les mots qui s'accumulent, se dissipent, s'entrechoquent sous nos yeux. Rien n'est simple avec Supervielle, poète troublé et troublant. Par exemple, qui était vraiment ce Guanamiru, personnage sud-américain, comme l'était Supervielle qui naquit en Uruguay avant d'émigrer en France et de perdre ses parents à l'âge de 8 mois (et de ne l'apprendre qu'à 9 ans), et surtout double aux ardeurs débridées ? Et l'on ne peut pas aborder sa poésie sans avoir conscience de cette dualité, Supervielle homme marqué par le double sceau de la perte (de ses parents) et de l'errance (il naviguera toujours entre l'Uruguay qui l'a vu naître et la France qui l'a formé).



Cette dualité, mais aussi cette violence retenue, ce lyrisme sans cesse freiné, donne à ses vers et à sa prose une odeur, une couleur, une émotion unique. Au travers de cette plongée dans son inconscient il frôle par moment sa psychose, ses angoisses profondes qui le conduisent inévitablement à la dépression, mais parvient toujours à en réchapper par des pirouettes de langage, une réécriture de ses oeuvres ou une réminiscence à double-sens.



Malgré tout, s'il est essentiel d'approcher l'homme pour approcher l'oeuvre, il est vain de croire que l'on peut en saisir toute la richesse et la profondeur. Autant prétendre saisir l'horizon. Et finalement ce mystère, cette intimité foisonnante à l'image de la jungle amazonienne, cette complexité qui nous repousse parfois à l'écart n'occulte en rien la beauté des mots. Il me semble que si le mystère, voire l'obscurité nous attirent parfois, ce qui nous retient en fin de compte c'est la grâce. Les poèmes de Jules Supervielle en sont empreints.



Équateur



Sous la véranda de stuc rose

Les colons jambes croisés, vêtus de blanc et de soleil,

Dans la chaleur urgente n'osent

Bouger de peur de se blesser aux rais qui coupent comme verre.



[…]



Retour à l'Estancia



[…]

Je me mêle à une terre qui ne rend de comptes à

personne et se défende de ressembler à ces paysages

manufacturés d'Europe, saignés par les souvenirs,

à cette nature exténuée et poussive qui n'a plus que

des quintes de lumière,

et, repentante, efface, l'hiver, ce qu'elle fit pendant l'été.

[…]



Retrouvez des critiques et bien plus encore sur mon blog.
Lien : https://voushumains.com
Commenter  J’apprécie          61
L'enfant de la haute mer

Souvenir de mon enfance, on m'avait offert ce livre dans une collection qui contenait de superbes illustrations. L'histoire poétique de cette petite fille était aussi infiniment triste, et quand je feuilletais ce livre, j'avais l'impression de lui tenir compagnie et qu'elle souffrirait moins de cette solitude. Je le conserve encore aujourd'hui, et j'espère que mes enfants prendront plaisir à le lire.
Commenter  J’apprécie          60
L'enfant de la haute mer

Recueil qui fut très agréable à lire ; les histoires sont chacune, à leur façon, saupoudrées d’une certaine poésie, qui touche au symbolisme, voire à certains endroits au surréalisme. Le style de Supervielle est doux, léger, il me rappelle en cela celui de Mérimée, dans la limpidité de ses phrases, qui sont faites simplement, sans réel effets de style (mais le style, chez Supervielle, vient avec les images qui flirtent avec une dimension parfois onirique), mais aussi plaisant qu’une sucrerie en bouche, un petit caramel au goût nonobstant exceptionnel.
Commenter  J’apprécie          50




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Jules Supervielle (929)Voir plus

Quiz Voir plus

Les titres de Jules Supervielle

Comment sont les amis ?

méconnus
inconnus
reconnus
nus

9 questions
14 lecteurs ont répondu
Thème : Jules SupervielleCréer un quiz sur cet auteur

{* *}