Il faut toujours écouter les conseils de ses amies. Car j’avoue qu’en lisant le résumé, je ne pensais pas que ce roman pourrait me plaire plus que ça. Ca avait l’air tellement triste et plombant. Mais mon amie avait l’air si enthousiaste que j’ai fini par emporter ce roman mais il aura fallu plus d’un an pour que je me décide à le lire. Et là, ça a été un coup de poing !
La famille Lucas habite une ferme sur les terres arides du Nord Wisconsin. Mais loin de tenir ses promesses de richesses, c’est plutôt la violence et la noirceur que ce coin de terre leur a apporté. Alcoolique, John Lucas n’hésite pas à frapper sa femme, trop intelligente, et ses deux fils. James, l’ainé, essaie de les protéger comme il peut et s’évade dans la musique de son idole, Elvis, à qui il ressemble. Le plus jeune, Bill, trouve refuge dans l’amour de la nature et des animaux. Mais quand son frère part pour le Vietnam dans le but d’échapper à une vie qui l’étouffe, il se sent trahi sans savoir qu’il ne reverra jamais James.
Il y avait longtemps qu’un roman ne m’avait plus pris aux tripes comme celui-ci. Les 150 premières pages sont d’une puissance hors du commun et m’ont littéralement coupé le souffle, au point que j’en ai eu mal au ventre et des difficultés à respirer ! C’est tellement rare. Mary R. Ellis a écrit un roman sur l’enfance, mais pas sur les joies et les bonheurs, non. En fait, il y a tellement de thèmes et d’évocations dans ce grand roman, dont a du mal à croire que ce soit un premier roman. Enfance maltraitée, douloureuse, deuils impossibles, violences conjugales, c’est tout cela que représente la famille Lucas. Mais pas seulement. C’est aussi le poids des conventions et de l’histoire qui pèse sur les habitants d’une région et d’un état reculé au sortir de la deuxième guerre mondiale, d’un fils soumis à son père et à ses préjugés et qui se venge sur sa femme et ses fils pour ses erreurs et sa médiocrité. Heureusement, il y a les Morrisseau, les voisins, qui apportent un peu de répit à ces enfants. Mais eux aussi souffrent de n’avoir pu avoir d’enfants, de ce qu’ils ont vécu à la guerre et de leur incapacité à aider leurs amis.
Les conflits et les guerres ont leur place dans ce roman aux multiples facettes. Mary R. Ellis n’hésite pas à dénoncer la politique guerrière de son pays, dans laquelle son frère a souffert. Les pages qui se déroulent au Vietnam sont édifiantes.
C’est aussi un récit dans lequel l’onirisme et la spiritualité occupent une place de choix. J’ai d’ailleurs été un peu décontenancée par le rôle de James, avant de comprendre l’appartenance à sa terre et l’importance de ce personnage.
La romancière use et abuse du flash back, technique que j’apprécie beaucoup et qui permet d’avancer dans le roman en dévoilant certains événements alors même qu’on pense avoir fait le tour de la situation. L’éclairage apporté par les différents personnages nous montre combien la situation a été douloureuse pour chacun et combien le silence a pesé sur eux, comme une chape.
On ne peut sortir indemne d’une telle lecture, tant le sujet est grave. Je ne peux nier que l’histoire n’est pas joyeuse et que la vie rurale dans le Wisconsin n’est pas présentée à son avantage. Les paysages et la nature en revanche sont merveilleusement décrits et on sent l’amour que l’écrivain porte à sa terre natale. Cependant, la fin m’a semblé trop « happy end », après ce que les protagonistes avaient vécu. J’ai trouvé que ça faisait trop plaqué. Malgré tout, c’est un énorme coup de cœur.
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