Citations de René Char (1445)
LA LIBERTE
Elle est venue par cette ligne blanche pouvant tout
aussi bien signifier l'issue de l'aube que le bougeoir du
crépuscule.
Elle passa les grèves machinales ; elle passa les cimes
éventrées.
Prenaient fin la renonciation à visage de lâche, la
sainteté du mensonge, l'alcool du bourreau.
Son verbe ne fut pas un aveugle bélier mais la toile
où s'inscrivit mon souffle.
D'un pas à ne se mal guider que derrière l'absence,
elle est venue, cygne sur la blessure, par cette ligne
blanche.
p148
AFIN QU'IL N'Y SOIT RIEN CHANGE
9
"Je t'aime" répète le vent à tout ce qu'il fait vivre.
Je t'aime et tu vis en moi.
p137
À FAULX CONTENTE
1972
Le Bâton de rosier
5
Page récemment mise à jour, parmi des brouillons délaissés :
Sommeille, ne dors pas.
Dehors la nuit est gouvernée.
Les rêves sont immobilisés.
p796
...
(Prends garde à l'anecdote. C'est une gare où le chef de gare déteste l'aiguilleur !)
p100
"Parfois j'imagine qu'il serait bon de se noyer à la surface d'un étang où nulle barque ne s'aventurerait. Ensuite ressusciter dans le courant d'un vrai torrent où tes couleurs bouillonneraient."
La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil.[Feuillets d'Hypnos]
3
LEVRES INCORRIGIBLES
LA NUIT
Déesse taillée dans sept climats différents pour accéder au massif supérieur.
RARE LE CHANT...
Rare le chant du bouvreuil triste,
L'hiver admiré du Ventoux ;
L'an nouveau décuple les risques ;
Joue, amour, dégoutte à merci
Dessus, le plus souvent dessous,
L'écervelée source séduite.
Le soleil divisé devient ce soir gravide.
LE NOEUD NOIR
Je me redis, Beauté,
Ce que je sais déjà,
Beauté mâchurée
D'excréments, de brisures,
Tu es mon amoureuse,
Je suis ton désirant.
Le pain que nous cuisons
Dans les nuits avenantes,
Tel un vieux roi s'avance
En ouvrant ses deux bras.
Allons de toutes parts,
Le rire dans nos mains,
Jamais isolément.
Corbeille aux coins tordus,
Nous offrons tes ressources.
Nous avons du marteau
La langue aventureuse.
Nous sommes des croyants
Pour chemins muletiers.
Moins la clarté se courbe,
Plus le roseau se troue
Sous les doigts pressentis.
LA COLLATION INTERROMPUE
...
La moindre aiguille de pin s'ouvre au pied qui la frôle. Promise aux prouesses du seul feu, comme elle est nette la ravissante!
CHANTS DE LA BALANDRANE
La flûte et le billot, II
L'étoile de mer
Dans le foyer de ma nuit noire
Une étincelle provocante
Heurta le tablier de cuir
Que je gardais par habitude
Autour de mes reins désoeuvrés.
Sans doute un mot bas de Cassandre,
Utile à quel avenir ?
Fallait-il qu'il se révélât
Entre cinq de mes différences,
Au terme d'une parabole
De mensonge et de vérité ?
Se protéger est acte vil.
Lève la tête, artisan moite
A qui toute clarté fut brève!
Cette source dans le ciel,
Au poison mille fois sucé,
N'était pas lune tarie
Mais l'étoile frottée de sel,
Cadeau d'un passant de fortune.
Feuillets d'Hypnos
(136)
La jeunesse tient la bêche. Ah! qu'on l'en dessaisisse pas!
Feuillets d'Hypnos
(110)
L'Eternité n'est guère plus longue que la vie.
Feuillets d'Hypnos
(41)
S'il n'y avait pas parfois l'étanchéité de l'ennui, le cœur s'arrêterait de battre.
Feuillets d'Hypnos
(57)
La source est roc et la langue est tranchée.
Contre une maison sèche
Nous passerons de la mort imaginée aux roseaux
de la mort vécue nûment. La vie, par abrasion, se
distrait à travers nous.
La mort ne se trouve ni en deçà, ni au-delà. Elle est
à côté, industrieuse, infime.
Contre une maison sèche
Espace couleur de pomme. Espèce, brûlant compotier.
Aujourd'hui est un fauve. Demain verra son bond.
On naît avec les hommes, on meurt inconsolé parmi les dieux.
La seule signature au bas de la vie blanche, c'est la poésie qui la dessine.
Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima?
Il cherche son pareil dans le voeu des regards. L'espace qu'il parcourt est ma fidélité. Il dessine l'espoir et léger l'éconduit. Il est prépondérant sans qu'il y prenne part.
Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s'inscrit son essor, ma liberté le creuse.
Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima et l'éclaire de loin pour qu'il ne tombe pas?