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Citations de Karl Ove Knausgård (212)


Karl Ove Knausgård
Le livre, c’est 50 % l’écrivain et 50% le lecteur. C’est une affaire de rencontre.

Interview de Baptiste Liger Lire 16 Août 2017
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Karl Ove Knausgård
Qu'est-ce que la littérature si ce n'est l'expression d'un sentiment de proximité inaccessible et inexistant dans la réalité ?
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Tu ne sais pas ce qu'est l'air, cela ne t'empêche pas de respirer. Tu ne sais pas ce qu'est le sommeil, cela ne t'empêche pas de dormir. Tu ne sais pas ce qu'est la nuit, cela ne t'empêche pas d'être cernée par celle-ci. Tu ne sais pas ce qu'est le cœur, cela ne l'empêche pas de battre tel un métronome dans ta poitrine, nuit et jour, nuit et jour, nuit et jour.
Tu as trois mois et tu es comme emmaillotée dans une routine, couchée dans un lit d'événements qui se répètent quotidiennement, car, à la différence des larves, des kangourous, des blaireaux ou des ours, tu n'as ni cocon, ni poche, ni tanière.
(Incipit)
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Ces interminables nuits d’été, claires et ouvertes, où nous passions d’un bar à l’autre, d’un café à l’autre, d’un quartier à l’autre dans des taxis noirs, seuls ou avec d’autres, où l’ivresse n’était pas menaçante, pas destructrice, seulement comme une vague qui nous élevait toujours plus haut, ces nuits-là commençaient lentement et imperceptiblement à s’assombrir, comme si on avait accroché le ciel à la terre, comme si la légèreté et la fugacité perdaient leur marge de manœuvre, plombées par quelque chose qui les maintenait en place jusqu’à ce qu’enfin la nuit s’immobilise, tel un mur d’obscurité qui descendait le soir et remontait le matin, et soudain, on n’arrivait même plus à imaginer la nuit d’été vaporeuse et changeante, tel un rêve qu’on essaie en vain de récapituler au réveil.
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- Les sentiments sont les sentiments, qu'on ait sept ou soixante-dix-sept ans. Ils ont la même importance, tu comprends?
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En Suède, obtenir un bail est très difficile car il dure toute la vie et pour en avoir un comme le nôtre, en plein centre-ville, il fallait soit rester sur une liste d’attente une bonne partie de sa vie, soit en acheter un sous le manteau pour près d’un million. Linda l’avait hérité de sa mère et le perdre aurait signifié perdre le peu que nous possédions. Il ne nous restait donc plus qu’à être très attentifs, à tout faire correctement. Les Suédois, eux, ont ça dans le sang, ils paient tous leurs factures en temps et en heure, sinon ils sont inscrits sur une liste et peu importe le montant dû, la banque ne leur accordera pas de prêt, ils ne pourront pas prendre d’abonnement de portable ou louer une voiture. C’était évidemment incompatible avec moi qui ne faisais pas très attention à ce genre de choses et qui étais habitué à quelques petites affaires de recouvrement par an. J’en compris l’importance quelques années plus tard, lorsque j’eus besoin d’un prêt et qu’on me le refusa tout net. Moi, un prêt ! Mais les Suédois, eux, serrent les dents et vivent méticuleusement tout en méprisant ceux qui n’en font pas autant. Oh comme je détestais ce petit pays de merde. Et de surcroît tellement suffisant. Ils considéraient ce qui se faisait chez eux comme normal, et comme anormal ce qui était autrement. Et tout ça en se targuant de chérir la diversité culturelle et les minorités ? Je plains tous les Ghanéens et Éthiopiens de Suède qui s’inscrivent deux semaines à l’avance pour faire leur lessive dans les buanderies et s’en prennent plein la gueule quand ils oublient une chaussette dans le séchoir ou qui ouvrent leur porte à une personne apparemment bienveillante chargée d’un de ces maudits sacs IKEA et venue demander si par hasard ce ne serait pas le leur ? La Suède n’a pas subi la guerre sur son propre territoire depuis le dix-septième siècle et combien de fois ne me suis-je pas dit qu’il faudrait l’envahir, bombarder ses monuments, appauvrir sa terre, fusiller ses hommes, violer ses femmes et puis laisser un pays lointain quelconque, comme le Chili ou la Bolivie, accueillir gentiment les réfugiés suédois en leur disant qu’ils aiment la culture scandinave et en les mettant dans des ghettos, à la périphérie des villes, juste pour voir ce qu’ils diraient.
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La littérature n’est pas seulement des mots, c’est aussi ce que les mots évoquent chez le lecteur. C’est ce dépassement-là qui justifie la littérature et non les dépassements de formes comme beaucoup le croient (...) C’était pour la même raison que les peintures, et en partie aussi les photographies, avaient autant d’importance pour moi. Il n’y avait pas de mots en elles, pas d’idées, et c’était l’expérience que j’en faisais en les regardant qui les rendait remarquables, même sans idées.
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En Norvège, c’est le peintre Munch qui marque la rupture, c’est dans ses œuvres que pour la première fois les êtres humains prirent toute la place. Alors que jusqu’au siècle des Lumières, on subordonnait l’homme au divin, qu’à la période romantique on le subordonnait au paysage dans lequel il était représenté — les montagnes y sont imposantes et tumultueuses, la mer y est imposante et tumultueuse et même les arbres et les forêts y sont imposants et tumultueux, mais tous les hommes sans exception y sont petits —, chez Munch c’est le contraire. C’est comme si l’humain engloutissait tout en lui, faisait sien absolument tout. Les montagnes, la mer, les arbres et les forêts, tout y est teinté d’humain, non pas des actes et de la vie extérieure des êtres humains mais de leurs émotions et de leur vie intérieure. À partir du moment où les hommes avaient pris le dessus, aucune marche arrière n’était plus possible, de même qu’il n’y eut plus de marche arrière possible pour le christianisme après qu’il se fut propagé comme un incendie de forêt dans toute l’Europe aux premiers siècles de notre ère. Munch, lui, donne forme aux émotions des êtres qu’il peint, il donne forme à leur vie intérieure et bouleverse le monde. Une fois cette porte-là ouverte, la représentation du monde extérieur fut abandonnée : chez les peintres après Munch, ce sont les couleurs elles-mêmes et les formes elles-mêmes qui sont porteuses d’émotions, pas ce qu’elles représentent.
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Lorsque j’écris ces lignes, assis à ma table, plus de trente ans se sont écoulés. Dans la fenêtre devant moi, j’aperçois vaguement le reflet de mon visage. À part l’œil droit qui luit et sa partie inférieure qui reflète légèrement la lumière mate, toute la face gauche est dans l’ombre. Deux profonds sillons verticaux barrent mon front et un autre creuse chaque joue de traits noirs, et quand j’ai le regard fixe et grave et que les coins de ma bouche retombent, on ne peut faire autrement que de trouver ce visage austère. Qu’est-ce qui l’a marqué de cette façon ?
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Le temps ne s'écoule jamais aussi vite que pendant l'enfance, jamais une heure n'est aussi courte que dans ces années-là. Toutes les possibilités sont ouvertes, on court tantôt par-ci, tantôt par-là, on fait tantôt ceci, tantôt cela, et puis sans qu'on s'en aperçoive, le soir est tombé, on se retrouve dans la pénombre, stoppé par le temps comme une barrière devant soi : oh non, il est déjà neuf heures? Mais pareillement, le temps ne s'écoule jamais aussi lentement que pendant l'enfance, jamais non plus une heure ne dure aussi longtemps que dans ces années-là. Que disparaissent cette liberté et la possibilité de courir tantôt par-ci, tantôt par-là, en pensée ou en acte, et chaque minute devient une barrière et le temps un espace dont on est prisonnier.
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Le spectacle changeait sans cesse. D’un instant à l’autre, on passait d’un amas de nuages flottant mystérieusement dans le bleu du ciel, pareil à une montagne avec ses gouffres et ses pentes raides, ses vallées et ses grottes, à un front pluvieux qui avançait depuis l’horizon tel un énorme édredon gris foncé, et, si c’était l’été, on pourrait voir quelques heures plus tard les éclairs les plus spectaculaires strier le ciel sombre à quelques secondes d’intervalle et on entendrait le tonnerre rouler sur les toits. Mais j’aimais aussi les ciels les plus ordinaires, y compris les plus uniformes, les plus gris et pluvieux, quand les couleurs dans les cours en contrebas éclataient en se découpant nettement sur cet arrière-plan massif. Le vert-de-gris des toits ! Le rouge orangé des briques ! Et le jaune métallique de la grue ! Comme ça brillait dans toute cette grisaille claire ! Ou encore les ciels bleu intense des jours d’été quand le soleil cognait, où les rares nuages qui passaient étaient si vaporeux qu’on distinguait à peine leurs contours, faisant chatoyer la masse des bâtiments qui s’étendait devant moi. Et quand le soir venait, on voyait d’abord l’horizon rougeoyer, comme s’il embrasait la terre, puis une pénombre douce et bienfaisante s’étaler sur la ville comme pour l’apaiser, après une journée entière passée au soleil, harassante mais heureuse. Au firmament, les étoiles brillaient, les satellites passaient et les avions décollaient et atterrissaient à Kastrup et Sturup.
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L’air s’était légèrement rafraîchi et je le sentis nettement sur ma peau encore chaude après tout le nettoyage, il m’enveloppait, exerçait une pression sur mon épiderme et s’engouffrait dans ma bouche quand je l’ouvrais. Il enveloppait aussi les arbres devant moi, les maisons, les voitures, les rochers. Il assaillait les lieux dès que la température baissait, cet éternel déferlement céleste qu’on ne voyait pas, il arrivait sur nous par vagues énormes, toujours en mouvement, descendant lentement, tourbillonnant rapidement, entrant et sortant de tous ces poumons, se cognant à tous ces murs, à tous ces rebords, toujours invisible, toujours là. Mais papa ne respirait plus. C’était ça qui lui était arrivé. Son lien avec l’air avait été rompu et il en était désormais entouré comme n’importe quel autre objet, un bâton, un bidon d’essence, un canapé. Il ne pénétrait plus l’air, or c’est ça qu’on fait quand on respire, on imprime sa marque encore et toujours dans le monde.
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L'hiver, nous marchions dans le noir, loin de tout éclairage, la lumière la plus proche apparaissant parfois comme un trait pâle à l'horizon et, pour peu que le ciel soit dégagé à ce moment-là, j'avais l'impression de me trouver quelque part dans l'univers, parmi les étoiles et les planètes, tandis qu'à la belle saison la lumière semblait rehausser le monde autour de nous : les champs, les arbres, la terre et l'herbe, plus drue et plus grasse à mesure que nous approchions de la Saint-Jean.
En cette saison, l'ensemble était encore ténu, le paysage n'avais pas cette opulence que lui apportait l'été, le vert des arbres commençait tout juste à poindre, car le mois d'avril, c'est cela : des bourgeons, des germes, l'incertitude, l'hésitation. Avril se trouve entre le grand sommeil et le grand bon. Avril, c'est l'envie de passer à autre chose, sans que l'on parvienne à définir ce qu'est cette autre chose.
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Un jour, il y avait eu un incendie de forêt le long de la voie de chemin de fer. Ca aussi, c'était fantastique. Tout un flanc de coteau embrasé, à quelques mètres seulement du train. Les flammes léchaient juste certains arbres tandis que d'autres en étaient entièrement la proie. Des langues orange serpentaient dans les champs et sortaient des buissons, dans la clarté du soleil d'été qui, sous un ciel bleu pâle, rendait la scène comme transparente
Oh ça me comblait, c'était sublime, c'était le monde qui s'ouvrait à moi
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Je réfléchissais à tout ça, envahi de tristesse et d'impuissance, et je me tournai en pensée vers les seizième et dix-septième siècles, leurs vastes forêts et leurs grands voiliers, leurs moulins et leurs châteaux, leurs bourgs et leurs monastères, leurs peintres, leurs penseurs, leurs navigateurs, leurs inventeurs, leurs prêtres et leurs alchimistes. Comme c'eût été bon de vivre dans un monde où tout était fait à la force du poignet, du vent ou de l'eau. Comme c'eût été bon de vivre dans un monde où les Indiens d'Amérique vivaient encore en paix. O la vie représentait une véritable possibilité. Où l'Afrique n'était pas conquise. Où l'obscurité venait avec le coucher du soleil et la lumière avec son lever. Où les êtres humains étaient trop peu nombreux et leurs outils trop simples pour influer sur les populations animales, et encore moins pour les exterminer. Où on ne pouvait aller d'un endroit à l'autre sans efforts et où le confort était réservé aux riches, où la mer regorgeait de baleines, les forêts de loups et d'ours, et où il y avait encore des endroits si inconnus qu'aucun monte ne les avait imaginés, comme la Chine qu'on atteignait qu'au péril de sa vie, au bout de plusieurs mois d'un voyage dont seule une infime minorité de marins et de négociants pouvaient s'enorgueillir. Certes, ce monde-là était grossier et assez indigent, il était sale, infesté de maladie, alcoolique, ignorant et pétri de souffrances, l'espérance de vie y était courte et les superstitions nombreuses, mais il donna naissance à Shakespeare, le plus grand des écrivains, à Rembrandt, le plus grand des peintres, et à Newton, le plus grand des scientifiques, tous restés inégalés dans leur domaine respectif. Comment se fait-il que cette époque-là ait atteint une telle plénitude? Était-ce que, la mort étant plus proche, la vie était plus intense?
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- La sainteté. Aucun homme moderne ne veut etre un saint. Quelle vie que celle d'un saint? Souffrance, sacrifice, mort. Quel est le con qui veut une bonne vie intérieure sans avoir de vie extérieure? Les gens ne pense à l'introspection que quand elle peut les faire avancer dans leur vie extérieure. Que pense l'homme moderne de la prière? Pour lui, il n'en existe qu'un seul type, la prière de demande. On ne prie que quand on veut quelque chose.
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Je n'ai revu aucun d'eux [mes amis d'enfance] depuis cet été-là et quand je fais des recherches sur Internet pour voir quelle tête ils ont, ou bien ce qu'ils sont devenus, je ne trouve personne. Ils ne font pas partie des gens qu'on peut trouver là, ils appartiennent à une classe dont les parents sont ouvriers ou fonctionnaires, qui ont grandi à la périphérie de tout sauf de leur propre vie. Je n'ai aucune idée de ce que je suis pour eux, sans doute un vague souvenir, quelqu'un qu'ils connaissaient quand ils étaient enfants, car depuis dans leur vie, ils se sont fait tant de choses entre eux, il s'est passé tant d'événements, et d'une telle force, que les petits faits advenus pendant l'enfance n'ont pas plus de poids que la poussière que soulève une voiture en passant ou que le duvet d'un pissenlit fané que le souffle d'un enfant éparpille. Oh, n'était-ce pas une belle image? Les événements ne se succèdent-ils pas en s'éparpillant au-dessus du petit pré de notre histoire, puis retombent en brins d'herbe et disparaissent?
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Pour un cœur, la vie est une chose simple : il bat aussi longtemps qu’il peut, puis il s’arrête. Un jour ou l’autre, ce mouvement scandé cesse de lui-même et le sang commence à refluer vers le point le plus bas du corps où il s’accumule en une petite flaque visible de l’extérieur, comme une tache molle et sombre sur la peau de plus en plus blanche, en même temps que la température baisse, que les membres se raidissent et que les intestins se vident. Ces transformations des premières heures se font si lentement et avec une telle assurance qu’elles ont quelque chose de rituel en elles comme si la vie capitulait selon des règles précises, un genre d’accord tacite auquel même les agents de la mort se soumettent avant d’entamer leur invasion du territoire qui, elle, est irrévocable. Rien ne peut arrêter les hordes de bactéries qui commencent à se disséminer à l’intérieur du corps. Si elles avaient essayé, ne serait-ce que quelques heures plus tôt, elles auraient été combattues immédiatement mais là, tout est calme et c’est sans peine qu’elles s’enfoncent de plus en plus dans les zones sombres et humides.
(Incipit)
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C'était étrange de voir à quel point tous les grands arbres avaient une personnalité propre qui s'exprimait par une posture absolument unique et par ce qui se dégageait de l'ensemble formé par leur tronc et leurs racines, leur écorce et leurs branches, et le rapport entre ombre et lumière. C'était comme s'ils parlaient. Non pas avec une voix, évidemment, mais à travers ce qu'ils étaient et qu'ils tendaient en quelque sorte à celui qui regardait.
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C'est cette décomposition en soi qu'on appelle "écrire". Dans l'acte d'écrire, il y a plus destruction que de création.
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