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Citations de René Guy Cadou (223)


HORS DE MOI



Les cœurs sont à laver
Les plaies sont enlevées
L’étoile d’araignée brille dans la serrure
Il ne reste déjà qu’une ombre
Sur le mur
Et le peu de chaleur que tu m’avais laissée

Qu’importe
On vit sans peine
Une main qui rôdait va souffler sur la plaine
Un pli noir se détend
Et la roue du soleil fait chavirer le temps
Le ciel prend l’air

Me reconnaîtras-tu
Ma peau est à l’envers
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MAINTENANT ET À L’HEURE DE NOTRE MORT



Si facile d’aimer
Le vent
La porte ouverte
Et la lampe allumée
La même voix
La même plainte
Et les deux mains tendues où dépassent les pointes

Le bleu
La haute neige attardée sur ton front
L’églantier de tes yeux
Et tes yeux au plafond
Tout ce qui te ressemble

Il nous reste un pays sans borne
À mesurer
Des écarts de tendresse
Un pas lourd dans l’allée
Sur le bord de la nuit
La première fumée.
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Vive voix



Pleine terre à craquer
Maison de serre chaude
O visage à deux mains
Nacelle de l’oubli
Les copeaux du couchant volent sous l’établi

Tu veilles
Ton enfant se lisse dans ses ailes
Lentement tu descends les marches
Les prunelles
Une rose épargnée envahit la fenêtre

Déjà
Et dans le sang
Ta femme va paraître

Alors le vent soulève une larme
Un rideau
Le plafond s’enhardit jusqu’au bord du tréteau
Et la scène écartée du ciel et de la rampe
Appareille à jamais vers la plus haute lampe.
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LA CINQUIÈME SAISON




S’il faut nommer le ciel je commence par toi
Je reconnais tes mains à la forme du toit

L’été je dors dans la grange de tes épaules
Les hirondelles de ta poitrine me frôlent

Dressées contre ma joue les tiges de ton sang
Le rideau de ta chevelure qui descend

Je te cache pour moi dans la ruche des flammes
Reine du feu parmi les frelons noirs des âmes

Par l’automne épargnés tes yeux sont toujours verts
Les fleuves continuent de passer au travers

Ton souffle achève au loin le clapotis des plaines
On ne sait plus si c’est le soir ou ton haleine

En hiver tu secoues la neige de ton front
Tu es la tache lumineuse du plafond

Et je ferme au-delà des mers le paysage
Avec les hautes falaises de ton visage

L’étrave du printemps glisse entre tes genoux
Lentement le soleil s’est approché de nous

Tu traverses la nuit plus douce que la lampe
Tes doigts frêles battant les vitres de ma tempe

Je partage avec toi la cinquième saison
La fleur la branche et l’aile au bord de la maison

Les grands espaces bleus qui cernent ma jeunesse
Sur le mur le dernier reflet d’une caresse.
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LONG FEU




Brières mes limons de tendresse
O mes cages
Pérous de la lumière
Iles saintes du feu
Les vols ensorcelés de mes canards sauvages
La chambre fortunée où j’en appelle à Dieu

Je revois tout
L’échoppe rose des aurores
Sur mes genoux il pleut encore

Combien de temps déjà
Combien de pas battant mes pas
Dans le miroir quelle rencontre
Mon cœur a fait battre la montre
Encore un soir où je m’en vais
Sur le grand livre des marais
Tracer les mots de mon enfance
D’un geste fondre les saisons
Au bercement des horizons
Et des hoquets de la souffrance.
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René Guy Cadou
Aujourd'hui
C'est le sillage de ses bras qui m'entraîne
Avec douceur vers des hameaux perdus
Sa main sur mon visage
Et le ciel m'est rendu

(" Et le ciel m'est rendu")
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René Guy Cadou
Je t'atteindrai Hélène
A travers les prairies
A travers les matins de gel et de lumière
Sous la peau des vergers
Dans la cage de pierre
Où ton épaule fait son nid

Tu es de tous les jours
L'inquiète la dormante.
Sur mes yeux
Tes deux mains sont des barques errantes
A ce front transparent
On reconnait l'été
Et lorsqu'il me suffit de savoir ton passé
Les herbes les gibiers les fleuves me répondent

Sans t'avoir jamais vue
Je t'appelais déjà
Chaque feuille en tombant
Me rappelait ton pas
La vague qui s'ouvrait
Recréait ton visage
Et tu étais l'auberge
Aux portes des villages

(" La vie rêvée ")
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LES FUSILLES DE CHATEAUBRIANT

Ils sont appuyés contre le ciel
Ils sont une trentaine appuyés contre le ciel
Avec toute la vie derrière eux
Ils sont pleins d’étonnement pour leur épaule
Qui est un monument d’amour
Ils n’ont pas de recommandations à se faire
Parce qu’ils ne se quitteront jamais plus
L’un d’eux pense à un petit village
Où il allait à l’école
Un autre est assis à sa table
Et ses amis tiennent ses mains
Ils ne sont déjà plus du pays dont ils rêvent
Ils sont bien au-dessus de ces hommes
Qui les regardent mourir
Il y a entre eux la différence du martyre
Parce que le vent est passé là ils chantent
Et leur seul regret est que ceux
Qui vont les tuer n’entendent pas
Le bruit énorme des paroles
Ils sont exacts au rendez-vous
Ils sont même en avance sur les autres
Pourtant ils disent qu’ils ne sont pas des apôtres
Et que tout est simple
Et que la mort surtout est une chose simple
Puisque toute liberté se survit.

René-Guy Cadou, Pleine Poitrine, 1946 (repris dans Les Fusillés de Châteaubriant in Pierre Seghers, La Résistance et ses Poètes. France 1940-1945, 1974)
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René Guy Cadou
Hélène je dis toi et je pense à des sèves
Printanières à des gazons
Aux passereaux qui font de l'arbre une saison
A la chanson des lavandières
Hélène
On ne peut plus douter de la lumière

(" Et le ciel m'est rendu")
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Femme
On dit une femme et c’est un arbre
Elle a des fleurs ses rameaux chantent sur le marbre
De sa poitrine est un oiseau
Dieu la nomma Il fit voler tous les copeaux
Du ciel sur son visage
Pour ensoleiller son corsage
Il prit la bonne paille où dorment les chevaux
Vint le printemps le blé monta jusqu’à ses hanches
Elle eut deux mains l’une pour le dimanche
L’autre pour avancer le sel aux vagabonds
J’allais partir
Le bleu manquait
Et je touchais le fond
De ma vie comme on remue les pierres
C’était la grande panne de lumière
Lorsqu’un arbre passa
Il parlait bien
Le grain roulait entre ses doigts
son dos portait des traces d’ailes
Cet arbre ressemblait à celle
Que j’attends depuis tant de mois
Lentement il monta les marches
trouva la nuit et l’emporta
À sa place mit une lampe
À flamme douce de lilas
Je prends ses mains
Je n’ai plus mal
Je suis une longue patience végétale.
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Il est des portes de prison qu'il faut qu'on ouvre
Et c'est l'honneur de Picasso d'avoir ouvert
A coups de poing sanglants de cubes et d'éclairs
Le Paradis d'un temps fasciné par l'Enfer.
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La Haie Longue : 1 Km



extrait 2

Entre nous deux celle que j’aime et que tu prends
Pour un pommier sauvage, et toujours aussi belle
La poésie comme une graine dans le vent
Qui s’ouvre et se referme aux battements des ailes

Des maisons sont couchées sur des enfances basses
Pleines de géraniums et de bouquets chanteurs
Au creux de la vallée ce sont les trains qui passent
Et le convoi des solitudes sans chaleur

Mais près d’ici la bonne auberge, la tonnelle
Où volètent les mains fluviales les prénoms
Aimés ; et sur la table ronde qui chancelle
un verre vide avec des larmes dans le fond.
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La Haie Longue : 1 Km



extrait 1

Toi dont la jambe traîne un peu comme une brume *
D’été et comme si la douleur te tirait
Lentement vers la terre ô compagnon que j’ai
Choisi pour les yeux, enfin voici que s’allume

Toute ma vie et que je vois l’éternité
Pareille à ce pays mouvant où tu t’enfonces
Avec ta jambe un peu trop lasse dans l’été
Sous les sourcils trop bleus de la nuit qui se froncent

Ils marchent près de nous les amis de haut bord,
Grands couturiers de la saison, veneurs des villes
Eteintes, des couchants désolés, vers le port
Au pavillon de clair soleil inaccessible


* Il s’agit du poète Michel Manoll, qui claudiquait
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L'ALLÉE DU CALVAIRE



extrait 9

     Je regagnais la maison les bras chargés de longues herbes que dans mon pays on nomme herbes à tourterelles ou herbes tremblantes, et auxquelles mon amour ne donna jamais d'autre nom.
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L'ALLÉE DU CALVAIRE



extrait 8

     J'entraînais Grand-Mère, mécontente et boudeuse, par un raide petit escalier jusqu'à un terre-plein situé juste au-dessus de la chapelle. Dans une niche haute trois fois comme moi et grillagée, une statue de la Vierge aux couleurs délavées, et que j'aime beaucoup. Je lui porte des fleurs qui foisonnent sur le terre-plein, pervenches que je pique dans le treillage, entre deux étoiles au bleu pâli et un croissant. Dressé en équilibre sur le toit de zinc de la petite chapelle, j'aperçois là-bas, derrière la fuite des arbres, la morne étendue de la Grande Brière et le clocher de Saint-Joachim. Les Moulins de la Fortune tournent en chantant, un vent frais se lève soudain, je suis heureux. Mais je l'étais plus encore à l'époque de la Saint- -Jean, lorsque, mené par un grand gars de paysan, et tenu sur la selle trouée de la faucheuse, je faisais les foins à l'intérieur du calvaire — chaque année, quelques jours avant la procession.
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L'ALLÉE DU CALVAIRE



extrait 7

      « Donnez-nous, aujourd'hui, notre pain quotidien ! »...
« Quotidien », c'était pour moi un nom inscrit en caractères rouges sur le journal que chaque jour le facteur apportait à mon père. Pourquoi, le pain ? je n'en manquais guère et lui préférais les gâteaux à étoile de sucre, les castilles et le reinet gris de la mère Couvrant.
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L'ALLÉE DU CALVAIRE



extrait 6

     C'est dans ce voisinage que grand-mère Benoiston avait choisi de m'apprendre le « Notre-Père », sur un banc de pierre au ras du sol et tout inondé de soleil. Le temps avait disjoint les moellons et, furtifs, des lézards glissaient entre nos pieds.
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L'ALLÉE DU CALVAIRE



extrait 5

     On pousse une petite grille qui grince atrocement dans l'épais silence des quatre heures, et là, il y a toutes sortes de plantes à foin et de grands arbres. Les allées sont sablées, on fait le tour de la chapelle. Mais par la porte entrebâillée, quelle fraîcheur ! L'ombre après le grand soleil. L'autel est recouvert d'une nappe de dentelle avec des vases toujours garnis de fleurs. Je ne crois même pas qu'il y ait autre chose que des fleurs dans cette petite chapelle ; les lis et les asters ont mangé les statues, et c'est pour eux seulement qu'on vient là, qu'on reste agenouillé de longs instants sur un tabouret de paille. On n'entre point là pour prier, mais comme dans une auberge perdue de montagne pour y trouver fraîcheur et repos.
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L'ALLÉE DU CALVAIRE



extrait 4

     C'est dans cette allée du calvaire que j'ai fait mes premiers pas ; j'y boulais comme un lapin, plus rieur que maussade. J'ai trois ans maintenant, et dans les longues récréations de la fin juillet, j'y accompagne mes parents et leurs élèves. Ô jeu des quarante voleurs, jeu des barres, comme je vous aime, assis entre les jambes de Maman ; je délaisse volontiers les bruyères pour vous suivre, des yeux, comme une voile haute sur la mer.
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L'ALLÉE DU CALVAIRE



extrait 3

     Telle tu m'apparais encore, tapissée d'aiguilles de pin, ombreuse et bourdonnante de mille insectes à la fois éveillés. L'air monte lentement de la terre en petites fumerolles à odeur de résine ; il étouffe un peu, comme une effusion maternelle qui se prolonge ; il est plus frais dans le fossé où je descends souvent, une cuillère brisée à la main, creuser dans la glaise des miniatures de fours à pains et de cavernes. Je m'arrête au bruit d'une pomme de pin qui roule et dont le bruit se répercute un instant sous les branches. Un écureuil, comme une étincelle dans la soie, grignote le ciel immuable du feuillage. Je me couche alors sur le dos pour mieux voir, les yeux me brûlent, je vis en rêve et j'aperçois, par un trou bleu des arbres, de grands palais de nuages qui déambulent et où il fait bon habiter.
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