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Critiques de Robert Merle (1116)
Malevil

Merci aux boites à livres et à ceux qui déposent des livres, j'ai lu ce roman quand j'étais jeune, aimant la SF, il avait répondu à mes attentes, mais parfois les relectures me déçoivent, ayant 30 ans de plus.

Ce ne fut pas le cas de ce roman, d'un part car j'aime les romans post apocalypses, et l'écriture de Robert Merle est très riche.

Alors qu'une bombe a cramé une bonne partie de la planète,

5 amis sont dans la cave du château de l'un d'entre eux, ainsi que les autres occupant des lieux ; passé les premiers émois, il faut s'organiser pour survivre et se protéger ; leur avantage est, qu'il sont dans l'enceinte d'un château...
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Malevil

Dans Malevil Robert Merle imagine le monde après une catastophe nucléaire (inexpliquée). Il y a très peu de survivants et ils s’organisent en micro-société et doivent s’adapter aux éléments perturbés.

Ce livre fait résonner en nous des souvenirs d’enfants : « on dirait que... », « on ferait comme si... », mais dans le livre, ce n’est pas un jeu. Il y a des accents de Ravage (Barjavel) dans Malevil. Avec quelques questionnements intéressants pour aujourd’hui : comment se passer de la technologie sans y être préparé ? Et la question est d’autant plus brûlante en 2022 qu’en 1972 qui est la date de publication de Malevil.

Le thème de la relation aux autres en fait aussi un livre qui traverse les âges sans problème, aux préoccupations universelles. Propos à nuancer quelque peu avec la place de la femme qui a tout de même bien changé et dont la vision a évolué.

Le point de vue donné est celui du narrateur, Emmanuel Comte, que j’ai trouvé parfois un peu agaçant, avec un côté quelque peu donneur de leçons et imbus de sa personne. J’ai ressenti aussi quelques longueurs au milieu du livre. Mais ensuite l’action reprend et la fin se lit très vite.


Lien : https://chargedame.wordpress..
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La Mort est mon métier

*Chronique étoffée en podcast : lien dans le profil ou tout en bas de la critique*



C'est dur. Très dur. le portrait d'un homme fade s'accrochant à des principes, des guides, des chefs, pour se dégager de toutes responsabilités, justifiant son efficacité par une absolue loyauté.



Glaçant à bien des égards, cette embarquée dans la vie des nazis - qui ne sont ni pathologiquement cruels ni maladivement sadiques, mais simplement totalement déshumanisés, fanatisés - est un texte dont on ne ressort pas indemne.



Un livre qu'il est bon de lire pour se souvenir comment des citoyens normaux peuvent, sous l'impulsion de quelques chefs idéalisés habiles à exploiter les passions, les faiblesses et les humiliations, participer au mieux de leurs capacités à de telles exactions.



Une mise en garde qu'il serait bon de mettre entre toutes les mains.
Lien : https://anchor.fm/aymeri-sut..
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La Mort est mon métier

Je viens de le terminer... et je ne sais trop quoi en dire...

Le récit est passionnant mais dérangeant...

Le sujet? L'auteur a pris connaissance des entretiens entre un psychologue et Rudolf Hoess, l'un des "techniciens" de la mise en place des chambres à gaz et de la solution finale à échelle industrielle...

Robert Merle a modifié le patronyme car son enfance et sa vie de jeune homme ont été en partie romancées, mais toute la partie du livre depuis son entrée au parti jusqu'à son arrestation est fidèle à la réalité.

Quelle froideur, quelle déshumanisation!!! Son raisonnement est tellement mécanique, logique et mathématique qu'on en arrive même à oublier par moment qu'il parle d'êtres humains... Il est un soldat, il obéit au ordres, il n'a donc aucune responsabilité dans sa création et ses sentiments n'ont pas à entrer en ligne de compte. C'est cette notion d'excuse et d'absence volontaire de libre arbitre qui est dérangeante... on pourrait penser à lire ce roman à la première personne (et oui, c'est bien Rudolf le narrateur.... glaçant!) que la psychiatrie expliquerait certaines choses... mais hélas il n'en est rien!!! La plupart des SS, des SA et des officiels en parlent de façon normale avec le vocabulaire de l'industrie, de la performance, de la productivité, de la science et sécurité de l'Allemagne.

J'ai pas pu enchaîner tout de suite sur une autre lecture!
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La Mort est mon métier

On a beau connaître l'Histoire, savoir toutes les horreurs concentrationnaires commises, ce roman fait froid dans le dos.



C'est le rapport du psychiatre qui a longuement interrogé Rudolf Hoess, le commandant du camp d'Auschwitz, qui a inspiré le personnage de Rudolf Lang à Robert Merle. Et le résultat est à la hauteur de la réputation de l'écrivain. C'est très bien écrit, sans parti pris, et le roman décortique intelligemment la mécanique infernale qui transforme un être humain en monstre froid et sanguinaire.



Le livre montre toute l'importance de l'éducation dans le devenir de l'homme à l'âge adulte. Héros de la 1ère guerre mondiale, et fervent admirateur de l'idéologie nazie, Rudolf Lang ne pense qu'à obéir et à remplir au mieux les objectifs de la solution finale. Remarqué pour ses qualités d'organisateur, on découvre l'aspect "technique" de la construction et du développement d'un camp de concentration.



Le tout est effrayant, mais c'est un ouvrage qu'il faut avoir lu, et montre l'immense talent de Robert Merle. Car arriver à ce résultat sans mettre le lecteur au bord du malaise prouve la finesse d'esprit de l'auteur.



Un monument.

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Malevil

Grand classique du post-apocalyptique français, Malevil a inauguré ma PAL de l'été que j'ai sobrement intitulée "retour aux classiques du fantastique". Publié en 1972, il reprend les craintes de l'époque d'une apocalypse nucléaire, à laquelle une poignée d'hommes survivent grâce à la robustesse des pierres du château de Malevil. Ecrit sous la forme des mémoires du personnage principal (Emmanuel Comte, propriétaire original de Malevil) parfois entrecoupées de quelques réflexion d'un autre protagoniste, le roman change de certains autre classiques qui n'abordent que la survie à court terme. En effet, dès que la catastrophe est avérée, Emmanuel Comte et ses acolytes ont à cœur de reconstruire un semblant de civilisation, et de pérenniser la survie de tous. Porté par des personnages forts et principalement masculins (le roman est en effet assez viriliste), il met également en scène des portraits de femmes qui, s'ils peuvent paraître caricaturaux, sont beaucoup plus fins qu'ils peuvent le sembler de prime abord. Le style n'est pas si daté, et le roman se lit assez facilement. Mis à part une introduction qui traîne un peu, il ne souffre d'aucune longueur, mais il faut s'adapter au rythme parfois lent, pourtant en parfaite adéquation avec le rythme de vie imposé par les événements. Au final, les quelques 600 pages ne m'ont pas résisté plus de quelques jours, tant l'histoire est prenante. Abordant les thèmes chers au survivalisme (agressivité, justice, défense et place de la religion), Malevil dresse un fresque de grande ampleur, et cherche a faire triompher les hommes de leurs propres faiblesses et travers. Formidable aventure humaine, un roman à lire absolument, que je rapprocherais du roman Ravage, de René Barjavel, qui m'avait également marqué en son temps. Un mot pour finir sur l'adaptation qu'en a fait Christian de Chalonge en 1980. Prenant beaucoup de libertés avec le roman (au point que Robert Merle a totalement désavoué le film), il n'en reprend que la situation de base et le personnage principal (formidable Michel Serrault, qui incarne selon moi parfaitement le rôle, avec le génie qui était le sien), les autres personnages étant totalement réinterprétés voir inventés. Il est cependant également une oeuvre admirable à découvrir, à l'atmosphère et au rythme incomparable, une vraie réussite du cinéma fantastique français.
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Malevil

Malevil est un classique de la littérature de science-fiction française, qui n’est pourtant pas très connu du grand public (un peu comme La nuit de temps de Barjavel).

Nous sommes dans une époque post-apocalyptique. Après une cinquantaine de pages pour raconter le « monde d’avant » (la campagne française dans les années 70), Emmanuel, le narrateur, explique ce que lui et ses compagnons ont ressenti lorsqu’un matin, alors qu’ils étaient occupés dans la cave à vins de son château de Malevil, une catastrophe – qu’il suppose nucléaire – a brutalement fait augmenter la température terrestre et a tout brûlé sur son passage. Il fallait être particulièrement protégé pour être épargné et ce fut le cas pour une poignée de personnes…

Emmanuel et ses compagnons organisent donc leur survie dans un monde dévasté, privé d’électricité et à la nature calcinée. Vie en communauté, rationnement, exploitation des talents de chacun, troc avec la ville voisine… Emmanuel devient vite le leader au sein de son groupe. Bien entendu, les dangers ne sont pas loin, puisque certains survivants extérieurs n’hésitent pas à manipuler des groupes pour les asservir ou à les attaquer.



J’ai entendu certains lecteurs critiquer la lenteur de l’action, le luxe de détails que se permet l’auteur. Je n’ai absolument pas ressenti cela ; au contraire, j’étais dans l’action de bout en bout ! Je ne me suis pas ennuyée une seule seconde et je ne crois pas avoir trouvé de passages superflus – tout au plus, la répétition d’un verbe méconnu chéri par l’auteur, parpaléger, m’a un peu agacée (il ne figure même pas dans les dictionnaires officiels).



Si le scénario ou la plume ne m’ont pas posé problème, un point m’a mis très mal à l’aise : la vision des femmes. J’ai du mal à poser le doigt sur ce qui me dérange tant, mais je vais essayer de vous l’expliquer.

Qu’elles soient vieilles ou jeunes, elles participent à la survie du groupe ; les jeunes surtout se battent et peuvent avoir de bonnes idées. Mais tout au long du roman, reste l’idée que « les femmes » posent quantité de problèmes, en semant la zizanie parmi les hommes.

Pour la première, Miette, le héros qui la ramène au château décide – quelle grandeur d’âme – de la laisser choisir avec qui elle veut être. Si elle veut mettre son corps à la disposition de tous (six hommes), c’est encore pour le mieux. C’est ce qu’elle fait, l’auteur mettant un point d’honneur à expliquer qu’en plus, elle-même n’y prend pas spécialement de plaisir. Miette ne pose donc pas trop de problème : elle n’est pas exclusive, mieux, elle n’est pas séductrice et elle est même muette !

En revanche, la seconde jeune femme qui rejoint le groupe aime jouer de ses charmes et se choisit un élu, sans lui promettre pour autant l’exclusivité : que de soucis en perspective…

Bref, tandis que les jeunes femmes empêchent les hommes de réfléchir clairement et sont un objet de discorde, les vieilles sont une gêne à la bonne cohésion du groupe, voire à sa survie.



Si l’aspect que je viens de développer est un point sensible pour vous, Malevil vous embêtera sans doute beaucoup, car c’est léger, mais très prégnant. C’est vraiment le seul point négatif pour moi et, sans cela, peut-être ce roman aurait-il été un coup de cœur, car il est passionnant, réaliste et plein de réflexion. Je suis très contente d’avoir enfin tiré ce roman des étagères parentales et d’avoir découvert cet auteur français bien connu.

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Fortune de France, tome 1 : Fortune de France

J'a longtemps hésité avant de lire Fortune de France. Les critiques étant si élogieuses j'avais peur de trop attendre de ce roman. Ensuite, l'idée d'ajouter une nouvelle série de romans dans celles que j'ai déjà commencé me laissait craindre de ne pas aller au bout de cette oeuvre.

Mais j'ai fini par succomber à la tentation. Pour mon plus grand bonheur. Tout a été dit sur le style, l'écriture, le récit, la vie ou les personnages présents dans ce roman. Je ne ferai que plagier les autres analyses si je me lançais dans un Nième éloge. Je me contenterai donc de dire que ce Fortune de France est une pépite de roman historique. Une façon idéale de se plonger dans cette France qui se déchire sur fond de Réforme. Certes, le point de vue est "Huguenot centré" mais il dépeint avec adresse les tensions entre les deux communautés.

Et si quelques uns d'entre vous ont peur de cette langue qu'on dit proche de celle du 16e siècle, sachez quand même que le récit se lit sans la moindre difficulté.

Aujourd'hui, je n'ai qu'une hâte : me plonger dans la suite.
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Malevil

Ma lecture de Malvil remonte à mon adolescence, et je me souviens avoir été fasciné par ce roman post-apocalyptique prenant place dans la campagne française, à l'ombre du château éponyme. Survivre dans l'immédiat d'abord, comment s'organiser pour ne pas mourir de faim maintenant ? Puis après ? Comment s'organiser ? Comment gérer les ressources ?

Mais pour autant, j'avais moins apprécié la seconde partie du roman à partir du moment où l'univers des survivants s'ouvre de nouveau, l'aspect de manipulation et de culte de la personnalité que le personnage principal établit autour de lui... Mon sens critique était moins affirmé à l'époque et des termes comme machisme éhonté n'étaient pas vraiment dans mon vocabulaire, mais même ainsi, sans pouvoir vraiment l'analyser, j'avais confusément été gênée par le traitement fait aux personnages féminins du roman, courbant la nuque sous une espèce d'intérêt supérieur de l'humanité édicté par Emmanuel, et bien entendu à son avantage...



Je ne me souvient pas bien de la fin, et c'est un roman que je relirais je pense avec un certain plaisir, mais peut-être aussi bien moins de patience envers le personnage principal.
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La Mort est mon métier

Un très bon livre que je connaissais depuis longtemps mais n'avais pas encore eu l'occasion de lire : c'est chose faite et ç'aurait été dommage de passer à côté !



Passionnant de voir comment se forme un esprit dans les premières années de son enfance ... L'impact que peut avoir l'éducation sur sa vie future. Robert Merle l'a bien compris et nous offre là un bel exemple de conditionnement irréversible ...
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Malevil

Personne n'a relevé la misogynie de ce livre : les seules femmes survivantes sont vieilles, laides (sèches ou obèses) donc imbaisables mais utiles au ménage et à la bouffe (à condition qu'elles se taisent). Puis arrive une jeune, baisable et ...muette, qui va coucher (parce qu'elle est généreuse...) avec tous les hommes à tour de rôle (et l'auteur ose nous parler de sa liberté de choix ! Par la suite d'autres femmes arriveront : une nymphomane ou présentée comme telle (et le héros ,qui couche avec tout ce qui bouge,il est comment?) .La seule qui trouve grâce aux yeux du héros est une jeune vierge, capricieuse, qui lui est dévouée corps et âme (elle s'immolera sur son cadavre) . Bref, j'ai trouvé ce livre très déplaisant : il est censé parler de faits se déroulant dans les années 1970 et j'espérais un autre traitement de la gent féminine...Qui a dit "la femme est l'avenir de l'homme"?
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La Mort est mon métier

Oui, pour Rudolf Lang, "la mort est un métier", où il faut penser productivité, économie d'échelles, rendement, management des équipes... Il faut traiter le plus "d'unités" possible, rapidement, à moindre coût, sans laisser de trace - hormis quelques cendres et une odeur tenace. Il faut donc de la place pour implanter les sites, une bonne desserte en transport en commun, une solitude par rapport à la population locale, et, surtout, utiliser une langue codée, tellement obscure et en même temps tellement rationalisée qu'elle dissimule la réalité du génocide et surtout sa violence. Les SS dissimulent leur œuvre de mort sous de nombreux rapports, des visites d'inspection, des montagnes de chiffres...

Mais c'est aussi le récit très psychanalytique d'un enfant devenu adulte qui se cherche un père. Le père, le premier, est une figure d'emprise et de terreur, le père confesseur est celle de l'hypocrisie, celle du Père - du Notre-Père est terrifiante puisqu'elle permet la violence et la souffrance. Rudolf perd l'amour filial, perd la foi, jusqu'à ce qu'il se trouve un père de substitution, un officier qui saura lui donner des ordres auxquels il pourra obéir.

Je comprends qu'on retienne cet officier en chef d'Auschwitz, mais le personnage ne l'est que dans moins d'un tiers du livre. Ce qui est fascinant - dans le sens premier de ce qui attire, sans qu'on puisse détourner le regard, c'est son parcours, ce qui l'amène à devenir ce fonctionnaire ordinaire, non un sadique, mais un bureaucrate qui accomplit les ordres, une incarnation de la "banalité du mal".
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L'île

Si ce livre n'est pas historique, il s'inspire directement de la mutinerie bien réelle de l'équipage du Bounty. Robert Merle a cependant choisi de rebaptiser le navire, d'en recomposer l'équipage et surtout de se focaliser sur la suite de cet épisode sanglant.





Réfugiés à Tahiti, dans l'incapacité de rejoindre l'Europe, sous peine de risquer la peine de mort, une partie d'entre eux décide de se construire une nouvelle vie sur une île inhabitée du pacifique. L'hospitalité des locaux et les liens fraternels qui unissent Purcell au chef Otou, leur permettront d'étoffer leur nouvel équipage et hommes et femmes volontaires, ainsi qu'en vivres.



Ce qu'il adviendra sur leur terre promise dépendra de la capacité de cohabitation entre ces hommes et ces femmes d'horizons et de cultures différentes.



Robert Merle, en homme blanc de son époque, a bien du mal à éviter certains écueils. Le male gaze, par exemple, sans être aussi dégoulinant que dans "Malevil", reste présent. Néanmoins, on sent que l'auteur a pleinement conscience de son identité et qu'il ne cherche pas à outrepasser le lieu social duquel il écrit.



En faisant de son héros un homme tiraillé, foncièrement bon et respectueux, il peut à la fois critiquer l'esprit colonisateur des blancs, la violence des hommes, et se questionner sur la place laissée aux femmes sans passer pour un usurpateur.



J'ai craint au début que ce point de vue laisse les tahitiens devenir un groupe traité comme une globalité mais le développement de l'intrigue permet à chaque personnage secondaire de révéler son identité propre.



Le développement est intéressant et, même si on se plaît à imaginer ce qu'aurait pu donner une relecture de ce texte sous la plume d'une autrice tahitienne, j'ai aimé le fait que la réflexion soit poussée, de façon honnête, avec ses qualités et ses maladresses.
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Malevil

Malevil /Robert Merle

« Malevil, c’est un grand château fort du XIIIe, à demi en ruine, juché à mi-hauteur d’une falaise abrupte qui domine la petite vallée des Rhunes. » Emmanuel a alors onze ans. Il est amoureux d’Adélaïde l’épicière du village, il a installé le Cercle, société archisecrète de sept membres fondée en l’école de Maléjac (401 habitants dans le Sud-Ouest de la France), dont il est le père, et il conçoit une nouvelle façon d’envisager la religion. Adélaïde fascine littéralement Emmanuel par sa blondeur et son abondance de formes qu’il associe à la bonté.

Souvenirs d’autres temps : le narrateur, Emmanuel, se remémore cette enfance riche et aventureuse au sein du terroir français. Aujourd’hui, après la « cassure » comme certains disent, il ne reste que les souvenirs pour se rattacher à la vie. Le moment important du début de sa vie d’homme fut à la mort accidentelle de son cher oncle le rachat du domaine de Malevil avec le château et les terres alentour, et ce grâce à un pécule que cet oncle avait savamment dissimulé entre les pages d’encyclopédies Larousse et même de la Bible.

Et puis un jour, alors qu’Emmanuel tire du vin de ses barriques et le déguste avec ses amis dans les caves du château, l’électricité vient à manquer, le poste radio transistor de Momo le fils de la Menou devient muet et un bruit assourdissant et effroyable retentit tandis qu’une vague de chaleur inouïe et insupportable se fait sentir jusque dans la cave pourtant bien abritée. Et Emmanuel d’ajouter : « En même temps que la faculté de raisonner, je perdis la notion du temps. » Il en est de même pour Colin, Peyssou, Meyssonnier et Thomas, sans oublier la seule femme, la Menou, ménine du domained’Emmanuel, et bien sûr son fils handicapé Momo. Sidérés et écrasés de chaleur ils quittent leurs vêtements et attendent prostrés d’avoir une idée sur la conduite à tenir. Ils n’imaginent pas encore l’ampleur de la catastrophe qui vient de frapper le monde : une guerre atomique.

Quand ils ont compris l’ampleur du désastre, ils réalisent que tout hommes qu’ils sont avec une seule femme qui ne peut plus avoir d’enfant, l’avenir de la race est compromis : « L’homme, c’est la seule espèce animale qui puisse concevoir l’idée de sa disparition et la seule que cette idée désespère. Quelle race étrange : si acharnée à se détruire et si acharnée à se conserver. »

Peu à peu s’organisant pour tenter de survivre, ils se regroupent le soir auprès de la cheminée où flambe un feu de chaleur et de lumière : « La Menou jeta des brindilles dans le feu pour me donner de la lumière, j’ouvris la Bible à la première page et je commençai à lire la Genèse. Tandis que je lisais, une émotion mêlée d’ironie m’envahit. C’était là, à n’en pas douter, un magnifique poème. Il chantait la création du monde et moi, je le récitais, dans un monde détruit, à des hommes qui avaient tout perdu…Mais pourquoi Dieu avait-t-il laissé sa créature détruire sa création ? »

Progressivement Emmanuel organise la survie : finis les gaspillages, plus rien n’est à jeter, pas même un bout de papier, pas même un emballage, pas même une boîte de conserve vide, pas même une bouteille en plastique ni un morceau de corde ou de ficelle, un clou tordu ou rouillé ou le moindre ais. On ressort les caleils et les bougies. « Curieux comme, l’argent parti, les faux besoins se sont évanouis avec lui. Comme au temps de la Bible ; nous pensons en termes de nourriture, de terre, de troupeau et de conservation de la tribu. » La vie devient un bien précieux : « on devrait vivre en portant plus d’attention à la vie. Elle n’est pas si longue. »

Puis se pose la grande question inévitable et logique : y a-t-il des survivants ailleurs qui aient pu se trouver au moment de l’impact dans des grottes ou des souterrains. Très vite nos héros vont être fixés quand vont déferler les hordes de pillards venus d’ailleurs…

Publié en 1972, ce roman post - apocalyptique fabuleux de 630 pages, épique, passionnant et palpitant ne pourra que ravir tous les lecteurs de belles histoires bien écrites où l’amitié et l’amour ne sont jamais un vain mot. J’ai lu et relu ce livre qui pose et repose des questions essentielles, sociales, politiques, religieuses, existentielles et métaphysiques. Au terme de cette épopée, Emmanuel ne peut que constater que la bêtise humaine et la bassesse de l’homme lui paraissent sans limites et il se demande in fine si ça vaut bien la peine de se donner tant de mal pour perpétuer cette méchante petite espèce. C’est Thomas qui conclut en songeant qu’une bonne dose de machiavélisme est nécessaire à quiconque entend diriger ses semblables même s’il les aime. » Bravo M. Merle pour ce riche roman qui fait réfléchir.

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La Mort est mon métier

"La Mort est mon métier" est la biographie à peine romancée de Rudolf Hoess, le commandant du camp de concentration d'Auschwitz. Pour essayer de nous faire comprendre ce qui est si difficile à concevoir; à savoir comment un homme peut en arriver à commettre de telles atrocités, Robert Merle choisit de commencer la narration quand le personnage principal a 12 ans environ.

Et l'on comprend ainsi que la génération née au tout début du siècle (~1900) a été très marqué par les événements qui ont eut lieu au cours de cette époque : la première guerre mondiale et toutes ses conséquences en terme de violence, fanatisme, pauvreté...et les espoirs qu'un homme a pu faire naître en eux pour relever la tête.

Le titre du livre est très bien choisit. En effet, on entre dans la tête de cet homme dont la première préoccupation est d'imaginer un processus de mise à mort rapide, efficace qui ne laisse quasiment aucune trace. De cette façon, apparaît sous nos yeux la genèse même de la solution finale en terme purement technique et pratique(!). Le personnage principal se voit confié une mission d'extermination qu'il tente au maximum de mener à bien. Pour cela il se déshumanise en ne pensant plus aux personnes qu'il doit éliminer comme des humains mais comme des "unités".

J'avoue avoir eu la nausée en lisant les détails des rouages de la rationalisation de la machine de mort qu'a été Auschwitz.

C'est un livre intéressant de part en part, mais parfois difficile à lire -non pas du fait du style, qui est impeccable-mais des efforts effectués par l'auteur pour montrer l'implication totale des hommes qui ont contribué à mettre en place cette machine de mort que fut ce camp.

Instructif pour essayer de comprendre l'incompréhensible.
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La Mort est mon métier

Retour de lecture sur "La mort est mon métier" de Robert Merle, écrit en 1953, qui est un roman vraiment exceptionnel. C'est un témoignage très original et unique sur la Shoah. Merle raconte à la première personne l'histoire de Rudolf Hoess (Rudolph Lang dans le roman), commandant des camps de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau. A travers son parcours et une écriture à la première personne, Merle nous permet vraiment d'appréhender la psychologie de ce personnage qui a été l'un des principaux bras armés d'un système monstrueux. Les problématiques de Hoess sont traitées de manière totalement déshumanisée, son professionnalisme est effrayant, sidérant, et probablement très proche de la réalité. Le tout est raconté en étant dans la peau de quelqu'un qui est toujours resté fidèle à ses valeurs, et qui estime n'avoir jamais rien eu à se reprocher. Ce livre permet de comprendre comment l'humanité arrive à produire de telles personnalités qui vivent dans une logique monstrueuse, totalement déconnectée, mais cohérente de leur point de vue. A noter que le livre est très bien écrit, avec un style très vivant, très bien construit et détaillé. Merle s'était longuement documenté sur le parcours et la psychologie de son personnage, notamment à travers les transcriptions du procès de Nuremberg. 
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La Mort est mon métier

Heili Heilo, il rentrait du boulot...



Rudolf Lang n'est pas une personne très sensuelle. Rudolf lang est dans l'incapacité morale et physique de discuter un ordre. Rudolf Lang est une machine.



Rudolf Lang est en fait Rudolf Hoess et il est celui qui a perfectionné la machine de mort nazie.



Robert Merle nous raconte la construction de Rudolf. Comment l'adolescent soumis et impressionné par un père catholique mystique en vient à perdre la foi et à trouver sa voie et sa véritable famille dans les corps qu'il va rejoindre et qui le rassurent, lui qui ne supporte pas l'imprévu.

A l'armée d'abord en tant que tout jeune appelé (16 ans).

Au sein du parti des SA ensuite, qui l'accueille au moment où il se rend compte de son inadaptation au monde Allemand de l'après 1ère guerre, dans une économie en ruine et en butte aux menées spartakistes.



La suite de la carrière de Lang prendra un tour exceptionnel quand Himmler lui confiera la lourde tache d'industrialiser le processus génocidaire dans les camps d'Auschwitz-Birkenau.

C'est à ce moment que Lang donne toute la mesure de son horrible talent. Sans état d'âme.



Une fois le livre refermé, qu'en penser ?



L'interrogation habituelle sur les ouvrages portant sur ce thème ne peut être évitée : peut-on romancer l'Histoire ? A t-on le droit d'imaginer ?



Débat sans fin que je me garderais bien d'aborder.



Bien sûr, Merle fait un choix et oriente l'étude pour servir son propos.

Mais il le fait avec beaucoup de talent.

Je ne sais pas si le cheminement de Lang rejoint réellement celui de Hoess, mais Robert Merle donne une véritable épaisseur à son personnage et le rend très crédible.



Comment oublier par exemple, ce passage où la femme de Rudolf lui demande s'il contreviendrait à sa discipline de fer dans le cas où on lui demanderait de sacrifier son fils ?



Donc, un livre hautement recommandable, qui va bien au delà de l'exercice de style.



Si je ne lui attribue toutefois pas, 5 étoiles, c'est en raison d'un début que j'ai trouvé un peu poussif et surtout d'un passage qui laisse entendre que les civils (dont Mme Lang) ignoraient ce qui se passait réellement dans les camps. J'ai beau me forcer, j'ai du mal à croire à cette fable. Comme Desproges que je me permets de citer : "Ne me parlez pas de la non-responsabilité du savant face aux utilisations détournées de ses découvertes. Il y a autant de savants innocents dans le monde qu'il y avait de paysans persuadés d'habiter près de l'usine Olida dans les faubourgs de Buchenwald."
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La Mort est mon métier

j’aime les livres qui ouvrent mon horizon, qui m’amènent à réfléchir à prendre du recul. ce livre fait parti de ceux-ci. Essayer de comprendre qui, quel être humain a pu imaginer le camp de concentration d’Auschwitz et ses chambres à gaz. Tenter de comprendre l’incompréhensible, l’inimaginable et l’inacceptable
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La Mort est mon métier

L'histoire d'un nazi responsable d'un camp de concentration, inspirée de l'histoire de Rudolph Hoes.

La première partie parle de son enfance.

La seconde, de l'homme qu'il est devenu, l'une permettant d'expliquer (et non d'excuser bien entendu) l'autre.



Le livre a forcément quelques passages difficiles (sur le plan émotionnel), mais c'est loin d'être l'essentiel du livre. Un livre intéressant pour comprendre comment un homme devient une machine à tuer. Une lecture forte que je recommande vraiment !
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Fortune de France, tome 1 : Fortune de France

Quel auteur, ayant attaqué des thèmes aussi divers que Malevil, La mort est mon métier, Week-end à Zuydcottee avec le même bonheur. Et puis, et puis:

Fortune de France, un sommet. Après avoir fait sa connaissance on ne peut plus quitter Pierre de Siorac et ses compagnons de fortune et, parfois d'infortune. Le langage en est merveilleux reprenant moultes expressions d'époque sans jamais être incompréhensible, la narration nous fait traverser l'histoire et nous l'apprend en douceur. Dans les convulsions des guerres de religions, de brûlante actualité il nous rappelle que les dites religions ont toujours été à l'origine des plus effroyables carnages. Il y aurait sans nul doute des leçons à en tirer...Un chef d'oeuvre absolu
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