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3.9/5 (sur 179 notes)

Nationalité : France
Né(e) le : 14/02/1966
Biographie :

Marc Graciano est né le 14 février 1966.
Il vit au pied des montagnes aux confins de l’Ain et du Jura.

Liberté dans la montagne est son premier livre.

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Quand il ne travaille pas à Genève comme infirmier psychiatrique, il voyage dans les montagnes du Jura.

Il a publié six livres aux éditions Corti.
Liberté dans la montagne (2013)
Une forêt profonde et bleue (2015)
Au pays de la fille électrique (2016)
Enfant-pluie (2017)
Le sacret (2018)
Embrasse l’ours (2019)
Le Soufi [ 2020 ] est le fragment d’un plus grand projet en cours que l’auteur nomme Le grand poème.


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Avec Marc Graciano, Maylis de Kerangal, Christine Montalbetti & Martin Rueff Table ronde animée par Alastair Duncan Projection du film d'Alain FleischerClaude Simon, prix Nobel de Littérature 1985, est plus que jamais présent dans la littérature d'aujourd'hui. Ses thèmes – la sensation, la nature, la mémoire, l'Histoire… – et sa manière profondément originale d'écrire « à base de vécu » rencontrent les préoccupations de nombreux écrivains contemporains. L'Association des lecteurs de Claude Simon, en partenariat avec la Maison de la Poésie, fête ses vingt ans d'existence en invitant quatre d'entre eux, Marc Graciano, Maylis de Kerangal, Christine Montalbetti et Martin Rueff, à échanger autour de cette grande oeuvre. La table ronde sera suivie de la projection du film d'Alain Fleischer Claude Simon, l'inépuisable chaos du monde. « Je ne connais pour ma part d'autres sentiers de la création que ceux ouverts pas à pas, c'est à dire mot après mot, par le cheminement même de l'écriture. » Claude Simon, Orion aveugle À lire – L'oeuvre de Claude Simon est publiée aux éditions de Minuit et dans la collection « La Pléiade », Gallimard. Claude Simon, l'inépuisable chaos du monde (colloques du centenaire), sous la direction de Dominique Viart, Presses Universitaires du Septentrion, 2024.

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Citations et extraits (42) Voir plus Ajouter une citation
et le gyrovague dit qu’après un long moment, le petit homme rabaissa son bâton vers le sol, et qu’il le posa au sol près de lui, puis qu’il se déchargea de son bissac en passant, avec une souple et spectaculaire contorsion de la nuque, la tête sous la bandoulière qu’il releva un peu à l’aide de ses deux mains, et qu’il posa le bissac devant lui, à ses pieds, puis qu’il fouilla dedans, et qu’il en sortit une gourde, ce qui avait confirmé sa supposition première, dit faraudement le gyrovague, et que la gourde était faite d’une citrouille petite et monstrueusement plate qui avait été évidée de sa pulpe, et qui était utilisable sur la tranche, avec un trou percé dans l’épaisseur de la circulaire bordure, en simple guise de goulot, et le gyrovague dit que l’on voyait, sur un plan vertical maintenant, les stries radiales qui jadis, sur un plan horizontal, divisaient en tranches régulières l’écorce dure et jaune de la courge anomale, et le gyrovague dit que le bouchon de la gourde était de forme conique et qu’il avait été taillé dans de l’écorce de liège, et le gyrovague dit que le petit homme prit cette gourde, et qu’il la porta jusqu’à lui, le gyrovague, et qu’il lui fit signe qu’il pouvait boire de son contenu autant qu’il le voudrait, et le gyrovague dit que la gourde contenait une aigue tiède et au léger goût de croupi, mais que c’était délivrance de la boire après les derniers jours d’errance et d’abstinence forcées, et qu’il en avala plusieurs longues goulées avec avidité, mais qu’avant de finir le contenu de la gourde, à cause qu’il avait su, au bruit de clapot que fit le liquide contenu dedans quand il la rabattit entre les dernières gorgées, que la gourde était presque vide, il avait lancé un regard interrogatif au petit homme, et que celui-ci, qui était affairé à déballer le contenu de son bissac, sans le regarder et sans même lever la tête, avait fait un geste du bras et de la main dans sa direction, en signe que le gyrovague pouvait poursuivre librement son impotation, et le gyrovague dit qu’il avait bu avec délectation le reste de l’aigue douteuse, puis qu’il avait posé la gourde vide à ses pieds, où le petit homme revint, en souriant, prestement la chercher pour la ramener avec les autres objets qu’il avait sortis de son bissac, et que, pendant l’impotation du gyrovague, le petit homme avait sorti précautionneusement une autre calebasse monstrueuse, et que celle-ci avait été en forme d’hémisphère, ou plutôt de moitié de poire, ou alors dit le gyrovague, de même forme intégrale qu’une châtaigne, mais de grandeur démesurée, et que la partie plane, par où les fruits s’accolent dans la bogue, avait été dolée et poncée afin de faire table, et avait été ajourée en son centre d’un petit cercle de surface à peu près égale à celle de la paume d’une main humaine, par où la courge d’origine avait été curée et évidée de sa pulpe, et le gyrovague dit que le linéament de la courge d’origine, après le pédoncule, sans doute contraint par une cause désormais difficilement explicable, s’était courbé presque à angle droit, et avait d’abord grandi en long avant de s’élargir en la bizarre, mais si utile forme, et que, sans doute pour lutter contre cette anormale courbure, la plante avait sécrété beaucoup de fibres, ce qui avait rendu cette première partie pleine et dure, et que cette partie oblongue et dense de la courge avait été dolée et poncée, ainsi que la table, mais bien plus minutieusement encore, avec, fixé à l’angle aigu de l’extraordinaire courbure, une barrette taillée dans un bois noir et dur, sans doute de l’ébène, et le gyrovague dit qu’une autre barrette, celle-ci en ivoire, avait été fixée sur l’arrière de la table, en office de chevalet pour y accrocher quatre paires d’une corde paraissant avoir été confectionnée avec les boyaux d’un animal, le gyrovague n’aurait mot su dire lequel, pour ce qui était donc un instrument de musique assez semblable, dit le gyrovague, aux luths qu’utilisaient les trouvères d’ici, quoique de taille plus réduite et d’aspect plus fruste, et n’arborant aucune frette, et possédant une unique cheville en corne pour tendre chaque paire de cordes, les matières précieuses en lesquelles avaient été taillés sillet et chevalet jurant avec la pauvreté et la simplicité de celles en lesquelles le reste de l’instrument avait été facté, puis que le petit homme avait délicatement posé son luth à ses pieds, puis que le petit homme avait sorti une tranche de bois plusieurs fois rainurée et une longue baguette de bois, ainsi qu’une pelote d’amadou, puis que le petit homme avait sorti un bol d’argile en forme d’ogive et obturé par un tambour de fine peau, puis que le petit homme avait sorti trois galets qui possédaient la particularité de n’être sein tout à fait ovoïde, mais légèrement plat sur un côté, ce qui les rendait particulièrement stables une fois qu’ils y étaient posés, et que le petit homme avait sorti une autre calebasse qui était oblongue, et de laquelle le corps était constitué de la succession de sphères résultant de plusieurs nodosités que le végétal vivant avait jadis possédées, et de laquelle une extrémité se relevait et formait col, et avait été biseautée afin de faire bec, mais n’était bouche fermée, précisa le gyrovague, et que le petit homme obtura d’un morceau de tissu qu’il fixa avec un lacet végétal enroulé plusieurs fois sur le col, le gyrovague dit que le petit homme possédait beaucoup de ces fibres réunies en un écheveau, puis que le petit homme s’était relevé avec la gourde difforme ainsi équipée, puis qu’il avait pris dans son bissac un morceau de racine qui était en bois dur et en forme de plantoir, et que, avec la gourde difforme et ce bâton courbe, le petit homme s’éloigna dans le désert, à portée de vue du gyrovague, et qu’il choisit un endroit spécial dans le désert, le gyrovague dit qu’encore aujourd’hui, il ignorait selon quels critères, à cause que c’était un endroit qui paraissait exactement semblable à tous les autres
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Le gyrovague dit qu’à son éveil, il y avait un homme accroupi à quelques pas devant lui, comme qui dirait assis sur les talons, et le gyrovague dit que c’était un très petit homme, presque nain, quoiqu’harmonieux de corps, avec un visage plat et un nez camus quasi inexistant, comme celui d’un félin, et le gyrovague dit que le petit homme portait une robe de grossière laine bise avec un col très échancré qui laissait bien voir sa poitrine glabre en dessous, mais le gyrovague dit qu’en vérité, le corps du petit homme était glabre partout où il était visible, et que l’on pouvait donc supposer qu’il l’était intégralement, et que, mêmement où elle était visible, et là encore il devait en être ainsi intégralement, la peau glabre du petit homme, qui avait été beaucoup bronzée par le soleil et le vent du désert, en plus de son naturel teint, était excessivement crasseuse, couverte de stries grises, et qu’il était manifeste, dit le gyrovague, que le corps du petit homme n’avait partie été lavé depuis des années, hormis peut-être accidentellement par la pluie, et le gyrovague dit que le bas de la robe du petit homme, par cause de la position d’accroupissement, était relevé sur les genoux, ce qui laissait voir les mollets griffés par les épines du désert, chaque mollet porteur de grosses varices qui sinuaient sur son galbe, et que mêmement de grosses veines très apparentes sinuaient sur ses avant-bras, quoique ce ne fussent à proprement parler des varices, fit remarquer le gyrovague, et le gyrovague dit que les cheveux grisonnants du petit homme, qui depuis bien longtemps n’avaient en pointe été taillés, étaient très longs, et qu’ils s’étaient naturellement amalgamés et torsadés, peut-être autour du noyau que constituait une brindille ou la boule d’un rièble récoltée sur le chemin, et que les cheveux faisaient comme de longues bourres qui descendaient jusqu’aux pieds du petit homme quand il se tenait en station debout, et qui, là encore du fait de sa position d’accroupissement, auraient très certainement traîné au sol en leurs extrémités, si elles n’avaient été relevées en spectaculaire paquet au sommet du crâne, et maintenues à l’aide d’un long peigne à deux dents, duquel la poignée avait été sculptée en tête d’oiseau, celle d’un échassier au long bec, un héron ou une cigogne, le gyrovague dit qu’il était difficile de le déterminer, mais que toutefois, dans la position d’abaissement du petit homme, le limbe inférieur de la courbure du paquet des cheveux affleurait quand même le sol derrière ses fesses, et le gyrovague dit que le petit homme possédait une barbe aux longs poils grisonnants, qui, laissés dans la même incurie que les cheveux, s’étaient amalgamés et torsadés, et que les longues torsades de poils, qui avaient été réunies après le menton par un lacet de cuir, auraient touché le sol entre ses pieds, et y auraient traîné si le petit homme n’avait geste rejeté et placé le paquet de la barbe par-dessus une épaule, et le gyrovague dit que les pieds du petit homme étaient nus et fortement cornés, et que la corne des pieds faisait comme une coque englobant toute la plante et les doigts du pied, et le gyrovague dit que les ongles des pieds et des mains du petit homme s’étaient développés en toute liberté, et qu’ils avaient pris des formes très flexueuses, et totalement imprévues, hormis ceux qui s’étaient spontanément cassés lors de diverses activités, et le gyrovague dit que le petit homme portait des manilles de bronze aux chevilles, mêmement qu’aux poignets, et le gyrovague dit que le petit homme portait un maigre collier de fibres végétales tressées, et le gyrovague dit que le collier portait une petite pierre d’ambre rose en guise de pendentif, et le gyrovague dit que la pierre représentait la gueule miniature d’un lion rugissant, et le gyrovague dit que les yeux du petit homme étaient bruns et parfois mordorés dans la luminosité qui était changeante, à cause que le vent léger dans le désert faisait voyager devant le soleil des nuages effilochés qui l’offusquaient, mais ne pouvaient, par leur finesse, en obscurcir véritablement la lumière, et faisaient seulement varier son intensité, et le gyrovague dit que le visage du petit homme, par cette coloration des iris et en surcroît de sa physionomie, devenait alors grandement léonin, et le gyrovague dit que le visage du petit homme était tatoué à chaque commissure de l’œil avec des traits en forme de patte d’oiseau, la figure tripartite orientée vers l’extérieur, à savoir vers les tempes, chaque trait du dessin épousant les rides que faisait la commissure de l’œil quand le petit homme plissait les paupières, et le gyrovague dit que le petit homme le regardait avec beaucoup d’attention, comme qui dirait une tendre minutie, et que c’était un regard curieux en même temps qu’amical, dit le gyrovague, comme qui dirait lui souriant doucement et intelligemment avec les yeux
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puis que le petit homme rapprocha son ventre, et donc la poche de bure davantage tendue et élastique, de la tôle surchauffée, puis que le petit homme plaça les deux mains qui tenaient droite la bordure de la robe au-dessus de la tôle, puis que le petit homme se dressa sur la pointe des pieds en projetant son bassin vers l’avant, approchant encore ainsi davantage son ventre au-dessus de la tôle, puis que le petit homme abaissa les mains vers la tôle, et commença à verser le contenu de la robe sur la plaque brûlante, et que c’était des sauterelles, annonça le gyrovague, et le gyrovague dit que les sauterelles étaient d’une grande taille, comme il n’en avait encore jamais observées, et qu’elles étaient de robe brune finement pointillée de noir, et que leurs mouvements étaient indolents, et que ces sauterelles ne faisaient de grands sauts qui auraient pu les faire sortir de la poche où elles étaient prisonnières et réunies en paquet, comme l’auraient fait celles de chez nous, fit remarquer le gyrovague, et que le petit homme fit glisser l’amas des insectes sur la surface de la tôle, et que, si une grande quantité des sauterelles se récoltèrent et se collèrent en grésillant sur la tôle, une quantité plus petite demeura dans le fond de la poche que continuait de former le pan sous tension de la robe, et que d’autres encore churent à l’extérieur de la tôle, sur le sol nu devant le feu ou dans la cendre à la périphérie du foyer, puis, dit le gyrovague, que le petit homme, avec de brefs et répétitifs mouvements de bassin vers le haut et vers l’avant, anima son ventre de réitératives secousses qui secouèrent son sexe et propulsèrent, grâce à l’élastique rebond que possédait la toile tendue de la robe, le reste des sauterelles sur la tôle, puis que le petit homme, à cause que des sauterelles demeuraient agrippées à la trame de la toile, rapprocha encore davantage son bassin de la tôle, presque comme s’il s’apprêtait à un coït avec cet objet, et craignant nullement l’incommodante chaleur du feu sur ses honteux organes, puis que le petit homme, avec les doigts d’une main qu’il libéra et qu’il passa sous sa robe, tapota, dans un petit geste de revers, la toile de la robe vers l’extérieur, et qu’ainsi, dit le gyrovague, le petit homme projeta les dernières sauterelles sur la tôle, puis que le petit homme cueillit sur la bure les dernières sauterelles qui y étaient restées obstinément accrochées, et les jeta sur la tôle, puis que le petit homme baissa lestement le torse vers le sol, et, tandis qu’il demeurait en cette position, qu’il rafla les sauterelles tombées au sol près de l’âtre et qui ne s’étaient bond trop éloignées, puis que le petit homme releva le buste aussi lestement qu’il l’avait abaissé, et qu’il jeta sur la tôle les sauterelles qu’il avait cueillies au sol, puis que le petit homme, dit le gyrovague, quand toutes les sauterelles furent à griller sur la tôle, émettant une fine odeur d’ongle brûlé, avec une spatule en bois prise dans son bissac, ce n’était que la tranche d’une bûchette fendue, comme qui dirait une mince palette, précisa le gyrovague, fit sauter et se retourner les sauterelles sur la tôle pour bien les griller dans leur intégralité, puis, dit le gyrovague, que le petit homme les rassembla en monticule au centre de la tôle, puis que le petit homme prit le pot d’argile obturé près de lui, et qu’il lui ôta son tambour de peau, et, qu’à l’aide de la spatule, il piocha dedans et en sortit du miel, et que c’était un miel liquide et presque translucide que le petit homme fit couler sur les insectes grillés, puis qu’avec sa spatule, le petit homme fit bien s’enrober de miel les sauterelles grillées, qu’il les amalgama avec le miel qui se caramélisait au contact chaud de la tôle, puis que le petit homme prit un mince bol en calebasse parmi plusieurs qu’il avait sortis du bissac, imbriqués les uns dans les autres, et qu’il le remplit avec la moitié des sauterelles grillées et emmiellées, puis que le petit homme lui apporta le bol, dit le gyrovague, et qu’il le lui apporta sans cérémonie, précisa le gyrovague, comme s’ils se connaissaient, lui et le petit homme, depuis toujours
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Mais le vieux n'était point si vieux en vérité.
Le vieux était simplement rendu à l'âge où un homme ne se raconte plus d'histoires.Il était rendu à l'âge où un homme ne craint plus ni les échecs ni les succès. Le vieux était désaffecté et doux.(...)
Le vieux était un vétéran.
Un sage.
Un fou.


( p.15)
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Ce fut en cet arroi que nous rejoignîmes au plus vite les bois noirs sur les collines au dessus de Vaucouleurs, et c'était l'heure où les canards quittent les roselières en queue d'étang pour évoluer dans un ciel sombre, et où le vol des oiseaux sauvagins palpite à la lisière des forêts, et où la terre froide faonne des bandes de brume qui se meuvent comme si elles étaient vivantes, (...)
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Le géant demanda au vieux par qui la garde de la petite lui avait été confiée et le vieux répondit qu' il aurait aisément pu lui répondre que c'était la grand-mère de la petite qui le lui avait demandé car, raconta le vieux , la mère était morte à la parturition et que c'était la grand-mère qui avait été la nourrice de la petite et que, une fois malade et mourante elle-même, c'était à lui, le vieux, que la grand-mère avait décidé de confier la petite et, durant le temps que le vieux parla, le géant observa que la petite écoutait avec de grands yeux fascinés car sans doute, pensa le géant, que c'était la première fois qu'elle entendait conter sa propre histoire. L'histoire de sa venue dans le monde.Que pour la première fois elle entendait le récit de sa propre genèse mais, pour finir, le vieux dit que le devoir de s'occuper de la petite était un devoir qui, en vérité, lui incombait de toute éternité.

( p.164)
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La petite regardait tous ces objets comme des trésors et ses yeux brillaient d'excitation et le vieux s'amusa d'y lire la fierté satisfaite du propriétaire mais c'étaient pourtant de maigres biens en vérité. C'étaient les maigres biens de deux vagabonds.De simples ustensiles pour bivouaquer et pour survivre.De pauvres outils pour errer et cheminer mais ces pauvres biens semblaient toute leur richesse à la petite et elle pensait que tant qu'ils les posséderaient rien de néfaste ne pourrait leur advenir et elle éprouvait, chaque fois que le vieux en faisait l'inventaire un puissant sentiment de sécurité.
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et c’était l’assemblage des jeunes gens du village avec une troupe de baladins de passage, et des villageois plus vieux accompagnaient la cohorte en frappant bruyamment des cuillères en bois sur des écuelles en bronze, et, lointainement et de manière changeante selon les caprices du vent ou la puissance elle-même variable des sons, la rumeur du charivari était audible pour les habitants du château, c’est-à-dire le mélange de huées et sifflets et bruits de tocsin des sonnantes écuelles frappées à coups violents et irréguliers, et qui formait un brouha très inquiétant, et certains jeunes gens du village portaient une grande peau d’ours, de laquelle la tête avait été conservée intacte hormis la mandibule inférieure qui manquait, permettant aux porteurs de la toison de mieux se casquer du crâne d’ours, et, ainsi affublés de la pelisse, ils se déplaçaient lentement et maladroitement en signe que la station debout leur était pénible et que les muscles des jambes postérieures de l’ours tétanisaient pendant l’effort de marcher debout, et ils agitaient leurs bras en une amplitude étriquée, comme tout quadrupède a du mal à écarter ses antérieurs une fois placé en station debout, et ils tournaient régulièrement la tête vers l’arrière et vers le haut, ce qui donnait un regard torve aux hommes, et ils bramaient un grand mugissement d’ours furieux et outragé, et d’autres portaient des peaux de loup, et ceux-là couraient parfois en station debout, et d’autres fois ils couraient à quatre pattes dans la pente des rues montant vers le château, et la tête du loup, mêmement que pour l’ours, avait été presque intégralement conservée, et elle ballottait sur le crâne des hommes durant leur course, et la grise queue lupine ondoyait entre leurs jambes, et les yeux des hommes, sous la gueule du loup, luisaient dans l’ombre produite par les deux pans de la toison, c’est-à-dire les anciennes places des épaules du loup réunies devant la bouche des hommes par une fibule en os, et ces hommes avec les peaux de loup cahulaient de grands hurlements sinistres ou ils grondaient bestialement, ou ils soufflaient des gémissements paniques, et d’autres encore portaient des survêtements en fibres végétales qui étaient des filets en lierre tissés de brindilles et de feuilles, et de portions de mousse, et de morceaux d’écorces, et, ainsi survêtus, ces hommes paraissaient des arbres qui se mouvaient, et ils donnaient à leurs bras rendus plastiques des positions figées et différemment angulées en signe qu’ils étaient de vieilles branches tortues, et d’autres jeunes gens du village encore s’étaient déguisés en démons et esprits ou autres personnages issus de fables locales, et affublés de masques, et d’autres hommes encore étaient intégralement nus avec le crâne rasé de frais, et leur corps partout épilé était complètement poudré de cendre, c’étaient les hommes de la troupe de baladins, et ces hommes intégralement grimés, par le moyen de jarretières en cuir, s’étaient équipé l’entrejambe d’un tube creux où ils avaient introduit leur appareil génital, et ces étuis avaient été sculptés en forme de phallus énorme, et ces hommes progressaient dans des positions lascives et grotesques avec le bas du dos exagérément cambré et en faisant tourner et basculer les hanches pendant leur marche, ce qui faisait baller l’ithyphalle, et ils donnaient à leurs bras, après les avoir placés en des postures bizarres au-dessus de la tête, de réitératives et cloniques secousses en signe qu’ils étaient en proie à une danse de Saint-Guy, et ils écarquillaient outrageusement leurs yeux qui avaient été fardés de noir, et, mêmement nues, il y avait des femmes dans le cortège, et c’étaient les femmes de la troupe de baladins et le corps nu des femmes était glabre hormis le pubis, et les pieds des femmes étaient fortement cornés, ce qui était preuve de leur habitude d’aller toujours pieds nus, et le corps nu des femmes était graissé d’une pâte d’oxyde ocre, et la peau des femmes intégralement nues était rendue fauve et luisante par ce fait, et certaines femmes portaient des fourrures d’animaux sauvages en guise de coiffe, et l’une portait une peau de renard sur des cheveux tondus, et la tête du renard trônait au-dessus du front de la femme, et les yeux du renard étaient absents, et, à leur place, des agates bleues avaient été glissées dans les orbites de cuir fripé et sec, et les iris de la femme sous la gueule du renard étaient du même bleu minéral et trouble que les agates, et la gueule du renard était figée dans un rictus crispé, celui de son agonie, et la queue du renard frissonnait dans le dos nu et rouge de la femme pendant sa marche, et une autre femme avait une chevelure faite de plusieurs longues mèches lâchement tressées en une queue qui avait été relevée et nouée et maintenue en chignon à l’arrière du crâne par un long peigne de corne à trois dents, et le sommet du peigne était finement ciselé et la figure ciselée représentait la tête d’une femme à longue chevelure et maintenue en chignon par un peigne duquel le sommet reproduisait à nouveau, mais encore davantage en miniature l’image d’une tête féminine à la chevelure maintenue en chignon par un peigne, ainsi trois fois en tout, et cette même femme portait en usage de calot, ce qui laissait bien voir le chignon maintenu par le peigne orné en abyme, la fourrure d’une hermine, et la queue bicolore de l’hermine était ramenée et rabattue gracieusement sur le front de la femme, et son extrémité noire était fixée par une fibule en bronze sur la toque d’armeline, et une autre femme encore portait la cape d’un brocard et le massacre de l’animal se dressait sur le crâne de la femme, et la cape du brocard avait été épilée, et elle avait été taillée de telle façon que le pan arrière constituât comme un camail de peau dans le dos de la femme et qu’il recouvrît sa chevelure, et nul doute que la peau avait été beaucoup travaillée et longuement corroyée à cause que le cuir en était souple à l’extrême et tellement plissé qu’il paraissait de prime abord la chevelure de la femme, chaque pli du cuir imitant une mèche de la chevelure, et une autre femme encore portait la fourrure d’un lynx qui était entière et de laquelle la tête aux yeux clignés était dirigée vers le haut, et peu visible aux spectateurs par ce fait, et qui cachait la chevelure de la femme, et une autre femme encore portait une peau d’âne avec le long crâne asin posé en masque sur son visage et la peau d’âne possédait une longue et sombre raie longitudinale en son milieu, à l’ancienne place du sommet de l’échine, et les oreilles molles de l’âne ballaient au sommet du crâne durant la marche de la femme, comme si l’âne encore vivant eût chauvi des oreilles pour mieux capter les différents sons qui constituaient le vacarme autour de lui, pour mieux discriminer et déterminer les éléments du monde sonore dans lequel il évoluait et mieux comprendre sa composition, et le toupet de crins gris à l’extrémité de la queue traînait sur le sol loin derrière les talons cornés de la femme
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et, un jour, tous les gens du château furent ameutés devant le bassin par les cris aigus et anxieux d’une jeune servante venue y puiser, à cause qu’elle y avait découvert une créature étrange et hideuse provenue des profondeurs souterraines et emportée jusque là par le flux de la source, et, bien que ce fût visiblement un être pisciforme, c’était un poisson d’espèce parfaitement inconnue de tous et qui leur parut grandement monstrueux, et c’était un poisson de la taille d’un immense brochet, mais au corps très serpentiforme, comme celui d’une anguille, et qui ne possédait de gueule rostriforme, mais une large gueule obtuse avec, autour des lèvres, de gros et nombreux barbillons qui ondulaient dans l’aigue, non comme s’ils étaient les simples terminaisons susceptibles de ce poisson, ce qui eût déjà paru à tous hautement répulsif, mais comme des êtres autonomes, comme de petits reptiles anguilliformes qui eussent été la propre géniture du poisson, et qui eussent tous niché leur tête dans une loge prévue à cet effet dans le cartilage sur la gueule de leur mère, et le poisson était dépourvu d’écailles, et sa peau lisse, complètement blanche hormis sur le ventre où elle possédait des ocellures grises, était colonisée de sangsues qui elles aussi étaient blanchâtres, et les yeux du poisson étaient rouges et petits, et ronds, comme deux billes de rubis, et le poisson albinos les faisait tourner lentement en tous sens, comme qui dirait circonspectueusement, et un pêcheur que le vieux seigneur fit venir, et qui était un homme de grande taille et hirsute, et aux cheveux broussailleux, et qui portait une longue robe en toile de sac beaucoup rapiécée et serrée à la taille par une cordelette de chanvre, et qui était prestement venu pieds nus du ponton de sa pêcherie où il était occupé à repriser des filets quand il avait été mandé, et qui avait encore sur les pieds, jusqu’à hauteur des chevilles, une gangue de vase qui avait verdi en séchant, et qui était un homme à l’allure d’ogre qui effrayait ordinairement les femmes et les enfants, mais qui, en la présente circonstance, fut accueilli avec reconnaissance et empressement, déclara connaître nullement cette espèce de poisson, même par ouï-dire, hormis qu’il aurait ressemblé à ces poissons à face de chat que l’on pêchait parfois dans les profondes aigues des rivières de plaine, mais qui n’étaient de si grande taille ni de corps tellement en forme de serpent, et qui étaient toujours de teinte bistrée, et le pêcheur entra jusqu’à la taille dans l’aigue du bassin sous le récri d’effroi de toute l’assistance, sauf le vieux seigneur et ses gens d’armes qui s’obligèrent à une attitude placide, à cause que tous voyaient le poisson comme une créature du diable, comme une malebête, comme qui dirait un maupoisson, si ce n’était le maufait lui-même, et le pêcheur qui n’eut frisson l’air d’éprouver l’extrême froideur de l’aigue s’approcha doucement du poisson et avança lentement ses deux mains vers lui, presqu’en un geste d’invite ou de prière, voire de supplication, et se saisit de lui un peu après les ouïes, ce qui fut facilité par l’extrême alentissement, et comme hébétude de ce poisson habitué aux ténébreuses profondeurs, mais compliqué par la lubricité de son corps lisse enduit d’une glaire hautement visqueuse, si bien que le pêcheur après qu’il eut sorti le poisson de l’aigue en le tenant contre son ventre ne put l’y maintenir malgré la prise des ouïes, en surcroît que le poisson donnait de profonds et lents soubresauts entre ses bras, et le poisson retomba plusieurs fois dans l’aigue où il se laissa reprendre sans difficulté, puis le pêcheur, en embrassant étroitement le grand corps du poisson lubrique, réussit enfin à le rapprocher du bord et à l’y jeter, faisant brusquement reculer tous les gens assemblés, même le seigneur et ses gens d’armes cette fois, et, dès qu’il fut au sol, le poisson rendit son corps très raide, et eut plusieurs tressauts puissants qui firent comme des bruits de coups assénés au sol avec le plat d’un pied humain, puis il se raccalmit en donnant seulement quelques sonores coups d’une queue qu’il faisait claquer comme un fouet mouillé, et tous se rapprochèrent prudemment afin de l’observer mieux, partagés entre une vive curiosité et la répulsion, et reculant brusquement un peu chaque fois qu’il soubresautait, puis le vieux seigneur fit porter le poisson dans un coin de la cour du château afin d’être exposé à la vue et connaissance des gens du village, ainsi que ceux des campagnes environnantes, qui tous avaient été prévenus de l’existence de ce poisson grandement monstrueux et affreux, et nul doute que c’était un poisson d’espèce très vivace et longévive, pour laquelle les membres peuvent survivre enfouis dans la vase craquelée d’une berge lors d’exceptionnels assecs, à cause, durant deux jours, qu’il persista à vivre, étalé à l’air libre sur la pierre de la cour où, après sa mort, l’on l’y laissa jusqu’à ce que sa peau séchât et brunoyât, et se momifiât en un cuir couleur châtaigne, et que les sangsues accrochées à elle et y étant demeurées fixées, se fussent desséchées et racornies, et parussent de hideuses verrues, et que ses yeux rouges rendus d’abord purulents et blancs par la putréfaction crevassent puis disparussent, et que ses lèvres rétractées sur sa gueule ouverte laissassent voir les innombrables petites dents qu’il possédait sur la voûte palatine, et qui étaient faites d’un cartilage originellement translucide, mais qui ternit vite durant la mortification, et avant que sa tête fût décollée et qu’elle fût piquée en office de protection ou de charme sur un des battants de la grande porte des écuries en compagnie d’une effraie qui depuis plus longtemps déjà y avait été crucifiée
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et, sur un tableau, l’on voyait le prophète Jean-Baptiste qui immergeait et baptisait des gens dans le trou d’aigue d’une rivière à l’onde pure et vive, comme celle d’ici, quoique moins torrentueuse, et dotée de berges de terre ocreuse et non caillouteuse, et, sur l’autre, l’on voyait Saint-Martin qui prêchait debout sur le plateau d’une carriole tirée par un ours qui avait été représenté de bien plus petite taille que ceux qui hantaient les montagnes au nord et qui venaient parfois rôder par ici, mais ce n’était que le pur effet d’optique produit par le dessin qui, comme chacun pouvait le comprendre, ne respectait point les justes proportions, afin de démontrer que l’homme avait plus de grandeur que la bête, et qu’il la dominait bien, eu égard à son statut dans la Création, outre que les ours n’ont point en vérité une taille tellement formidable que l’on leur imagine, puis l’aigue du bassin faisait un gros ru qui traversait tout le château, et le sol qui, en cet endroit et comme partout dans le château, ainsi encore qu’il a déjà été décrit, était celui originaire, c’est-à-dire constitué de grandes strates de calcaire, avait été lissé et creusé en canal par le flux variable, et, au moment du redoux printanier et que la neige qui fondait sur le haut et lointain pays, celui aperçu du haut de la guérite, alimentait surabondamment les grands réservoirs souterrains dans les fondements de la montagne, l’aigue pure et glaciale qui resurgissait en ce pays de moindre altitude jaillissait en force de la paroi du crêt au fond de la chapelle, en un jet parfaitement horizontal, en un anomal geyser, puis giclait avec fracas dans la vasque réceptaculaire qu’elle avait creusée depuis un temps immémorial, puis inondait la chapelle où l’on avait retiré à la hâte la statue du christ pour la porter vers le lieu plus élevé du château, dans la salle dite des réjouissances, soit qu’il y fallût trois porteurs, deux placés de chaque côté, à l’intersection des branches de la croix basculée presque à l’horizontale et placées sur leurs épaules rendues molles, après que la couronne de ronces eut été ôtée de la tête du christ afin de ne prendre le risque qu’elle chût durant le transport et fût piétinée par les porteurs, ou les gens du cortège qui accompagnait ce déménagement et y assistait avec ferveur, à cause qu’il était considéré par tous les gens du château comme bien plus rempli de religiosité, voire de sacralité, que la plus grande et pompeuse messe, assavoir celle donnée par l’évêque du diocèse durant les fêtes de Pâques, le corps incliné de la statue mêmement disposé que celui d’un homme alité et mourant, avec son visage tout près de l’oreille d’un des porteurs, comme un malade agonisant qui voudrait faire sa dernière confession avant de recevoir l’extrême onction, quoique ce fût lui le Christ médecin, ce qui ne manquait idée de troubler l’esprit des suiveurs, et quoiqu’un homme agonisant n’ait les bras ouverts, mais repliés sur sa poitrine en une posture de protection, ou propice à obtenir du répit dans sa douleur, comme qui dirait en une position antalgique, ou permettant à son esprit de se tourner vers lui-même, afin de procéder à cet ultime examen qu’un agonisant est tenu de porter sur sa conscience, et le troisième portant le pied de la croix contre son ventre, avec ses deux mains amollies qui faisaient office de support, et ses deux bras éminement détendus, afin d’œuvrer au portage comme qui dirait sans effort, à la différence de ses deux acolytes qui ployaient un peu sous la charge, ou soit que ce fût le vieux seigneur lui-même, qui, en guise d’une pénitence prescrite par sa jeune épouse, pour une vie dissolue qu’il aurait eue avant ses deuxièmes noces, la traînait exactement comme le Christ avait traîné la sienne
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