AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Nikolaï Leskov (50)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Mania l'insulaire

À chaque fois que l'on parle de l'écrivain russe du XIXème siècle Nikolaï Leskov, il faut rappeler que sa place aux côtés des Dostoïevski, Tolstoï, Pouchkine, et autre Gogol au panthéon des Lettres Russes a toujours été menacée, voire refusée, sans doute du fait de son originalité, et de la difficulté à lui apposer une étiquette bien voyante.



( Sa notice wiki française étant aussi courte et laconique que celle de n'importe quel petit capitaine… )



Complexe, sa pensée a toujours donné du fil à retordre à ceux qui aiment la raccourcir ; souvent, ses saillies n'étaient que réactions d'agacement face aux lubies délirantes de certains de ses contemporains, dont la part proclamée « progressiste » s'apparentait alors au nihilisme, la placardant ainsi comme « réactionnaire » vis à vis de cette agitation toute citadine.

Son opposition à certaines réformes de modernisation de la société pourrait bien-sûr entrainer ce genre de qualificatif, la fin du servage semblant aller de soi dans un monde plus juste, mais ce serait se méprendre sur ses intentions, comparable en leurs apparents paradoxes à celles du philosophe ( et j'ose dire héritier ) Nicolas Berdiaev.



Bien que largement publiée, son oeuvre donne toujours l'impression d'être singulièrement éparpillée, et sous-estimée dans sa modernité.

Ce roman est le seul à être édité aux insaisissables éditions Autrement ; on ignore si son titre résulte du choix de la grande traductrice et auteure Luba Jurgenson car, comme le souligne dans sa critique Bookycooky ( ciao krasavitsa ! ), il n'équivaut pas l'original en se concentrant sur un seul personnage, bien que le livre s'occupe de la famille toute entière.

Mania, la benjamine, en est bien le fil rouge, l'élément singulier, au risque d'occulter l'importance dans ce récit de sa cadette Ida, elle qui porte littéralement le roman par son caractère.

Le narrateur — fort probablement incarné par Leskov lui-même ( du fait d'éléments auto-biographiques ) — en manque sensiblement, laissant les bras ballant au lecteur face à son non-rôle dans cette histoire, lui qui tient tout de même à s'y personnifier ; à ce compte, il eut mieux fallu s'en retirer tout à fait, le matriarcat Norck se suffisant à lui-même.



Le tout manquant parfois de structure ( faute justement de ce narrateur ? ), les allusions au milieu artistique de l'époque y restant sans vie, le développement menant à l'épilogue pouvant surprendre, s'échappant de Petersbourg comme sortant de la réalité, versant dans un discret romantisme aux atours de conte d'hiver, comme refus obstiné envers ces destins de femmes si banalement tragiques.



Une oeuvre originale et classique à la fois, à l'image de son auteur, toujours à redécouvrir.

Commenter  J’apprécie          1104
Mania l'insulaire

Un très bon roman russe du XIXiéme siècle comme je les aime.

Une histoire qui nous fait voyager dans un passé lointain à Saint Petersbourg, sur l'île Vassilievski, nous racontant la vie des insulaires (titre original), de cette terre à part.

Une famille, les Norck, d'origine allemande, une grand-mère,une mére et ses trois filles dont la benjamine, Mania. Et trois hommes, le narrateur, le gendre et Istomine leur ami, un jeune peintre, très renommé, surtout auprès des femmes. De beaux personnages, auxquels on s'attache de suite et une inoubliable scéne de danse qui nous rappelle avec nostalgie,des pas oubliés du passé, la valse, la mazurka,la polka.......

Eh bien, dans cette Russie d'antan, quand ce tombeur de femmes va s'éprendre de la benjamine des Norck, une jeune fille pas comme les autres, les choses vont se compliquer.......mais se compliquer à la manière de "Leskov".



Une prose et une approche du sujet étonnement moderne, peu de romantisme, beaucoup de réalisme, comme concernant "l'honneur", par la bouche de personnages positifs, rare pour l'époque.

Des descriptions et analyses fines et denses, du milieu et de la vie intérieure des personnages, avec un jeu constant entre le visible et l'invisible.

Trois soeurs, trois figures de femmes singulières, notamment celle d'Ida Norck, la soeur célibataire de Mania; rien que pour ce portrait le livre vaut la peine d'être lu.



Un roman peu connu ,de Nikolai Leskov (1831-1895), écrit dans les années 1865-66. Bien que dans les milieux littéraires n'ayant jamais été considéré comme appartenant au parthenon littéraire russe ,Tolstoi fût un de ses admirateurs, Dostoievski le publia et Tchekov reconnu son influence sur son oeuvre, notamment sa bienveillance morale et son acceptation avec humour de toute la gamme des sentiments humains.



C'était mon premier Leskov, j'ai hâte de découvrir le reste de son oeuvre.

Commenter  J’apprécie          853
À couteaux tirés

La sortie chez Syrtes Poche de ce livre est un événement… du genre de ceux qui se noient parmi la foule d'autres événements, née de cette Communication, que notre société se refuse à appeler « mensonge », ou plus simplement « réclame », plus à même d'en situer le niveau…

Réclamons donc un peu d'attention, en remerciant l'éditeur et Bab ‘ pour cet avant-première, avec ce livre qui, à sa sortie brochée en 2017, avait surtout attiré l'attention de médias comme Valeurs Actuelles ou Causeur (coucou Jérôme Leroy), ce qui pourrait perpétuer la vision simplifiée, manichéenne, de l'oeuvre de Leskov comme conservatrice ( destin partagé en miroir par celle du Gorki socialiste ), alors que ce vaste roman politique, voir anthropologique, possède l'admirable défaut d'être interprété au bon vouloir de la complexité, son traducteur Gérard Conio ( aidé par Julie Bouvard ) la détaillant dans son habile préface, centrée sur l'anti-nihilisme ( donc anti-libéralisme de l'époque, 1870 ) supposé du texte, et en sous-main son destin chaotique à travers L Histoire ( « réhabilitation » en 1993 pour la Russie avec son inclusion tardive dans les Oeuvres Complètes de Leskov ), appelant au terme frissonnant de « roman maudit » que le communicant pourrait balancer pour appâter davantage…



Car cette préface — de celles qui se lisent en entrant puis sortant de l'oeuvre — ménage au lecteur sa propre appréciation, laissant de côté par exemple toutes les questions soulevées par les rapports homme/femme, la délicate opposition nature/culture, ne prenant bien-sûr point l'envergure d'une thèse, comme celle, inédite, de Jean-Claude Marcadé, à laquelle il fait maintes fois allusion, faisant bien sentir la tentative de réhabilitation d'un texte qui a probablement fait peur jusqu'à son auteur, effrayé par cette radiographie primitive de n'importe quel mouvement politique ou philosophique, d'isme en schisme, pourri par cette veulerie humaine, insatiable… alors que Leskov nous a mijoté tout cela dans un mélange d' opéra-bouffe / comédie de boulevard / polar-feuilleton / byline paysanne, et qu'on est souvent tenté de convoquer l'excitant graal du chef d'oeuvre oublié…



Moderne assurément, avec la panoplie du roman classique russe en bagage, nous répétant les mots de Gogol « qu'il est impossible de donner du relief à la représentation de la bonté chez un homme russe », tout en se gardant bien de voir la Morale comme solution naturelle, se délectant de la scélératesse d'une grande parie de ses personnages, comme celui « n'ayant pas remarqué dans sa confusion qu'il venait d'exprimer ce qu'il pensait réellement et non ce qu'il voulait dire »…

jusqu'à clore cette volumineuse intrigue par sa propre interrogation d' « à quoi bon ? » face à ce « brouillard plein la tête où il est impossible de distinguer qui ne s'est pas trahi pas plus qu'il n'a sali son prochain », avec comme seule certitude que « tout cela n'est que prologue à un cataclysme qui surviendra inéluctablement ».



Certains pans ou personnages auraient mérité plus amples développements, comme la nihiliste « ancien régime » Vanskok, plébiscitée par Dostoïevski malgré ses réserves sur l'ensemble, dont certaines circonvolutions paraissent clairement inutiles.

Il y aurait énormément de choses à dire en plus, mais qui nécessiteraient de vous détailler nombreux personnages, ou de disserter sur sa remarquable utilisation du merveilleux ( non comme comble de vides narratifs, mais comme béquille nietzschéenne à la Mort de Dieu… ), ou enfin d'y tailler une place de choix dans une bibliothèque russe idéale du 19ème siècle.



Bref, plus que jamais, il faut lire Leskov, « surtout si vous n'êtes pas d‘accord » (sic).
Commenter  J’apprécie          724
La Lady Macbeth du district de Mtsensk

La Lady Macbeth de Mtsenk est un petit conte terrifiant sur les effets de la passion amoureuse.

L'histoire, tout au début du récit à des accents d'Emma Bovary, une jeune femme : Katerina, épouse d'un vieux marchand s'ennuie. Profitant de son absence, elle prend un amant.

La suite du récit nous plonge dans l'univers de Lady Macbeth, d'où le titre du livre.

En effet, pour donner libre cours à sa passion amoureuse, Katerina n'hésite pas à tuer férocement, d'abord son beau père, son mari, et l'enfant héritier.

Tout un ensemble de thèmes et de motifs renvoient à la pièce de Skakespeare : crimes accomplis la nuit, animaux maléfiques, hallucinations...

La fin du roman nous entraîne avec les deux amants vers l'exil et la déportation en Sibérie.

Un récit haletant, tragique qui nous offre un bon moment de lecture.
Commenter  J’apprécie          455
La Lady Macbeth du district de Mtsensk

C'est vieux comme le monde. Un prejuge? Une excuse? Une blague? En tous cas ca a la vie longue. "Cherchez la femme". Qui n'a entendu cela? Qui ne l'a jamais dit, arborant sournoisement un sourire facetieux? Qui ne l'a jamais lu? Nombreux sont les livres qui l'utilisent ou meme ourdissent toute leur trame autour. A commencer par la Bible, ou les manigances d'Eve et du serpent qui lui siffle a l'oreille font choir Adam et lesent ainsi toute sa descendance, jusqu'a nous. A continuer par une piece qui brule les planches depuis des siecles, Macbeth, ou c'est la femme du heros qui le pousse en definitive au crime. Tellement celebre, cette piece, tellement renommee, cette femme, cette Lady Macbeth, que le russe Leskov en emprunte le nom pour titrer cette nouvelle.



La Lady Macbeth de Mtsensk, de son vrai nom Katerina Lvovna, differe beaucoup de l'ecossaise. Elle n'incite pas a tuer par ambition mais par amour. Et elle ne fait pas qu'inciter, elle prend part aux crimes, elle tue en compagnie de son amant. Elle se suicidera elle aussi a la fin, mais par depit de se voir delaissee, abandonnee et moquee par son amant et non pas bouffee de remords; qui plus est, son suicide sera aussi une vengeance, car elle entrainera avec elle dans la mort celle qui lui a ravi son amoureux. Et ce suicide prendra place pendant son periple a pied vers la Siberie, car elle a ete arretee, jugee et condamnee. Pas seulement par sa conscience ou par sa folie.



Mais laissons de cote Shakespeare et sa brumeuse Ecosse. Laissons ces comparaisons. Leskov nous parle de la Russie. Des conditions de vie des marchands des petites bourgades et de ceux qui les servent. De leurs differentes moeurs. De la justice expeditive des hauts fonctionnaires du Tsar et des moyens simples de soudoyer les petits, depuis un kopeck, une grivna (= 10 kopecks), jusqu'a plusieurs tchertverki (= 25 kopecks). Des marches forcees de condamnes jusqu'en Siberie profonde. Et des emportenents amoureux a la russe. Ah! L'ame russe! Je sais, c'est un poncif qui ne correspond surement a rien, mais tout de meme, ah! l'ame russe! Si ce n'est qu'un poncif, Leskov le manie si bien... Et si c'est plus qu'un poncif, Leskov le travaille admirablement, par courtes phrases, par petites touches rouges et noires, pour les gerber en une nouvelle tres aboutie. Ou une passion demesuree fait depasser toutes les bornes, restant aveugle et sourde aux mandements moraux, aux lois de la societe, au qu'en-dira-t-on. Ce n'est pas un hasard si le grand Dimitri Chostakovitch s'en est servi pour en faire un opera (il est vrai que le Macbeth shakespearien etait deja pris par Verdi).



L'ame russe? Leskov a modestement, et je crois bien amplement, contribue au peu ou au prou que ces mots voudraient traduire. Et il reste, apres plus de cent ans, agreable a lire. Tres. Malgre le sujet. Ou grace a lui..
Commenter  J’apprécie          456
Lady Macbeth au village - L'Ange scellé et au..

La littérature russe du XVIIIe siècle, ou encore plus ancienne, est un monde étrange qu’il ne faut pas trop chercher à comprendre, selon moi. Et Nicolas Leskov en est le parfait exemple, au même tire que Mikhail Lermontov. Deux grands auteurs emblématiques d’une écriture autrefois louangé, aujourd’hui plus rare. Narration éclatée, passant d’une personne à une autre (témoin ou participant, peu importe), péripéties et rebondissements multiples, mêmes les plus improbables. On pense avoir saisi l’intrigue et voilà que l’auteur nous entraine dans une autre direction, de façon totalement imprévue. N’essayez pas d’appliquer votre logique occidentale (et votre compréhension habituelle de la construction d’un roman). C’est un peu déconcertant au début mais on s’y fait rapidement.



Ce recueil contient quelques nouvelles, voici un bref résumé des trois principales :

Lady McBeth au village (parfois aussi intitulé « Lady McBeth du district ») assassine son vieux mari détestable avec l’aide de son amant. Mais, éventuellement, le crime est découvert et la folie s’empare de l’héroïne, un peu comme son modèle dans la pièce de Shakespeare. Passionnée jusqu’à la névrose ! Dans tous les cas, des émotions à l’état brut, comme l’aimaient jadis les Russes. Et peut-être encore aujourd’hui, qu’en sais-je ?



L’ange scellé raconte l’odyssée parcourue par deux villageois croyant pour retrouver un maitre capable repeindre le visage d’une icône sacrée à la manière d’autrefois. C’est rare, un tel peintre, on n’en trouvait plus beaucoup même à cette époque. Le chemin sera long et parsemé d’embûches…



Le vagabond enchanté nous emmène dans les voyages extraordinaires d’Ivan Sévérianovitch. Comme dans plusieurs de ses romans, Leskov commence par un échange entre pèlerins sur le lac Ladoga. C’est l’occasion de raconter l’histoire exceptionnelle d’un des moines de Balaam, le fameux vagabond épnyme. De serf à militaire, en passant par dresseur de chevaux, victime des Tziganes, prisonnier des Tatars, compagnon de juifs, etc. Bref, vous aurez compris : tout y passe. Bien souvent, Ivan Sévérianovitch est son pire ennemi, il se met lui-même dans des positions difficiles, au point de croire que le diable le tente trop et qu’il doit faire pénitence dans un monastère.



Toutes ses péripéties vécues par les différents personnages de ces nouvelles sont l’occasion pour l’auteur d’aborder de grands thèmes comme la religion et la justice. Il ne présente pas des idées novatrices ni révolutionnaires, non, mais il soulève des questions que beaucoup de personnes devaient se poser dans ce grand pays. Et c’est justement de ce grand pays qu’il s’agit ici. Dans toutes ces histoires, on s’attarde peu aux grands centres qui commencent à prendre de l’importance dans la Russie du XVIIIe siècle. Plutôt, Leskov nous propose une esquisse des steppes de Sibérie, des contrées rurales et profondes. Celle des paysans, des militaires en garnison à la frontière, des commerçants locaux, des Tatars indomptés. Bref, du monde russe par excellence, celui de ses origines, pas celui européanisé. Et sa plume évocatrice le permet via des descriptions utiles mais surtout à travers des personnages typés (et leurs actions et leurs niveaux de langue). J’avais vraiment l’impression d’y être ou, du moins, je pouvais facilement me l’imaginer.
Commenter  J’apprécie          444
Le Voyageur enchanté (précédé de) Le Raconteur

Nikolai Leskov. Representant de commerce pour une firme anglaise, il a roule sa bosse dans tous les territoires du Tzar, soumis ou dissidents. Il a frequente toutes les ethnies. Il a pu percevoir toute la richesse du pays et toute sa misere. Et il nous restitue tout ce qu'il a vu, tout ce qu'il a entendu, dans ses ecrits. Le voyageur enchante en est un bel echantillon (n'est-ce pas le mot qui convient a ce representant?).



D'autres editions titrent Le vagabond ensorcele. Moi je prefere celui que lui a donne son premier traducteur, Victor Derely, en 1892. C'est dans cette traduction, gracieusement mise a la disposition de tous lecteurs par La Bibliotheque Russe et Slave, qui l'a revisee sans l'estropier, que je l'ai lu. Elle a garde tout son parfum. Tout l'art, un peu suranne, du delicieux conteur qu'etait Leskov.



C'est un moine vagabond qui raconte sa vie a un auditoire fortuit navigant sur le lac Ladoga (pres de Saint Petersbourg). Fils de serf, il apprendra pres de son pere a s'occuper de chevaux, et a en dompter les plus sauvages. Au fil du temps, chasse du domaine de son maitre, il errera un peu partout, au service de differents "barines" et "remonteurs" (marchands?) de chevaux; il aura plusieurs fois affaire a des tsiganes, se faisant voleur pour le compte de l'un, et plus tard se faisant plumer par d'autres. il sera captif chez des Tatares pendant une dizaine d'annees; ceux-ci lui donneront plusieurs femmes, selon leur coutume, a qui il fera des enfants qu'il abandonnera sans reticence ni remords; il aimera par contre a la folie une petite tsigane aux yeux de feu et a la voix de sirene, qu'il finira par tuer, a sa demande expresse; son souvenir le poursuivra longtemps et le poussera en fin de compte a se faire moine; entretemps il se sera enrole dans l'armee a la place d'un conscrit et s'y conduira en heros, par defi, par mepris de son existence; il aura toujours ete demuni mais jamais a plaindre; il n'aura jamais eu a manger pour son poids, mais il aura toujours bu plus que sa contenance. Un pauvre here. Un heros du petit peuple.



Leskov ecrit en une langue fleurie, sans trop d'efforts de style, qui convient au personnage qui se raconte. Son livre est celui d'un conteur populaire, capable de s'attacher son audience des heures durant. Tour a tour amusant, effrayant, emouvant et ironique, mirobolant, fantasmagorique, entremelant le veridique et l'incroyable, il enivre. Ou plutot il incite a se ruer dans le traktir (auberge) le plus proche pour s'empiffrer de kacha ou de tolokno (bouillie d'avoine) pour un piatak de cuivre ( = 5 kopecks) et se noyer dans une eau de vie d'epluchures de pommes de terre pour un rouble d'argent. Ce n'est que comme cela que la vodka devient eau de vie de poemes de terre. Exactement comme ce livre. Un poeme de terre. Sur la grande terre russe et sur ses habitants, qui la boivent jusqu'a la nausee.
Commenter  J’apprécie          430
Le Gaucher et autres récits

J’ai déjà rédigé quelques critiques d’autres romans de Nicolas Leskov, ce grand auteur russe quelque peu oublié. Certains se rappelleront, peut-être vaguement, du Vagabond ensorcelé. Pourtant, c’était un écrivain original, un grand amoureux de la Russie profonde, et cela se remarque dans le présent recueil : Le gaucher et autres récits. Ici, point de grande saga, de drame épique ou autres. Non, que des historiettes comme on devait en raconter sur les routes, de la petite province jusqu’au fin fond des steppes de la Sibérie. En fait, elles ressemblent à des portraits de personnages (aussi populaires que traditionnels, de plus basse extraction que possible), à des récits anecdotiques.



Dans la première nouvelle, Le gaucher, un général de cavalerie d’origine cosaque, trouve le secret au mécanisme d’une puce d’acier (donnée par les Anglais) chez des artisans russes qui travaillent non pas avec des outils sophistiqués mais avec l’adresse de leurs mains. Comme quoi les gens "de chez nous" valent bien n'importe quel Occidental. Les autres nouvelles vont dans le même sens, elles mettent en vedette des domestiques, des artisans, des soldats retraités, des popes, des juifs, etc. Ces gens des steppes, ils mènent une dure vie mais ils savent aussi se montrer jouissifs à tout moment. Que c'est rafraichissant!



Leskov est très inspiré par les petites gens, bien sur, et à plus d’un niveau. Non seulement il les projette sous les feux mais il leur donne la parole. Les dialogues sont truffés d’expressions, de proverbes terre à terre, mais surtout de mots, inventés ou remaniés, qui dépassent les simples régionalismes. Par exemple, dans la nouvelle Le conteur de minuit, la « détenancière » d’une auberge fait patienter ses clients et visiteurs dans un salon justement nommé l’ « Attentation », le temps qu’elle finissent le repas qui mijote dans la « marmitière ». Félicitations à la traductrice qui a su inventer des équivalents français aux tournures langagières de tout ce beau monde.



Au final, Le gaucher et autres récits sont des nouvelles plutôt sympathiques, drôles, avec des personnages attachants. Elles ne sont pas particulièrement mémorables mais elles témoignent d’un passé riche et vivant qu’on a peu la chance de lire dans la littérature russe plus traditionnelle. Seulement pour cela, elles valent le détour.
Commenter  J’apprécie          380
La Lady Macbeth du district de Mtsensk

Suite à ma lecture du roman de Julian Barnes – Le fracas du temps – je me suis décidée à lire cette nouvelle de Nikolaï Leskov publiée en 1865. En effet, elle a été adaptée en opéra par Chostakovitch en 1934 :



https://www.youtube.com/watch?v=JiaeqaYo3lg



Il y a également eu plusieurs adaptations cinématographiques. La plus récente est ‘The Young Lady’ avec Florence Pugh dans le rôle principal (Oldroy, 2016).



Katérina est mariée à un marchand. Elle n’a pas d’enfant et on lui reproche sa stérilité. Il n’est bien sûr pas envisagé que le problème vienne du mari.



« L’ennui était démesuré dans cette maison… il plongeait bien souvent la jeune femme dans une amertume allant parfois jusqu’à l’hébétement... »



Quand elle rencontre Serguéy, elle succombe à la passion et élimine froidement chaque obstacle sur sa route. Elle va commettre plusieurs meurtres qui vont la conduire à être déportée en Sibérie avec son amant. Celui-ci va alors se désintéresser d’elle pour une autre femme. Cela se terminera tragiquement.



Ce n’est pas le genre d’histoire que je préfère mais j’ai bien aimé l’écriture de Leskov. Je poursuivrai plus tard avec son roman ‘Le voyageur enchanté’.







Challenge XIXe siècle 2022

Challenge musical 2022-2023

Challenge littérature slave orientale
Commenter  J’apprécie          354
Le gaucher

Ce court récit se présente comme un récit, presque un conte, rapporté par un narrateur narquois. Il est plein d’un humour malicieux qui commence avec son sous-titre «Le Dit du Gaucher bigle de Toula et de la puce d'acier», se poursuit avec ses inventions linguistiques pour culminer avec sa conclusion sur la guerre de Crimée qui n’aurait pas été perdue si le message du Gaucher était parvenu jusqu’au tsar. Dans cette nouvelle Leskov souligne quelques travers russes, et les personnages du très nationaliste cosaque Platov, du tsar Alexandre et du Gaucher pourraient sans peine être transposés en d’autres époques ! Les autorités soviétiques ne s’y sont pas trompées et ont d’ailleurs interdit cette nouvelle qui pourtant souligne les défauts des rouages politiques du régime tsariste. Pour déjouer la censure ce récit mélange des éléments bien réels et d’autres totalement imaginaires (le fait le plus ridicule pour le pouvoir, l’histoire du nettoyage des canons, est totalement inventé). Il use et abuse des clichés sur les Anglais comme sur les Russes pour au passage tourner la Russie en dérision. Le texte est plein de trouvailles linguistiques entre calembours et néologismes pour retranscrire les erreurs d’un narrateur au parler populaire. Ces trouvailles sont remarquablement traduites (bavomètres maritimes, impermouillables, mer Mauditerranée, …) et donnent au texte toute sa truculence. Un excellent récit de Leskov !
Commenter  J’apprécie          340
Le gaucher

Le vent d’octobre s’infiltre dans les ruelles liégeoises et fouette le visage de dizaines d’étudiants masqués. Les plus frileux ont déjà enroulé l’écharpe de saison autour de leur cou tandis que d’autres font de la résistance en arborant le dernier t-shirt à la mode. L’entre-saison est le moment de l’indécision où les humains hésitent quant à leur tenue vestimentaire tout comme les feuilles jaunies d’automne chancellent au bout des branches. Tombera, tombera pas ? Veste ou manteau ? Avec ou sans bonnet ? 🍂



Au même moment, le froid étend doucement ses gelées dans plusieurs régions russes. La ville de Toula, au sud de Moscou, n’échappera pas à la plongée des températures d’ici quelques semaines. Cette cité industrieuse et métallurgique était connue pour avoir un savoir-faire dans le fabrication de machines en tous genres. La nouvelle “Le Gaucher” de Nikolaï Leskov donne un aperçu de ce qu’était cette Russie-là, non sans un brin de malice. Analyse.



L’histoire commence par le voyage du tsar Alexandre en Angleterre où les ingénieurs n’ont de cesse de l’impressionner en lui montrer mille et une merveilles de l’industrie anglaise, dont une étrange puce microscopique et mécanique. Seul Platov, fidèle serviteur du tsar et russophile passionné, reste insensible à ce défilé d’objets technologiques et affirme que la Russie peut mieux faire ! Le tsar et Platov ramène alors l’étrange puce dans la ville de Toula et convoquent les meilleurs artisans, dont un gaucher bigleux, afin d’en faire quelque-chose d’encore plus génial ou plutôt … d’encore plus russe !



Cette nouvelle, publiée en 1881, s’apparente à un conte populaire qui se moque gentiment de la manie de tout russifier pour le meilleur et souvent pour le pire. Comme cette puce qui se verra finalement affublée de fers aux pattes alors que tout le monde s’attendait à quelque-chose d’extraordinaire. Cette fine dérision qui sous-tend le texte n’est d’ailleurs pas restée sans réponse puisque cette nouvelle fut, entre autre, interdite pendant la période communiste ! Il faut dire que Leskov réussi à tourner la Russie en dérision : Platov et sa fierté exacerbée, l’artisan bigle et gaucher, ainsi que le tsar Alexandre un peu benêt sur les bords…



La langue utilisée dans La Gaucher est aussi truffée de néologismes et de mots-valises assez bien retranscrits en français. L’auteur manipule sa connaissance du langage oral et du folklore russe afin de créer un style novateur pour l’époque :



“ Aussitôt les anglais d’exhiber toutes sortes de stupéfiances et d’expliquer ce qui est à la mode d’employer chez eux sur les théâtres militaires : bavomètres maritimes, mantonneaux en drap Madère des régiments à pieds, et impermouillables goudronnés pour la cavalerie. “



Si Nikolaï Leskov joue si bien avec la langue russe et abuse des clichés (le caractère rationnel des anglais, l’irrationalité des russes) c’est aussi grâce aux voyages qui l’ont mené en Europe mais aussi dans la Russie profonde, loin de Saint-Pétersbourg ou de Moscou.



En conclusion, Le Gaucher est une petite nouvelle de 90 pages qui se laisse lire facilement grâce à son humour grinçant voire … à son autodérision.
Lien : https://lespetitesanalyses.c..
Commenter  J’apprécie          320
Les récits de Gostomiel

Un deuxième recueil de nouvelles de Nicolas Leskov en deux jours. Les récits de Gostomiel sont semblables aux autres que j’ai lus précédemment. Toujours cette Russie profonde du milieu du 19e siècle, avec ses paysans (qu’ils soient bien nantis ou beaucoup moins) crédules et superstitieux, ces curés de campagne, ces quelques étrangers qui ne les comprennent jamais complètement. Rares sont ceux qui sont foncièrement mauvais, la vie est faite de zones grises et, bien souvent, ceux qui font le Mal ne l’intendaient pas.



C’est le cas du premier récit, La passion d’une paysane. Au début, on suit Kostik pendant quelques dizaines de pages avant que l’accent soit porté sur sa sœur Nastia. Celle-ci souffre d’un mariage malheureux qui la rend malade. Évidemment, pas de médecin dans les villages des provinces reculées alors on fait appel à un autre personnage original, le guérisseur Sila Krylouchkine. Mais l’histoire ne s’arrête pas là, la jeune Nastia trouve une raison de vivre dans les bras d’un autre homme…



Les trois autres récits qui constituent ce recueil sont plus courts mais tout aussi savoureux. L’histoire de ces paysans qui ont déterré les restes du précédent curé parce qu’ils croyaient qu’il apportait la sécheresse. Tellement drôle ! Et que dire, dans la nouvelle suivante, du zèle de l’Anglais pour faire travailler les ouvriers de son maitre ? Les Russes ne peuvent accepter un tel traitement que de la part d’un autre Russe. Le pire, c’est que Leskov s’est inspiré de faits réels pour créer son œuvre. Quand on dit que la réalité dépasse la fiction…



Toutefois, si ces récits sont intéressants, ce qui les rend particulièrement originaux, c’est la façon dont il s’y prend pour les raconter. D’abord, il y a la profusion de dictons et proverbes, comme on devait en entendre dans les provinces russes. Mais, surtout, les tournures langagières des paysans. Ces gens en grande partie illettrés savaient se montrer inventifs avec les mots qu’ils employaient, par exemple, «antéressant», «mauvaiseté», «Nastia avait été maléficiée», etc. Encore ici, bravo à la traductrice d’avoir transposé en français ces expression tout en suivant la logique de notre langue.
Commenter  J’apprécie          290
Le pélerin enchanté

“ A saisir ! Lopin de terre sur planète éponyme. 17 millions de kilomètres carrés avec vue sur mers et montagnes. le terrain comprend plusieurs volcans pour la plus grande joie des enfants et une réserve d'eau douce potable (Baïkal) afin de vous abreuver vous, cher futur propriétaire, mais aussi les 146 millions d'habitants qui peuplent ce domaine, à savoir le plus vaste du monde. Réduction offerte si vous vous engagez à rencontrer chacun des 170 groupes ethniques qui composent ce morceau de planète que l'on appelle Russie.



Offres non-sérieuses s'abstenir. “



Rangez votre carte de crédit. Cette annonce ne vous est pas adressée. Vous ne faites pas partie du club ultra-fermé d'hommes riches et assoiffés de pouvoir au point de s'offrir un pays comme on s'offre une paire de baskets. Vous êtes la nouvelle plèbe. Celle qui surfe sur Internet. Désolé. D'une certaine manière, estimez-vous heureux, vous ne devez pas vous occuper d'un pays comme la Russie. Vous n'imaginez même pas les complications que cela engendre de faire cohabiter des dizaines d'ethnies aussi différentes les unes des autres sur un seul et même territoire 😉. Profiter de votre condition privilégiée de pauvre lecteur et suivez Nikolaï Leskov avec son Pèlerin enchanté afin de vous donner les moyens de découvrir l'âme russe. Analyse.



Tout d'abord un mot sur l'auteur Leskov qui naquit en 1831, dans un patelin perdu à quatre cent kilomètres au sud de Moscou, et mourut esseulé en 1895, à Saint-Pétersbourg. Il aura parcouru la Russie de long en large — avec quelques incursions en Europe — et cette vie de voyageur lui aura fait rencontrer les ethnies de la Russie profonde. Celles que l'on ne voit pas forcément dans les grandes villes. C'est sans doute grâce à cela que Leskov est considéré comme le plus russe des écrivains russes.



Le Pèlerin enchanté est un roman de 197 pages, publié pour la première fois en 1873, et qui a comme point de départ la traversée du lac Ladoga. A bord de ce bateau, des voyageurs, dont un moine — le fameux pèlerin — qui égrène les évènements marquants de sa vie, tous plus incroyables les uns que les autres. de dresseurs de chevaux, il se fera enlever par des tziganes, côtoiera les tartares , tuera, se fera mener par le bout du nez par un magnétiseur, … j'en passe des vertes et des pas mûres.



Tel un documentaire l'auteur nous emmène sur les traces de la vie rurale russe au 19ème siècle. Même s'il s'agit d'une fiction, Leskov nous donne à voir la manière de vivre dans l'arrière pays. Les rapports entre les hommes sont brutaux et cette cruauté s'abat sur les animaux qui entourent l'anti-héros, allant jusqu'à les maltraiter à coup de poings pour les dresser (?) Certes cela reste une histoire imaginaire mais cela en dit long sur la considération utilitariste que l'homme portait à l'animal à une certaine époque dans une certaine région du monde.



“ La première chose pour connaître un cheval, c'est de l'examiner soigneusement. Il faut lui regarder d'abord la tête avec intelligence, puis le toiser d'un coup d'oeil jusqu'à la queue, au lieu de s'affairer autour, comme font les officiers qui palpent l'encolure, le toupet, les naseaux, le chanfrein, le poitrail, sans rien comprendre. C'est ce qui fait la joie des maquignons. Dès qu'ils aperçoivent un de ces militaires qui ont la bougeotte, ils tournent le cheval devant lui en tous sens, pour dissimuler la fraude. Or, de ces fraudes, il y en a tant et plus : si le cheval a les oreilles pendantes, on lui découpe un peu de peau à la nuque, on recoud, on camoufle la cicatrice, et les oreilles se dressent, mais pas pour longtemps: la peau se distend bientôt et les oreilles reviennent à l'ancienne position. Si les oreilles sont trop longues, les faire tenir droites on y fourre des supports en on les coupe, et pour corne. Si le client veut deux chevaux appareillés et qu'il y en ait un avec une étoile au front, les maquignons s'arrangent à fabriquer la même sur l'autre. “



Outre cet aspect choquant, les histoires du pèlerin s'enchaînent les unes après les autres. A chaque fois, il arrivera à s'extirper d'une situation compliquée pour retomber, quasi aussitôt, dans un autre péril. Ainsi, une de ses anecdotes porte sur un triangle amoureux entre lui, une tzigane et un prince. Cette drôle de cohabitation sera ponctué par un meurtre singulier où l'on ne sait si notre anti-héros à réellement commis son acte ou si cela n'est que le fruit de son imagination. Dans tous les cas, Leskov use de sa plume pour décrire les enjeux amoureux de l'époque. Entre passion, honneur et intérêts, il est intéressant de voir comment tout cela s'articulait à une époque révolue. Et si les méthodes pour se faire l'amour et la guerre changent suivant les époques et les régions du monde, les sentiments restent, eux, pareils.



Il me reste à refermer cet ouvrage en laissant le doute subsister quant à ce pèlerin aux aventures surprenantes. Était-ce vraiment un moine? Une personne qui s'imagine une vie? Un fou à lier ? Un criminel en cavale? Sans doute un peu de tout ça à la fois 😉



До скорого !



N.B. Ce roman est aussi connu sous le nom « le vagabond ensorcelé » ou « le voyageur enchanté ».
Lien : https://lespetitesanalyses.c..
Commenter  J’apprécie          262
La Lady Macbeth du district de Mtsensk

 Au début du XVIIème siècle Shakespeare écrivait l'une de ses plus célèbre pièce ; « Macbeth ». Deux siècles et demi plus tard, l'écrivain Nikolaï Leskov s'en inspire pour une intrigue qu'il place dans sa Russie contemporaine : « La Lady Macbeth du district de Mtsensk ».

Amour adultère, trahison, meurtres... situations pourtant extrêmes , tempérées, maîtrisées par une justesse des tons et des contours qui réussit à ménager une étrange quiétude jusque dans la plus sourde violence. Ainsi, c'est impassible et sans l'éclat des tragédiennes que Katherine impose la démesure de sa passion... on reconnaîtra dans l'héroïne Katherine un peu de Mme Bovary et des sœurs Brönte, quelque chose de Tchekhov et beaucoup de Vermeer dans l'atmosphère.....
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          240
À couteaux tirés

À Propos de la Sonate à Kreutzer

Nicolai Leskov (1891)



Il faut dire en sous jacence que ce thème fait l'objet avant et après, comme une suite ininterrompue, de conversations intimes et privées entre Nicolai Leskov et Léon Tolstoi et que ce À Propos de la Sonate .. ne fait que confirmer l'intérêt majeur que le premier porte au deuxième qui fait figure de monstre dans le jardin tranquille de la littérature russe avec ô combien d'accès majeurs et nouveaux à ,l'universel et qu'un rien de provocation, si tant est que les gens n'ont pas compris , est une nouvelle démonstration de puissance qui arrive comme disait Benjamin Walter tous les trois ou quatre siècles.



À Propos de la Sonate à Kreutzer est une variation libre sur le thème de l'adultère mais pas de jalousie comme cause ici ..



Le narrateur exerce une empathie presque féroce envers cette dame qui vient le déranger dans son cabinet pour un prétexte apparemment futile et sûrement d'importance ; cette dame, tout un programme, que l'on va nommer la dame comme celui qui raconte répugne à le faire : il faut dire en entrant qu'elle n'a pas décliné son identité …et pour cause !..



Sorte de huit clos de la veine de Gogol, voire de Poe. Je m'arrête là car sinon je vais en dire plus que le nombre de pages que contient cet opus !..



Il me semble qu'on làche ce livre sans discontinuité, au point final, entre la poire et le fromage ou quand on veut.. aux toilettes comme Henry Miller … cela dit en tout bien tout honneur, merci monsieur infiniment monsieur Leskov de relever pareil défi et de nous prodiguer un tel plaisir de lecture. Mon dieu que ça fait du bien ..



Pour illustrer le propos de notre cher Leskov, rien n'est mieux qu' un fragment : «  La dame confie au narrateur à l'endroit de son mari : ..ses élans sont toujours déterminés, précis et sans diversité. »

Il faut lui offrir le kamasutra !

Plus loin, la dame hausse les épaules quand il lui est demandé si elle aime son mari. Ah c'est compliqué avec les russes !

« Je l'aime. Pour aimer, les paysannes disent « bien goûter » » 



Si vous ne prodiguez pas des preuves d'amour avant de dire je t'aime en russe, vous avez toutes les chances de vous faire envoyer dans les roses. Rien à voir avec le je t'aime français qui a une durée de vie très éphémère, le temps d'un vol de papillon !..



À lire naturellement !..
Commenter  J’apprécie          212
La Lady Macbeth du district de Mtsensk

Cette nouvelle de 1865 de Nikolaï Leskov est une variation sur Macbeth, une des plus célèbres pièces de Shakespeare. On y retrouve le thème de l’origine du mal et celui du couple criminel. Mais si Macbeth et Lady Macbeth faisaient le mal pour assouvir leur soif de pouvoir, ce n’est pas le cas de Katerina Lvovna, l’héroïne de Leskov. Mariée à un riche et vieux marchand, le plus souvent absent pour ses affaires, la jeune femme s’ennuie à mourir dans son domaine. Elle est alors séduite par un beau valet de ferme, auquel elle cède après quelque résistance et pour lequel elle finit par éprouver la plus vive passion. Une fois ce premier pas franchi, plus rien ne l’arrête. Aidée de son compagnon, elle va alors éliminer tous les obstacles sur sa route, commettant une série de crimes, tous plus horribles les uns que les autres, et devenant ainsi, en quelque sorte, la première tueuse en série de la littérature russe !

L’écriture de la nouvelle s’inscrivait dans un contexte d’émancipation de la femme russe. Ce mouvement se voulait progressiste mais Leskov va prendre le contrepied des grandes idées de son temps. C’est parce que Katerina Lvovna a enfreint l’interdit sexuel qui pèse sur la femme russe qu’elle devient une meurtrière. Pour l’auteur, le mal trouve donc son origine dans la libération sexuelle des femmes, porte ouverte selon lui à tous les excès, au dérèglement des mœurs et au désordre social. Cette pensée conservatrice peut être rapprochée de celle de Tolstoï. Lui aussi reconnaissait la nécessité de l’émancipation des femmes, pour mettre fin à l’hypocrisie qui faisait que seule la sexualité masculine avait le droit de s’exprimer, mais il a fini par condamner toute activité sexuelle, même au prix de la survie de l’humanité !

Si l’aspect moralisateur du texte peut nous paraître aujourd’hui très daté, ce portrait d’une meurtrière n’en demeure pas moins saisissant. Le parallèle avec Lady Macbeth est évident, Katerina Lvovna cause elle-même sa propre perte, mais les divergences entre les deux héroïnes sont nombreuses. Lady Macbeth ne tue personne dans la pièce de Shakespeare, elle se contente, si l’on peut dire, d’être l’instigatrice des meurtres de son mari. Katerina Lvovna, elle, tue de ses propres mains : on la voit même serrer les mains de son compagnon en train d’étrangler le cou de son innocente victime ! Et surtout, Lady Macbeth expie ses crimes dans la folie, elle se damne et le bien finit par triompher quand Macbeth meurt à son tour. Nulle trace de culpabilité chez Katerina Lvovna, pas de victoire finale du bien non plus, au contraire.

Jamais l’auteur ne cherche à expliquer le comportement de son héroïne. Rien d’ailleurs dans son attitude initiale ne pouvait laisser supposer qu’elle finirait par agir ainsi par la suite. Leskov se garde bien de toute explication à la mode naturaliste, il n’est pas Zola ! Mais il nous montre que l’existence d’individus sans moralité aucune, capables de tout pour assouvir leurs passions, qui restent insensibles aux commandements moraux ou aux lois sociales, est rendue possible quand l’interdit religieux n’a plus cours, quand les valeurs morales ne sont plus dictées par une instance supérieure. Son texte a d’autant plus de force qu’il reprend la tradition russe du conte : le contraste entre ce mode d’écriture désuet et la modernité du propos est saisissant. Un portrait glaçant mais malheureusement encore très actuel !

Commenter  J’apprécie          210
Au bout du monde - Golovane l'immortel - Co..

Au bout du monde et deux autres récits de Nicolas Leskov

Au bout du monde.

Dîner chez un archevêque pendant lequel un capitaine de marine souhaite que des pasteurs évangéliques étrangers soient en charge de la prédication missionnaire, estimant que le clergé russe en était incapable. Discussion autour des représentations picturales du Christ et que selon celles-ci, elles peuvent dans certains cas détourner de la foi. L’archevêque va alors se lancer dans la narration d’une anecdote qui s’est passée en Sibérie où il avait été affecté et où l’origine de l’histoire est un événement miraculeux. La plupart des hommes d’église sont illettrés seul le moine-prêtre Kiriak sait lire, dans sa jeunesse allait évangéliser les indigènes dans des endroits reculés mais il était revenu un jour en expliquant qu’il ne le ferait plus désormais, l’archevêque va l’interroger…

Golovane l’immortel.

« C’est presque un mythe et son histoire une légende. Pour retracer sa vie, il faudrait être français, car seuls les gens de cette nation savent expliquer aux autres ce qu’eux mêmes ne comprennent pas ». Ainsi commence ce récit sur Golovine auquel on avait attribué le surnom « l’immortel ». L’homme mesurait deux mètres, avait le teint mat et les yeux bleus. Il vivait dans une sorte de remise avec sa mère, ses trois sœurs et Pavla, « le péché de Golovine ». Il vivait de ses vaches laitières et de son taureau. C’est quand il obtînt sa liberté qu’on lui attribua une vache, qu’il quitta le village pour s’installer en dehors du village, qu’on l’affubla du surnom d’immortel et voici pourquoi…

Les conteurs de minuit.

Comme il était d’humeur chagrine on lui conseilla de faire un voyage, de voir de nouvelles têtes, de nouveaux visages. Il s’arrêta dans une « Attente », pas tout à fait un hôtel, tenu par une « Taulière » et son économe, d’origine noble. C’était un lieu où on ne choisissait pas sa chambre, il y avait une grande icône de la Vierge pour prier. La maison était pleine de gens qui attendaient et il se dit qu’il aurait mieux fait de rester chez lui, son séjour s’annonçait sans intérêt, mais la suite lui prouva le contraire. En effet les cloisons des chambres étaient fort minces et il put écouter toute la nuit les histoires que contaient ses voisins. De l’interprétation de l’évangile à la recherche d’une marieuse, et au monologue d’une jeune femme directement issue d’un conte des milles et une nuits…

A travers ces trois narrations, Leskov nous parle de la Russie, des hommes et des femmes dans leur quotidien, formant au final une vaste fresque de l’époque.
Commenter  J’apprécie          170
A propos de la sonate à Kreutzer

À propos de la Sonate.. de Nicolas Leskov.



On ne peut pas dire ici qu'au royaume des aveugles les borgnes sont rois. Quand on est contemporain de Tourgueniev, de Dostoievski et de Tolstoi, même si on fait figure de benjamin, cette cuvée exceptionnelle vous le rend bien. En principe, ça vous brise une génération d'être ainsi adossé à pareilles célébrités, sans aller subir les fourches caudines, combien d'élus pour le nombre d'appelés dans ces conditions particulières. Il est clair que pour moi, de cette époque généreuse, Nicolas Leskov en termes de réputation en a plutôt souffert si l'on veut d'emblée trouver une explication à son deuxième, voire troisième ordre de mesure d'impact sur l'opinion ; quant à son talent réel , résolument, je le place en deçà de ses illustres compères, mais que voulez-vous ? comment lutter contre de tels phénomènes avec ces références là. C'est Benyamin qui disait qu'un Tolstoi ça apparaît tous les 3 ou 4 siècles. C'est même pénible de le dire ici, car on ne peut pas dire que Leskov ait démérité. Ce qui le sauve d'être relégué carrément dans l'oubli, c'est toutefois que ceux-là, ces légendes russes vivantes, dont on pourrait penser les voir se nourrir de sentiments condescendants à son égard l'ont au contraire salué, ont trouvé chez lui des talents bruts, originaux, à aller observer chez lui quelqu'un qui a quelque chose de particulier à dire sur la vie de ces provinciaux notoires ou invisibles. Il faut lui rendre grâce de ce qui manque trop souvent au roman, de proposer des vrais sujets, des vrais thèmes qui charpentent la création, d'explorer des espaces de vie en société inaccoutumés et de l'affirmer avec force. Tellement attaché à restituer en tant qu'artiste la vie de ses contemporains broyés dans une invisibilité de province lointaine, peut-être en a-t-il pris le virus, certaines de ses pages d'écriture côtoient le pathos quand d'autres le plus souvent sont empreintes d'esprit subtil.



Se défendant farouchement de la politique - car à l'époque on avait vite fait de vous coller une étiquette en rapport avec les fièvres partisanes qui agitaient les esprits - quand on chemine inéluctablement vers les révolutions et les guerres, son état d'esprit va évoluer vers le pessimisme et l'inquiétude semblant sentir déjà le vent de l'histoire tourner. Il se rapprochera de Tolstoi ce qui explique son remarquable ouvrage : À propos de la sonate à Kreutzer.



Ce prosateur saillant va inspirer Chostakovitch pour un de ses opéras célèbres ..



Quand je pense à la Famille déchue par exemple, à cette princesse Protozanov qui semble porter seule sur ses épaules tout le poids d'une époque noble qui s'effiloche irrepressiblement, je me dis quoiqu'il en soit qu'il faut lire Leskov, cette princesse est vraiment inoubliable , elle n'a rien de ce qu'on s'attend à trouver qu'aurait démonté le premier pourfendeur venu, ils étaient légion sous cette ère finissante. Il y a là vraiment matière à grand art. On peut se demander parfois si on n'a pas la berlue en lisant ça, tellement son auteur corrige ce qu'on ne lit jamais, quand le mensonge et la duplicité l''emportent ». Malheur à celui dont le nom vaut mieux que les actes, dit cette princesse…, elle est comme la colonne de feu qui montre le chemin au désert « …



À propos de la Sonate …

La fameuse Sonate dont l'éponyme fit polémique et fut fixée pour reprendre un terme pompier contemporain avec la levée de la censure par le Tsar lui-même après intercession de Sophie Tolstoi en 1890.



Il convient tout d'abord de rappeler les liens indéfectibles qu'entretenaient les deux hommes qui comme a dit Mensikov « ils coïncidaient « 



Si j'avais à demander une caution ou à choisir un allié pour traiter de l'anti féminisme supposé de Tolstoi - c'est un débat que je ne vais pas ouvrir ici - je choisirais Nicolas Leskov, car avec lui au moins on est tranquille viscéralement pour veiller au grain sur la vigilance de la femme - bon, ce n'était pas un saint non plus, il ne faut rien exagérer-, mais en tout cas dans ce qui transpire de ses approches politiques toujours prudentes, voire méfiantes comme un chat, on a au coeur de celles-ci cette question dont il a à débattre avec Tolstoi.



Bon, je la fais courte, parce que on ne va pas y passer la journée non plus, d'autant plus question souveraine que les deux hommes ont formalisé leur pensée propre bien avant la sortie du brulot romanesque de Tolstoi.



De la correspondance anterieure entre les deux écrivains donne le ton de l'entreprise de Leskov qui n'est qu'une suite tranquille de leurs échanges puisqu'ils étaient amis. Leskov pour la petite histoire à toute sa vie lu et tout lu Tolstoi.



Tolstoi a rédigé une dizaine de fois la Sonate jusqu'à ce qu'elle sorte après censure en 1890. le A propos de .. de Leskov fut publié à titre posthume en 1899 si je ne m'abuse.





Voici comment Leskov résume un chapitre connu de la version officielle :

«  Toute jeune fille est moralement supérieure à l'homme parce qu'elle est incomparablement plus pure que lui. La jeune fille qui se marie est toujours supérieure à son mari. Jeune fille elle lui est supérieure et elle le demeure une fois mariée en l'état actuel des moeurs »

J'aurais ajouté pour la compréhension d'aujourd'hui «  qu'il est clair que ce sont les maris qui débauchent »



La lecture que Nicolas Leskov fait de la Sonate a pour effet de démythifier le sujet et aller vers cette orientation que ce n'est pas l'appel à l'incontinence absolue qui est important, mais le fait que Tolstoi cherche à nous détourner de la débauche dans laquelle nous entraînons une femme en même temps que nous nous y adonnons nous-mêmes (lettre de AL, le fils)

Commenter  J’apprécie          170
Hugo Pectoralis ou une volonté de fer

Sur un ton à la fois enjoué et caustique, Leskov nous raconte dans ce roman les tribulations de Hugo Pectoralis, jeune ingénieur agronome allemand, qui fort de ses méthodes modernes d'exploitation, veut dupliquer celles-ci en Russie profonde. Armé d'une « volonté de fer » (*), presque conquérante comme sait l'être l'Occident, il se donne tous les moyens pour réussir son entreprise, va gravir les échelons dans la hiérarchie de sa filière, apprendre la langue russe en six mois, mais c'est mal connaître le tempérament slave qui ne va pas s'en laisser compter et engager la riposte selon des méthodes de harcèlement presque sardoniques comme peut user un village entier désireux d'en découdre avec le jeune impétueux venu d'Occident, allemand de surcroît qui va finir par essuyer les plâtres. Pectoralis se serait coulé encore dans les strates du pays visité.. je ne suis même pas sûr que cela aurait suffi, vu les tempéraments en jeu de part et d'autre, bien distincts, voire parfois antagonistes. En tout cas, il eut le loisir de voir les choses russes de l'intérieur et de les observer attentivement.



Il n'en fallait pas plus de cette fine observation des moeurs russes sous le prisme de notre jeune allemand pour flatter la sagacité et la sensibilité de Leskov, on comprend mieux à la lecture de ce roman pourquoi le dessein de cet écrivain russe contemporain des Tourgueniev, Dostoievski et Tolstoi a séduit ces cimes de la littérature russe, par son originalité et par ce qu'il y a de fondamental selon le principe qu'il était « quelqu'un qui avait quelque chose à dire de personnel ». Dans l'ombre de ces géants, il a su trouver sa place grâce à leur adoubement, il faut bien le dire. Oui franchement il était aimé !..



Si l'on veut compléter sa connaissance des grands auteurs classiques russes, il faut lire Nicolai Leskov.



(*) Le terme est redondant dans le livre
Commenter  J’apprécie          160
Le Voyageur enchanté (précédé de) Le Raconteur

(...)

C’est un classique que j’ai plutôt apprécié. Le narrateur raconte sa vie, c’est une succession d’aventures qui se passent au 19e siècle dans la Russie tsariste. ça se rapproche du roman picaresque: un héros plus ou moins naïf, haut en couleurs, à qui il arrive un tas de trucs plus improbables les uns que les autres.



Le plus étant que c’est assez court, donc ça se lit vite et on n’a pas le temps de s’ennuyer. ça peut être un bon point de départ pour découvrir la littérature russe classique sans se décourager en allant directement vers Tolstoï ou Dostoïevski ^^



Le roman est précédé d’un essai, que je n’ai pas lu avant de peur d’être spoilée et que je ne suis pas sûre de lire maintenant, parce que je trouve que l’histoire se suffit à elle-même.
Lien : https://bienvenueducotedeche..
Commenter  J’apprécie          120




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Nikolaï Leskov (180)Voir plus

Quiz Voir plus

Quizz sur

Quand Jean Valjean lui demande l'hospitalité, M.Myriel vivait :

Dans le palais épiscopal
Dans une maison avec sa sœur et sa servante
Chez sa mère
Seul

32 questions
101 lecteurs ont répondu
Thème : Les Misérables de Victor HugoCréer un quiz sur cet auteur

{* *}