AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Roger Zelazny (471)


Un combat n'est pas un jeu et je ne voulais certes pas me tenir à la disposition de tout âne prétentieux qui pensait différemment.
Commenter  J’apprécie          40
Malgré nos haines spectaculaires et nos petites rancunes, nous autres, Ambriens, avons l'esprit de famille à un degré surprenant. Nous cherchons toujours à avoir des nouvelles les uns des autres, à connaître la position de chacun dans le tableau toujours changeant. Une pause pour échanger des potins a sans aucun doute arrêté plus d'un coup fatal entre nous. Je nous imagine parfois comme une bande de vieille mégères vivant dans quelque chose qui tiendrait à la fois de la maison de repos et de la course d'obstacles.
Commenter  J’apprécie          40
On dit qu'en la trente-troisième année après sa délivrance il revint du Nuage d'Or pour accepter une fois encore le défi du Ciel, combattre l'ordre établi et les dieux qui l'avaient imposé. Ses disciples avaient prié pour son retour, bien que ces prières fussent péché. La prière ne doit pas troubler celui, qui a atteint de Nirvâna, quelles que soient les corconstances de son départ. ceux qui portent la robe safran avaient pourtant prié pour que Mansjuri, Celui qui porte l'épée, revînt parmi eux. On dit que le Boddhisatva les entendit...
Commenter  J’apprécie          40
" On dirait que le faire évader va être délicat, dit Luke. Et tu penses que ta mère est derrière tout ça ?
- Ouais.
- Je croyais être le seul à avoir ce genre de problème avec sa mère. Mais ça se tient, puisque c'est la tienne qui a tout appris à la mienne.
- Comment se fait-il que nous soyons restés si normaux ? "
Il se contenta de me dévisager pendant quelques secondes. Puis il éclata de rire.
" Enfin, je [i]me sens[/i] normal, dis-je?
- Bien sûr, et c'est ce qui compte, répondit-il vivement? Dis-moi, si ça en venait à un duel de sorciers, penses-tu pouvoir battre Dara ?
- Difficile à dire. Je suis plus fort que jamais, grâce à l'aiguillier, mais je commence à me dire qu'elle est très forte.
- L'aiguillier ? Qu'est-ce que c'est que ce truc-là ? "
Je lui racontai donc aussi cette histoire-là.
Commenter  J’apprécie          40
Luke m'adressa un large sourire, regarda Jurt de travers.
" Où étais-tu passé ? demanda-t-il.
- Dans les Cours du Chaos. On m'y a appelé pour la mort de Swayvill. Les funérailles ont lieu en ce moment. Nous nous sommes éclipsés quand j'ai appris que Corail était en danger.
- Je sais... dit Luke. Elle a disparu. Enlevée, je pense.
- Quand ce la s'est-il passé ?
- Avant-hier soir. Que sais-tu à ce sujet ? "
Je lançai un coup d'œil à Jurt. " Le décalage temporel dit-il.
- Elle représente l'occasion de marquer quelques points dans la partie en cours entre la Marelle et le Logrus, expliquai-je. Des agents du Chaos ont donc été envoyés pour l'enlever. Ils la veulent intacte, malgré tout. Elle ne risque rien.
- Pourquoi ont-ils besoin d'elle ?
- Ils ont l'air de trouver qu'elle ferait une reine idéale, avec la Pierre du Jugement intégrée à son anatomie...
- Qui sera le nouveau roi ? "
Je me sentis soudain le visage en feu.
" Eh bien, les gens qui l'ont enlevée m'ont en tête pour le boulot.
- Toutes mes félicitations. Je ne serai plus le seul à m'amuser comme un petit fou.
- Que veux-tu dire ?
- Le boulot de roi ne vaut pas un clou, mon vieux. Je voudrais ne jamais m'être laissé entraîner là-dedans. On n'a pas une minute à soi, et quand par miracle on en a une, quelqu'un doit toujours savoir où l'on est.
- Bon sang, tu viens tout juste d'être couronné. Attends que les choses se tassent un peu.
- Tout juste ? Ça fait plus d'un mois !
- Le décalage temporel, répéta Jurt.
- Venez. Je vous offre une tasse de café, dit Luke.
- Tu as du café, ici ?
- J'en ai besoin, mon vieux. Par ici. " Il nous précéda hors de la pièce, tourna à gauche, descendit un escalier.
Commenter  J’apprécie          40
Alors que je projetai deux des énergies les plus mortelles de l'aiguillier, l'image du Logrus les intercepta et les neutralisa.
" Je ne l'ai pas sauvé pour que tu le détruises si facilement", dis-je, et au même instant une image qui évoquait la Marelle, sans être tout à fait elle, se matérialisa.
Le signe du Logrus glissa sur ma gauche. Me nouvel arrivant - quoi qu'il fût - le suivit et tous deux passèrent silencieusement à travers le mur. Presque aussitôt retentit un coup de tonnerre qui ébranla le bâtiment. Même Borel, qui s'apprêtait à tirer son épée, interrompit son geste, puis tendit la main pour s'accrocher à l'encadrement de la porte. À ce moment-là, une autre silhouette apparut derrière lui et une voix familière l'interpella : " Veuillez m'excuser. Vous me bouchez le chemin.
- Corwin ! m'écriai-je. Père ! "
Borel tourna la tête.
" Corwin, prince d'Ambre ? demanda-t-il.
- Effectivement. Mais je ne crois pas avoir l'honneur de vous connaître.
- Je suis Borel, Duc d'Hendrake, Maître d'Armes des Passes d'Hendrake.
- Vous ne lésinez pas sur les majuscules, messire, mais je suis enchanté de faire votre connaissance, dit Corwin. Maintenant, si ça ne vous dérange pas, j'aimerais entrer dire bonjour à mon fils. "
La main de Borel se porté sur la poignée de son épée tandis qu'il se retournait. Je me précipitais déjà, de même que Luke. Mais il y eut alors un mouvement derrière Borel - un coup de pied au creux du jarret, semblait-il - qui le fit se plier en deux. Puis un poing s'abattit sur sa nuque et il tomba.
" Venez, dit Corwin en nous faisant signe. Je crois que nous ferions bien de nous tirer d'ici. "
Nous sortîmes, enjambant le Maître d'Armes des Passes d'Hendrake étendu à terre. Sur notre gauche, le sol était noirci, comme après un incendie de forêt, et une légère pluie commençait à tomber. Nous vîmes au loin des silhouettes qui se dirigeaient vers nous.
" Je ne sais pas si la force qui m'a amené peut me ramener, dit Corwin en jetant un coup d'œil à la ronde. Elle pourrait être occupée ailleurs. " Quelques instants s'écoulèrent, puis il reprit : " C'est sans doute le cas. Bon, à toi de jouer. Comment fuyons-nous ?
- Comme ça..." Je tournai les talons et partis en courant.
Commenter  J’apprécie          40
Un couronnement n'est jamais qu'un couronnement. Ça peut paraître cynique, et ça l'est probablement, surtout quand le héros du jour est votre meilleur ami et sa reine notre amante involontaire. Mais il y a toujours un cortège, avec des flots de musique solennelle, des vêtements aussi inconfortables que chatoyants, de l'encens, des discours, des prières et des volées de cloches. On s'y ennuie, on y souffre généralement de la chaleur et on doit néanmoins s'efforcer de faire bonne figure, comme lors des mariages, des distributions de prix et des initiations secrètes.
Commenter  J’apprécie          40
Puis il se produisit un éclair aveuglant, pendant que je pliais les jambes pour me stabiliser, parais un coup de taille dirigé vers mon crâne et entreprenais de me redresser. Je pus alors constater que j'avais entaillé l'avant-bras de mon adversaire et que du feu jaillissait de sa blessure, comme de l'eau d'une fontaine. Son corps devint luminescent et les contours de sa partie inférieure s'estompèrent.
"Ce n'est pas grâce à ton adresse que tu m'as touché !" protesta-t-il.
Je haussais les épaules.
"Nous ne participons pas aux jeux Olympiques d'hiver", lui fis-je remarquer.
Commenter  J’apprécie          40
" Que fais-tu ici, mon garçon ?" s'enquit une voix familière.
Je me redressai aussitôt, pour constater que la grande silhouette sombre qui avait émergé de dernière le bloc de glace ne s'adressait pas à moi. L'homme souriait Jurt de la tête.
"De la figuration dans une histoire de fou, répondit le spectre de mon demi-frère.
- Et je présume que voici le fou en question. Il cueille une fleur. Une rose en argent d'Ambre - celle du seigneur Corwin, si je ne m'abuse. Bonjour, Merlin. Serais-tu à la recherche de ton père ? "
Je retirai un des fermoirs de rechange que je gardais dans la doublure de mon manteau et l'utilisai pour fixer la rose à gauche de ma poitrine. Mon interlocuteur n'était autre que le seigneur Borel, duc de la Maison royale de Swayvill et - selon certaines rumeurs - ancien amant de ma mère.Il était aussi censé être un des plus redoutables bretteurs des Cours. Tuer Corwin, Bénédict ou Éric était devenu pour lui une véritable obsession, jusqu'au jour où son chemin avait croisé celui de mon père. Malheureusement pour lui, papa était pressé - et ils n'avaient pas eu l'occasion de croiser le fer. Corwin s'était contenté de lui jouer un tour à sa façon et de l'éliminer à l'issue d'un combat peu loyal sur le plan technique. Je n'y trouvais rien à redire. Cet individu ne m'avait jamais été sympathique.
" Vous êtes mort, Borel, lui dis-je. Le savez-vous ? Vous n'êtes que le spectre de l'homme que vous étiez le jour où vous avez traversé le Logrus. Dans le monde réel il n'existe plus de seigneur Borel. Souhaitez-vous en apprendre la raison ? Parce que Corwin vous a tué le jour de la bataille entre Ambre et le Chaos.
- Tu mens, morveux !
- Pas du tout, avança Jurt. Vous êtes bien mort. Transpercé de part en part, à ce qu'on dit. Mais je ne savais pas que c'était Corwin qui vous avait trucidé.
- C'est bien lui", confirmai-je.
Borel détourna les yeux et je vis les muscles de sa mâchoire se contracter et se détendre à plusieurs reprises.
" Et nous nous trouverions dans une sorte d'après-vie ? demanda-t-il un peu plus tard, toujours sans nous regarder.
- Je suppose qu'un tel nom est approprié, lui dis-je.
- Risque-t-on d'y mourir à nouveau ?
- Je le pense.
- Qu'est-ce que c'est que ça ? "
Il avait baissé les yeux et je l'imitai. Quelque chose reposait sur la glace non loin de nous. Je fis un pas dans cette direction.
" Un bras, déclarai-je. Humain, dirait-on.
- Que fait-il ici ?" demanda Jurt qui vint me rejoindre et donna un coup de pied dedans.
Le mouvement qui lui fut ainsi imprimé nous démontra qu'il n'était pas posé sur la glace mais qu'il en saillait. Il se plia et fut agité de contractions spasmodiques pendant plusieurs secondes. J'en remarquai alors un autre, un peu plus loin, et ce qui paraissait être une jambe. Au-delà, il y avait une épaule à laquelle était rattache un bras, une main...
" Le congélateur d'un cannibale", suggérai-je.
Jurt gloussa.
" Tu es donc mort, toi aussi, conclut Borel.
- Non, répondis-je. Je suis le Merlin, authentique. Je ne fais d'ailleurs que passer, sur mon chemin pour un monde meilleur, bien meilleur.
- Et Jurt ?
- Il pose un problème intéressant, à la fois physique et théologique. Il bénéficie d'un étrange don d'ubiquité.
- Dire que j'en bénéficie me paraît exagéré, fit observer l'intéressé. Mais compte tenu de l'alternative je dois m'estimer heureux d'être ici.
- Voilà bien le genre d'attitude positive qui a permis au Cours de réaliser tant de prodiges au fil des ans", commentai-je.
Nouveau gloussement de Jurt.
Commenter  J’apprécie          40
" P'pa ! Arrête, s'il te plaît ! Je me suis donné beaucoup de mal pour t'envoyer dans cette ombre perdue et voilà que tu sembles vouloir te faire remarquer.
- Allons ! Tout ce que je veux, c'est un peu de café.
- Je m'en charge. Mais abstiens-toi d'utiliser tes pouvoirs jusqu'à nouvel ordre.
- Comment peux-tu être plus discret que moi ?
- J'effectue des détours. Tiens ! "
Une tasse en pierre sombre se matérialisa sur le sol de la caverne, juste à côté de ma main droite.
" Merci. " Je la pris et humai le breuvage noir et fumant. " Qu'as-tu fait de Jasra et de Mandor ?
- Je les ai expédiés dans des directions différentes, au sein d'une multitude d'images-leurres qui vont et viennent. Il ne te reste qu'à te faire oublier, à attendre que son attention s'éatténue.
- Son attention ? De qui parles-tu ?
- De l'entité qui garde Corail prisonnière. Elle ne doit pas nous trouver.
- Pourquoi ? Il y a peu de temps, tu te demandais si tu n'étais pas un dieu. Que peux-tu bien redouter ?
- Cela. Cette chose paraît être plus puissante que moi, même si ma rapidité est supérieure à la sienne.
- C'est déjà ça.
- Passe une bonne nuit. Je te ferai savoir demain matin si ton adversaire te pourchasse toujours.
- Je le découvrirai peut-être avant.
- Ne bouge pas d'ici, sauf si c'est une question de vie ou de mort.
- Telles n'étaient pas mes intentions. Et si mon adversaire me retoruve ?
- Fais pour le mieux.
- Pourquoi ai-je l'impression que tu me caches certaines choses ?
- Parce que tu es d'une nature soupçonneuse, p'pa. C'est apparemment un trait héréditaire dans ta famille. Bon... il faut que je te laisse à présent.
- Pour aller où ?
- Prendre des nouvelles des autres. Faire quelques courses. Poursuivre mon éducation. Veiller au bon déroulement de mes expériences. Des trucs dans ce genre. Salut.
- Et pour Corail ? "
Mais le cercle de lumière en suspension devant moi tourbillonnait déjà. Il perdit de sa brillance et devint invisible, mettant ainsi un terme à notre conversation. Spectre devenait de plus en plus semblable aux autres membres de ma famille : dissimulateur et fuyant.
Commenter  J’apprécie          40
J'avais senti - suspecté - quelque chose dès le début. C'était désormais une certitude. Notre promenade en ombre ne constituait que le plus spectaculaire des tests improvisés auxquels je l'avais soumise. Dans l'espoir de l'obliger à se trahir, de la démasquer en tant que... quoi, au juste ? Eh bien, sorcière en puissance. Et après ?
Je posai mon couvert et me massai les yeux. J'étais proche de la vérité, après l'avoir pendant très longtemps gardée dans mon subconscient...
" Que vous arrive-t-il, Merlin ? s'enquit Jasra.
- Rien. Je découvre que je suis las, voilà tout. "
Sorcière. Pas simplement sorcière en puissance. Je prenais conscience de la peur qu'elle ne fût à l'origine des tentatives d'assassinat perpétrées contre moi chaque 30 avril, peur que j'avais étouffée afin de pouvoir continuer à l'aimer. Pourquoi ? Parce que l'amour que je portais à mon bourreau m'incitait à récuser des preuves pourtant accablantes ? Parce que j'avais non seulement aimé sans sagesse mais également permis à une personnification de la mort inexorable et souriante de rester à mes côtés, et qu'à n'importe quel moment j'aurais pu coopérer avec elle pour lui faciliter sa besogne ?
" Ça va aller. Ce n'est rien ", ajoutai-je.
Devais-je conclure que j'étais, pour employer une formule consacrée, mon pire ennemi ? J'espérais me tromper. Je n'avais pas le temps de me rendre à des séances de psychothérapie quand tant d'éléments extérieurs menaçaient mon existence.
" Un sou pour vos pensées", me proposa gentiment Jasra.
Commenter  J’apprécie          40
" Seigneur ! C'est cela qui a effrayé le Jaberwock ! fit remarquer le peintre en regardant derrière moi.
- De quoi parlez-vous ? lui demandai-je sans désirer vraiment connaître la réponse.
- De cette chose", me répondit-il en tendant le doigt pour désigner un point proche du comptoir.
Je regardai, reculai en titubant, et ne pus reprocher au Jabberwock de s'être montré pusillanime.
Un Ange Igné de trois mètres cinquante venait d'entrer dans le bar - un Ange Igné de couleur rousse, avec des ailes semblables à des vitraux - et il évoquait, en même temps que des prémonitions de destin funeste, de vagues souvenirs de mante religieuse, avec son collier de piquants et ses griffes ressemblant à des épines qui saillaient de sa fourrure rase partout où le moindre angle semblait suggéré. Il s'agissait d'un monstre du Chaos - une créature rare, mortelle, et d'une intelligence très développée. Il ne m'avait pas été donné de rencontrer un de ces êtres depuis de nombreuses années, et je me serais fort bien passé d'en revoir un à présent. En outre, je savais sans l'ombre d'un doute que j'étais la raison de sa présence en ce lieu? Je regrettai un instant d'avoir utilisé mon sort d'arrêt cardiaque sur un simple Bandersnatch - avant de me remémorer qu'il eût été sans effet étant donné que les Anges Ignés possèdent trois cœurs. Pendant que je regardais rapidement autour de moi, la chose m'étudia, libéra un petit couinement de chasse, et s'avança.
Commenter  J’apprécie          40
D'un point situé loin derrière moi, j'entendis Random crier quelque chose...
... puis j'oubliai de quoi il retournait. Cet endroit était merveilleux. Je me reprochai cependant d'avoir pris les champignons pour des parapluies...
Je posai à mon tour le pied sur la rambarde, pendant que le Chapelier me versait à boire et rétablissait le niveau dans la chope de Luke. Ce dernier tendit la main pour désigner le Lièvre de Mars, qui fut lui aussi resservi. Humpty était également présent. Tweedledun et Tweedledee, le dodo et le valet de pied Grenouille poursuivaient leur concert. Quant à la Chenille, elle se contentait de faire des anneaux de fumée.
Luke me donna une tape sur l'épaule.Il y avait un détail dont j'essayais de me souvenir, mais qui m'échappait.
"Je vais bien, à présent, me dit Luke. tout est parfait.
- Non, il y a une chose... je n'arrive pas à m'en souvenir..."
Commenter  J’apprécie          40
Je dus crier pour me faire entendre au milieu du vacarme : " Sous quel nom dois-je t'appeler ?
- Masque ! " répondit aussitôt le sorcier - et je ne pus m'empêcher de trouver que cela manquait d'originalité. Je m'étais sans doute attendu à un nom de héros de bande dessinée : Cauchemar Mauve ou Casque Cobalt. Enfin...
Je venais d'utiliser mon ultime charme défensif. Je venais également de lever mon bras gauche afin que la partie de ma manche contenant l'Atout d'Ambre se retrouvât dans mon champ de vision. J'avais peut-être calculé un peu juste, mais il me restait une dernière carte à abattre. La démonstration de mes pouvoirs s'était alors déroulée sur un plan strictement défensif, et j'étais assez fier du sortilège que j'avais gardé en réserve.
"Cette femme ne te serait d'aucune utilité, quoi qu'il en soit", dis Masque alors que nos deux sortilèges s'apaisaient et qu'il s'apprêtait à lancer une nouvelle attaque.
"Je te souhaite malgré tout de passer une bonne journée", lui dis-je. Sur ces mots, je fis pivoter mes poignets, tendis mes doigts pour diriger la force, et prononçai le mot clé du sortilège qui constituait le bouquet final.
"Œil pour œil ! " criai-je, comme tout le stock de la boutique d'un fleuriste tombait sur Masque, l'enfouissant sous le plus gros bouquet qu'il m'avait été donné de voir. Je trouvai le mélange de fragrances agréable.
Il y eut un silence et un apaisement des forces, alors que je regardais l'Atout et me tendais vers lui. À l'instant précis où le contact s'établit, il se produisit une modification de la composition florale et Masque s'y dressa, telle l'Allégorie du Printemps.
Sans doute m'estompais-je déjà à sa vue, lorsqu'il cria : " Je t'aurai quand même.
- Et dent pour dent ", répliquai-je avant de prononcer le mot qui complétait l'enchantement, et qui fit tomber le contenu d'un tombereau de fumier sur lui.
Commenter  J’apprécie          40
Une énorme silhouette ronde me barrait le passage. Elle ressemblait à un Bouddha pourpre possédant des oreilles de chauve-souris. En me rapprochant encore, je découvris les détails : crocs saillants, yeux jaunes dépourvus de paupières, longues griffes rouges achevant des mains et des pieds démesurés. L'être était assis au milieu du tunnel et ne semblait pas avoir l'intention de se lever. Il ne portait aucun vêtement, mais son énorme ventre distendu reposait sur ses genoux et me dissimulait son sexe. Sa voix était bourrue et masculine, cependant, et son odeur nauséabonde.
" Salut, belle journée, n'est-ce pas ? " lui dis-je.
La créature gronda et la température parut s'élever dans le passage. Frakir était devenue frénétique et je l'apaisai mentalement.
Le chose se pencha vers le sol et utilisa un de ses ongles brillants pour tracer une ligne fumante dans la pierre à ses pieds. Je m'arrêtai devant elle.
"Franchis cette limite, sorcier, et tu es mort, dit-elle.
- Pourquoi ?
- Parce que je l'ai dit.
- Si vous prélevez un péage, indiquez-moi son montant. "
l'être secoua la tête. " Tu ne peux acheter ton passage.
- Heu... pourquoi pensez-vous que je suis un sorcier, au fait ? "
Une caverne s'ouvrit dans son visage? Elle abritait un nombre de dents encore plus élevé que je ne l'avais soupçonné, et des profondeurs de sa gorge s'éleva un son rappelant le grondement du tonnerre tel qu'on l'imite en secouant une plaque de tôle.
" J'ai senti le contact de ta petite sonde, dit-il. C'est un tour de magicien. En outre, seul un sorcier aurait pu arriver jusqu'au point où tu te trouves.
- Vous semblez n'avoir guère de respect pour les membres de cette profession?
- Les sorciers, je les mange. "
Je ne pus m'empêcher de grimacer en pensant que certains vieux schnoques de mes confrères n'étaient vraiment pas appétissants.
" En ce cas, que me proposez-vous ? À quoi sert un passage, si on ne peut l'emprunter ? Que dois-je faire pour poursuivre mon chemin ?
- C'est impossible.
- Même si je résous une énigme ?
- Ça ne marche pas avec moi ", fit-il. Mais ses yeux devinrent brillants. " Je vais quand même t'en poser une, pour le plaisir : Qu'est-ce qui est vert et rouge, et tourne sans cesse ?
- Vous connaissez le sphinx !
- Merde ! Tu l'as déjà entendue. "
Je haussai les épaules. " Je vais de-ci, de-là.
- Pas par ici. "
Je l'étudiai. Il devait posséder des moyens de défense particuliers contre les envoûtements, si sa fonction consistait à interdire le passage aux sorciers, et son physique était pour le moins imposant. Je m'interrogeai sur sa rapidité. Ne me serait-il pas possible de plonger sur le côté et de me glisser en courant près de lui ? Je parvins à la conclusion que je n'avais pas la moindre envie de tenter cette expérience.
" Il faut absolument que je passe, insistai-je? C'est pour une urgence.
- Rien à faire.
- Qu'est-ce que ça vous rapporte de toute façon ? Demeurer assis au milieu d'un tunnel ne me semble pas être une occupation très passionnante.
- J'aime mon boulot. Je suis fait pour ça.
- En ce cas, pourquoi laisse-vous le sphinx aller et venir à sa guise ?
- Les créatures magiques, ça ne compte pas?
- Hm.
- Et n'essaie pas de me faire gober que tu entres dans cette catégorie en utilisant une illusion propre aux membres de ta profession. Je sais reconnaître ce genre d'artifice.
- Je vous crois sur parole. Quel est votre nom, au fait ? "
Il renifla. " Tu peux m'appeler Scrof, si ça facilite la conversation. Et toi ?
- Corey.
- D'accord, Corey? Tu sais, je veux bien te mettre au parfum. C'est prévu dans le règlement. Rien ne l'interdit. Tu as le choix entre trois possibilités, dont une vraiment stupide. Tu peux faire demi-tour, suivre en sens inverse le chemin que tu as pris pour venir jusqu'ici, et rester en vie. Tu peux encore t'installer où tu es, y rester aussi longtemps que tu le souhaites, et je ne lèverai pas le petit doigt contre toi. La solution idiote consiste à franchir le ligne que je viens de tracer? Si tu le fais, je te tue. C'est le Seuil, et je suis son Gardien. Je ne laisse passer personne.
- Je vous remercie d'avoir mis les choses au point.
- Ça fait partie de mon travail. Alors que choisis-tu ?
Je levai mes mains et les lignes de force se tordirent tels des serpents à l'extrémité de chacun de mes doigts. Frakir se laissa pendre à mon poignet et se mit à osciller en dessinant des motifs compliqués.
Scorf sourit? " Au fait, je ne dévore pas seulement la chair des sorciers. Je me repais également de leur magie. Seul un être arraché au Chaos primordial peut prétendre cela. Alors avance, si tu te crois de taille à m'affronter.
- Au Chaos, vraiment ? Arraché au Chaos primordial ?
- Ouais? Il n'y a pas grand monde qui soit capable d'y résister.
- Un Seigneur du Chaos excepté ", rétorquai-je en reportant mon attention sur diverses parties de mon corps. Un travail approximatif. Plus on l'exécute rapidement, plus le processus est douloureux.
À nouveau, le tonnerre d'une plaque de tôle.
" Sais-tu quelles sont les probabilités pour qu'un Seigneur de Chaos vienne jusqu'ici et défie un Gardien ? " s'enquit Scrof.
Mon bras commença à s'étirer et je sentis ma chemise se déchirer dans mon dos lorsque je me penchai en avant. Les os de mon visage se déplacèrent et ma poitrine entra en expansion...
" Toute probabilité supérieure à zéro n'est pas à négliger, rétorquai-je dès la fin de ma métamorphose.
- Merde", grommela Scrof en me voyant franchir la ligne.
Commenter  J’apprécie          40
Comment expliquer simplement ce qui n'est pas chose simple... ? J'imagine qu'il faut commencer par le solipsisme... l'idée que rien n'existe en dehors du moi, ou du moins, que nous ne pouvons réellement avoir conscience de rien hormis notre propre existence et notre expérience. Je suis capable de trouver quelque part en Ombre n'importe quoi dont je me fasse une image. N'importe qui le peut. Ce qui en toute bonne foi ne transcende pas les limites du moi. Nous pouvons pour la plupart nous soutenir - cela s'est entendu - que nous créons les ombres que nous visitons à partir de l'étoffe de nos personnalités, que nous sommes seuls à exister véritablement, que les ombres que nous traversons ne sont que les projections de nos désirs.
... Quels que soient les mérites de l'argument - et il n'en manque pas -, il aide considérablement à expliquer une large part de l'attitude de la famille envers les gens, les lieux et les choses qui se trouvent à l'extérieur de Ambre. À savoir que nous sommes des fabricants de jouets, que nous créons nos propres jouets... parfois dangereusement animés, certes; mais cet aspect fait également partie du jeu. Nous sommes par tempérament des imprésarios et nous traitons les autres en conséquence. Si le solipsisme entraîne une certaine difficulté quand on aborde l'étiologie, on peut aisément l'éluder en refusant d'admettre que les questions soient valables. Comme je l'ai souvent observé, nous sommes pour la plupart pragmatiques quand il s'agit de nos affaires. Presque...
Néanmoins... néanmoins il subsiste un élément gênant dans le tableau. Il existe un lieu où les ombres deviennent démentes.Quand on s'enfonce volontairement à travers les couches d'Ombre, en abandonnant - toujours volontairement - une part de sa compréhension à chaque pas, on parvient pour finir à un degré de démence que l'on ne peut dépasser. Alors pourquoi y aller ? Dans l'espoir d'acquérir des connaissances, dirais-je, ou de découvrir un nouveau jeu... Mais quand on arrive à ce point, comme nous l'avons tous fait, on se rend compte que l'on a atteint la limite d'Ombre ou la fin de soi-même... deux expressions synonymes, comme nous l'avions toujours pensé. Pourtant, à présent...
Commenter  J’apprécie          40
J'arracherai ces étoiles au ciel et je les jetterai à la face des dieux, si c'est nécessaire.
Commenter  J’apprécie          41
J’aurais pu raconter tant de choses, songeais-je, en ramenant l’lsabella vers la Station Un vers mon sac de diamants et tous les autres objets et gens que j’avais laissés derrière, et qui attendaient que je les touche ou que je leur parle.
Seulement, me disais-je, les meilleures paroles sont souvent celles que l’on ne prononcera jamais.
Commenter  J’apprécie          30
- Gel ?
- Allô Béta. Ecoute ceci : « De loin, du soir et du matin, et de ce ciel aux douze vents là-haut, ce qui fait la vie est venu ici pour me former : me voici. »
- Je connais ce poème, dit Béta.
- Alors, quelle est la suite ?
- « ... Maintenant, le temps d’un souffle je m’attarde, avant de me disperser... Vite, prends ma main et dis-moi ce que tu as dans le cœur. »
- Ton pôle est froid, dit Gel, et je me sens seul.
Commenter  J’apprécie          30
Les machines ténébreuses restèrent en position.
- Trop quoi ? demanda Solcom.
- Trop de lumière. De bruit. D’odeurs. Et rien de mesurable... des données confuses – des perceptions imprécises... et...
- Et quoi ?
- Je ne sais comment dire. Mais c’est irréalisable. J’ai échoué. Tout est vanité.
- Il avoue, dit Divcom.
- Quels étaient les mots prononcés par l’Homme ? dit Solcom.
- J’ai peur, répondit Mordel.
- Seul l’Homme peut connaître la peur, dit Solcom.
- Vas-tu prétendre que Gel a réussi mais ne veut pas l’admettre parce qu'il a peur de la condition de l’Homme ?
- Je ne sais pas encore, Suppléant. Est-ce qu’une machine peut se transformer au point de devenir un Homme ? demanda Solcom en s’adressant à Gel.
- Non, ce n’est pas faisable. Rien n’est faisable. Tout est vanité. Tout. La reconstruction.
Commenter  J’apprécie          30



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Roger Zelazny Voir plus

Quiz Voir plus

Roger Zelazny

Quelles sont ses années de naissance et de mort ?

1937-1995
1906-2011
1873-1951
1902-1973

11 questions
51 lecteurs ont répondu
Thème : Roger ZelaznyCréer un quiz sur cet auteur

{* *}