Mondialement connu pour sa trilogie du Problème à trois corps, Liu Cixin n’a pas délaissé la forme courte. Il est l’auteur de nombreuses nouvelles que les éditions Actes Sud ont décidé de publier en deux volumes sous la direction de Gwennaël Gaffric, éminent traducteur. Le résultat est inégal : souvent décevant au début, il tourne rapidement à l’ébouriffant. Voyages dans l’infiniment grand, à travers les étoiles, à la rencontre d’autres formes de vie. C’est parti !
Liu Cixin est un admirateur de la science, il n’y a pas photo ! Ses textes transpirent la vénération de cet auteur pour les progrès scientifiques, les inventions qui peuvent bouleverser la vie (en bien ou en mal) des femmes et des hommes. Dans les premiers texte, maladresse de jeunesse, ils ont eu du mal à inspirer en moi des sentiments forts. Car ses personnages sont des silhouettes de papier, des caricatures, des stéréotypes, sans âme, sans réelle épaisseur. Heureusement, rapidement, on voit une nette amélioration. D’ailleurs, sur les récits des deux derniers tiers du recueil, Liu Cixin joue énormément sur l’émotion et met systématiquement en avant des moments déchirants où les personnages sont confrontés à la difficulté de l’existence (« Le Feu de la terre » ou « L’instituteur du village ») ou à la cruauté de choix (« L’Équateur d’Einstein »). Cela met d’autant en valeur l’idée centrale. Car dans les nouvelles de Liu Cixin, c’est elle qui domine: l’idée. Et certaines d’entre elles sont bonnes, très bonnes. Elles ouvrent de vastes perspectives et font réfléchir à la place de l’humanité dans l’univers, à la force de la science et à sa nécessité dans notre vie. Parfois, comme dans La Nuit du faune de Romain Lucazeau, l’auteur nous garde à distance (dans le roman du Français, cela reste volontaire, alors que chez Liu Cixin, c’est plutôt dû à de la maladresse). Mais, comme je l’ai dit plus haut, de moins en moins. Il parvient à nous initier à ses théories, à nous faire partager ses visions grandioses grâce à l’irruption de l’humain.
Mais, même quand il donne une plus grande place et une plus grande force à l’individu en tant que tel, Liu Cixin manipule des concepts et tente d’en faire des histoires qui mettent en scène des groupes gigantesques, des populations. En effet, la science touche tout le monde et quand une découverte est faite, quand une invention existe, elle produisent des effets sur l’humanité entière. C’est toute la planète qui se déplace dans « Terre errante », ce sont les meilleurs scientifiques, et donc l’avenir de l’humanité, qui sont mis en jeu dans « L’Équateur d’Einstein ». La science, d’ailleurs, n’est pas la seule à posséder un tel pouvoir : l’art, également, jour un rôle capital dans l’évolution de nos civilisations. « La Mer des rêves » en est un parfait exemple : la vie est-elle supérieure à la beauté des œuvres d’art ? Vaut-il la peine de vivre sans art, sans ce qu’il apporte ? Les questionnements, au fur et à mesure de l’avancée de la lecture des nouvelles, se font plus profonds, plus vertigineux et, surtout, plus prégnants car Liu Cixin maitrise de mieux en mieux l’art de l’écriture et, comme ses personnages nous sont plus proches, ses histoires nous touchent davantage. Et les questions posées trouvent plus facilement des échos en nous.
En débutant la lecture de L’Équateur d’Einstein, je n’aurais pas pensé écrire que j’attends avec impatience la publication du deuxième volume des nouvelles de Liu Cixin. Les perspectives ouvertes par ces récits me font regarder différemment le monde qui m’entoure. Ces textes m’ont fait sortir de ma zone de confort et m’ont confronté à mon humanité, m’ont obligé à réfléchir autrement. Pour cela, merci !
Un avis sur chacune des nouvelles est à lire sur mon blog : ici, cela aurait fait un article trop long.
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