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Citations de René Daumal (312)


Poème à Dieu et à l’homme


Extrait 7

Tu avais des yeux, mon vieux frère, et qui voyaient !
tu avais une voix qui réveillait les morts-vivants millénaires,
qui réveillait une vie violente au cœur des esclaves,
tu avais au complet tout le pauvre petit bagage d'un homme,
tu as tout donné
tes yeux, ta bouche et tout le reste,
à tes frères pour qu'ils se fassent un Dieu
avec tes pauvres débris d'homme.
Tu donnas tout.
L'homme que tu avais été n'était plus.
Et tout à coup, tu fus face à face
avec le Néant de Dieu.
Ce soir-là, sur le mont des Oliviers,
toi, l'homme qui te reniais homme,
toi, seul, déjà sacrifié jusqu'à la moelle de l'âme,
tu vis le propre néant de ta face
devant toi
tu vis Dieu face à face de néant,
Oh ! oui alors en cet instant quel éclair
quelle colonne fulminante sur la terre
entre ton néant d'homme et le néant de Dieu
tu avais tué ton passé d'homme
tu avais tué ton espoir d'avenir divin
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Poème à Dieu et à l’homme


Extrait 5

Pauvre sacré bon Dieu de rien !
ce n'est pas ta faute, si tu as ce sale visage poilu
blanc et rose de doux gâtisme,
c'est ce salaud qui a peint cette ordure,
c'est ce curé qui t'a collé au ciel,
avec son Désir Imbécile d'Éclairage Universel,
c'est lui qui t'a peinturluré cette face sénile
à son image, le sinistre vieillard
gâtant et dégâtant les fronts durs des hommes
per omnia saecula saeculorum.
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Poème à Dieu et à l’homme


Extrait 6

Et moi, prêtre, je te crache au nom de Dieu à la figure,
— c'est par hygiène,
et c'est un geste rituel —
et je m'adresse à cet homme mort
ce tout petit homme mort
— tu ne le vois pas ? idiot, tu le tiens dans ta main, tu l'as
  cloué sur deux morceaux de bois —
Homme mort mon vieux frère
Homme mille et mille fois mort ;
en tous pays mille et mille fois assassiné
par cette race pullulante des rats qui parlent à
Dieu,
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Poème à Dieu et à l’homme


Extrait 4

II s'amène, il te parle, Dieu,
il te prie, Dieu, il parle de Dieu,
il te met des binocles sur ton inexistence,
il affuble d'oreilles postiches ton inexistence,
et il se met des grands poils blancs,
des poils partout tout autour de ton néant

Dieu, sacré nom de Dieu en quatre lettres,
il n'y a plus moyen de s'entendre
il gueule, le putois, il gueule : Dieu, Dieu,
il s'amène, le curé, criant ton sacré nom en quatre lettres,
il s'amène avec sa sacrée trogne
et son Désir Imbécile d'Éclairage Universel.
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Poème à Dieu et à l’homme


Extrait 3

nom de nom,
non de nom,
sacré non de nom de non-Dieu
mais tu m'as fait assez rigoler, punaise!
voici la rage qui monte rouge entre les dents
voici mon regard, lancé dans le vide, qui cogne
contre un œil, voici ma voix qui cogne,
contre une oreille, voci mes balles perdues dzing !
et dzing qui giclent contre une trogne réelle,
contre une vraie gueule grasse et violette
ou bien contre une vraie gueule de citron pourri
ou un sourire en paire de tenailles. Quelqu'un.
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Poème à Dieu et à l’homme


Extrait 2

Dieu, bon Dieu, sacré bon Dieu,
sans barbe,
sans cheveux,
sans un poil.
Tu n'es pas bon, pas sacré, pas sacré bon,
sacré bon Dieu, je ne blasphème pas,
vieux sans âge, sourd sans oreille,
je te prie encore bien moins.
Tu n'en as pas un œil de Dieu, Dieu,
pas un bras de Dieu, Dieu,
pas un pied de Dieu, pas un ventre de Dieu,
pas une peau de Dieu, Dieu,
Dieu sans homme
Dieu sans diable
Dieu sans dieu.

Dieu, sacré nom de Dieu en quatre lettres
D comme Désir
I comme Imbécile
E comme Éclairage
U comme Universel.
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Poème à Dieu et à l’homme


Extrait 1

Dieu,
Dieu, d'abord ce n'est pas à toi Dieu,
ce n'est pas à Dieu que je parle,
Dieu, je parle à ton inexistence,
je lance droit mes yeux comme des pierres
non pas sur toi, je lance droit mes deux yeux vers tout endroit,
droit vers tout endroit où tu n'es pas
comme des pierres lancées mais dans le vide
comme des balles perdues

je lance ma voix comme une pierre vers tout endroit,
tout droit vers tout endroit où tu n'es pas,
je lance ma voix dans tout l'espace, mais, Dieu,
en nul endroit, tu n'as d'oreille
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Le grand jour des morts


Extrait 6

Voici, j'ai arraché le manteau de chair saignante
et de colère et je marche nu
— non pas encore ! mais je me vois lointain
et j'ai pour me guider et remplacer mon cœur,
très loin, ces mains, ces mains d'aveugle,
l'aveugle morte plus voyante que vos yeux de bêtes,
vous opaques vivants lourds, très loin l'aveugle
et ses prunelles, cercles de tout savoir,
enclosant l'eau limpide et noire des lacs souterrains —
je dirais comme elles sont belles, ces mains,
comme elle est belle, non, comme elle parle la beauté,
la morte aveugle, mais qui voit toute ma nuit,
je parlerais, j'inventerais des mots-sanglots
— à ses pieds il faudrait pleurer —
je sangloterais sa beauté,
si je pouvais pleurer,
si je n'étais pas mort de n'avoir su pleurer.
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Le grand jour des morts


Extrait 5

Du fond illuminé, plafond sous plafond, des caves,
je vois — je me rappelle — je les avais tracés au
  commencement
les signes cruels fouillant chaque repli
du mollusque pensée aux mille bras.
Ils m'enseignent la terrible patience,
ils me montrent le chemin ouvert
mais que mieux que toute muraille ferme
la loi de flamme dite à la pointe du glaive
et réglant chaque pas à l'orchestre fatal :
tout est compté.
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Le grand jour des morts


Extrait 4

Non, non, non! car je vois des signes
encore faibles dans un banc de brume lente
mais certains, car les sons qu'ils peignent
sont les frères des cris que j'étouffe,
car les chemins incroyables qu'ils tracent
sont les frères de mes pas de plomb ;
car je vois les signes de ma force sans bornes, l'assassine
de ma vie et d'autres vies sœurs.
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Le grand jour des morts


Extrait 3

Tu me faisais croire que ton nom maudit
c'était le mien, l'imprononçable,
que ta face, c'était ma face, ma prison,
que ma peau détestée vivait de ta vie,
mais je t'ai vu : tu es un autre,
tu peux bien me tourmenter à jamais,
tu peux m'écraser dans des charniers
sous les cadavres de toutes les races disparues,
tu peux me brûler dans la graisse des dieux morts,
je sais que tu n'es pas moi-même,
tu ne peux rien sur le feu plus ardent que le tien,
le feu, le cri de mon refus
d'être rien.
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Le grand jour des morts


Extrait 2

Ne t'échappe pas, me dit la lumière
— celle qui éclate partout ici, mais légère
sur l'épaisseur aveugle qu'elle enferme
et vaine ; inutile clarté qui troue la peau pourtant
et qui me dit : tu ne sortiras pas,
mais marche seul griffé de mon fouet fantôme,
c'est le fond de la terreur,
c'est le palais sans portes,
cave sous cave, c'est le pays sans nuit.
L'air est peuplé de notes fausses
à scier l'os, c'est le pays sans silence,
cave sous cave encore au pays sans repos,
ce n'est pas un pays, c'est moi-même
cousu dans mon sac
avec la peur, avec l'hydre et le dragon;
et toi, démon, voilà ta tête de verrue
que je m'arrache de la poitrine
oh ! monstre, menteur,
mangeur d'âme.
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Le grand jour des morts


Extrait 1

La nuit, la terreur,
à cent pas sous terre,
les caveaux sans espoir,
la peur dans la moelle et le noir dans l'œil
— l'appel de l'étoile meurt au bord du puits —
et ces mains, ta détresse blanche
dans la brume glacée du fond de toute la vie,
dans la détresse blanche de ces mains qui seront les miennes
un jour, tellement je les aurai aimées.
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Fièvre blanche


Extrait 3

Le velours de nuit descend en soi-même,
le vide s’arrondit sous un travail obscur
et tombe en perle noire droit au fond de moi-même
et de là regarde.

Une fièvre argumente et ferme ma prison ;
ai-je lu que tout était perdu,
ai-je lu que j’étais sauvé ?
je suis seul enfermé avec ma sœur la maladie,
la blanche multiforme, la dépouilleuse ;
ce dernier hôpital est un cube sans portes
et qu’ai-je lu sur le mur blanc ?

une lueur bleue serpente sur ma peau
la mange et me dessèche
je ne sais pas ce que j’ai su.
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Fièvre blanche


Extrait 2

jusqu’aux mots du phosphore si peu brillants,
si peu bruyants et sans éclat, mais sûrs,
plus sûrs qu’un acier dans la gorge,
plus sûrs que l’incendie, plus sûrs que la dent
de l’affamé des nuits, la larve ronge-reins,

si peu brillants devant les velours grands ouverts
d’yeux qui ne lisent pas, mais d’yeux qui voient,
buvant la détresse de cette nuit,
mesurant sans repos ces horizons fuyards,
depuis les dunes noires sans accès du sud,
depuis les marais toujours bleus vers le nord,
jusqu’au centre plus noir que le noir du velours
des yeux qui voient ! jusqu’à l’abîme
où la fleur sans raison du signe qui vient d’éclore.
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Fièvre blanche


Extrait 1

Avant que l’éveil n’ait mis sa griffe
sur ce front qui dort fermé sur des feux,
sur des nuits et sur des poisons chanteurs,
j’aurais plongé dans la mare sans rides.

Celui qui bat dans la poitrine,
le soleil monte le long du dos
jusqu’à l’éclat bleu dans la nuit,
jusqu’aux signes soudain du silence
du souffle épuisé dans la tête ;
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Mémorables


Extrait 4

  Souviens-toi de l’ami qui tendait sa raison pour recueillir tes larmes, jaillies de la source gelée que violait le soleil du printemps.
  Souviens-toi que l’amour triompha quand elle et toi vous sûtes vous soumettre à son feu jaloux, priant de pourrir dans la même flamme.
  Mais souviens-toi qu’amour n’est de personne, qu’en ton cœur de chair n’est personne, que le soleil n’est à personne, rougis en regardant le bourbier de ton cœur.
  Souviens-toi des matins où la grâce était comme un bâton brandi qui te menait, soumis, par tes journées, ‒ heureux le bétail sous le joug !
  Et souviens-toi que ta pauvre mémoire entre ses doigts gourds laissa filer le poisson d’or.
  Souviens-toi de ceux qui te disent : souviens-toi, ‒ souviens- toi de la voix qui te disait : ne tombe pas, ‒ et souviens-toi du plaisir douteux de la chute.
  Souviens-toi, pauvre mémoire mienne, des deux faces de la médaille, ‒ et de son métal unique.
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Mémorables


Extrait 3

  Et souviens-toi des jours qui suivirent, quand tu marchais comme un cadavre ensorcelé, avec la certitude d’être mangé par l’infini, d’être annulé par le seul existant Absurde.
  Et surtout souviens-toi du jour où tu voulus tout jeter, n’importe comment, ‒ mais un gardien veillait dans ta nuit, il veillait quand tu rêvais, il te fit toucher, ta chair, il te fit souvenir des tiens, il te fit ramasser tes loques – souviens-toi de ton gardien.
  Souviens-toi du beau mirage des concepts, et des mots émouvants, palais de miroirs, bâti dans une cave ; et souviens-toi de l’homme qui vint, qui cassa tout, qui te prît de sa rude main, te tira de tes rêves et te fit asseoir dans les épines du plein jour ; et souviens-toi que tu ne sais te souvenir.
  Souviens-toi que tout se paie, souviens-toi de ton bonheur, mais quand fut écrasé ton cœur, il était trop tard pour payer d’avance.
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Mémorables


Extrait 2

  Souviens-toi des magies, des poisons et des rêves tenaces ; ‒ tu voulais voir, tu bouchais tes deux yeux pour voir, sans savoir ouvrir l’autre.
  Souviens-toi de tes complices et de vos tromperies, et de ce grand défi de sortir de la cage.
  Souviens-toi du jour où tu crevas la toile et fut pris vivant, fixé sur place dans le vacarme de vacarmes des roues de roues tournant sans tourner, toi dedans, happé toujours par le même moment immobile, répété, répété, et le temps ne faisait qu’un tour, tout tournait en trois sens innombrables, le temps se bouclait à rebours, ‒ et les yeux de chair ne voyaient qu’un rêve, il n’existait que le silence dévorant, les mots étaient des peaux séchées, et le bruit, le oui, le bruit, le non, le hurlement visible et noir de la machine te niait, ‒ le cri silencieux, « je suis » que l’os entend, dont la pierre meurt, dont croit mourir ce qui ne fut jamais, ‒ et tu renaissais à chaque instant que pour être nié par le grand cercle sans bornes, tout pur, tout centre, pur sauf toi.
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Mémorables


Extrait 1

  Souviens-toi : de ta mère et de ton père, et de ton premier mensonge, dont l’indiscrète odeur rampe dans ta mémoire.
  Souviens-toi de ta première insulte à ceux qui te firent : la graine de l’orgueil était semée, la cassure luisait, rompant la nuit une.
  Souviens-toi des soirs de terreurs où la pensée du néant te griffait au ventre, et revenait toujours te le ronger, comme un vautour ; et souviens-toi des matins de soleil dans la chambre.
  Souviens-toi de la nuit de la délivrance, où ton corps, dénoué, tombant comme une voile, tu respiras un peu de l’air incorruptible ; et souviens-toi des animaux gluants qui t’ont repris.

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