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Citations de René Bazin (116)


René Bazin
Il faut faire le sacrifice de ses préférences mais pas celui de ses convictions.
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l'Alsace sous domination allemande toute fin du 19ème siècle :

- J'ai l'intention, reprit Jean, comme s'il déclarait une résolution grave, j'ai l'intention de monter après-demain à Sainte-Odile... J'irai entendre les cloches annoncer Pâques ... Si vous demandiez la permission d'y venir, de votre côté...

Vous avez donc fait un vœu ?

Il répondit :

- A peu près Odile : il faut que je vous parle, à vous seule...

Odile se recula d'un pas. Avec une sorte d'effroi dans le regard, elle chercha à voir sur le visage de Jean s'il disait vrai, si elle devinait bien. Lui aussi, il la considérait avec angoisse. Ils étaient immobiles, frémissants, et si près et si loin l'un de l'autre à la fois, qu'on eût dit qu'ils se menaçaient. Et, en effet, chacun d'eux avait le sentiment qu'il jouait le repos de sa vie. Ce n'étaient point des enfants, mais un homme et une femme de race forte et passionnée. Toutes les puissances de leur être se déclaraient et rompaient avec la banalité des usages, parce que, dans ces simples mots : "Il faut que je vous parle", Odile avait entendu passer le souffle d'une âme qui se donnait et qui demandait un retour.

page 101
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Le jour bleuissait dans le pli des ravins. C’était l’heure où l’attente de la nuit ne semble plus longue, où le lendemain se lève déjà dans l’esprit qui songe.
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Les oiseaux de nuit, hiboux, orfraies, grands-ducs et moyens-ducs, mêlant leurs cris, descendaient de futaie en futaie. Pendant un quart d’heure, le temps de leur chemin qu’ils faisaient par grands vols, leurs appels retentirent sur les flancs de la montagne. Puis le silence complet s’établit. La paix monta enfin, avec le parfum des forêts endormies
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La nuit avait une moiteur singulière. Pas un nuage. Un croissant de lune, des étoiles par milliers ; mais, entre ciel et terre, un voile de brume était tendu, qui n’arrêtait pas la lumière, mais la dispersait, de telle sorte qu’il n’y avait aucun objet qui fût vraiment dans l’ombre et aucun qui fût brillant. Une atmosphère nacrée enveloppait les choses.
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Alsheim - Alsace sous domination allemande, avant 1900

L'homme qui dormait ou veillait là était un impotent. Chez lui, la vie se retirait de plus en plus à l'intérieur. Il marchait et remuait difficilement. Il ne parlait plus. Au-dessous des joues épaisses et pâles, la bouche ne s'agitait plus que pour manger et pour dire trois mots, trois cris, toujours les mêmes : "Faim ! Soif ! Va-t'en!". Une sorte de paresse sénile laissait pendre cette mâchoire puissante qui avait commandé à beaucoup d'hommes. M. Ulrich et Jean s'approchèrent jusqu'au milieu de la chambre, sans qu'il eût donné le moindre signe révélant qu'il avait conscience de leur présence. Cette pauvre ruine humaine était cependant le même homme qui avait fondé l'usine à Alsheim, qui s'était élevé au-dessus de la condition de petit propriétaire campagnard, qu'on avait élu député protestataire, qu'on avait vu et entendu au Reichstag, revendiquer les droits méconnus de l'Alsace et demander justice pour elle au prince de Bismarck. L'intelligence veillait, prisonnière, comme la flamme qui éclairait la chambre cette nuit : elle ne s'exprimait plus. Dans ce songe ininterrompu, que d'hommes et que de choses devaient passer devant celui qui connaissait l'Alsace entière, qui l'avait parcourue en tous sens, qui avait bu ses vins blancs à toutes les tables de riches et de pauvres, voyageur, marchand, forestier, patriote !... Et c'était lui, cette tête chauve et ridée, ce visage tombant, ces paupières appesanties, entre lesquelles glissait, semblable à une bille dans la fente immobile d'un grelot, un œil lent et triste!

Cependant, les deux visiteurs eurent l'impression que le regard s'arrêtait sur eux avec une complaisance inaccoutumée. Ils se turent, pour laisser l'ancien à la douceur d'une pensée qu'ils ignoreraient éternellement. Puis l'oncle Ulrich s'approcha du lit, et posant la main sur le bras de Philippe Oberlé, se baissant un peu, pour être plus près de l'oreille, pour mieux rencontrer aussi les yeux qui se levaient avec effort :

- Nous venons de causer longuement, monsieur Oberlé, votre petit-fils et moi...... C'est un brave garçon, votre Jean!

Un mouvement de tout le buste, lentement, déplaça la tête de l'ancien qui cherchait à voir son petit-fils :

- Un brave garçon, reprit le forestier, que le séjour à Berlin n'a pas gâté. Il est demeuré digne de vous, un Alsacien, un patriote. Il vous fait honneur.

pages 21 et 22
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Le parfum des feuilles mortes se mêlait au parfum des feuilles nouvelles, comme le souvenir se mêle dans l'âme à l'espérance qui naît.
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Dans les jours de la fin septembre, on peut voir, sur les terres en pente, le valet borgne qui tenait la charrue, et la jeune métayère, qui touchait les bœufs avec l’aiguillon. Elle ne chantait pas, sans doute, comme un vrai bouvier, mais elle se tenait à droite de l’attelage, disait les mots qu’il faut dire, d’une voix petite, qui passait cependant par-dessus les haies et s’en allait émouvoir les âmes tout autour de la colline : "Rougeaud ! Caillard ! Nollet ! Tè, tè, les valets".
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Féodal plutôt, ma chère, c’est leur noblesse… Ils n’ont pas eu le temps d’avoir celle d’après… Peu importe, d’ailleurs. Je ne suis pas d’humeur à discuter…

(Selon Bazin, en Allemagne on a des hobereaux et en France des gentilshommes)
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Enfants, comprenez bien pourquoi la France est appelée douce. On l’a nommée ainsi à cause de sa courtoisie, de sa finesse, de son cœur joyeux et tout noble. Mais la douceur n’est pas faible, elle n’est pas timide. La douceur est forte. La douceur est armée pour la justice et pour la paix. Elle ne fait pas d’inutiles moulinets avec son épée, mais elle en a une le long de son flanc, et elle en tient la garde dans sa paume solide et calme.

Sans elle il n’y a que violence. On la reconnaît tout de suite dans les victoires qu’elle remporte. Elle a pitié de ceux qu’elle a vaincus. Elle se les concilie, elle sait que le monde ne peut être sage sans une puissance qui règle et punit, mais elle sait aussi qu’il ne peut être heureux si les âmes ne sont pas conquises, charmées, libres dans leur amour, reconnues pour des hautes puissances, traitées en immortelles. La France justicière, la France guerrière, la France conquérante est encore la douce France.
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Jamais la paix de la campagne d'Alsace n'avait été si grande qu'en cette fin de jour, ni dans cette vallée; jamais les coeurs ne s'étaient ainsi refusés à la recevoir; jamais non plus, depuis qu'il commandait au Baerenhof, c'est-à-dire depuis huit années que son père était mort, on n'avait vu le maître des plus beaux blés de la vallée, qui en produit peu, Victor Reinhardt, laisser les travailleurs, ses voisins, ses amis, achever seuls de couper la moisson.
Le matin, une petite fille venait de naître, dans cette ferme aux longs toits, encapuchonnée contre la neige et le vent, et qui est bâtie sur un plateau de terres de labour, au sud de la ville de Massevaux. Elle naissait pour être éprouvée, comme les autres créatures, par la peine et le travail, mais aussi pour louer Dieu.
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Il était nivernais, du pays où les volontés sont fortes, violentes même, mais où le visage est froid et la langue souvent muette
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Ce fut un dur labour, loin, du côté du courant de Quarouble, qu’on pouvait reconnaître à quelques saules nains et à des herbes, seul vert avec celui des choux, dans l’espace que blondissaient à l’infini les chaumes des avoines et des blés. Vaste plaine qui avait désappris l’ombre ! La terre, sèche depuis des mois, ne s’émiettait pas sous le soc ; elle venait en mottes
longues comme des poutres, elle se couchait en travers de la charrue, elle laissait échapper des cris, de la poussière, une fumée âcre, et les mulots et les insectes, n’ayant pu creuser assez avant leur repaire, coulaient sur les sabots de l’homme avec les racines éventrées du froment.
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Le soleil déclinait. Le vent d’est mouillait la crête des mottes, activait la moisissure des feuilles tombées, et couvrait les troncs d’arbres, les baliveaux, les herbes sans jeunesse et molles depuis l’automne, d’un vernis résistant comme celui que les marées soufflent sur les falaises.

La mer était loin cependant, et le vent venait d’ailleurs. Il avait traversé les forêts du Morvan, pays de fontaines où il s’était trempé, celles de Montsauche et de Montreuillon, plus près encore celle de Blin ; il courait vers d’autres massifs de l’immense réserve qu’est la Nièvre, vers la grande forêt de Tronçay, les bois de Crux-la-Ville et ceux de Saint-Franchy.

L’atmosphère semblait pure, mais dans tous les lointains, au-dessus des taillis, à la lisière des coupes, dans le creux des sentiers, quelque chose de bleu dormait, comme une fumée.
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Le grand Étienne, comme les soldats, comme le peuple de Loire dont il était et qui n'aime pas à rester court, avait, pour exprimer son sentiment sur les choses difficiles à comprendre, des formules un peu amples, auxquelles il n'attachait qu'un sens relatif. Elles signifiaient qu'il ne saisissait pas bien, mais qu'il était trop poli pour ne pas demander la suite.
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C'était la plénitude de l'été, la saison ivre, où la vie, nuit et jour, roule sous les étoiles, afin que l'homme la boive.
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30 juillet 1918. Je reviens de visiter la mère Hamelin. Elle nous a parlé de ses deux gars, un cavalier, un infirmier, qui n’en peuvent plus.
Ô mon Dieu, cette victoire, quand nous n’avons plus de forces, donnez-la vite ! Il n’y aura bientôt plus que des mères, des veuves en deuil, des vieux, des enfants et des étrangers sur le sol.
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12 mars 1916. Castelnau réunit un conseil de guerre, prend sur lui de remplacer le général en pleine bataille. Il appelle Pétain, se rend compte des positions, ordonne de tenir. C’est par un homme de grande piété que Dieu devait rétablir nos affaires.
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Je n’injurie personne ; mon cœur n’a point changé en mal, au contraire ; mais j’ai reconnu que nous n’avions pas la vie, et je suis revenu pour vous dire où elle
est. Je vous le dirai une fois, deux fois, dix fois, tant que je serai du monde. Personne ne m’en empêchera ! Je veux rester avec vous. La justice que j’ai voulue, je la veux toujours, mais je sais à présent qu’elle est plus belle que je ne croyais.
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La marche des bûcherons

Le soleil déclinait. Le vent d’est mouillait la crête des mottes, activait la moisissure des feuilles tombées, et couvrait les troncs d’arbres, les baliveaux, les herbes sans jeunesse et molles depuis l’automne, d’un vernis résistant comme celui que les marées soufflent sur les falaises. La mer était loin cependant, et le vent venait
d’ailleurs. Il avait traversé les forêts du Morvan, pays de fontaines où il s’était trempé, celles de Montsauche et de Montreuillon, plus près encore celle de Blin ; il courait vers d’autres massifs de l’immense réserve qu’est la Nièvre, vers la grande forêt de Tronçay, les bois de Crux-la-Ville et ceux de Saint-Franchy. L’atmosphère semblait
pure, mais dans tous les lointains, au-dessus des taillis, à la lisière des coupes, dans le creux des sentiers, quelque chose de bleu dormait, comme
une fumée.
– Tu es sûr, Renard, que le chêne a cent soixante ans ?
– Oui, monsieur le comte, il porte même son âge écrit sur son corps : voilà les huit traits rouges ; je les ai faits moi-même, au moment du balivage.
– Eh ! oui, tu l’as sauvé, et maintenant on veut que je le condamne à mort ! Non, Renard, je ne peux pas ! Cent soixante ans ! Il a vu cinq générations de Meximieu...
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