Citations de Laurence Nobécourt (220)
Unica n'est pas morte de la publication de ses livres, elle est morte écrasée par l'ombre du monde, par l'héritage de ses pères. (p. 18)
Longtemps j’ai cru écrire pour mettre quelque chose à l’abri de la mort. Puis j’en suis finalement venue à penser que j’écrivais plus volontiers pour mettre quelque chose à l’abri de la vie, m’inventer une demeure.
La Patagonie c'est cela, ce n'est pas le bout du monde mais son envers à l'endroit, où se dressent majestueux les dieux et déesses qui peuplent cet univers enversé.
Tout de même, à quoi sont-ils réduits ces hommes dans les aéroports, camisolés dans leurs costumes sombres, leur uniforme mondial, dont les corps crient la farce de leur vie? ... Un enfer organisé où errent des silhouettes sombres qu'une solitude transparente et liquide accompagne dans leur triste déportation.
L'écriture, elle, ne cherche pas les faits. Elle vient touiller le réel pour en révéler une vérité encore inconnue de soi, faisant de chaque événement un événement vivant
Encore une fois appris par la pauvreté de mon corps ce qu'il en était d'être seule ; par ma pauvre langue ce qu'il en était de le dire. Ce sont eux, le corps comme la langue, qui, porteurs de toutes mes défaites, m'auront fait rencontrer les victoires les plus humbles.
On naît deux fois, du ventre de sa mère et des cuisses de sa propre conscience.
On ne guérit jamais tout à fait de ses blessures, mais l'écriture les désactive.
Ma fille est devenue adulte et si elle m'appelle alors que je suis à ma table de travail, je suspends le manuscrit en cours pour lui répondre avec joie. Il y aura tant d'autres jours où je pourrai écrire tandis que ce qui s'échange là, entre nous, ne se représentera jamais. J'en ai si parfaitement conscience que rien ne me coûte à cet instant. C'est la grâce de mûrir. La grâce de la confiance.
Que la langue s'y conjugue au présent, au passé u au futur, qu'elle emprunte le je, le tu ou le il, qu'importe, la seule condition pour y pénétrer et y demeurer est que la langue soit vraie, c'est-à-dire qu'elle soit en lien avec la vérité du corps.
une fois que tu as traversé toutes les questions, que tu as renoncé à comprendre, et accepté de n’être qu’un pauvre et minuscule fragment d’un mystère qui t’échappe, une fois qu’après t’être pris pour Dieu tu retombes d’un seul coup sur ton cul, alors la vie peut être ce qu’elle est : simplement la vie. Et avec elle c’est la cinquième saison qui commence.
Reconnaître leur part d'ombre à chacun de nos proches c'est pouvoir leur pardonner réellement leurs paroles et leurs actes. Tandis que le déni nous maintient dans un conflit intérieur insoluble.
je suis née du verbe, sans rituel ni sermon. Je suis née de ces après-midi blanches où, retirée à ma table, au centre du temps, j'écris ce qui ne peut se dire ni se taire. Les yeux fermés, habitée de mots, je descends dans les profondeurs de moi-même, à l'écoute de ce qui, aux confins de la chair, tente de s'articuler par l'esprit.
Quand des tensions traversent notre relation, nous nous refusons à confondre les êtres et la situation.
Car l'écriture rend visible l'indicible, elle découvre le double fond, traque le secret, débusque le non-dit, dévoile cet outre-monde qui nous regarde par les fenêtres de la nuit. Par elle surgit tout ce qui fut perdu. Elle est miracle.
Quel fil fait tenir les soirées d’ombre jusqu’aux matinées de joie, sinon celui de la confiance ?
Car, au bout du compte, il n’y a pas d’autre issu que la vie elle-même. Et il faut bien s’y jeter, à l’eau, pour découvrir que non seulement on sait nager, mais que la force miraculeuse du vivant nous porte et nous emporte en des contrées bien plus inattendues que tout ce que nous avions imaginé.
« Là où croit le péril croît aussi ce qui sauve », écrivait le poète Hölderlin.
Je compris alors que mon désir d’écrire outrepassait celui de la reconnaissance. Le rapport que tout individu entretient à celle-ci est subtil et complexe. Cela est d’autant plus vrai pour un auteur. Publier des livres et écrire sont deux aventures distinctes qui parfois, heureusement, se rencontrent.
J’aime l’idée qu’à ma mort quelque chose me sera délivré du mystère de l’Univers, et ainsi éblouie par la grandeur de l’Amour et de l’Intelligence à l’œuvre, je pourrai me dire : ah c’était donc ça…
« Plus on se connaît, moins on fait chier les autres. » Car c’est une chose que de se regarder le nombril, une autre que de mener ce travail sacré d’apprendre à se connaître soi-même dans le « souci de soi » qu’évoquait déjà Socrate. « Epimeleia heautou ». C’est là la première générosité véritable à l’égard d’autrui. « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux. » Comprendre ce qui nous traverse, c’est assurément pouvoir accueillir ce qui agite autrui.