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Citations de René Daumal (312)


Les Fabricateurs de discours inutiles forment trois clans principaux, celui des Pwatts, celui des Ruminssiés et celui des Kirittiks. Traduits en français, ces noms signifient respectivement : « menteurs en cadence », « marchands de fantômes » et « ramasse-miettes ».
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- […] Il y a encore tout près d’ici une colonie de cultivateurs qui font pousser des pommes de terre afin de se nourrir pour avoir les forces nécessaires à la culture des pommes de terre. D’autres se sont mis à construire des maisons, puis ils ont dû inventer des hommes mécaniques pour les habiter, puis des filatures pour habiller les automates, puis d’autres automates pour faire marcher les filatures, puis des maisons pour loger ces automates, et, enfin, tout ce monde est dans une telle fièvre d’activité, dans un tel enthousiasme de travail, que vous pourriez difficilement échanger deux mots avec le moins affairé d’entre eux.
-Et tout ça sans boire ? dis-je.
-Rien que des jus de fruits acides, et surtout des tonneaux d’huile de bras, qui font qu’ils sont tous saouls comme des canards, sans s’en douter.
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On commence avec dix gouttes de cidre dans leur petit-déjeuner, et l’on augmente progressivement les doses. Quand ils peuvent boire leurs six apéritifs par jour, ils sont renvoyés en bas et peuvent recommencer une vie normale. Mais on continue à les surveiller, de peur d’une rechute. A ce propos (il me jeta ici un coup d’œil soupçonneux), vous n’avez pas soif ?
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Frères, vous pullulez, vous vous entroupez, vous vous encroûtez. Bientôt les caves seront à sec et que deviendrons-nous ? Les uns crèveront lamentablement, les autres se mettront à boire d’infâmes potions chimiques. On verra des hommes s’entre-tuer pour une goutte de teinture d’iode. On verra des femmes se prostituer pour une bouteille d’eau de Javel. On verra des mères distiller leurs enfants pour en extraire des liqueurs innommables. Cela durera sept années. Pendant les sept années suivantes, on boira du sang. D’abord le sang des cadavres, pendant un an. Puis le sang des malades, pendant deux ans. Puis chacun boira son propre sang, pendant quatre ans. Pendant les sept années suivantes, on ne boira que des larmes et les enfants inventeront des machines à faire pleurer leurs parents pour se désaltérer. Alors il n’y aura plus rien à boire et chacun criera à son dieu : « rends-moi mon soleil ! », mais il n’y aura plus de soleils, ni de vignes, et plus moyen de s’entendre.
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C’est difficile de mettre ensemble ses souvenirs nocturnes. On confond les événements extérieurs avec les radotages intérieurs.
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René Daumal
Des soleils et des vignes, il y en a encore. Mais sans soif, on ne fait plus de vin. Plus de vin, on ne cultive plus les vignes. Plus de vignes, les soleils s’en vont : ils ont autre chose à faire que de chauffer des terres sans buveurs, ils se diront : allons maintenant vivre pour nous. Cela, le voulez-vous ?
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Y’a des moments où tu n’sais plus,
Tu n’sais plus rien, plus rien du tout.
Le lendemain tu t’aperçois
Qu’à ç’moment-là tu savais tout.
Mais tu n’sais plus,
Plus rien du tout,
Tout est foutu !
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J’ai oublié de dire que le mot « Art » est le seul que les carpes soient capables de prononcer. Je continue.
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L’ABANDON

Le soleil mou décevait les adieux,
les bateaux partaient comme des mouches,
les oiseaux se plissaient comme des bouches
et tombaient raides morts des cieux.

Quand je fus seul sous le ciel jaune,
dont mes yeux secs arrachaient des lambeaux,
je retournai mes poches
dans l’espoir d’y trouver un compagnon d’exil.

Il n’y avait rien,
rien que la poussière des routes,
rien que des routes de misère,
rien que des reines mortes clouées à des poutres. (…)
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René Daumal
FEU AUX ARTIFICES

Les manèges tournent
avec leurs carrosses de plâtre doré,
les sirènes aux cheveux jaunes soufflent
de leurs grandes poitrines creuses,
le malheur entre dans la ville,
parmi les palais bâtis par des fous,
le malheur entre dans les châteaux de cartes,
dans les carcasses de plâtre des maisons,
dans les manèges dorés. (…)
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LA NAUSEE D'ETRE

Je ne suis pas venu au monde
pour forger des bras aux centaures,
pour donner mon sang aux mouchoirs
qui sèchent au clair de lune.

Je ne suis pas venu au monde
pour combattre mon ombre,
ni pour trouver un jour mes poings
becqueté par les faisans.

Je ne suis pas venu pour frapper
ni pour rire à la mort.
Je ne me souviens plus,
des civières s’en vont,
des galères flambent,
des genoux tremblent et des faucons se posent
sur des boules fragiles et vivantes. (…)
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CREUX DE SONGE

Tu te relèves déjà, soif,
hé quoi, tu fais la sourde aurore,
tu te relèves, monstre jour,
tu ne veux pas crever encore,
l’horizon palpite et sue
avec trois balles dans la peau,
et tu marches toujours nue
avec tes pattes transparentes
et ton ventre de cristal souple.
Ah ! mais tu ne casseras pas ?
Les cloches ne te tueront pas ?
Tu restes là, avec les belles idiotes,
entre les bras de la fontaine,
je vais me cacher dans les nuits,
dans les ventres d’ombre nue,
ah ! tu peux marcher, soif transparente t
tu peux faire la sourde aurore,
j’ai pour toi les sommeils aux cent plis,
tu peux t’éteindre, ô flamme opaque.
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Quant à moi, j’étais très mal assis sur un porte-bouteilles, ce qui me donnait une apparence de profonde méditation, alors que j’étais simplement abruti, le plafond bas, très bas, la visière de l’intellect baissée jusqu’aux sédiments de l’humeur.
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Quand on a soif, on guette les occasions de boire et pour le reste, on fait seulement semblant d’y faire attention.
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Autrement, de langage on tombe en parlage, de parlage en bavardage, de bavardage en confusion. Dans cette confusion des langues, les hommes, même s’ils ont des expériences communes, n’ont pas de langue pour en échanger les fruits. Puis, quand cette confusion devient intolérable, on invente des langues universelles, claires et vides, où les mots ne sont qu’une fausse monnaie que ne gage plus l’or d’une expérience réelle ; langues grâce auxquelles, depuis l’enfance, nous nous gonflons de faux savoirs. Entre la confusion de Babel et ces stériles espérantos, il n’y a pas à choisir. Ce sont ces deux formes d’incompréhension, mais surtout la seconde, que je vais essayer de décrire.
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Le corps cherche toujours à se rendre intéressant par ses tremblements, ses essoufflements, ses palpitations, ses grelottements, ses sueurs, ses crampes. Mais il est très sensible au mépris et à l'indifférence que lui témoigne son maître. S'il sent que celui-ci n'est pas dupe de ses jérémiades, s'il comprend qu'il n'y a rien à faire pour l'apitoyer, alors il reprend sa place et accomplit docilement sa tâche.
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La philosophie est aussi nécessaire à la connaissance que la carte géographique au voyage : la grande erreur, je le répète, est de croire qu’on voyage en regardant une carte.
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Poème à Dieu et à l’homme


Extrait 10

La voile de chair pantelante vogue toujours,
le Cadavre de mon vieux frère, aveugle, sourd,
traîne toujours le Bateau,
le Bateau Chrétienté dans les siècles.
Il n'avait pas voulu cela... Mais
mais après tout, ce Cadavre est Cadavre,
j'ai beau t'aimer du fin fond du désespoir,
homme mon vieux frère, tu n'es plus qu'une charogne.
Ton corps torturé, que tu nous jetas en pâture,
il pue comme puera mon cadavre d'homme,
il est mangé par des millions de vers
catholiques romains, par des vers
orthodoxes, par des vers
protestants, par des vers
plus grouillants et plus conformes les uns que les autres
à la vraie pureté authentique de la grande pestilence
chrétienne,
et partout, à l'Est sous les noms divers
de Krishna, de Bouddha, de Fô,
tous retombés à la même charogne,
partout mon vieux frère sous trente-six noms
tu es mangé par des millions de vers
plus grouillants et plus conformes les uns que les autres
à la vraie pureté authentique de la grande pestilence
brahmanique, de la grande pestilence
bouddhique, de la grande pestilence
lamaïste, de la grande pestilence
taoïste, de la grande pestilence universelle
de la puante odeur de sainteté.
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Poème à Dieu et à l’homme


Extrait 9

Et, curé, tu as pris la barre de ce Bateau,
traîné par sa voile pantelante de chair humaine,
le long des siècles,
et ce Bateau — je dis bien : ce Ba-teau,
ce formidable Bateau
monté pour des siècles par toi, curé,
ce Bateau nommé Chrétienté
traîné par des cohortes pantelantes d'esclaves
le long des siècles chrétiens,
ce Bateau tu le prêtas, (moyennant des rétributions
fort honorables, n'est-ce pas, Pape ?)
à des rois : ils t'amenaient leurs galériens,
puis aux mouches qui s'abattirent sur les charognes royales,
car cette bourgeoisie t'amène aussi ses galériens
(— mais, attention, mon petit curé ! ceux-ci, je crois, ne s'en
  laisseront sans doute plus conter pendant bien longtemps —)
Et le long des siècles chrétiens
ta parole de mensonge, par quatre bouches évangélistes,
enflées du Désir Imbécile d'Éclairage Universel,
trahit la chair immobile de mon vieux frère,
cloué au mât et à la vergue,
irresponsable de ton Bateau, chacal,
lui qui fit le Néant de Dieu avec le Néant d'Homme oui... mais
  lui aussi qui coule en cohortes de chairs humaines
dans les veines de mes doigts qui se resserrent
et tiens, voici ton sale cœur qui claque,
tu es crevé, rat.
Ce n'est pas fini à si bon compte ;
un de crevé, mille renaissent :
n'approchez pas, vermine ecclésiastique.
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Poème à Dieu et à l’homme


Extrait 8

Alors oh ! oui alors seulement ce fut l'unique présence
de l'Homme, de Dieu,
de l'Homme identique à Dieu dans son néant,
identique pourtant en un instant, le seul,
Christ, néant d'homme, sur la montagne aux Oliviers,
Christ, néant de Dieu, sur la montagne aux Oliviers,

tu te vis, tu vis Dieu, Dieu te vit
dans le miroir fulgurant et sans forme...
alors, toi, crapule, — tu peux hurler,
mes ongles à travers le col de ta soutane
agrippent déjà ton cœur pourri,
et des cohortes millénaires d'esclaves,
tes victimes, mes frères, mes dieux,
sont la force de mes bras, donc
donc tu sais que tu vas claquer comme une puce
entre mes ongles — «y a pas de bon dieu
y a pas de bon dieu», crapule.
«y a pas de bon dieu» dit la rumeur humaine de mes bras,
alors toi tu as pris mon vieux frère
— comment pouvait-il ne pas se laisser tuer,
après l'éclatement de cette vie sur la
Montagne —
tu as bavé sur son visage d'homme,
tu l'as insulté du nom de roi,
tu l'as cloué sur cette vergue et sur ce mât,
tu lui mis dans la bouche tes paroles menteuses
et tu lui soufflas ton vent de peste dans les reins.
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