Citations de Raymond Chandler (446)
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QUI GAGNE, PERD
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Elle a croisé les jambes et allumé une autre cigarette.
« Oui. J'aime la roulette.
Tous les Sternwood aiment jouer pour perdre, que ce soit à la roulette ou bien en se mariant avec des hommes qui se font la malle ou en participant à des steeple-chases à cinquante-huit ans et en se faisant piétiner par un sauteur qui vous laisse estropié à vie.
Les Sternwood ont de l'argent. Tout ce qu'ils ont acheté avec, c'est du temps perdu."
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Elle m'adressa un de ces sourires que les lèvres oublient avant qu'ils arrivent aux yeux .
Qu'est-ce que ça peut faire, où on vous met quand vous êtes mort? Dans un puisard dégueulasse ou dans un mausolée de marbre au sommet d'une grande colline? Vous êtes mort, vous dormez du grand sommeil... vous vous en foutez, de ces choses-là... le pétrole, l'eau, c'est de l'air et du vent pour vous... Vous dormez, vous dormez du grand sommeil, tant pis si vous avez eu une mort tellement moche... peu importe où vous êtes tombé...
Dans un coin de la pièce, une petite blonde bien roulée était assise devant un standard téléphonique, à l'abri d'une grille nickelée qui la préservait du péché. A côté des portes, derrière un bureau, siégeait une grande et mince beauté à la chevelure d'ébène dénommée, s'il fallait en croire la plaque gravée sur son bureau, Miss Adrienne Fromsett.
Elle portait un tailleur gris acier, un chemisier bleu plus foncé sous sa veste, et une cravate d'homme d'un bleu plus clair. Les bords d'un mouchoir replié dépassaient de sa poche, tranchants comme une lame. Elle avait un bracelet : pas d'autres bijoux. Ses cheveux noirs, séparés au milieu, tombaient, amples en vagues ordonnées. Elle avait une peau lisse comme de l'ivoire, des sourcils plutôt sévères et de grands yeux bleu de nuit qui s'échauffaient au bon moment et au bon endroit.
Sa voix était aussi froide qu’une soupe de table d’hôte.
Ce n’est pas beau, ce n’est pas gai, mais c’est un petit peu mieux qu’une tente sur la grève.
Va te faire dorer...
C'est en disant des choses comme ça qu'on attrape des fausses dents
L'homme en salopette hocha la tête sans enthousiasme et disparut à l'intérieur. Il en ressortit avec un chapeau gris huître de chasseur de lion et disparut sous le volant de Patton qui démarra. Il pouvait être âgé de trente ans, il était brun, mince et avait l'air légèrement abruti et sous-alimenté des gens de l'endroit.
Une blonde aux yeux noirs. Une blonde à faire sauter les évêques par les vitraux.
La porte de la pièce restait ouverte comme une mâchoire paralysée.
De l’autre côté de la rue, un moteur ronronnait gentiment, celui de la voiture aux feux de position allumés. Des milliers de moteurs ronronnent gentiment, sur des milliers de voitures dans des milliers de rues, tous les soirs.
De nos jours, c’est plutôt dur de donner un âge aux femmes
Il y a des jours comme ça, où on ne rencontre que des abrutis. On commence à se regarder soi-même dans la glace et à douter de soi.
Tout en manipulant ma pipe, j'observais l'Indien et m'efforçais de le troubler par la fixité de mon regard, ce qui avait l'air de lui faire à peu près autant d'effet qu'un clin d'œil à une locomotive.
Ça dépend de ce que vous appelez "d'aplomb". Elle restera toujours une hypernerveuse et une hypo-physique. Elle aurait fait une nonne idéale. Le rêve religieux, avec son étroitesse, ses émotions abstraites et sa pureté farouche lui aurait offert le parfait exutoire. En fin de compte, elle deviendra sans doute une de ces vierges aigres-douces qu'on trouve derrière le bureau des bibliothèques municipales, un tampon de caoutchouc à la main.
(La grande fenêtre)
« La pluie tambourinait sur le capot de la Chrysler, crépitait sur la toile tendue de la capote, dégoulinait le long des portières et s’accumulait sur le plancher, m’offrant une mare où patauger sur place. J’avais avec moi une grosse flasque de whisky. J’y avais recours assez souvent pour rester à l’affût. »
- Je ne comprends rien, commença-t-elle, mais je lui coupai la parole.
- Vous êtes la seule à comprendre quoi que ce soit. Tout à l'heure, vous me direz tout. Ne vous donnez pas la peine de me la faire à l'indignation, ça ne prend plus.
La poupée blonde nota le tout sans lever les yeux. Dire qu'elle avait une figure à caler les roues de corbillard eût été la sous-estimer. Elle aurait arrêté un cheval emballé.
Elle nous regarde négligemment traverser la pelouse. A trente pas, elle a l'air éblouissante. Mais à dix pas, elle a l'air de quelque chose qui a été arrangé pour être vu à trente pas. la bouche est trop large, les yeux trop bleus, le maquillage trop vif...
- Vous avez des manières délicieuses avec les femmes.
- J'ai beaucoup aimé vous embrasser.
- Vous ne perdez pas du tout la tête. C'est tellement flatteur. Dois-je vous féliciter ? Vous ou mon père ?
- J'ai beaucoup aimé vous embrasser.
Sa vois devint un filet glacé.
- Emmenez-moi d'ici, si ça ne vous dérange pas. Je suis persuadée que je serai très bien chez moi.
- Vous ne voulez pas être une soeur pour moi ?
- Si j'avais un rasoir, je vous couperais la gorge ... juste pour voir ce qui sortirait.