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Citations de Marie Darrieussecq (585)


Je me suis approchée des arbres. C'était la première fois que je voyais des arbres aussi hauts, et qui sentaient si bon. Ils sentaient l'écorce, la sève sauvage ramassée à ras de tronc, ils sentaient toute la puissance endormie de l'hiver. Entre les grosses racines des arbres la terre était éclatée, meuble, comme si les racines la labouraient de l'intérieur en s'enfonçant profondément dedans. J'y ai fourré mon nez. Ça sentait bon la feuille morte de l'automne passé, ça cédait en toutes petites mottes friables parfumées à la mousse, au gland, au champignon. J'ai fouillé, j'ai creusé, cette odeur c'était comme si la planète entrait tout entière dans mon corps, ça faisait des saisons en moi, des envols d'oies sauvages, des perce-neige, des fruits, du vent du sud. Il y avait toutes les strates de toutes les saisons dans les couches d'humus, ça se précisait, ça remontait vers quelque chose. J'ai trouvé une grosse truffe noire (...), j'ai croqué dans la truffe, du nez le parfum m'est entré dans la gorge et ça a fait comme si je mangeais un morceau de la Terre. Tout l'hiver de la Terre a éclaté dans ma bouche, je ne me suis plus souvenue ni du millénaire à venir ni de tout ce que j'avais vécu, ça s'est roulé en boule en moi et j'ai tout oublié, pendant un moment indéfini j'ai perdu ma mémoire. J'ai mangé, j'ai mangé. Les truffes avaient la saveur des mares quand elles gèlent, le goût des bourgeons recroquevillés qui attendent le retour du printemps, le goût des pousses bandées à craquer dans la terre froide, et la force patiente des futures moissons. Et dans mon ventre il y avait le poids de l'hiver, l'envie de trouver une bauge et de m'assoupir et d'attendre.
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J’ai passé une nuit horrible. A peine m’assoupissais-je sur mon tabouret que des images de sang et d’égorgement me venaient à l’esprit. Je voyais Honoré ouvrir la bouche sur moi comme pour m’embrasser, et me mordre sauvagement dans le lard. Je voyais les clients faire mine de manger les fleurs de mon décolleté et planter leurs dents dans mon cou. Je voyais le directeur arracher ma blouse et hurler de rire en découvrant six tétines au lieu de mes deux seins. C’est ce cauchemar-là qui m’a fait me réveiller en sursaut. J’ai couru vomir à la salle de bain, mais l’odeur des rillettes m’a soulevé le cœur encore plus. Ça a fait comme si mon intérieur se retournait, le ventre, les tripes, les boyaux, tout à l’extérieur comme un gant à l’envers. J’ai vomi sans pouvoir m’arrêter pendant plusieurs minutes. Après j’ai ressenti le besoin urgent de me laver. Je me suis frottée sur tout le corps, savonnée dans les moindres recoins, je voulais enlever tout ça. Il y avait une odeur très particulière attachée à ma peau. Les poils surtout me dégoûtaient. Je me suis séchée soigneusement dans une serviette bien propre, je me suis frottée au talc, et je me suis sentie un peu mieux. Ensuite, je me suis rasé les jambes et, comme je pouvais, le dos. Un peu de sang a coulé, c’est difficile de se raser le dos. La vue du sang m’a pétrifiée. (p. 52)
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L'argent, l'urgence: le nerf de sa solitude,l'impasse de son indépendance.
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Une femme de vingt cinq ans peint une fille qui devient femme . Une jeune mariée peint une très jeune mariée. Ce qu'elles partagent est silencieux. Le temps pulse,le soleil est toujours voilé sur ces tableaux sur ces tableaux. A cet endroit du monde,dehors dans les bois et les champs,c'est la présence cotonneuse,assourdie mais puissante,de jeunes humaines debout sur la terre. Non pas à quoi rêvent les jeunes filles,mais ce qu'elles pensent.
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Paula se tait. Elle va se taire longtemps. Trois mois plus tard,dans son journal,elle se demande ce qu'est une solitude gardée par des portes; et si la vrai solitude n'est pas, au contraire,complètement ouverte,quitte à marcher main dans la main dans les prés.
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Martha Vogeler,évadée d'un tableau de son mari,coiffée de pâquerettes préraphaélites, dans une unique tunique bleu ciel,les mains chargées d'un vase. Cette pose un peu hiératique,sérieuse,le regard ailleurs,sera désormais la manière de Paula : une jeune fille grave porte un objet comme une offrande. Ni triomphe, ni malaise,ni érotisme délibérée. Ce ne ne sont pas des mondes d'angoisse ou de secret,mais des mondes de pensée.
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Regardons les hommes se débattre avec les femmes. "Vivre avec une artiste, il y a un problème absolument nouveau" : Rilke à propos de Clara.
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Des corps disparus. Des corps en poussières. Le vif de leur désir,le vrai de leur ardeur: pulvérisés.
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«  Le droit à la chambre s’inscrirait presque dans les droits de l’homme ».

écrit MICHELLE PERROT .
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Paula est une bulle entre les deux siècles. Elle peint vite,comme une étoile.
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«  L’insomnie est un ravin. Ceux qui cherchent le sommeil y luttent avec des ombres et déboulent dans des pierriers . L’insomniaque ressemble à ce prince ferraillant dans les ronces et demandant inlassablement son chemin vers le château de La Belle au bois dormant » …
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Et par toutes ces brèches j'écris à mon tour cette histoire, qui n'est pas la vie vécue de Paula M. Becker mais ce que j'en perçois, un siècle après, une trace.
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… des robots assez rudimentaires : un peu comme pour les achats en ligne quand on se voit proposer des chaussures parce qu’on vient d’en acheter, ou une croisière parce qu’on a écrit qu’on s’est fait mener en bateau.
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Dans la dune entièrement faite de sable (pas le moindre petit gazon pour ne pas que ça gratte) alanguie sur son épaule elle l’écoute respirer dans le souffle des vagues. Le Grand Tout. Ce que raconte sa mère, mais en vrai. Ils font partie du cosmos et les étoiles clignotent, et s’ils prenaient la mer tout droit ils verraient monter sous le ciel la Statue de la Liberté. « Tout droit c’est Montréal », corrige Arnaud. Montréal c’est bien aussi.
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Ah non, dit Rose, quand on a des regrets, on reste pour toujours au fond de son terrier.
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Sa fuite était très active et compliquée, ses plans sans cesse déjoués, ses projets bafoués, des embûches et des biches, et sur les talons quelque chose de si inquiétant qu'elle n'osait pas se retourner.
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Il regarde la mer défilante. Les cristaux de sel font des étoiles sur son ciré et de la nostalgie dans ses yeux.
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Le casino se trouvait sous la ligne de flottaison. Les joueurs s'agglutinaient en paquets d'algues autour des tables.
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J'écris allongée sous les arbres, adossée à un monticule de terre. Je m'applique à respirer lentement. C'est un jour de soleil, même si nous restons toujours à l'ombre. De temps en temps je relève la tête et j' essaie de me concentrer sur le feuillage. La tête à l'envers, avec mon oeil unique, j essaie de voir comme qui dirait l'envers du monde. Le vent n'est pas sensible au ras du sol, et les arbres là-haut semblent bouger tout seuls. Ils balancent leurs bras, leurs branches, ils agitent leurs mains vertes, ils font l'avion. J'essaie de ne penser à rien. De respirer. L'air est merveilleux ici. Il sent le vert. Il sent la sève. C'est bon. Entre les feuilles on devine des confettis de ciel. Des paillettes de ciel. Il pleut du ciel bleu. Le ciel bleu se dépose sur moi.
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« Le plus logique serait qu’ils les brûlent, les forêts. Ou qu’ils stockent tout le bois sauvage et qu’ils plantent de grand champs d’arbres au sol dégagé, à la canopée quadrillée : plus de sous-bois, plus d’opacité. C’est à l’étude. Mais je n’ai pas le temps de développer ici des choses que vous savez déjà et contre lesquelles, peut-être (on peut toujours espérer), vous luttez. »
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