Début des années 1980. Juan quitte Buenos Aires en voiture, dans l’urgence, avec son fils, Gaspar, pour se rendre à Iguazu. Ce départ aux airs de fuite n’est que le commencement d’un long combat du père pour protéger son fils de l’avenir que lui a réservé, à sa suite, l’Ordre, société secrète dans laquelle Juan est tombé bien malgré lui enfant, lorsqu’ont été découvertes par hasard ses capacités de Médium : il en est effet celui qui peut appeler l’Obscurité, entité monstrueuse à laquelle l’Ordre confère des propriétés surhumaines qui pourraient les servir. Cet Ordre, tenu d’une main de fer par deux familles depuis sa création, ou presque, les Mathers et les Bradford – dont fait partie Rosario, la mère de Gaspar -, a une mainmise implacable sur l’Argentine, profitant pleinement du climat dictatorial du pays et des exactions qui y sont commises pour arriver à ses fins.
Je vais faire un peu ma rabat-joie mais, sans dénier les qualités certaines de ce roman, je ne l’ai pas trouvé à la hauteur des éloges qui lui ont été faits. Son rythme, sa construction narrative, et son style, sont à mon sens inégaux : en effet, bien que le choix de mêler les temporalités et les points de vue soient bienvenus pour permettre une compréhension complète de l’Ordre, et le désir de Juan d’empêcher son fils de connaître le même destin que lui en devenant à son tour Médium, ce mélange ne prend pas toujours aussi bien.
La première partie, qui raconte plus précisément le retour contraint de Juan au sein de l’Ordre, et ses conséquences sur l’existence de Gaspar, qui va grandir dans une atmosphère de secret, avec un père gravement malade, instable, violent, m’a semblé parfois poussive et confuse, sensation amplifiée par des phrases ou expressions souvent lourdes et convenues, qui font perdre de la force à l’atmosphère terriblement inquiétante décrite par son intermédiaire. Au contraire, la deuxième partie, s’intéressant plutôt à Rosario, disparue dans des circonstances troubles – ce qui poussera Juan à partir, au début du roman -, racontant à la fois l’histoire de l’Ordre, ce qui a fait de Juan le Médium, et de Rosario la mère de Gaspar, est magistralement menée, mettant en scène un univers dense, vraiment troublant, mimant au mieux l’Obscurité au centre de chaque évènement : le fantastique est enfin, dans cette partie, palpable, et la magie a, enfin, opéré. Mais la dernière partie, qui conclut le destin de Gaspar, et finalement de l’Ordre, m’a semblé de nouveau plus poussive, retombant dans les travers stylistiques du premier quart du roman, donnant lieu à un dénouement précipité proportionnellement au reste de l’intrigue qui avait vraiment pris le temps de se mettre en place, et de fait pas toujours crédible.
Une lecture en demi-teinte en somme, qui ne m’a pas complètement convaincue : j’ai apprécié l’intrigue et l’univers mis en place, beaucoup moins le style et la narration parfois choisis pour les mettre en scène.
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