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Citations de Marceline Desbordes-Valmore (256)


Antony fut conduit en silence dans la voiture, qui roula si longtemps qu'il se crut à vingt lieues de Paris. Elle s'arrêta tout à coup, sur un cri des deux guides, au milieu desquels Antony était assis.
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AUX ENFANS QUI NE SONT PLUS.

Vous! à peine entrevus au terrestre séjour,
Beaux enfans ! voyageurs d'un jour,
Quand les astres sont purs, dans leurs tremblantes flammes
Voit-on flotter vos jeunes âmes?

Vous qui passez comme les fleurs,
Qui ne semblez toucher la terre
Que pour vous envoler tout baignés de nos pleurs,

Enfans, révélez-nous le triste et doux mystère
D'une apparition qui fait rêver le ciel,
Et de votre départ si prompt et si cruel.

Eh! comment voyons-nous nos plus pures délices
Se changer en amers calices
Pleins d'inépuisables regrets?
De ces sources de pleurs contez-nous les secrets.
Fleurs des tendres amours! ne laissez-vous de traces
Que vos chastes baisers, que vos tranquilles grâces,
Vos larmes sans remords, vos voix d'anges mortels,
Qui font des coeurs aimans vos douloureux autels?
Sous une forme périssable,
N'êtes-vous pas des cieux les jeunes messagers?
Et vos sourires passagers
Portent-ils de la foi l'empreinte ineffaçable?

Venez-vous en courant dire: « Préparez-vous!
« Bientôt vous quitterez ce que l'on croit la vie;
« Celle qui vous attend seule est digne d'envie:

« Oh! venez dans le ciel la goûter avec nous!
« Ne craignez pas, venez! Dieu règne sans colère;
« De nos destins charmans vous aurez la moitié.
« Celui qui pleure, hélas! ne peut plus lui déplaire,
« Le méchant même a part dans sa pitié.
« Sous sa main qu'il étend toute plaie est fermée;
« Qui se jette en son sein ne craint plus l'abandon;
« Et le sillon cuisant d'une larme enflammée
« S'efface au souffle du pardon.
« Embrassez-nous! Dieu nous rappelle:
« Nous allons devant vous; mères, ne pleurez pas!
« Car vous aurez un jour une joie immortelle,
« Et vos petits enfans souriront dans vos bras.»

Ainsi vous nous quittez, innocentes colombes,
Et sur nos toits d'exil vous planez un moment,
Pour écouter peut-être avec étonnement
Les cris que nous jetons à l'entour de vos tombes.
Ah ! du moins emportez au sein de notre Dieu
Les sanglots dont la terre escorte votre adieu.

Allez du moins lui dire: « Il est toujours des mères,
« Des femmes pour aimer, pour attendre et souffrir;
« Pour acheter longtemps, par des peines amères,
« Le bonheur de mourir! »
Ah ! dites-lui: «Toujours les hommes sont à plaindre;
« En vous nommant, Seigneur, ils ne s'entendent pas:
« Plus faibles que l'enfant dont vous guidez les pas,
« On ne leur apprend qu'à vous craindre.
« Et nous avons tremblé de demeurer longtemps,
« De nous perdre sans vous dans leurs sombres vallées;
« Et nous avons quitté nos mères désolées:
« Dieu! versez quelque espoir dans leurs cœurs palpitans,
(c Elles pleurent encore!» Il est trop véritable:
De vos berceaux déserts le vide épouvantable
Les fait longtemps mourir, et crier à genoux:
« Nous voulons nos enfans ! Nos enfans sont à nous!»

Mais Dieu pose sa main sur leurs yeux pleins de larmes;
Il éclaire, il console, il montre l'avenir;
L'avenir dévoilé resplendit de vos charmes,

Et l'espoir, goutte à goutte, endort le souvenir.
La promesse qui les enchante
Les suit jusque dans leur sommeil;
Et cette parole touchante
Les soutient encore au réveil:
« Laissez venir à moi ces jeunes créatures,
« Et je vous les rendrai; mères, ne pleurez pas!
« Priez! Dieu vous rendra vos amours les plus pures,
« Et vos petits enfans souriront dans vos bras. «
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MA CHAMBRE

Ma demeure est haute,
Donnant sur les cieux ;
La lune en est l'hôte,
Pâle et sérieux :
En bas que l'on sonne,
Qu'importe aujourd'hui?
Ce n'est plus personne ,
Quand ce n'est plus lui !

Aux autres cachée,
Je brode mes fleurs;
Sans être fâchée,
Mon âme est en pleurs:
Le ciel bleu sans voiles,
Je le vois d'ici ;
Je vois les étoiles :
Mais l'orage aussi !

Vis-à-vis la mienne
Une chaise attend :
Elle fut la sienne,
La nôtre un instant :
D'un ruban signée,
Cette chaise est là,
Toute résignée,
Comme me voilà !
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Les livres ont dès lors peuplé ma solitude
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XIX : L'Adieu Tout Bas

Autant que moi-même,
En quittant ces lieux,
Cherchez qui vous aime
Et vous plaise mieux ! (1)

Éloignez la flamme
Qui nourrit mes pleurs,
Car je n’ai qu’une ame
Pour tant de douleurs !

La raison regarde
À trop d’amitié ;
J’en pris, par mégarde,
Plus de la moitié !

Dormez à ma plainte,
Quand j’écris tout bas
Ces mots que ma crainte
N’exhalera pas !

La femme qui pleure
Trahit son pouvoir ;
Il faut qu’elle meure
Sans le laisser voir !

Quand le cœur sommeille,
Frappé de langueur,
Ce n’est pas l’oreille
Qui comprend un cœur.

Il est un langage
Appris par les yeux ;
Nos yeux, page à page,
Y trouvent les cieux !

C’est un livre d’ange,
Quand on est aimé ;
Si l’un des deux change,
Le livre est fermé !

(1) Après ce vers, le manuscrit présente un autre quatrain supplémentaire non repris dans le poème :

J'ai vu le nuage,
Que je vois toujours,
Lorsqu'un long voyage
Sépare nos jours.

Note d'Esther Pinon.
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XIII : Le Songe

C’était un songe : il me parlait.
Que sa voix était douloureuse !
« Adieu ! disait-il ; sois heureuse ! »
Et cependant il s’en allait !

Seul au fond d’une vaste plaine,
De loin il me montrait des fleurs ;
Et mes pieds me portaient à peine ;
Et ma voix s’écoulait en pleurs.

Mon cœur s’épuisait à l’attendre ;
Les chemins se changeaient en flots ;
J’exhalais son nom sans m’entendre ;
Je ne criais que des sanglots.

Il regarde, il pleure, il s’arrête.
« Tu le veux, dit-il, me voilà ! »
Des ailes planaient sur ma tête ;
Il était ange… et s’envola !
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Vous surtout que je plains si vous n'êtes chéries,
Vous surtout qui souffrez, je vous prends pour mes sœurs :
C'est à vous qu'elles vont, mes lentes rêveries,
Et de mes pleurs chantés les amères douceurs.
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Les roses de Saadi


J’ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j’en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les noeuds trop serrés n’ont pu les contenir.

Les noeuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s’en sont toutes allées.
Elles ont suivi l’eau pour ne plus revenir ;

La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée…
Respires-en sur moi l’odorant souvenir.
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Les Femmes, je le sais, ne doivent pas écrire:
J'écris pourtant
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Elégie


Extrait 2

Dès lors il ressaisit mon oreille étonnée ;
Elle y devint soumise, elle y fut enchaînée.
J’exprimais par lui seul mes plus doux sentiments ;
Je l’unissais au mien pour signer mes serments.
Je le lisais partout, ce nom rempli de charmes,
      Et je versais des larmes.
D’un éloge enchanteur toujours environné,
À mes yeux éblouis il s’offrait couronné.
Je l’écrivais... bientôt je n’osai plus l’écrire,
Et mon timide amour le changeait en sourire.
Il me cherchait la nuit, il berçait mon sommeil ;
Il résonnait encore autour de mon réveil ;
Il errait dans mon souffle, et lorsque je soupire
C’est lui qui me caresse et que mon cœur respire.

Nom chéri ! nom charmant ! oracle de mon sort !
Hélas ! que tu me plais, que ta grâce me touche !
Tu m’annonças la vie, et, mêlé dans la mort,
Comme un dernier baiser tu fermeras ma bouche.

p.76
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Marceline Desbordes-Valmore
Quand sur tes traits charmants j'arrête ma pensée,
Tous mes traits sont empreints de crainte et de bonheur ;
J'ai froid dans mes cheveux ; ma vie est oppressée,
Et ton nom, tout à coup, s'échappe de mon coeur.
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Marceline Desbordes-Valmore
La Sincère

Veux-tu l'acheter ?
Mon cœur est à vendre.
Veux-tu l'acheter,
Sans nous disputer ?

Dieu l'a fait d'aimant ;
Tu le feras tendre ;
Dieu l'a fait d'aimant
Pour un seul amant !

Moi, j'en fais le prix ;
Veux-tu le connaître ?
Moi, j'en fais le prix ;
N'en sois pas surpris :

As-tu tout le tien ?
Donne ! et sois mon maître.
As-tu tout le tien,
Pour payer le mien ?

S'il n'est plus à toi,
Je n'ai qu'une envie ;
S'il n'est plus à toi,
Tout est dit pour moi.

Le mien glissera,
Fermé dans la vie ;
Le mien glissera,
Et Dieu seul l'aura !

Car, pour nos amours,
La vie est rapide ;
Car, pour nos amours,
Elle a peu de jours.

L'âme doit courir
Comme une eau limpide ;
L'âme doit courir,
Aimer et mourir.
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Marceline Desbordes-Valmore
Les roses de Saadi

J'ai voulu ce matin te rapporter des roses;
Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les noeuds trop serrés n'ont pu les contenir.

Les noeuds ont éclaté. les roses envolées
Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées.
Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir.

La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est toute embaumée...
Respires-en sur moi l'odorant souvenir.
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Le berceau d'Hélène ( extrait)

Qu'a -t-on fait du bocage où rêva mon enfance ?
Oh! j'en parle toujours, j'y voudrais être encore,
Au milieu des parfums j'y dormais sans défense,
Et le soleil sur lui versait des rayons d'or.
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DORMEUSE


Si l’enfant sommeille,
Il verra l’abeille,
Quand elle aura fait son miel,
Danser entre terre et ciel.

Si l’enfant repose,
Un ange tout rose,
Que la nuit seule on peut voir,
Viendra lui dire : « Bonsoir. »

Si l’enfant est sage,
Sur son doux visage,
La vierge se penchera,
Et longtemps lui parlera.

Si mon enfant m’aime,
Dieu dira lui-même :
J’aime cet enfant qui dort ;
Qu’on lui porte un rêve d’or.

Fermez ses paupières,
Et sur ses prières,
De mes jardins pleins de fleur
Faites glisser les couleurs.

Ourlez-lui des langes,
Avec vos doigts d’anges,
Et laissez sur son chevet,
Pleuvoir votre blanc duvet.

Mettez-lui des ailes
Comme aux tourterelles,
Pour venir dans mon soleil,
Danser jusqu’à son réveil !

Qu’il fasse un voyage,
Aux bras d’un nuage,
Et laissez-le, s’il lui plaît,
Boire à mes ruisseaux de lait !

Donnez-lui la chambre
De perles et d’ambre,
Et qu’il partage en dormant,
Nos gâteaux de diamant !

Brodez-lui des voiles,
Avec mes étoiles,
Pour qu’il navigue en bateau,
Sur mon lac d’azur et d’eau !

Que la lune éclaire,
L’eau pour lui plus claire,
Et qu’il prenne au lac changeant,
Mes plus fins poissons d’argent !…
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Je ne sais plus d'où naissait ma colère;
Il a parlé ... ses torts sont disparus;
Ses yeux priaient, sa bouche voulait plaire:
Où fuyais-tu, ma timide colère?
Je ne sais plus.

Je ne veux plus regarder ce que j'aime;
Dès qu'il sourit, tous mes pleurs sont perdus;
En vain, par force ou par douceur suprême,
L'amour et lui veulent encor que j'aime;
Je ne veux plus.

Je ne sais plus le fuir en son absence,
Tous mes serments alors sont superflus.
Sans me trahir, j'ai bravé sa présence;
Mais sans mourir supporter son absence,
Je ne sais plus!
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Fleur d’enfance


L’haleine d’une fleur sauvage,
En passant tout près de mon cœur,
Vient de m’emporter au rivage
Où naguère aussi j’étais fleur.
Comme au fond d’un prisme où tout change,
Où tout se relève à mes yeux,
Je vois un enfant aux yeux d’ange :
C’était mon petit amoureux !

Parfum de sa neuvième année,
Je respire encor ton pouvoir.
Fleur à mon enfance donnée,
Je t’aime comme son miroir.
Nos jours ont séparé leur trame,
Mais tu me rappelles ses yeux ;
J’y regardais flotter mon âme :
C’était mon petit amoureux !

De blonds cheveux en auréole,
Un regard tout voilé d’azur,
Une brève et tendre parole,
Voilà son portrait jeune et pur.
Au seuil de ma pauvre chaumière
Quand il se sauvait de ses jeux,
Que ma petite âme était fière !
C’était mon petit amoureux !

Cette ombre qui joue à ma rive
Et se rapproche au moindre bruit,
Me suit, comme un filet d’eau vive,
À travers mon sentier détruit :
Chaste, elle me laisse autour d’elle
Enlacer un chant douloureux ;
Hélas ! ma seule ombre fidèle,
C’est vous, mon petit amoureux !

Femme, à qui ses lèvres timides
Ont dit ce qu’il semblait penser,
Au temps où nos lèvres humides
Se rencontraient sans se presser ;
Vous qui fûtes son doux Messie,
L’avez-vous rendu bien heureux ?
Du cœur je vous en remercie :
C’était mon petit amoureux !
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Trop tard


Il a parlé. Prévoyante ou légère,
Sa voix cruelle et qui m'était si chère
A dit ces mots qui m'atteignaient tout bas :
« Vous qui savez aimer, ne m'aimez pas !

« Ne m'aimez pas si vous êtes sensible,
« Jamais sur moi n'a plané le bonheur.
« Je suis bizarre et peut-être inflexible ;
« L'amour veut trop : l'amour veut tout un cœur
« Je hais ses pleurs, sa grâce ou sa colère ;
« Ses fers jamais n'entraveront mes pas. »

Il parle ainsi, celui qui m'a su plaire...
Qu'un peu plus tôt cette voix qui m'éclaire
N'a-t-elle dit, moins flatteuse et moins bas :
« Vous qui savez aimer, ne m'aimez pas !

« Ne m'aimez pas ! l'âme demande l'âme.
« L'insecte ardent brille aussi près des fleurs :
« Il éblouit, mais il n'a point de flamme ;
« La rose a froid sous ses froides lueurs.
« Vaine étincelle échappée à la cendre,
« Mon sort qui brille égarerait vos pas. »

Il parle ainsi, lui que j'ai cru si tendre.
Ah ! pour forcer ma raison à l'entendre,
Il dit trop tard, ou bien il dit trop bas :
« Vous qui savez aimer, ne m'aimez pas. »
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Le Ver luisant

Juin parfumait la nuit, et la nuit transparente
N’était qu’un voile frais étendu sur les fleurs :
L’insecte lumineux, comme une flamme errante,
Jetait avec orgueil ses mobiles lueurs.

" J’éclaire tout, dit-il, et jamais la Nature
N’a versé tant d’éclat sur une créature !
Tous ces vers roturiers qui rampent au grand jour,
Celui qui dans la soie enveloppe sa vie,
Cette plèbe des champs, dont j’excite l’envie,
Me fait pitié, me nuit dans mon vaste séjour.
Nés pour un sort vulgaire et des soins insipides,
Immobiles et froids comme en leurs chrysalides,
La nuit, sur les gazons, je les vois sommeiller :
Moi, lampe aventureuse, au loin on me devine ;
Étincelle échappée à la source divine,
Je n’apparais que pour briller.

" Sans me brûler, j’allume un phare à l’espérance ;
De mes jeunes époux il éveille l’amour ;
Sur un trône de fleurs, belles de ma présence,
J’attire mes sujets, j’illumine ma cour.

" Et ces feux répandus dans de plus hautes sphères,
Ces diamants rangés en phares gracieux,
Ce sont assurément mes frères
Qui se promènent dans les cieux.
Les rois qui dorment mal charment leur insomnie
À regarder courir ces légers rayons d’or ;
Au sein de l’éclatante et nocturne harmonie,
C’est moi qu’ils admirent encor :
Leur grandeur en soupire, et rien dans leur couronne
N’offre l’éclat vivant dont seul je m’environne ! "

Ainsi le petit ver se délectait d’orgueil ;
Il brillait. Philomèle, à sa flamme attentive,
Interrompt son hymne de deuil
Que le soir rendait plus plaintive :
Jalouse, ou rappelant quelque exilé chéri,
Mélodieuse encor dans son inquiétude,
Amante de ses pleurs et de la solitude,
Elle épuisait son cœur d’un lamentable cri.
N’ayant de tout le jour cherché la moindre proie,
Par instinct, sans projet, sans joie,
Elle descend à la lueur
Qui sert de fanal pour l’atteindre ;
Et, sans même goûter de plaisir à l’éteindre,
S’en nourrit, pour chanter plus longtemps sa douleur.
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ELEGIES LOUISE LABE

Quoi ! C'est là ton berceau, poétique Louise !
Mélodieux enfant, fait d'amour et d'amour,
Et d'âme, et d'âme encore, et de mollesse exquise !
Quoi ! C'est là que ta vie a pris l'air et le jour !
Quoi ! Les murs étouffants de cette étroite rue
Ont laissé, sans l'éteindre, éclore ta raison !
Quoi ! C'est là qu'a brillé ta lampe disparue !
La jeune perle ainsi colore sa prison...
Non, ce n'est pas ainsi que je rêvais ta cage,
Fauvette à tête blonde, au chant libre et joyeux !
Je suspendais ton aile à quelque frais bocage,
Plein d'encens et de jour aussi doux que tes yeux !
Et le Rhône en colère, et la Saône dormante,
N'avaient point baptisé tes beaux jours tramés d'or ;
Dans un cercle de feu tourmentée et charmante,
J'ai cru qu'avec des fleurs tu décrivais ton sort,
Et que ton aile au vent n' était point arrêtée
Sous ces réseaux de fer aux rigides couleurs ;
Et que tu respirais la tristesse enchantée
Que la paix du désert imprime aux jeunes fleurs ;
Que tu livrais aux flots tes amoureuses larmes,
Miroir pur et profond qu'interrogeaient tes charmes ;
Et que tes vers émus, nés d' un frais souvenir,
S'en allaient sans efforts chanter dans l'avenir !
Mais tu vivais d'une flamme
Raillée en ce froid séjour ;
Et tu pleurais de ton âme,
Ô salamandre d'amour !
Quand sur les feuilles parlantes
Que ton coeur sut embraser,
Tu laisses dans un baiser
Courir tes larmes brûlantes,
Ô Louise ! On croit voir l'éphémère éternel
Filer dans les parfums sa soyeuse industrie,
Lorsque, tombé du ciel, son ardente patrie,
Il en retient dans l' ombre un rayon paternel.
Fiévreux, loin du soleil, l'insecte se consume ;
D'un fil d'or sur lui-même ourdissant la beauté,
Inaperçu dans l'arbre où le vent l'a jeté,
Sous un linceul de feu son âme se rallume ! ...
L'amour se venge d' être esclave.
Fièvre des jeunes coeurs, orage des beaux jours,
Qui consume la vie et la promet toujours,
Indompté sous les noeuds qui lui servent d'entrave,
Oh ! L'invisible amour circule dans les airs,
Dans les flots, dans les fleurs, dans les songes de l'âme,
Dans le jour qui languit trop chargé de sa flamme,
Et dans les nocturnes concerts !
Et tu chantas l'amour ! Ce fut ta destinée.
Belle, et femme, et naïve, et du monde étonnée,
De la foule qui passe évitant la faveur,
Inclinant sur ton fleuve un front tendre et rêveur,
Louise, tu chantas ! à peine de l'enfance
Ta jeunesse hâtive eut perdu les liens,
L'amour te prit sans peur, sans débats, sans défense ;
Il fit tes jours, tes nuits, tes tourments et tes biens !
Et toujours par ta chaîne au rivage attachée,
Comme une nymphe triste au milieu des roseaux,
Des roseaux à demi cachée,
Louise, tu chantas dans les fleurs et les eaux ! ...
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