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Citations de Marceline Desbordes-Valmore (257)


ELEGIES LOUISE LABE

Quoi ! C'est là ton berceau, poétique Louise !
Mélodieux enfant, fait d'amour et d'amour,
Et d'âme, et d'âme encore, et de mollesse exquise !
Quoi ! C'est là que ta vie a pris l'air et le jour !
Quoi ! Les murs étouffants de cette étroite rue
Ont laissé, sans l'éteindre, éclore ta raison !
Quoi ! C'est là qu'a brillé ta lampe disparue !
La jeune perle ainsi colore sa prison...
Non, ce n'est pas ainsi que je rêvais ta cage,
Fauvette à tête blonde, au chant libre et joyeux !
Je suspendais ton aile à quelque frais bocage,
Plein d'encens et de jour aussi doux que tes yeux !
Et le Rhône en colère, et la Saône dormante,
N'avaient point baptisé tes beaux jours tramés d'or ;
Dans un cercle de feu tourmentée et charmante,
J'ai cru qu'avec des fleurs tu décrivais ton sort,
Et que ton aile au vent n' était point arrêtée
Sous ces réseaux de fer aux rigides couleurs ;
Et que tu respirais la tristesse enchantée
Que la paix du désert imprime aux jeunes fleurs ;
Que tu livrais aux flots tes amoureuses larmes,
Miroir pur et profond qu'interrogeaient tes charmes ;
Et que tes vers émus, nés d' un frais souvenir,
S'en allaient sans efforts chanter dans l'avenir !
Mais tu vivais d'une flamme
Raillée en ce froid séjour ;
Et tu pleurais de ton âme,
Ô salamandre d'amour !
Quand sur les feuilles parlantes
Que ton coeur sut embraser,
Tu laisses dans un baiser
Courir tes larmes brûlantes,
Ô Louise ! On croit voir l'éphémère éternel
Filer dans les parfums sa soyeuse industrie,
Lorsque, tombé du ciel, son ardente patrie,
Il en retient dans l' ombre un rayon paternel.
Fiévreux, loin du soleil, l'insecte se consume ;
D'un fil d'or sur lui-même ourdissant la beauté,
Inaperçu dans l'arbre où le vent l'a jeté,
Sous un linceul de feu son âme se rallume ! ...
L'amour se venge d' être esclave.
Fièvre des jeunes coeurs, orage des beaux jours,
Qui consume la vie et la promet toujours,
Indompté sous les noeuds qui lui servent d'entrave,
Oh ! L'invisible amour circule dans les airs,
Dans les flots, dans les fleurs, dans les songes de l'âme,
Dans le jour qui languit trop chargé de sa flamme,
Et dans les nocturnes concerts !
Et tu chantas l'amour ! Ce fut ta destinée.
Belle, et femme, et naïve, et du monde étonnée,
De la foule qui passe évitant la faveur,
Inclinant sur ton fleuve un front tendre et rêveur,
Louise, tu chantas ! à peine de l'enfance
Ta jeunesse hâtive eut perdu les liens,
L'amour te prit sans peur, sans débats, sans défense ;
Il fit tes jours, tes nuits, tes tourments et tes biens !
Et toujours par ta chaîne au rivage attachée,
Comme une nymphe triste au milieu des roseaux,
Des roseaux à demi cachée,
Louise, tu chantas dans les fleurs et les eaux ! ...
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J'irai,j'irai porter ma couronne effeuillée
Au jardin de mon Père où revit toute fleur;
J'y répandrai longtemps mon âme agenouillée:
Mon Père a des secrets pour vaincre la douleur.
J'irai,j'irai lui dire,au moins avec mes larmes:
"regardez,j'ai souffert.."Il me regardera,
Et sous mes jours changés,sous mes pâleurs sans
[charmes,
Parce qu'il est mon Père,il me reconnaîtra.
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Je me meurs, je succombe au destin qui m'accable.
De ce dernier moment veux-tu charmer l'horreur ?
Viens encore une fois presser ta main coupable
Sur mon cœur.

Quand il aura cessé de brûler et d'attendre,
Tu ne sentiras pas de remords superflus ;
Mais tu diras : « Ce cœur, qui pour moi fut si tendre,
N'aime plus. »

Vois l'amour qui s'enfuit de mon âme blessée,
Contemple ton ouvrage et ne sens nul effroi :
La mort est dans mon sein, pourtant je suis glacée
Moins que toi.

Prends ce cœur, prends ton bien ! L'amante qui t'adore
N'eut jamais à t'offrir, hélas ! Un autre don ;
Mais en le déchirant, tu peux y lire encore
Ton pardon.
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Hiver

Non, ce n’est pas l’été, dans le jardin qui brille,
Où tu t’aimes de vivre, où tu ris, cœur d’enfant!
Où tu vas demander à quelque jeune fille,
Son bouquet frais comme elle et que rien ne défend.

Ce n’est pas aux feux blancs de l’aube qui t’éveille,
Qui rouvre à ta pensée un lumineux chemin,
Quand tu crois, aux parfums retrouvés de la veille,
Saisir déjà l’objet qui t’a dit : « À demain! »

Non! ce n’est pas le jour, sous le soleil d’où tombent
Les roses, les senteurs, les splendides clartés,
Les terrestres amours qui naissent et succombent,
Que tu dois me rêver pleurante à tes côtés :

C’est l’hiver, c’est le soir, près d’un feu dont la flamme
Éclaire le passé dans le fond de ton âme.
Au milieu du sommeil qui plane autour de toi,
Une forme s’élève; elle est pâle; c’est moi;

C’est moi qui viens poser mon nom sur ta pensée,
Sur ton cœur étonné de me revoir encor;
Triste, comme on est triste, a-t-on dit, dans la mort,
À se voir poursuivi par quelque âme blessée,

Vous chuchotant tout bas ce qu’elle a dû souffrir,
Qui passe et dit : « C’est vous qui m’avez fait mourir! »
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Et la nuit, sans te commander,
J'irai doucement te gronder,
Puis te dire : "Dieu nous pardonne !"
Et, d'une voix que le ciel donne,
Je te peindrai les cieux tout bas :
Crains-tu de ne m'entendre pas ?
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Adieu !

Partir ! tu veux partir ! ta voix chère et cruelle,
Qui m’atteint dans le cœur, m’a dit : Je vais partir !
Sais-tu… Non. Pour me plaindre il faut me ressentir,
Et tu doutes souvent, et toi seul es fidèle,
Et je ne t’aime pas ! tu le sauras un jour :
Crains de le trop apprendre : avance ton retour.

Ton retour ! Tu pars donc ? Oui, tu veux voir ton père :
Fais-lui de ma tristesse au moins un jour prospère ;

Les larmes ont un prix ; offre-les-lui pour moi ;
Va, j’attendrai ma vie… et tu sais que c’est toi !

Va dans tous les baisers d’un enfant qu’il adore,
Lui porter les baisers de l’enfant qu’il ignore ;
Mets sur son cœur mon cœur, mon respect, mon amour ;
Il est aussi mon père, il t’a donné le jour !

Partir !… que je voudrais, invisible et hardie,
M’asseoir sur tes genoux, près de ses cheveux blancs !
Les toucher de mes mains, et, sous tes bras tremblans.
Contempler le mortel à qui je dois ta vie !

Et la sienne sans toi s’effeuille… Quittons-nous !
Porte de frais parfums à sa saison austère,
Toi, la plus belle fleur qu’il sema sur la terre !
Mais, pour le demander, ne sois plus à genoux ;
Car, mon cœur est trop près de ton cœur qui soupire,
Et ce mot qui sépare… il faut enfin le dire !
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Marceline Desbordes-Valmore
Pour qui te voit, béni soit Dieu !
Pour qui te perd, bonheur, adieu !
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Quitter l’amour pour l’opulence !
Que faire seul avec de l’or ?
Si tu reviens, vivrai-je encor ?
Entendras-tu dans mon silence ?
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Marceline Desbordes-Valmore
Les roses de Saadi

J’ai voulu, ce matin, te rapporter des roses ;
Mais j’en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les nœuds trop serrés n’ont pu les contenir.

Les nœuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s’en sont toutes allées.
Elles ont suivi l’eau pour ne plus revenir.

La vague en a paru rouge et comme enflammée :
Ce soir ma robe encore en est tout embaumée…
Respires-en sur moi l’odorant souvenir.

Marceline Desbordes-Valmore, Poésies inédites, 1860
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SIMPLE ORACLE.
Veux-lu connaître l'avenir :
Interroge le souvenir.

Les feuilles éparses des roses
Nous en racontent toutes choses.

Du moindre débris sans couleur
Le parfum nous dit : « J'étais fleur. »

L'enveloppe à l'âme est donnée
Qui commande à sa destinée.

Jamais ne croîtra le raisin
Sur l'épi mouvant son voisin.

Comme s'ils naissaient tous ensemble,
Grain par grain à l'autre ressemble ;

Et tant que le rosier vivra,
Épine ou rose y renaîtra.
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Je ne puis braver les coups du sort,
Mais non pas les regards d'un père;
Pour m'exposer à sa colère,
Non... mon cœur n'est pas assez fort !
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AMOUR.

Trop faibles que nous sommes ;
C’est toujours cet amour qui tourmente les hommes.
ANDRÉ CHÉNIER.

Ce que j’ai dans le cœur, brûlant comme notre âge,
Si j’ose t’en parler, comment le définir ?
Est-ce un miroir ardent frappé de ton image ?
Un portrait palpitant né de ton souvenir ?

Vois ! je crois que c’est toi, même dans ton absence,
Dans le sommeil ; eh quoi ! peut-on veiller toujours ?

Ce bonheur accablant que donne ta présence,
Trop vite épuiserait la flamme de mes jours.

Le même ange peut-être a regardé nos mères ;
Peut-être une seule âme a formé deux enfants.
Oui ! la moitié qui manque à tes jours éphémères,
Elle bat dans mon sein où tes traits sont vivants !

Sous ce voile de feu j’emprisonne ta vie :
Là, je t’aime, innocente, et tu n’aimes que moi :
Ah ! si d’un tel repos l’existence est suivie,
Je voudrais mourir jeune, et mourir avec toi !
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Le soir, las d’une séance où il n’avait rien compris, d’une route à pied, et de son cœur gonflé de larmes, René s’endormit d’un sommeil si lourd, si léthargique, sur un banc du réfectoire, qu’il ne sentit pas les mille piqûres dont il était l’immobile objet, comme le mannequin d’un monstre qui servait à l’éducation attaquante des dogues que les chevaliers du moyen âge dressaient contre lui.
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Si tu es plus libre que moi, ne tarde pas à me rassurer dans mes craintes sur ta santé, sur l'état de ton âme dans toutes tes peines. Je te souhaite à présent l'espèce d'engourdissement où je me crois tombée pour les miennes. Il vient une heure, vois-tu, où l'on n'a plus la force de souffrir. On reste immobile devant le passé. On regarde l'incendie qui a tout dévoré, et le désespoir finit par s'amortir comme toutes ces flammes éteintes. Ce n'est qu'en voyant le ciel qu'on peut achever cette vie. Je veux le ciel, et j'y crois ! Tu peux croire de même à ma tendre amitié.
Les débuts sont terminés heureusement. Valmore est adopté dans cette ville , la dernière où j'eusse voulu appuyer un an des jours qui me restent. Et toi, resteras-tu longtemps où tu es ?
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[...]
Que tes cheveux sont doux ! étends-les sur mes larmes,
Comme un voile doré sur un noir souvenir.
Embrassons-nous !… Sais-tu qu'il reste bien des charmes
A ce monde pour moi plein de ton avenir ?
[...]
[Ma fille]
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Marceline Desbordes-Valmore
La danse de nuit

Ah, la danse ! La danse
Qui fait battre le cœur,
C’est la vie en cadence
Enlacée au bonheur.

Accourez, le temps vole,
Saluez s’il-vous-plaît,
L’orchestre a la parole
Et le bal est complet.

Sous la lune étoilée
Quand brunissent les bois
Chaque fête étoilée
Jette lumières et voix.

Les fleurs plus embaumées
Rêvent qu’il fait soleil
Et nous, plus animées
Nous n’avons pas sommeil.

Flammes et musique en tête
Enfants ouvrez les yeux
Et frappez à la fête
Vos petits pieds joyeux.

Ne renvoyez personne !
Tout passant dansera
Et bouquets ou couronne
Tout danseur choisira.

Sous la nuit et ses voiles
Que nous illuminons
Comme un cercle d’étoiles,
Tournons en chœur, tournons.

Ah, la danse ! La danse
Qui fait battre le cœur,
C’est la vie en cadence
Enlacée au bonheur.
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-Du talent, mademoiselle du talent ré*
pétait-il en taillant ses crayons et en regardant sa nièce avec une amitié colérique
oui, oui, du talent ou je vous ordonne d'aller vivre heureuse, grasse et rose au fond d'un village. Apprenez qu'un grand talent
dédommage seul des amertumes qu'il coûte;
c'est un beau fruit quand il éclot tout entier,
mais ou tous les insectes se précipitent j'ai
tu cela je ne sais ou, j'en ai pesé la justesse;
et vous serez donc cruellement piquée, je
vous en avertis
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Les Séparés

N'écris pas - Je suis triste, et je voudrais m'éteindre
Les beaux été sans toi, c'est la nuit sans flambeau
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon coeur, c'est frapper au tombeau
N'écris pas !
N'écris pas - N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes
Ne demande qu'à Dieu ... qu'à toi, si je t'aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais
N'écris pas !
N'écris pas - Je te crains; j'ai peur de ma mémoire;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire
Une chère écriture est un portrait vivant
N'écris pas !
N'écris pas ces mots doux que je n'ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon coeur;
Et que je les voix brûler à travers ton sourire;
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon coeur
N'écris pas !
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Marceline Desbordes-Valmore
Marceline DESBORDES-VALMORE
1786 - 1859
Les roses de Saadi
J'ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les noeuds trop serrés n'ont pu les contenir.

Les noeuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées.
Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir ;

La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée...
Respires-en sur moi l'odorant souvenir.
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Marceline Desbordes-Valmore
Rêve intermittent d'une nuit triste

Ô champs paternels hérissés de charmilles
Où glissent le soir des flots de jeunes filles !
Ô frais pâturage où de limpides eaux
Font bondir la chèvre et chanter les roseaux !
Ô terre natale ! à votre nom que j'aime,
Mon âme s'en va toute hors d'elle-même ;
Mon âme se prend à chanter sans effort ;
A pleurer aussi, tant mon amour est fort !
J'ai vécu d'aimer, j'ai donc vécu de larmes ;
Et voilà pourquoi mes pleurs eurent leurs charmes ;
Voilà, mon pays, n'en ayant pu mourir,
Pourquoi j'aime encore au risque de souffrir ;
Voilà, mon berceau, ma colline enchantée
Dont j'ai tant foulé la robe veloutée,
Pourquoi je m'envole à vos bleus horizons,
Rasant les flots d'or des pliantes moissons.
La vache mugit sur votre pente douce,
Tant elle a d'herbage et d'odorante mousse,
Et comme au repos appelant le passant,
Le suit d'un regard humide et caressant.
Jamais les bergers pour leurs brebis errantes
N'ont trouvé tant d'eau qu'à vos sources courantes.
J'y rampai débile en mes plus jeunes mois,
Et je devins rose au souffle de vos bois.
Les bruns laboureurs m'asseyaient dans la plaine
Où les blés nouveaux nourrissaient mon haleine.
Albertine aussi, sœur des blancs papillons,
Poursuivait les fleurs dans les mêmes sillons ;
Car la liberté toute riante et mûre
Est là, comme aux cieux, sans glaive, sans armure,
Sans peur, sans audace et sans austérité,
Disant : « Aimez-moi, je suis la liberté !
« Je suis le pardon qui dissout la colère,
Et je donne à l'homme une voix juste et claire.
« Je suis le grand souffle exhalé sur la croix
Où j'ai dit : Mon père ! on m'immole, et je crois !
« Le bourreau m'étreint : je l'aime ! et l'aime encore,
Car il est mon frère, ô père que j'adore !
« Mon frère aveuglé qui s'est jeté sur moi,
Et que mon amour ramènera vers toi ! »
Ô patrie absente ! Ô fécondes campagnes,
Où vinrent s'asseoir les ferventes Espagnes !
Antiques noyers, vrais maîtres de ces lieux,
Qui versez tant d'ombre où dorment nos aïeux !
Échos tout vibrants de la voix de mon père
Qui chantait pour tous : « Espère ! espère ! espère ! »
Ce chant apporté par des soldats pieux
Ardents à planter tant de croix sous nos cieux,
Tant de hauts clochers remplis d'airain sonore
Dont les carillons les rappellent encore :
Je vous enverrai ma vive et blonde enfant
Qui rit quand elle a ses longs cheveux au vent.
Parmi les enfants nés à votre mamelle,
Vous n'en avez pas qui soit si charmant qu'elle !
Un vieillard a dit en regardant ses yeux :
« Il faut que sa mère ait vu ce rêve aux cieux ! »
En la soulevant par ses blanches aisselles
J'ai cru bien souvent que j'y sentais des ailes !
Ce fruit de mon âme, à cultiver si doux,
S'il faut le céder, ce ne sera qu'à vous !
Du lait qui vous vient d'une source divine
Gonflez le cœur pur de cette frêle ondine.
Le lait jaillissant d'un sol vierge et fleuri
Lui paîra le mien qui fut triste et tari.
Pour voiler son front qu'une flamme environne
Ouvrez vos bluets en signe de couronne :
Des pieds si petits n'écrasent pas les fleurs,
Et son innocence a toutes leurs couleurs.
Un soir, près de l'eau, des femmes l'ont bénie,
Et mon cœur profond soupira d'harmonie.
Dans ce cœur penché vers son jeune avenir
Votre nom tinta, prophète souvenir,
Et j'ai répondu de ma voix toute pleine
Au souffle embaumé de votre errante haleine.
Vers vos nids chanteurs laissez-la donc aller ;
L'enfant sait déjà qu'ils naissent pour voler.
Déjà son esprit, prenant goût au silence,
Monte où sans appui l'alouette s'élance,
Et s'isole et nage au fond du lac d'azur
Et puis redescend le gosier plein d'air pur.
Que de l'oiseau gris l'hymne haute et pieuse
Rende à tout jamais son âme harmonieuse !...
Que vos ruisseaux clairs, dont les bruits m'ont parlé,
Humectent sa voix d'un long rythme perlé !
Avant de gagner sa couche de fougère,
Laissez-la courir, curieuse et légère,
Au bois où la lune épanche ses lueurs
Dans l'arbre qui tremble inondé de ses pleurs,
Afin qu'en dormant sous vos images vertes
Ses grâces d'enfant en soient toutes couvertes.
Des rideaux mouvants la chaste profondeur
Maintiendra l'air pur alentour de son cœur,
Et, s'il n'est plus là, pour jouer avec elle,
De jeune Albertine à sa trace fidèle,
Vis-à-vis les fleurs qu'un rien fait tressaillir
Elle ira danser, sans jamais les cueillir,
Croyant que les fleurs ont aussi leurs familles
Et savent pleurer comme les jeunes filles.
Sans piquer son front, vos abeilles là-bas
L'instruiront, rêveuse, à mesurer ses pas ;
Car l'insecte armé d'une sourde cymbale
Donne à la pensée une césure égale.
Ainsi s'en ira, calme et libre et content,
Ce filet d'eau vive au bonheur qui l'attend ;
Et d'un chêne creux la Madone oubliée
La regardera dans l'herbe agenouillée.
Quand je la berçais, doux poids de mes genoux,
Mon chant, mes baisers, tout lui parlait de vous,
Ô champs paternels, hérissés de charmilles
Où glissent le soir des flots de jeunes filles.
Que ma fille monte à vos flancs ronds et verts,
Et soyez béni, doux point de l'Univers !
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