Il y a quelques temps, j’ai vu circuler sur le net la couverture d’un livre dont la photo m’a saisie. Le regard rempli de détresse d’un enfant, une fillette dont la bouche est muselée par une grande main d’adulte. La suggestion a un pouvoir énorme et cette image seule est déjà très dérangeante. Elle n’est pas sans évoquer toutes les campagnes de prévention sur les dangers des rencontres faites sur la toile, notamment par les plus jeunes. Mon subconscient a évoqué en un instant maltraitances, violences et vulnérabilité.
Très troublant.
Par la suite est venue la 4ème de couverture, quelques lignes à peine, dépeignant la mue d’un homme. Un homme à terre, qui assiste aux obsèques de son épouse et de sa petite fille, et qui va se transformer, relever la tête dans le but unique de retrouver celui qui leur a pris la vie. Je n’avais pas lu une seule ligne de ce premier roman de l’auteur que je me projetais déjà à la fin de son histoire. Son « emballage » est à lui seul une lame de fond, ce n’est rien de le dire.
Je vous parle donc aujourd’hui de cette histoire à couper le souffle, Sans raison, de Mehdy Brunet.
« Mais je reste simple spectateur, incapable de regagner ce corps, prisonnier d’un esprit qui, pour se préserver, refuse de réintégrer le monde réel. Je comprends tout ce qui se passe autour de moi, sans pouvoir réagir. Je suis ballotté par les courants d’un océan qui m’engloutit, petit à petit. » p. 48
La pierre angulaire du récit est posée d’emblée, lire cette fameuse 4ème de couverture ne va pas influencer le reste de votre lecture puisqu’il ne s’agit, ni plus ni moins, que des premiers mots du texte. Un prologue d’une émotion totale qui dépeint le pire qu’un homme et son petit garçon puissent vivre, la perte de celles qui leur sont les plus chères. L’histoire débute en banlieue bordelaise, Josey Kowalsky, jeune garagiste, découvre l’indicible en rentrant chez lui après avoir emmené son petit garçon pour la première fois à un match de foot. Il s’agit tout d’abord de l’enlèvement de son épouse et de sa petite fille, épreuve qui vire au drame absolu quelques jours plus tard comme la narration l’indique dès ses premiers mots, puisque qu’elles sont retrouvées mortes, en région parisienne. Et cet homme doux et tranquille, que le vie accable sans crier gare, dans une incompréhension totale du « Pourquoi », décide alors de prendre les choses en main et de devancer la justice. Aidé par ses proches, il décide de mener l’enquête mais dans une version davantage « Hunger Games » que « Crime de l’Orient Express » afin de comprendre la raison de cet acte odieux et d’obtenir réparation, ou plutôt vengeance.
Grosse ambiance…
« C’est ce moment-là que je choisis pour plonger mon regard dans le sien. L’homme porte le poids de son corps sur son autre jambe et recule imperceptiblement la première. La détermination qu’il lit sur mon visage le remplit d’effroi… » p.108
Le livre est plutôt court, 270 pages qui se lisent à le vitesse d’une trainée de poudre. L’histoire se décline en grandes parties regroupant de courts chapitres. C’est Josey qui parle à la première personne, invitant le lecteur à participer à cette chasse à l’homme. Le style de Brunet est direct, il ne se perd pas dans les détails ce qui rend son récit d’autant plus passionnant et facile à lire. C’est simple, j’ai n’ai quasiment plus posé ma lecture une fois que je l’ai eu commencée. Certaines scènes sont très violentes, même difficilement supportables mais nécessaires au déroulement de l’histoire et proportionnelles à la haine éprouvée par les personnages.
« Et il reconnait ce regard car ce n’est pas la première fois qu’il le voit. C’est le même qu’il a vu sur le visage de tant de personnes qu’il a croisées et qui avaient perdu un proche dans des circonstances horribles, ce même regard exprimant la tristesse et le désespoir, ce même regard assoiffé de justice » p. 257
C’est donc un thriller au rythme très soutenu et palpitant. En un laps de temps court, l’auteur m’a fait vivre des émotions parfois incontrôlables. Tristesse, angoisse, excitation, soulagement, horreur…
Qui n’a jamais imaginé avoir des pulsions de vengeance, souhaiter selon la loi du Talion, un « oeil pour oeil, dent pour dent », en pensant malgré lui à des dangers pour nos proches?
L’intrigue est très réaliste, rien n’est en trop, les personnages tantôt fragiles, tantôt solides sont toujours crédibles et pas une seconde je n’ai envisagé la finalité de l’histoire, le dénouement et son déroulement sont impeccables, avec un timing parfait. Tous les éléments sont imbriqués avec des moyens simples, c’est donc un petit bijou de justesse.
Vous l’aurez compris, Mehdy Brunet m’a totalement séduite avec ce roman et je vais donc envisager de lire la suite, puisque suite il y a…
Lien :
https://leschroniquesdeminui..