Le chagrin, dit-on, est le prix que vous payez pour l’intimité du bonheur. Le seul moyen d’éviter la douleur – parfois tellement envahissante qu’on souhaite s’exclure entièrement de la vie – est d’éviter l’amour. Alors ne tombez jamais amoureux! Même si cela exige une perte encore plus grande.
Dans son nouveau livre, Levels of Life, Julian Barnes écrit sur son deuil et son chagrin mais aussi sur sa colère envers les proches qui n’ont pas le bon comportement face à la perte, qui agissent comme si son épouse n’avait jamais existé. Il écrit qu’il continue à avoir des conversations avec elle.
Il a envisagé le suicide – un bain chaud, un verre de vin et un couteau bien aiguisé. Mais surtout, il lui manque ce que les deux ont créé entre eux, la tapisserie d’une vie qui ne peut jamais être reproduite, "La perte de vocabulaire commun, tropes, taquineries, raccourcis … notes amoureuses … toutes ces références obscures riches en mémoire, mais sans valeur si expliquées à un étranger…"
C.S Lewis a écrit :
"Personne ne m’avait jamais dit que le chagrin était à ce point semblable à la peur. Je n’ai pas peur, mais ce que j’éprouve est comme la peur. C’est la même sensation au creux de l’estomac, la même nervosité, le même vide [...] A d’autres moments, l’impression ressentie est celle qu’on éprouve dans une légère ivresse ou après un choc. Une sorte de voile invisible s’étend entre le monde et moi. Je trouve difficile de comprendre ce qui se dit."
Et c’est un peu ce que Barnes exprime. Il fait le début d’une évaluation réaliste de sa souffrance, celle qui désactive et paralyse. Et pourtant, les autres ont tendance à éviter d’en parler, laisser les gens y faire face seul, avec une compétence limitée et beaucoup trop de maladresse.
Une critique de ce livre, mélange réussi mi-mémoire, mi-fiction et mi-essai sur la littérature est impossible à faire. (Oui, oui, je sais on ne peut pas avoir trois "mi", mais je suis une rebelle littéraire qui va contre les règles ordinaires de la langue, je suis comme ça!). Je ne veux pas plomber l’ambiance parce que ce n’est pas un livre triste ni déprimant, il est tout simplement sincère, intelligent et délicatement entrecoupé de références historiques et littéraires. Je vais pouvoir briller dans les dîners en société grâce à mon nouveau savoir sur les montgolfières.
Je suis heureuse qu’un auteur aussi talentueux que Barnes ait écrit un livre qui explore son chagrin. Bien sûr, son chagrin est unique, tout comme le mien, tout comme celui des autres. Mais ses éclairs de perspicacité pénétrante et sa pensée si bien articulée font que l’on puisse dire: "c’est exactement ça!" Et de souhaiter vous lisiez tous ce livre merveilleux pour apprendre et comprendre.
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http://www.labayonnaise.com