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Critiques de Leslie Kaplan (58)
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La bataille du rail : Cheminots en grève, écriv..

36 auteurs pour autant de nouvelles, illustrés par les dessins de Mako.

36 auteurs engagés, car cet ouvrage polyphonique n'a qu'une seule ligne éditoriale : celle de défendre les services publics, un certain « idéal de solidarité »

concrétisé ici par le train dans la tourmente de cette nouvelle « bataille du rail ».



36 pierres apportées à l'édifice d'une lutte, puisque les droits d'auteurs sont entièrement reversées aux caisses des grévistes contre cette réforme ferroviaire 2018.

À chacun d'en juger la nécessité bien sûr, mais il fallait le préciser, car il ne s'agit pas ici d'un don seulement caritatif, mais profondément politique.



Bien sûr, ces nouvelles sont très différentes, et parfois inégales, mais toutes réussissent la gageure de parler à nous tous, qui avons en commun cet « imaginaire du rail».

Comme Didier Daenincks dont « le sang noir du monde ferroviaire coule dans [s]es veines. »



Lu en juillet 2018.
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Désordre

Ne lisez pas cet avis!*

Le livre est tellement court que forcément, je vais en dire beaucoup trop.

Rien qu'en lisant la présentation sur la page du livre, vous en saurez déjà trop, d'ailleurs.

C'est un livre tellement court que d'autres ont crié à l'arnaque... moi je m'en moque, j'adore les tout petits formats. Et j'ai été emballé par le propos, donc payer 7 euros pour un grand éclat de rire jaune et silencieux ne me choque pas. En plus il m'a gratté la tête de l'intérieur et je me sens tout décapé, quoique confus en même temps.

Une fable politique ? un conte cruel ? : une série de crimes ravage un pays semblable au nôtre, dont le président dit les mêmes bêtises que le nôtre, en face d'un mécontentement social semblable au nôtre. Il n'y a aucune explication, et cette absence d'explication est le fond du sujet. Les media sont copieusement moqués, les petits chefs de tout poil sont des victimes expiatoires, quant au président... lisez, lisez**. Chacun en tirera les conclusions qu'il voudra, les miennes pourraient être : la lutte des classes n'est pas morte, et c'est pas triste ***, ou tout simplement : c'est vrai que la connerie ambiante atteint un sommet.****

Je n'ai pas tout lu de Leslie Kaplan, mais Le pont de Brooklyn m'avait profondément ému, dans un genre tout différent. Je vais donc poursuivre.



*Je profite de ce billet pour suggérer que, dans mon cas au moins, le mot « avis » est presque toujours préférable à « critique ». « Chronique » est rarement approprié, « billet » est juste mais imprécis (avec cependant une allusion monétaire amusante), « note » aussi (avec une allusion musicale ? Ce serait abuser). Avis, donc (à la population babéliote, babélique, babélionaute, babélienne... là-dessus aucun consensus ne se dégage).

**

*** D'une certaine manière, ça me rappelle donc « L'an 01 », utopie plus gaie.

**** Pour ceux qui n'auraient pas vu la couverture : Joli bandeau « Ça suffit la connerie » qui est une citation phare du livre.

***** Voilà : je ne suis pas seulement un parenthèseur frénétique, je peux aussi abuser du guillemet et de la note de bas de page , même non référencée dans le texte (comme dans un Chevillard un peu décevant et un bref roman américain que j'ai bien aimé mais que je ne retrouverai pas : si quelqu'un connaît, je suis preneur de la référence, ça se passe je crois beaucoup au pied d'un gratte-ciel new-yorkais, et on y apprend à pisser fictivement sur la tête d'une personne abhorrée, ce qui n'est pas sans lien avec mon sujet du jour).
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Millefeuille

Il y a un âge pour apprécier certains livres, pour Millefeuille il faut un âge certain. La retraite, ce mouvement ultime et redouté, qui n'a de but que la survie et dont on sort immanquablement défait, émousse une à une toutes les fausses certitudes des jeunes années. La retraite, de défaites en défaites et de futures défaites en futures défaites, plus que la solitude, c'est elle qui mine Jean-Pierre Millefeuille ancien professeur de littérature à la retraite.



A l'endroit des inconnus, des inconnues surtout, des jeunes beaucoup, Millefeuille sait se montrer affable. Il aime à couper sa journée par quelques rencontres de quartier, les courses, le bistro, le resto, le musée, le ciné autant d'occasions de s'évader, de se lier, de s'illusionner, encore, un peu. Et pourtant, ses proches s'en rendent-ils seulement compte, sous cette belle façade, c'est tout l'intérieur qui peu à peu, de plus en plus, se lézarde et, au soleil du mois d'août, Millefeuille se prélasse mais déjà se sent froid.



A l'envers, il se répète Shakespeare, « age is unnecessary » « Who is it that can tell me who I am ? » et, en boucle et à l'envi, « tomorrow and tomorrow and tomorrow ». Sans raison, sans raison encore, se plaint de son sort, ressassant la mort. Mais par dessus tout la peur qu'on l'oublie...



Il ne se passe donc rien dans ces journées trop peu remplies, quelques parlottes, quelques fou rires, quelques fureurs, et puis dormir, de plus en plus il dort, de plus en plus souvent il dort car il s'ennuie . Et paradoxe, je ne me suis nullement ennuyé avec ce Millefeuille qui s'ennuie. Que du contraire, je me suis pris à tourner les pages avec envie de ce quotidien dont je n'attendais rien, juste par plaisir. Ce qui fut fait.
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Désordre

Nouvelle fort drôle, jubilatoire même, qu’on aurait presque souhaitée plus longue.
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Millefeuille

Jean-Pierre Millefeuille est un homme à la retraite. « Un vieux Monsieur, grand, bien mis, portant beau comme on dit dans Balzac, souvent là en train de lire son journal, de rêver. Pas timide, plutôt bavard. Conservation, échanges. Et tout de suite, étonnement, de part et d’autre. » Le personnage qui dit je est une jeune femme qui tombe sous le charme de ce professeur à la retraite, un veuf qui ne demande que ça : « rencontrer des jeunes, se poser des questions avec eux, les écouter » : apparemment l’histoire démarre bien.

Il y a des personnages secondaires plutôt sympathiques : Sammy, livreur pour un magasin de location de DVD fréquenté par Millefeuille, Zoé, l’amie du personnage principal, Léo l’ami de Zoé qui se targue d’écrire et qui va demander l’avis de Millefeuille (mais cela va lui poser problème pendant tout l’été), son fils Jean, avec qui il échange peu sur le fond, Charles l’africain, Micheline, l’amie fidèle, mais aussi Joseph : un ami d’enfance de Millefeuille, professeur en même temps que lui, mais qui est devenu SDF. Et le malaise de Millefeuille (ou sa lâcheté à son égard) nous met mal à l’aise aussi, nous lecteurs. Ou Ernest - clochard ou fou ? –une sorte de « loser » qui dit pourtant des choses au travers de sa folie – que Millefeuille préfère ne pas entendre.



Assez rapidement ce personnage de Millefeuille devient plutôt agaçant. Il écrit un essai sur les rois anglais et se pose lui-même la question « Who is it that can tell me who I am ? ». Mais sa pensée bute, comme elle peut le faire parfois pour chacun d’entre nous, et ce processus, regardé à la loupe par l’auteure, est « intéressant » pour reprendre un mot très souvent utilisé par Millefeuille



Leslie Kaplan nous fait vivre dans la tête de Millefeuille pendant plusieurs jours au mois d’août, elle nous livre ses états d’âme au jour le jour et en définitive apparaît un vieux bonhomme plutôt égoïste, concentré sur ses petits problèmes, et qui vit une histoire plutôt pénible avec deux SDF qu’il croit pouvoir sauver … mais qu’il abandonne ou fuit au moment le plus important. Avec un grand sentiment de culpabilité ? Un sentiment très irritant pour le lecteur en tout cas. Un homme plein de paradoxes, somme toute.



Et l’irritation va croissante, au fur et à mesure que le mois d’août passe, que ce vieux bonhomme s’interroge sur la mort prochaine, et se demande qui pensera à lui quand il sera parti – personne vraiment sans doute ? – et qui freine l’identification au personnage. Avec des longueurs qui gâchent un peu la bonne impression du début. Dommage.



Leslie Kaplan écrivait en 1999 un livre, « le Psychanalyste ». Ce roman, construit comme le quotidien d'un psychanalyste ou comme une succession de consultations, où les patients venaient tour à tour se livrer, fantasmer, se raconter – très réussi à l’époque - annonçait déjà ce personnage de Millefeuille et ses sautes d’humeur, racontée d’une minute à l’autre, ponctuée de ses nuits et des ses rêves – où l’auteure démontre la puissance de l’inconscient dans la pensée quotidienne.



Elle traite dans ce livre la question de la transmission, de la solitude, du processus de décision (Millefeuille n’y parvient pas bien), de la vieillesse et du rapport au temps, à l’approche de la mort. Qui est-on quand on n’est pas roi ? se demande Leslie Kaplan, qui interroge notre rapport au monde – pour un homme sans pouvoir. Représentatif d’un certain tragique contemporain ? dit Leslie Kaplan, un tragique qui ignore le vrai tragique d’aujourd’hui quand on a les moyens de vivre de sa retraite paisiblement.







Leslie Kaplan écrit dans un style très « nouveau roman » et publie chez P.O.L.. Son personnage principal fait aussi penser au personnage de Plume du poète Henri Michaux. Millefeuille, un nom sans doute à tiroir, avec des « couches » de pensée, Millefeuille : "comme les feuilles de papier sur le bureau, il y a un petit courant d'air qui (le) traverse tout le temps".



Peut-être faut-il le lire avec « une lecture flottante », un peu comme un analyste qui ne s’intéresserait pas tellement au personnage, mais plutôt aux thèmes traités et au style de l’auteur. Quoi qu’il en soit, si ce « Millefeuille « laisse un goût d’irritation dans la gorge (trop long peut-être ?) et n’est peut-être pas son meilleur cru, cette auteure mérite qu’on lui prête attention. Un projet un peu loupé à mon sens, mais qui est « intéressant » (pour reprendre un terme souvent utilisé par Millefeuille) par sa capacité à se loger dans la tête de ses personnages – qu’ils nous soient sympathiques ou antipathiques comme celui-ci.


Lien : https://www.biblioblog.fr/po..
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Millefeuille

Un ancien professeur à la retraite Jean-Pierre Millefeuille, habite seul dans un joli appartement, rue Bourdelle, à Paris dans un quartier chic et agréable de la capitale.Il sait s'entourer de jeunesse, lie facilement connaissance au cours de ses promenades et fréquente des personnes issues de tous les milieux sans distinction de race ni de couleur de peau ni de statut social.

Passant ses journées plongé dans l’œuvre de Shakespeare ,il ne sort de chez lui que pour faire quelques courses , diner à la brasserie du coin ou Au sélect, restaurant de renom.Bref une existence que pourrait envier bon nombre de gens par les temps qui courent.En somme il n' a aucun problème de santé, vit très à l'aise financièrement , et essaye de s'entourer de jeunes gens , de garder le contact avec le monde d'aujourd'hui ...

L kaplan nous dresse là un portrait précis pointilleux de cet homme entré dans l'âge de la vieillesse , âge qu'il récuse, et nous décrit par le menu ses journées à Paris, plus isolé qu'à son ordinaire, car c'est l'exode du mois d'août.

L'idée au départ était séduisante ,c'est un sujet qui ne doit pas, selon moi,rester tabou et je salue L Kaplan de s'y être attelé.Mais voilà au bout d'une centaine de pages j'ai pris Millefeuille en grippe allez savoir pourquoi!

Il m' a agacé, énervé, je pense sérieusement qu'il aurait eu besoin d'un médecin et que c'était criminel de le laisser s'enfoncer dans cette état dépressif .Est-là ce que veut dénoncer L Kaplan?Et montrer que même si les moyens financiers et intellectuels sont présents, la descente dans l'enfer de la dépression pour la personne âgée peut être brutale et rapide.

au final, une lecture qui m'a dérangée, agacée et que j'étais ravie d'achever!!!
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La bataille du rail : Cheminots en grève, écriv..

Sortez de votre train-train et prenez avec moi, ce train de nouvelles, d'écrivains solidaires de cheminots en grève. Les droits du livre sont intégralement reversés en soutien aux grévistes.





Prévert écrivait : "Le train m'égare, la gare m'étreint." J'ai aimé le texte de Laurent Binet qui convoque le plus long générique de film, avec l'arrivée en gare, d'un train, d'où descend C.Bronson, dans "Il était une fois dans l'ouest." Tandis que H.Fonda essaie de prendre une locomotive, dans "Mon nom est personne". Cris Evans remonte des derniers wagons, avec des prolétaires révoltés ( les cheminots?) pour " Snowpiercer".



Vous rencontrerez peut être d'autres écrivains, dans les wagons suivants, pendant que "le train sifflera 3 fois". Lisez ce livre, et compostez votre billet " de soutien".
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Le Psychanalyste

Il y a longtemps que je voyais ce livre clignoter à la bibliothèque, et son titre ne m'attirait pas spécialement : encore une histoire de divan, me disais-je, de rabâchages de papa Freud avec sa zigounette en sautoir, d'enfumages enrobés de ranci petit-bourgeois qui s'échappent des portes des cabinets d'analystes, beurk.

Quelle erreur.

Voici un grand livre qui évoque bien sûr la psychanalyse, mais comme clé d'accès au flux de conscience de personnages vivants et attachants, qui pourraient être, vraiment, tous ou presque tous, chacun de nous, ou un aspect de nous.



Grâce à eux, grâce aussi à la progression d'une pensée dynamique interagissante avec celle de Franz Kafka, l'auteur fétiche de l'une des analysante, sont abordées les grandes questions existentielles, politiques, philosophiques : la vie, la mort, l'amour, la dévoration des enfants par les parents, l'urbanisation hideuse qui s'étend telle un cancer dans les zones qui entourent les villes, l'angoisse, la solitude.



Tous se débattent pour accéder à la clarté et à la sérénité. Parfois des liens sont faits, des évidences inattendues et aveuglantes viennent se poser aux pieds des personnages ébahis, une clé entre dans une serrure que l'on croyait condamnée. Et c'est la joie qui soulève.



Il y a Simon, le psychanalyste humaniste, bienveillant et doux dans la vraie vie aussi, Eva qui cherche un sens et se débat avec sa chienne d'existence, Josée, ex-prostituée un peu naïve, Louise la comédienne intuitive et sincère, Marie, qui cherche un homme à aimer, mais les hommes existent-ils ?... Côté garçons Marc, le chef d'entreprise à qui sa femme ne veut plus donner d'amour, Edouard le vendeur d'encyclopédies étouffé par sa mère, Sylvain le masochiste qui préfère aller au-devant de la douleur que de se la voir imposer par la force, Jérémie l'homosexuel dépressif depuis que son compagnon l'a quitté et qui reste seul avec son chat Jean-Pierre.



Il y a aussi des personnages secondaires, fugaces, parfois rencontrés dans la rue, dans les quartiers laids ou beaux de Paris, dans les jardins, par les protagonistes de cette histoire intime, et qui rendent la toile tellement plus vivante : Aurélie, la prof d'histoire qui projette "le dictateur" de Charlie Chaplin pour illustrer la montée du nazisme, Dominique la pédo-psychiatre devineresse, qui lit les enfants muets comme on lit un livre ouvert, Jean-Louis qui use les vêtements d'un mort pour se protéger et que sauve la tendresse d'une femme, Guy, le patron du bar de Pigalle, qui veille sur ses clients et Zoé, la petite Zoé, qui a la danse dans le sang et qui comprend la vie à travers elle.



Tous cherchent l'issue, tous cherchent à comprendre, tous ont leur quête et c'est la même : le bonheur existe-t-il ?



Et au milieu d'eux se tient l'ombre de Kafka qui veille sur tout ce monde et tente de métamorphoser la vie par l'écriture car écrire "c'est sauter en dehors de la rangée des assassins d'espoir" que sont les hommes normaux.



Le roman est présenté en courts chapitres, des "short cuts", ce qui fait qu'on ne se lasse pas, on passe de façon fluide de l'un à l'autre, on retrouve les personnages de loin en loin, on les suit dans leur parcours. Pas de lourdeur. Cela ressemble à un scénario de théâtre, ce qui n'est pas étonnant puisque de nombreuses oeuvres de Leslie Kaplan sont adaptées sur scène.



J'ai vraiment beaucoup aimé ce livre que je vais acheter pour pouvoir le relire. J'ai été très surprise par les critiques négatives des amis babéliotes que je ne m'explique pas. Certes ce n'est pas un roman traditionnel avec une intrigue, des aventures, des rebondissements. Ce n'est pas un livre d'Alexandre Dumas ou d'Olivier Adam. Cela s'apparente plutôt à la veine de certains romans de Marguerite Duras et d'Hélène Bessette. Ça en a le "gnac", la poésie, la nostalgie du temps qui passe et la révolte. Ça décortique, mais pas trop : ça laisse le lecteur faire son propre travail : pas de solution livrée clé en mains.

C'est une sacrée trouvaille, faussement facile, mais abordable et stimulante.



Je le recommande à toutes celles qui sont passionnés de quête existentielle. Et à tous ceux aussi, bien sûr.

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Toute ma vie j'ai été une femme

Texte court, belle écriture poétique et drôle, qui met en scène deux femmes ce questionnant sur l'identité, le féminin, la liberté, l'amour, le sexe et ce qui les entoure.
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Lettres à Sade

L'idée de cet ouvrage est excellente, étrange voire fantastique :A l'occasion des 200 ans de la mort de Sade (+18.12.1814), 17 écrivains (mais aussi philosophes, universitaires, peintre, scénographe ou cinéastes) ont été conviés à lui adresser une lettre à leur convenance,à la première personne ou non.

Si presque tous ouvrent leurs missives par de respectueux ou de polis Cher Marquis, Cher Marquis de Sade, Cher Sade, Cher Monsieur de Sade, Comte, Cher Donatien-Alphonse-Francois, un ose un Votre Énormité et une autre un Mon cher amour.

Classées en trois thèmes (Libertés, Modernités et Éternités), ces lettres d'amour, de reproche, d'adieu ou de remerciement saluent toutefois presque unanimement l'homme acharné à vivre libre malgré l'emprisonnement, l'embastillement, l'internement.

Un de nos contemporains tient à le remercier pour nous avoir appris le caractère obsessionnel du désir, un autre salue le véritable écrivain, le provocateur ultime, un autre encore relate le choc ressenti à la découverte de son oeuvre et son emprise sur sa vie personnelle et ses rencontres. Une cinéaste, femme d'images, l'imagine sur un plateau télé interviewé par un journaliste avide de scoops bien scabreux.....

La grande intelligence de cet ouvrage est de n'être pas tombé dans l'écueil qui aurait été d'empiler des louanges et rien que des louanges afin de lui tresser une couronne mortuaire faite de lauriers alors que l'épine sied mieux à ce cher Sade !

Ainsi, reçoit-il une lettre d'adieu de celle qui, fatiguée du chaos et des cahots de l'existence, lui annonce qu'elle ne le lira plus, qu'il sera désormais le fantôme de sa bibliothèque mais qui, ultime fidélité, le remercie de l'avoir peut-être aidée à se libérer de ses chaînes.Une autre lettre d'adieu lui parvient d'une autre lectrice qui avoue vouloir jeter l'éponge afin de sauvegarder son âme et son esprit.

Ainsi Sade reçoit-il aussi une missive s'interrogeant sur la récupération faite de son personnage et sur la reconnaissance qui en dit long sur la misère des temps que nous traversons....

.. pauvre Monsieur de Sade ! Finalement reçoit-il une longue lettre d'amour enflammée !

Merci à Babelio (via la Masse Critique) et à la maison d'édition Thierry Marchaisse pour m'avoir fait découvrir cet ouvrage fin, intelligent (belle couverture ) que je recommande vivement!
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Millefeuille

Millefeuille est un professeur de lettres à la retraite. Il est érudit, fanatique de William Shakespeare, sociable, ouvert à autrui, il a des projets littéraires, il habite un appartement cossu en plein Paris, entouré par les brasseries les plus agréables, les marchés les mieux fournis, les épiceries fines et il a les moyens de les fréquenter.

Il a des amis fidèles qui accourent quand il a besoin d'eux, un fils, des occupations : l'heureux homme !



Mais Millefeuille se sent de plus en plus angoissé : son fils l'agace, il supporte mal les contraintes, qui l'irritent au-delà du raisonnable. Il voudrait venir en aide à d'anciens amis en difficulté au point de penser à eux de façon obsessionnelle, mais renonce au dernier moment : il n'y parvient pas. Egoïsme, pudeur, peur de renoncer à sa liberté ? le jeune couple en perdition dont il commençait à s'occuper commet un atroce forfait et trouve la mort. Millefeuille est bouleversé, taraudé par le remords.



Millefeuille s'ennuie seul, il s'ennuie en société. Il est sujet à des accès de colère irrépressibles, il a des insomnies, des cauchemars récurrents dans lesquels des rois shakespeariens couverts de sang viennent le visiter. Parfois il croit voir les ombres de ceux qu'il n'a pas su aider se faufiler dans son immeuble : mais ce ne sont pas eux.



Millefeuille expérimente l'expérience la plus gratifiante qui soit : une vie sans obligation. Millefeuille expérimente l'expérience la plus terrible qui soit : une vie sans obligation. Une vie livrée au facultatif.



Millefeuille vieillit, il a peur du gouffre qui s'ouvre devant lui, de la vacance, de la mort.



Millefeuille voudrait être un pharaon pour qu'on ne l'oublie pas.



Leslie Kaplan, a eu l'excellente idée de placer son personnage dans les conditions de vie les plus favorables, afin de mieux exprimer les questionnements sans réponses qui forment la trame de l'existence humaine : l'aisance matérielle, la culture n'en protègent pas. Il apparaît en creux que l'univers dans lequel il évolue est un univers sans Dieu : Millefeuille ne pense jamais à Dieu, Il n'est pas dans son programme. C'est un athée ou un agnostique dont le seul panthéon est littéraire. Or, comme le formula un de ses anciens maîtres, "la littérature ne sauve pas, elle ne fait que consoler".



Millefeuille continuera ainsi, de joies en joies, d'affres en affres, jusqu'à la fin de sa vie. Sa misère est inséparable de la condition humaine.



Le style de Leslie Kaplan est un style simple. Il semble un peu relâché à la lecture, mais sculpte une matière qui se révèle de plus en plus dense en sens au fil de la progression.



"Millefeuille" de Leslie Kaplan est un livre qui peut paraître insignifiant si on n'y prête pas garde. C'est ce que m'ont confirmé les avis de certains amis babéliotes qui semblent s'être ennuyés à sa lecture alors que je n'ai pas pu le lâcher avant la fin.



Je tiens Leslie Kaplan pour une grande écrivaine qui ne paie pas de mine... ou qui ne "parle" pas à tout le monde. Car, comme l'a écrit Krout dans son commentaire : "Il y a un âge pour apprécier certains livres, pour Millefeuille il faut un âge certain."





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L'excès-l'usine

Je comprends que ce premier roman de Leslie Kaplan publié en 1982 ait été apprécié par Marguerite Duras. Ce drôle de titre "L'excès - l'usine" est celui d'un drôle de texte, non pas dans son contenu assez sombre mais sur sa forme originale. D'ailleurs, les deux femmes se sont entretenues en janvier 1982 sur ce livre audacieux aux multiples oxymores. L'entretien figure en annexe de cette réédition accompagné d'un court texte de Maurice Blanchot.

"L'excès - l'usine" est un livre d'ambiance sur le travail des femmes en usine bien que peu de gestes soient décrits. L'excès du titre doit dans doute être compris comme ce qui dépasse certaines limites. L'usine n'est pourtant pas la prison mais elle est immense et quand on l'a connu, c'est comme une exagération de l'existence, elle prend toute la place dans un éternel recommencement.

Leslie Kaplan a choisi volontairement de faire cette expérience du travail en usine (et non par nécessité me semble-t-il) et elle se positionne comme une sociologue ou une philosophe. Pourtant, il est parfois difficile de la suivre comme cela arrive avec les textes expérimentaux.



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L'excès-l'usine

cc les amis , pour moi qui bosse a l'usine et qui a une culture ouvrière , j'ai ressenti en lisant les petits textes de ce petit livre une vision de l'auteure que je connais de cette endroit qui berce mes journées de travail . ce livre fait pour moi de cette culture qui en plus d'être connu par plein de monde doit aussi être appris a notre jeunesse et ce livre je pense peu le faire . en plus il transmet une ambiance de ce qu'est l'usine et d'une partie de la vie des ouvriers cela reste une lecture accessible a tous et agréable . bonne lecture les amis
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La bataille du rail : Cheminots en grève, écriv..

Nous avons tous un rapport particulier avec le train, des souvenirs d’échappées belles, de rencontres cocasses, de paysages qui défilent, de baisers échangés sur un quai de gare, de voyages qui ont changé une vie…



C’est le cas d’une trentaine de plumes de la littérature française, qui souhaitent intervenir, au moyen de la fiction, en soutien à la grève engagée par les cheminots. Car la lutte des cheminots n’est pas une lutte corporatiste, elle cristallise au contraire l’idéal de solidarité, concrétisé par des services publics, de tout un peuple.

Avec Patrick Bard, Agnès Bihl, Laurent Binet, Geneviève Brisac, Bernard Chambaz, Didier Daeninckx, Abdelkader Djemaï, Bruno Doucey, Annie Ernaux, Pascale Fautrier, Patrick Fort, Valentine Goby, Nedim Gürsel, Hédi Kaddour, Leslie Kaplan, Jean-Marie Laclavetine, Lola Lafon, Hervé Le Corre, Sandra Lucbert, Mako, Roger Martin, Guillaume Meurice, Gérard Mordillat, François Morel, Grégoire Polet, Jean-Bernard Pouy, Patrick Raynal, Alix de Saint-André, Danièle Sallenave, Jean-Marc Salmon, Alain Serres, Shumona Sinha, Murielle Szac, Tardi, Carole Trébor et Philippe Videlier.

Je soutiens le mouvement de grève des cheminots. Je remercie tous les agents qui se battent chaque jour pour notre service public. Si comme moi vous aimez le train, achetez ce livre. Et faites achetez. Moi, j’ai convaincu 3 personnes et vous ?



Je remercie tous les écrivains, animateurs qui s’engagent auprès des grévistes. Ce qui ne gâche rein, la lecture des textes est magnifique !
Lien : https://blogentresoi.wordpre..
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Louise, elle est folle - Renversement

Une réflexion sur les mots à travers le dialogue de deux protagonistes qui s'opposent et se renvoient la balle, tout en s'accordant sur un seul point : la folie de Louise, de l'absente, de l'autre.

Les mots qui mentent, qui enferment, qui sont mal interprétés, qui sont vides, creux ; les mots qui peuvent tuer ; et les lieux communs par lesquels circulent les dénis, les oppressions, le mépris.

Les mots qui nous permettent d'être au monde peuvent être trahis, utilisés contre, nier, détruire, ...

Ce n'est pas leur finalité. Leur finalité est l'expression, le lien, et sans doute aussi l'art. Mais il y a des liens qui ligotent, qui emprisonnent, qui asphyxient. Des liens qui empêchent d'être au monde.

Il faut renverser le sens des mots trahis : c'est le thème du court texte explicatif qui suit la pièce de théâtre, et que Leslie Kaplan a intitulé "le renversement".
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Lettres à Sade

Dans cet ouvrage, des hommes et femmes qui sont universitaires, écrivains, juristes ou philosophes écrivent une lettre à Sade. Le fond diffère à chaque missive et l'orientation choisie varie selon le rédacteur. Il n'est pas question pour les écrivains de lui dire de but en blanc s'ils l'aiment ou le détestent mais plutôt de choisir un aspect de Sade (sa personnalité, ses écrits, sa fin de vie, ses pensées) et de s'en servir comme trame pour s'adresser au marquis.



J'ai beaucoup aimé ces lettres qui traitent d'un point de vue différent la pensée, les écrits de Sade, son enfermement, sa mort. Tandis qu'une lettre me fait réfléchir pour savoir si je suis d'accord ou non avec son rédacteur, d'autres se projètent contemporains de Sade et me re-situent à ses côtés à la Bastille. Certains font des parallèles avec la façon dont est traité le corps de nos jours : piercings, corps morcelés (dons d'organes), mères porteuses, l'enfant à tout prix. Un des auteurs a un parti pris plus poétique tandis qu'une autre me semble invectiver l'écrivain lequel n'a pas voix au chapitre bien évidemment puisqu'il ne s'agit pas d'un dialogue.

Il est souvent question de la nature de l'homme (homme naturellement bon ou a contrario meurtrier, incestueux, violent) ?



J'ai un avis très positif sur ce livre pour plusieurs raisons :



- ceux qui ont rédigé les lettres m'étaient complètement inconnus à l'exception de Noëlle CHâtelet et Catherine Cusset. Je n'ai donc pas été parasitée par ce que j'aurais pu avoir lu de l'auteur ni même "parasitée" par le physique de la personne. Je n'avais pas la vision du visage de l'écrivain mais uniquement son écrit.

-Les lettres sont de qualité, bien écrites voire dfficiles pour deux d'entre elles : j'ai dû les relire lentement pour m'en imprégner et les comprendre.

-J'ai bien aimé le procédé, les points de vue différents.

-Je me suis demandé ce que j'aurais pu lui écrire.



-La couverture est très jolie et j'aime le toucher différent entre le bandeau glacé, lisse et brillant et le reste de la couverture (et j'attache une grande importance aux titres et couvertures des livres).

- J'ai même laissé passer du temps entre la lecture des premières lettres et la lecture de la dernière lettre. Je n'avais pas envie de la lire parce que je n'avais pas envie de n'avoir plus de lettres à lire.



Un grand merci à Babelio et aux éditions Thierry Marchaisse pour cette opération Masse Critique.



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Millefeuille

Étrange vieux monsieur que ce Jean-Pierre Millefeuille! Ancien professeur de littérature, aujourd'hui retraité et veuf, il vit dans son appartement parisien et tente d'occuper son temps à la rencontre d'amis, de jeunes, ou à l'écriture d'un livre sur les rois dans Shakespeare.

Il a une vie bien réglée, aime faire ses courses, flâner dans les bars, les musées, les parc du quartier. Il reçoit souvent des gens très différents comme Zoé et Léo, un couple de jeunes professeurs ou Charles, un africain agent de sécurité ou Sammy, un livreur de DVD.

Et pourtant, au-delà des moments d'amusement, il déprime parfois en pensant à la mort et surtout au fait qu'il ne laissera pas de trace après sa mort, contrairement aux rois ou pharaons.

Entouré d'amis sincères, de son fils, pourquoi doute-t-il, tout d'un coup? Est-ce le manque de sa femme, cette rencontre ratée avec un couple de jeunes délinquants, la hantise de clochards de sa connaissance? Ou tout simplement, la vieillesse qui s'installe.

Leslie Kaplan a construit un personnage très intéressant (expression favorite du narrateur) et attachant même si il finit un peu par nous agacer. L'évolution du personnage est bien construite mais le dénouement m'a laissée un peu perplexe.

Par contre, j'ai apprécié beaucoup les rencontres de Millefeuille et ses ballades parisiennes.
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Un fou

Un jour, la narratrice et son petit-fils Hélio rencontre un jeune homme dans un train avec lequel ils sympathisent. Ce dernier, prénommé Simon, prétend être "Un fou". Il colorie très bien, sans déborder et connait les vaches mais se plaint de ne plus voir sa psychiatre parce qu'aujourd'hui on donne plus facilement des pilules que du temps aux gens qui en ont besoin.

Et puis, il y a des visites surprises du président de la République dans un tas d'endroits différents, d'abord dans un collège où les propos tenus ne sont pas toujours d'une grande cohérence. C'est assez fou !

L'Élysée va vite démentir : les interventions du président de la République seraient un canular. C'est quand même l'occasion pour un certain nombre de personnes ordinaires, une caissière ou un infirmier par exemple, de prendre la parole.

Ce qui est le plus fou dans cette histoire menée par Leslie Kaplan, c'est la façon qu'elle a d'interroger la démocratie directe quand de drôles d'événements se produisent à l'époque où on a du mal à savoir qui dit quoi.

Ce texte très court permet donc la réflexion sur les temps qui courent.





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Challenge Riquiqui 2022

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Millefeuille

Un roman qui arrive à point dans ma vie pour de multiples raisons. Déjà une réussite en soi.

Le commentaire de Darkanny est déjà complet il est difficile d'ajouter quelque chose de pertinent.

Ce livre nous laisse toujours en suspens, dans l'attente de quelque chose, d'une explication comme s'il y avait besoin d'une explication.

J'ai d'abord cru à une folie du héros dont on ne dit pas le nom, une maladie de vieillesse tellement actuelle, un isolement complet faisant intervenir des hallucinations tant le personnage présente deux facettes antagonistes, personnage joyeux, charismatique, altruiste et curieux d'un côté, mesquin, égoïste, peureux et triste de l'autre.

Un personnage cultivé pour discourir de Shakespeare mais ignare pour donner son avis sur le chapitre écrit par un ami. La dualité est très contrastée et le mystère demeure très longtemps dans le récit.

Pour le reste, le dénouement je ne dis rien.

Le style est agréable, on ne peut pas dire qu'il soit simpliste, mais épuré, fluide, pas de chichi, j'ai personnellement apprécié que la narration soit à la troisième personne (tellement de livres narrés à la première à notre époque).

Le rythme des phrases est assez rapide même si l'auteur prend son temps pour des descriptions utiles. On reconnaît bien l'atmosphère particulière de Paris.

Un petit bémol pour le chapitrage, les chapitres sont à mon avis trop nombreux et courts, cela rend le récit saccadé, cela a son utilité pour exprimer l'humeur oppressé du héros ainsi que la dualité entre les deux personnalités si je puis dire qui l'habitent mais un chapitrage un peu moins découpé aurait pu être plus agréable. Je chipote ceci dit.



J'ai aimé, cela m'a changé de mes habitudes de lecture, comme toute lecture réussie change son lecteur cela m'a changé aussi en ce sens.
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Désordre

7 euros pour 1/4 d'h de lecture! Parfois on se moque de nous chez P.O.L., à moins que ce soit l'autrice?

Le bandeau annonçait:"ça suffit la connerie!" oui assurément.

Une cinquantaine de pages qui font l'inventaire de crimes incompris malgré toutes les théories avancées.

On peut y voir une pointe d'humour dans l'inventivité des criminels; sans préméditation apparente.

et dire que c'est une libraire expérimentée qui me l'a proposé!

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