Lecture par l'auteure accompagnée de Karinn Helbert (Orgue de cristal)
Festival Paris en toutes lettres
Elle a perdu son frère mais n'a pas réussi à se rendre à l'enterrement. Elle est effondrée et décide de s'exiler au bord d'un fleuve pour écrire un livre sur lui. Elle garde l'appartement d'un inconnu en échange de deux services : nourrir le chat et les plantes carnivores. Sauf que le chat n'apparaît jamais et que le récit de son histoire fraternelle et de cet amour fusionnel prend peu à peu une tonalité très dérangeante
Marie Nimier lit des extraits de son roman, accompagnée par Karinn Helbert qui fait entendre un instrument aussi singulier que l'est Petite soeur : un orgue de cristal.
À lire Marie Nimier, Petite soeur, Gallimard, 2022.
Lumière par Patrice Lecadre, son par François Turpin
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Une phrase, c'est comme un vêtement. Il ne faut pas qu'elle gratte dans le dos, qu'elle gêne aux emmanchures ni qu'on s'y sente endimanché, ou tarte. »
L'intimité détruit le discours sur l'intimité. On se protège, on réserve sa parole. On a peur que l'autre ne creuse en vous, sans doute, qu'il ne vous gobe pour mieux vous aimer.
Trois corps sur une plage, sur une page trois personnages. L'homme, la femme et la très jeune fille. Trois cartes d'un jeu de tarot qui, droites ou renversées, disent
l'amour et son contraire, le désir et la perte, la métamorphose ou l'enfermement.
Elle confondait éloignement et indépendance, comme si l'attachement pouvait se cantonner aux limites de notre champ de vision. Loin des yeux, loin du cœur - je ne connais pas aphorisme plus imbécile.
Tout le monde a eu dans son existence quelqu'un qu'il a aimé et qui est parti. Tout le monde a été blessé par un ami sans avoir pu le raconter. Tout le monde s'est réveillé avec une phrase en tête impossible à prononcer. Il faut bien que ces mots restés en souffrance se rejoignent quelque part et trouvent eux aussi un endroit où aller. (p. 21)
Ce qui nous séparait nous liait tout autant que ce qui nous réunissait. Nous nous comblions, est-ce qu'on peut dire cela ? Se combler, comme deux pièces de puzzle qui s'imbriqueraient parfaitement, mais qui ne viendraient pas de la même boîte.
Car il suffit d'une note, se dit-il, d'une note tenue pour évoquer quelqu'un. Cette idée le réjouit comme s'il pouvait à travers une seule phrase de la Marche funèbre saisir le monde en son entier, comme si chaque instant de musique portait en lui la mémoire de toutes les partitions du passé et l'intuition de celles du futur.
Fred ne pouvait pas supporter que l'eau coule pour rien, ça la rendait nerveuse. J'ai la réparation dans le sang, m'avait-elle dit en réglant le flotteur. Je tiens ça de mon père. Lui, c'était l'histoire de ses ancêtres qu'il voulait réparer. (p. 128)
"Toute surface est langage."
"La culpabilité est un moteur qui tourne dans le vent."