Ouh là, tu nous lis un classique bien aventureux dis donc.
Et oui, à l'heure où nous lisons tous et toutes, parfois à l'insu de notre plein gré d'ailleurs, de la littérature de plus en plus libertine, avec de l'intrigue ou pas d'ailleurs. Vous vous demandez sûrement ce que fait la Princesse de Clèves dans le coin. S'est-elle perdue ? Ai-je été victime d'une vague de jansénisme aigue à avoir lu trop de livres conseillés par Candy ? Nan. Comme toujours, cela démarre avec une conversation. Ici, vu que c'est un classique, vous vous doutez bien que c'est Yumi qui m'a demandé si j'avais lu ce livre. J'ai abandonné clairement le compte des années où je l'ai lu car je pense que c'était début lycée ou fin collège. Même si les raisons sont obscures. Je dois en avoir deux possibles à vous proposer. La première est que ce livre a été acheté par un de mes deux grands pères dont la mission dans la vie (et pour ma plus grande joie) était de me faire lire beaucoup de classiques. Cela dit, mon grand père est plutôt un adepte du naturalisme alors la Princesse de Clèves.... La seconde hypothèse et donc la plus probable est l'étude de l'amour courtois. Mais ce roman n'est pas du tout de l'amour courtois.
Non, mais cette année là où j'ai découvert Chrétien de Troyes, je m'étais lancée dans ma petite étude perso sur les romans d'amour au cours des siècles. (oui les hormones toussa toussa). Et ce fut cette année où j'ai redécouvert le Rouge et le Noir, par exemple. Mais j'ai surtout découvert les Liaisons dangereuses, et quand j'ai demandé de voir d'autres choses à ma libraire de l'époque. Elle m'a dit que concernant les Liaisons, son double "bénéfique" était La Princesse de Clèves mais que de mémoire, elle pensait que je pouvais le lire haut la main. Et c'est amusant de voir qu'à un siècle de différence d'écriture, les romans sont totalement différents. Que ce soit dans la construction que dans la manière de voir l'adultère. Disons que pour la Princesse de Clèves, on avait les conversations de salon où grosso modo, les nanas se racontaient les potins du coin, se demandant s'il fallait répondre à leurs amants ou pas et comment ne pas entâcher une réputation. Pour les Liaisons, c'est plutôt des histoires de tableaux de chasse, à chasser la vertueuse, justement.
Et donc quand je lis l'un ou l'autre de ces deux romans, je les compare à chaque fois. Parce que cela m'amuse et que cela me rappelle aussi mes 15 ans où je cherchais l'amour dans les écrits plutôt que dans des boutons d'acné et une voix australopithèque mutante. C'est aussi cela d'être victime de bullying mes amis. Quand on est tout seul dans la cour. Et bien, soit on se morfond, soit on se cultive. Et j'avais de très bon livres avec moi.
Et la construction du livre ?
Alors, pour tous ceux qui veulent lire la Princesse de Clèves à froid, sans préparation, sans rien. Laissez moi vous dire que vous n'allez pas être submergés par l'action. Le livre est construit en 4 parties qui sont en fait 4 chapitres. Et le premier se borne à vous décrire les personnages, lerus vies, leurs apparences, la cour du roi, l'histoire du monde, le temps qu'il fait, et les tenues de ces dames. Au milieu de tout cet ensemble de descriptions absolument passionnantes (j'ai cru que j'allais perdre Yumiko), on a une nana qui se retrouve dans une bijouterie et là le Prince de Clèves passe. Et hop, il est amoureux donc il l'épouse. La tite dame n'est pas forcément amoureuse mais devant un beau titre de noblesse, ma foi, on peut faire un effort et hop la boum, fin de la première partie.
Et oui c'est comme ça. Tu as une scène de presque action dans tout le truc. Mais dans la seconde partie, il y a des dialogues (ne faites pas cette tête là, cela va bien se passer). Alors non, je ne vais pas du tout vous raconter cette histoire. C'est juste que la construction de ce récit se fait réellement comme l'amour courtois. Dans le sens où on a une dame mariée. Passe un jour un mec qui tombe fou amoureux d'elle et il va cultiver son amour, lui piquer des trucs et tout et tout. La nana s'en rend compte mais elle ne va pas tromper son mari. Nan. Elle va avouer son sentiment à celui ci et se retirer du monde pour éviter la tentation.
Ainsi, face à l'adultère, même en pensée, on a la punition du mari (il meurt de chagrin), la punition de l'amant (il ne fera pas hum hum), et la sacralisation de la vertu car la femme objet de désir se retire de la vue des autres (afin d'éviter les contaminations, sûrement) et se réfugie auprès de Dieu parce qu'elle prie tout le temps pour expier sa pensée impure.
Alors c'est à lire ou pas ?
C'est un classique alors je pense que forcément, je vous dirai bien que oui. Cela dit, prenons notre société actuelle où les questions de moralité sont de plus en plus difficiles à traiter. On a des romans qui prônent la liberté sexuelle, le divorce ou même la séparation avec son compagnon ou sa compagne, c'est plutôt facile. On n'est plus à se demander si penser c'est tromper mais plutôt si toucher c'est tromper. Alors, pour les gens d'aujourd'hui, je conseillerai peut être les Liaisons dangereuses et du coup, en comparaison, après, pour vous refroidir, la Princesse de Clèves.
L'écriture est un peu vieillotte dans sa construction mais cela vous permettra de bien voir comment les romans se construisaient à l'époque. Et surtout je pense que cela peut vous aider à comprendre comme l'époque (XVII° siècle de mémoire) voyait la vertu. Comment ils pouvaient idéaliser une relation entre hommes et femme. Ce n'est pas la passion dont il est question ou la satisfaction d'un désir. Ce sont les convenances, tout simplement.
En bref ?
Alors, oui quand je lis un classique comme ceci, mon cerveau a deux neurones qui se touchent. Je me marre comme pas possible, ce qui a permis à Yumiko de se prendre un très beau fou rire à propos d'une canne. Et des dialogues aussi. Mais si l'on prend mon point de vue personnel, oui j'ai eu un très grand plaisir de le relire. Comme quand vous allez visiter de nouveau un lieu de votre enfance. Et là la magie opère, encore une fois :)
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