Citations de Marcel Brion (235)
C'était le Kouang Fei, le pays des esprits.
(La steppe dite Mongole)
L'histoire de la Gaule est l'histoire des efforts qu'une grande collectivité, qui n'a jamais été une race et qui parviendra avec beaucoup de peine à devenir une nation, accomplit pour arriver à l'existence, à la personnalité ...
Comment ne pas être amoureux de cette Florence du XVe siècle où tout invitait à l'amour, la beauté des femmes, la douceur du printemps, les chansons des poetes, les nuits claires, les legendes mythologiques, les jardins parfumés, où les fables d'Ovide et les strophes d'Anacréon prennent une résonance puissante et tendre, tyrannique, exquise ?
On a tort, d'ailleurs, de vouloir tout expliquer. Les objets ont leur secret. Les êtres aussi.
Que savons-nous, enfin, des métamorphoses qui attendent les voyageurs, quelquefois, à de certains carrefours?
J'éprouvai aussi la puissance d'un appel, intense, irrésisitible, auquel j'étais prêt à répondre, (...). Une aspiration violente vers en haut, un besoin de rejoindre le vol lent et magnifique de cet oiseau en plein ciel. Le pressentiment d'une volupté qui n'est point en elle-même son but et sa fin, mais un passage vers une jouissance plus haute, vers une connaissance plus parfaite.
"Les nuits sont enceintes des jours des jours." Celle-ci se gonfle, en effet, comme si des prodiges nombreux la peuplaient. La lune fait ruisseler son eau féerique sur un monde qui est devenu, pour moi, nouveau et surprenant. (...)
Ne suis-je pas, moi-même, un homme très ancien que le vent a fait sortir de son tombeau profond?
En même temps que le catholicisme presque universellement pratiqué par les Viennois aboutissait à un quiétisme, annulant l’inquiétude spirituelle, la monarchie reposait sur un quiétisme politique. Peu enclin à revendiquer des droits tout théoriques et abstraits, désireux, avant tout, de bien vivre, en paix et confortablement, le Viennois n’avait pas, ou n’avait que très rarement, l’âme d’un rebelle. Il ne répugnait pas à un certain conformisme, bornant sa philosophie sociale à un « bien vivre et laisser vivre » qui se souciait peu de discussions sur les systèmes politiques.
Chapitre I. Vienne, ville heureuse
Quiétisme politique
Pour enlever aux Juifs le monopole de fait (le prêt à intérêt) qu’ils détenaient, Louis VIII favorisa l’établissement en France des banquiers italiens (lombards).
Le capitalisme, c’est-à-dire l’activité créatrice de l’argent, commença à jouer un grand rôle dans l’économie nationale, le prêt à intérêt, qui avait été regardé jusqu’alors comme une opération infamante, cessa d’être considéré avec dégoût. Les Templiers avaient donné l’exemple, en devenant les plus puissants banquiers du monde, accumulant dans leurs commanderies tous les trésors que les princes et les particuliers leur prêtaient pour qu’ils les fassent fructifier. La croisade y trouvait son compte, ce qui enlevait tout opprobre à ce trafic.
Docile à ces conseils, Louis VIII faisait bon visage aux ministres qui devaient l’aider à continuer l’œuvre paternelle. Il était encouragé par Blanche qui, elle aussi attentive et dévouée au bien des petites gens, le soutenait dans les réformes sociales qu’il avait entreprises. A l’égard des serfs, d’abord, qu’il affranchit, créant ainsi une nouvelle classe d’hommes libres, qui remplacent cette catégorie d’êtres opprimés, humiliés, dont la condition demeurait analogue par bien des traits à celle des esclaves de l’antiquité. Grâce à lui, ces pauvres diables acquirent l’indépendance, d’aller de-ci de-là, le droit de posséder en toute propriété le salaire de leur travail.
Gardez-vous des aventures, pourtant, car les erreurs coûtent cher, quand ce sont les rois qui les commettent, et, en définitive, c’est toujours le peuple qui les paie (Philippe-Auguste)
Que cet Orient soit réel ou mythique, que ce soit celui de Keyserling ou d'Ossendowski nommés au passage dans le Voyage, il s'agit surtout d'un Orient intérieur, celui que tout homme de pensée souhaite rejoindre au-dedans de lui-même. Combien Keyserling fut transformé par l'expérience qu'il fit de l'Inde et de la Chine, son Journal de voyage d'un philosophe le dit assez, et manifeste cette sorte de transfiguration qui s'est opérée en lui.
Il arrivait toujours des événements divertissants quand on accompagnait une caravane. On se mêlait à toutes sortes d'hommes, de tous les pays et de tous les états. Mais le vrai voyage était celui qu'on faisait seul, ou escorté d'un domestique silencieux. Quand on est seul, absolument seul, en présence d'un grand soleil ou de la nuit, de la mer remuante comme un troupeau de chevaux, ou du mur des glaciers, couteaux blancs, abîmes de verre, le voyage révèle alors toute sa véritable signification.
Tout ce qu'elle touchait s'approchait d'elle, la caressait, recevait la vie profonde qui émanait de ses doigts, la beauté qui rayonnait de ses yeux. Je pensais à un astre qui entraîne dans son orbite toutes les étoiles et tous les grains de poussière épars dans l'univers. J'avais quelquefois le vertige, en la regardant, ainsi qu'au sommet d'une très haute tour.
L’amour de la nature est la première cause de cet exode quotidien vers la campagne et les jardins, et aussi le désir de réserver dans la journée une portion de temps qui doit être soustraite aux occupations professionnelles, une rupture dans la succession des gestes habituels. Le Viennois excellait dans l’accomplissement de ce geste salutaire de repos, de détente, de relaxation, que les psychiatres appellent « déconnecter ». On revenait de sa promenade dans la verdure, l’esprit et les yeux rafraîchis, égayé par tout ce que l’on avait vu d’élégant et de beau, et l’on rentrait chez soi après avoir renouvelé sa provision d’air pur.
Chapitre II. Portrait du Viennois
Les promenades
la grande musique va chercher au fond de nous-mêmes le chagrin secret qui nous dévore.
Ainsi, dans ce Moyen Âge où la violence régnait dans les rapports d’Etat à Etat aussi bien que dans les relations entre les particuliers, en ce temps-là où la force de l’homme était la solution de tous les différends, la chevalerie apportait son esprit de justice, d’équité, de sacrifice, de noblesse. Elle constituait, en somme, dans l’existence des laïcs l’équivalent des ordres monastiques. Les vertus qu’on exigeait d’un chevalier étaient celles qui distinguent les hommes parfaits. En recevant l’investiture des éperons et de l’épée, le chevalier s’engageait à être fidèle, loyal, courtois, généreux, toujours disposé à défendre le faible et l’opprimé. Il jurait de ne jamais soutenir une cause injuste, de servir son seigneur, d’honorer Dieu, de respecter ses prêtres, de se conduire en bon chrétien, tout autant qu’en homme d’honneur.
Un étourdissement me prenait enfin quand nous avions longtemps voyagé ainsi sur les routes d'un univers sans limites.
Devant moi, un sentier étroit dévale joyeusement à travers les derniers escarpements, vers le creux de la vallée. Plus loin, il se jette dans une route comme un ruisseau dans un fleuve, et cette route se noue à d'autres chemins, qui se séparent de nouveau, et chacun s'en va de son côté, parmi les champs et les bouquets d'arbres.