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Citations de Pierre Sterckx (17)


Pierre Sterckx
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Marcel Proust – la Vue de Delft de Johannes Vermeer

Enfin il fut devant le Ver Meer qu’il se rappelait plus éclatant, plus différent de tout ce qu’il connaissait, mais où, grâce à l’article du critique, il remarqua pour la première fois des petits personnages en bleu, que le sable était rose, et enfin la précieuse matière du petit pan de mur jaune. Ses étourdissements augmentaient ; il attachait son regard, comme un enfant à un papillon jaune qu’il veut saisir, au précieux petit pan de mur. « C’est ainsi que j’aurais dû écrire, disait-il. Mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de couleur, rendre ma phrase en elle-même précieuse, comme ce petit pan de mur jaune. »

La prisonnière

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Théophile Gautier sur « La grande odalisque », Jean Auguste Dominique Ingres, 1814, Musée du Louvre

« Si jamais créature divinement belle s’étala dans sa chaste nudité aux regards des hommes indignes de la contempler, c’est à coup sûr l’Odalisque couchée ; rien de plus parfait n’est sorti du pinceau.
Les yeux, dont la prunelle glauque regarde de côté ; le nez, aux narines roses comme l’intérieur d’un coquillage ; la bouche, épanouie par un sourire nonchalant ; les joues pleines, un peu larges ; le menton, d’une courbe ronde et voluptueuse, forment un type où l’individualité de l’Orient se mêle à l’idéal de la Grèce. »

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Paul claudel – La Dentellière de Johannes Vermeer

Voyez cette dentellière appliquée à son Tambour, où les épaules, la tête, les mains avec leur double atelier de doigts, tout vient aboutir à cette pointe d’aiguille : ou cette pupille au centre d’un œil bleu qui est la convergence de tout un visage, de tout un être, une espèce de coordonnée spirituelle, un éclair décoché par l’âme.

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Vous savez quel effet produisent les toiles de M. Manet au Salon. Elles crèvent le mur, tout simplement. Tout autour d’elles s’étalent les douceurs des confiseurs artistiques à la mode, les arbres en sucre de candi et les maisons en croûte de pâté, les bons hommes en pain d’épices et les bonnes femmes faites de crème à la vanille. La boutique devient plus rose et plus douce, et les toiles vivantes de l’artiste semblent prendre une certaine amertume au milieu de ce fleuve de lait.

Émile Zola, salon de 1866 : M. Manet

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La théorie, si elle aide à la perception, donne un plus de jouissance.
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Le 1er octobre 1882, la grand-mère paternelle d’Hergé, Léonie Dewigne, donne naissance à des jumeaux : Alexis (le futur père d’Hergé) et Léon. Le père étant inconnu, une légende se développa l’identifiant avec un haut personnage, peut-être même le roi Léopold II, connu pour son abondante descendance de bâtards. Pour sauver son honneur, la fille mère fut mariée à un voisin, Philippe Remi, en 1893.
L’oeuvre d’Hergé porte des traces de ce scénario traumatisant : Tintin est orphelin, les Dupondt incarnent une paternité gémellaire, Haddock recherche son ancêtre, le chevalier François de Hadoque (un bâtard de Louis XIV !) et le pseudonyme d’Hergé,R. G., créé à partir des initiales de Georges Remi pourrait être interprété comme une volonté d’effacer la paternité d’un grand-père d’adoption…
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Charles Baudelaire : « La Chasse aux lions », 1855, Eugène Delacroix.

On dirait que cette peinture, comme les sorciers et les magnétiseurs, projette sa pensée à distance ? Ce singulier phénomène tient à la puissance du coloriste, à l’accord parfait des tons, et à l’harmonie entre la couleur et le sujet. Il me semble que cette couleur, qu’on me pardonne ces subterfuges de langage pour exprimer des idées fort délicates, pense par elle-même, indépendamment des objets qu’elle habille. Puis ces admirables accords de sa couleur font souvent rêver d’harmonie et de mélodie, et l’impression qu’on emporte de ses tableaux est souvent quasi musicale. Un poète a essayé d’exprimer ces sensations subtiles dans des vers dont la sincérité peut faire passer la bizarrerie :

La couleur pense par elle-même.
Delacroix, lac de sang, hanté des mauvais anges,
Ombragé par un bois de sapins toujours vert,
Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges
Passent comme un soupir étouffé de Weber.

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Si Tintin est bien Hergé scout rêvant d’aventure, Haddock serait l’expression spontanée et plus turbulente de l’artiste. L’art narratif se fait autobiographique.
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Tout mythe vivant s'incarne d'abord en un lieu. Ulysse est un archipel, Dracula c'est un château, sa crypte, le cercueil. Toute bonne histoire débute par une cartographie. Le cas exemplaire est L'Ile au Trésor, de R.L. Stevenson. Thierry Smolderen appelle cette importance du lieu, géométrie des espaces ou lecture des cartes, le "domaine visuel/spatial" du récit. C'est autour de ces lieux, dit-il, que le narrateur va pouvoir générer des situations et des comportements, susciter des enjeux, mettre en scène des corps et des objets. Cette vision de la bande-dessinée comme géographie dynamisée par des héros et leurs objets nous a paru convenir pour une relecture des Aventures de Tintin comme insularité.
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Les nymphéas sont les fleurs de l'été. Elles marquent l'été qui ne trahira plus. Quand la fleur apparaît sur l'étang, les jardiniers prudents sortent les orangers des serres. Et si dès septembre le nénuphar défleurit, c'est le signe d'un dur et long hiver. Il faut se lever tôt et travailler vite pour faire comme Claude Monet, bonne provision de beauté aquatique pour dire la courte et ardente histoire des fleurs de la rivière.
Voici donc notre Claude parti de bon matin.
Songe-t-il en cheminant vers l'anse des nymphéas que Mallarmé, le grand Stéphane, a pris, en symbole de quelque Léda amoureusement poursuivie, le nénuphar blanc ? Se redit-il la page où le poète prend la belle fleur "comme un noble œuf de cygne qui se gonfle d'autre chose sinon de la vacance exquise de soi " -
Oui, déjà tout à la joie d'aller fleurir sa toile, le peintre se demande, plaisantant avec le modèle dans les champs comme en son atelier :
Quel œuf le nénuphar a-t-il pondu dans la nuit ?
.....
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Il est donc hors de question d’imaginer ici quelque transgression perverse – comme le fit Jacques Henric (Vermeer organisant des rendez-vous galants pour son épouse et les épiant en voyeur  …) –, mais de passer d’un état à un autre sans quitter son logis.
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Voulez-vous enseigner aisément aux enfants la théorie de l'évolution, la logique du vivant, le rapport du hasard et de la nécessité? Montrez-leur ce grand dessin de Gilles Barbier où des billes rouges dégringolent, se casent, s'égarent ou se suspendent. Quelle sottise: avoir séparé en notre enseignement les arts et les sciences! Gilles Barbier n'est ni le seul ni le premier à montrer que les scientifiques et les artistes d'une époque sont préoccupés par les mêmes problématiques. Les premiers les approchent par des concepts nouveaux, les seconds les investissent par des percepts inouïs. L'art et la science sont au coude-à-coude, confraternels comme Seurat et Chevreul. Vinci n'est pas un cas isolé. A la mort de Vélasquez, on découvrit dans sa bibliothèque personnelle des dizaines d'ouvrages d'astronomie; Duchamp a lu "La Physique quantique" de Planck vers 1910; Cézanne a écrit une longue lettre au mathématicien Klein (un des maîtres de la topologie, ou géométries des surfaces aberrantes) pour lui dire: "Nous faisons la même chose!" Tony Cragg connaît la théorie de l'ADN comme s'il l'avait écrite.
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En connaisseur de S.-F., Gilles Barbier y distingue deux catégories: "La science-fiction d'après-guerre, territoriale, paranoïaque, macroscopique, technologique à la manière de Van Vogt, Asimov et Herbert. La science-fiction post-informatique, mentale, schizoïde, nanoscopique, psychologique, qui est celle de G. Egan, D. Simmons, P.K. Dick, V. Vinge, qui est celle qui m'excite.." Et il ajoute: "J"aimerais insister sur l'écrivain de S.-F. australien Greg Egan. Il a beaucoup compté pour moi, notamment pour saisir le potentiel d'un concept comme la dispersion, et les intuitions que j'avais à ce sujet ont été littéralement enluminées par ses livres. Et puis il est australien, des antipodes, et ça compte aussi. Il a compris comme personne les coraux, les îles et les archipels, les décentrements culturels qu'on ne trouve nulle part ailleurs que dans cette région du monde où se mêlent des descendants de toute l'Europe, des Chinois de Hong Kong, des Japonais, des Indiens, des Polynésiens, des Mélanésiens... Quelque chose comme les Etats-Unis, en beaucoup plus chaud, sans le poids, sans l'eschatologie... Il n'y a que dans ces régions que se pense réellement la plasticité des mélanines, il n'y a que dans ces régions que chacun sait, au fond, que le centre est ailleurs, définitivement (ou mieux, qu'il est l'invention tordue des Occidentaux). C'est un compatriote mais c'est surtout un inventeur de chaos, de diffraction, de "whirlpool". Il est aussi important à mes yeux que E. A. Poe et P.K. Dick."
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"Pourvu que ça ne ressemble pas à une oeuvre d'art!" est une obsession très répandue dans les années 1970. En ce qui concerne Barbier, aucun souci. Ce qu'il fait déborde l'art. Ce pourrait même être l'art "intermédiaire", le meilleur de tous, celui qui amuse les enfants autant qu'il passionne les intellectuels. Barbier, cousin de Molière, de Chaplin et d'Hergé. Il faut sortir de l'art, en effet, car l'art spécifique, l'art spécialisé, l'art des milieux artistiques, est un mauvais concept. Mais on n'en sort que par l'art (et non selon des appels à la sociologie ou à la politique, etc.). C'est ce que réussit Barbier; faire exploser l'art par sa propre surabondance.
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"J'ai eu une éducation scientifique qui me permet de comprendre dans les grandes lignes les principaux énoncés contemporains, dont je suis l'actualité avec un intérêt égal à celui qui je porte à l'art et la littérature. L'architecture de mon travail repose sur certains concepts qui, effectivement, ont été formulés par les grandes révolutions scientifiques du XXiè siècle. Mais je dois insister sur le fait que ces concepts, au-delà des références qu'ils désignent, impliquent dans leurs disciplines originelles une manière de voir et de penser radicalement nouvelle, qui intègre dans sa dynamique l'incertitude, la dispersion, la multiplicité. Autant d'outils qui permettent de traquer les malheurs de la forme, de l'unité et de la singularité; une claque à ce qu'on pourrait appeler le motif (qui, pour le coup, devient une variable, ou un moment, comme dans n'importe quelle équation). Les conséquences sont énormes. Mais le travail consiste aussi à nuancer ces concepts dans le bain d'un échange permanent et critique avec d'autres champs. Cet ensemble-là constitue la SOUPE.
"Mes méthodes, en revanche, ne sont soumisent à aucune contrainte définie; tantôt à pâte dure, tantôt à pâte molle, denses ou trouées, fraîches ou affinées dans l'alcool, industrielles ou moulées à la louche, pasteurisées ou rustiques, elles accompagnent la dispersion et se définissent au moment où il y a, par accident, coagulation. Merci d'entendre par là que la méthode, c'est le FROMAGE." (Gilles Barbier)
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Georges Bataille et les grottes de Lacaux

J'insiste sur la surprise que nous éprouvons à Lascaux.
Cette extraordinaire caverne ne peut cesser de renverser qui la découvre : elle ne cessera jamais de répondre à cette attente de miracle, qui est, dans l'art ou dans la passion, l'aspiration la plus profonde de la vie.
Souvent nous jugeons enfantin ce besoin d'être émerveillé, mais nous revenons à la charge.
Ce qui nous paraît digne d'être aimé est toujours ce qui nous renverse, c'est l'inespéré, c'est l'inespérable.
(page 20)
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Pierre Sterckx
Chacun des tableaux de Magritte est un rébus où se jouent des figures de rhétorique, des déconstructions de signes, des ambivalences entre l'image et le mot... Son art est fait de collages déconstructifs.
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