Citations de Laurence Nobécourt (220)
Je n'étais pas encore assez déçue par le monde, j'en espérais toujurs quelque chose. Tant que cela perdurait, ce que je cherchais ne pouvait se produire. C'est ce à quoi sert l'expérience, l'humilité de l'expérience. Il ne faut pas lutter, il faut s'abandonner. Car l'expérience a tout son temps. Nous seuls sommes pressés. L'expérience, elle, a l'éternité p 66-67
La solitude et l'isolement s'amassent autour de moi comme une matière physique qui me rapproche de l'effroi. Sommes-nous encore vivants quand il n'y a plus de langue? Plus de lien? S'enfoncer dans l'absence de langue comme dans un monde sauvage, c'est cela le Japon. Ici, je n'existe pour personne. Ai-je reçu leçon d'humilité plus grande que cette aventure japonaise?
Nous croyons être dans le temps en étant dans le monde mais nous ne sommes que des formes qui courent derrière leur nom à la recherche de leur demeure véritable. La seule chose que chaque homme désire est : rentrer chez soi. La seule chose qui en empêche chaque homme est qu'il a oublié le nom, le lieu et le chemin qui mène à sa demeure.
Plus nous nous enfonçons dans le chemin qui conduit à la conscience, plus ses contours s'effacent.
Maintenant, je crois que le silence est la cinquième saison du langage.
Yazuki était un écrivain avant tout autre chose, c'est à dire qu'il était pris par cet inextricable paradoxe qui veut que l'amour du verbe nous en éloigne.
A un moment donné ou à un autre, il faut bien sortir du temps : rencontrer le printemps pour toujours. Maintenant je n'ai plus peur, parce que je sais que la vie est parfaite.
La poésie est le tremblement de la langue, or qu'est -ce qui nous rend humains sinon ce qui nous fait trembler.
Haru dit Yazuki n'a jamais été entièrement disponible à personne ni au monde parce que toujours prioritairement disponible au verbe. C'est une tyrannie dont ceux qui n'écrivent pas n'ont aucune idée.
Et pourquoi nous ne partons pas ? Pourquoi nous ne quittons pas nos foyers rassurants où l'ennui nous fixe plus sûrement qu'aucun élan nous transcende, pourquoi nous ne filons pas un soir avec trois chemises dans une valise ? Parce que nous avons peur, parce qu'il nous a été enseigné qu'il n'y a point de salut hors du foyer, de la famille, de la sociétè, d'un emploi stable, et pourtant il n'y a rien de plus faux.
Roberto voulait devenir écrivain. Jim, photographe. Mais ce qu'ils désiraient avant tout c'était -devenir-. Pour eux, écrire, photographier signifiait "risquer le tout pour le tout". Ils avaient une vision presque romantique des choses, ils luttaient contre l'inertie du monde (...) (p. 53)
Tout ce que j'ai vu du Chili depuis un mois que je suis ici ne dit rien de Bolano. Il n'a rien de chilien. Il appartient à cette terre singulière, au-delà de toutes les nations et de toutes les cultures, qui est celle de la littérature lorsqu'elle atteint à l'incarnation du verbe. (...)
Le paysage de sa langue est aussi immense et sauvage que le sont ceux de son pays. (p. 109)
Ainsi, seul -mon - chemin contient tous les ailleurs. Quinze mille kilomètres aller, quinze mille kilomètres retour, trois arcs-en-ciel, combien d'heures de bus, de bateau, d'attente, pour intégrer cette vérité si simple. c'est la première fois, cependant, que je l'accepte réellement. (...)
Il n'y a pas d'ailleurs que -mon-chemin. Mais je peux décider de la route. (p. 91)
Et des familles, avec leur vie de tous les jours et leurs sourires, leurs mots de trois fois rien qu'ils échangent en se croisant dans la rue. Rien de plus. C'est ce qu'il me faut maintenant. Je ne sais pas si c'est le village dont j'ai besoin pour le livre, mais c'est une nécessité dans ma vie. Aller au bout. atteindre une limite pour éprouver ma liberté .(p. 89)
C'est assez joli de parler de poésie au bout du monde dans ce paysage qui en est une manifestation tranchante. (p. 88)
Son regard mélancolique dit que ses yeux voient plus que la réalité du monde. (p. 86)
Socrate dit que "la sagesse commence dans l'émerveillement ". (p. 82)
demain, je pars pour l'Isla Navrino (...)
C'est une île chilienne que Santiago considère appartenir à l'Antartique. La dernière terre avant le pôle. C'est peut-être le bord du monde. (...)
Depuis que j'ai décidé de faire ce périple, c'est là que je veux absolument aller. C'est là que se tient, s'il en est un, le mystère caché de ce voyage. Il y en a toujours un. A chaque fois, se dévoile, à un certain degré de profondeur, une part du mystère de l'être dont le voyage est l'invisible enjeu. (p. 86)
C'est étrange comme ici les gens seuls semblent davantage avec. c'est un paysage qui appelle la solitude. Par son immensité, sa puissance tranchante, il témoigne d'une vérité qui ne supporte aucun artifice. Face aux fjords, seule la solitude ne triche pas. (p. 52)
Je ne dis rien. Rien. Pendant des heures, rien. Je travaille. Je lis un peu. J'attends. J'écris à ceux de France. Joie de trouver leurs messages après les quatre jours de traversée. Joie que le manque a créée. fertilité du manque toujours si grande. Gracias. (p. 66)