Citations de Roland Topor (200)
L’art est jouissance comme le bonheur. Il est immoral comme lui. Vive l’argent ! Vive l’Avant-garde ! Vive le communisme !
[…] J’ai découvert, en déjeunant à la Colombe-d’or, que, le pain excepté, les natures mortes sont exclusivement consacrées à des crudités. Fleurs, fruits, légumes, etc. Du gibier, de la viande, des huîtres, des poissons, ce que l’on voudra, mais crus. Je pense que la désaffection du public pour la nature morte n’a pas d’autre cause. Il convient de se mettre à la place du public. il est constamment plus raffiné, plus cultivé… Il est passé du cru au cuit, comme dirait Lévi-Strauss. Il préfère le mijoté. Je peux sauver la nature morte en relevant son niveau gastronomique. […] Nom de Dieu ! Il faut peindre du cuit, parce que la peinture est un art sensuel et que les sens ont besoin de chaleur.
Pourquoi vieillit-on ? Pourquoi meurt-on ? Par manque de confiance en soi. Parce que l’on sous-estime ses propres possibilités. Les grands maîtres réussissent souvent à éviter cette bévue.
Mes exégètes, unanimes, s’émerveillaient de la vie intérieure que je conférais au visage de mes clients. Mais je sais bien, moi, que la vie intérieur n’intéresse personne, puisque tout le monde en a une, et qu’elle est insondable. Tandis que la vie extérieure est un acquis dont la valeur absolue est mesurable.
Mon dieu, je suis trop gros ! Personne ne m’aime. Je suis encore jeune, pourtant. Mais il en a toujours été ainsi. A l’école, on me surnommait Bouboule, et plus tard Gros-Bide ou Gros-Lard, ou Gras-Double. Dieu, comme j’ai souffert ! Je suis seul à savoir quel trésor de pureté se trouve enfoui sous mes bourrelets de graisse. Les autres considèrent avec dégoût ce corps qu’ils croient être la représentation physique de mon état moral. Ainsi les visiteurs d’un zoo se figurent-ils souvent les animaux comme des types d’humanité coupable, condamnés à exposer au vu de tous leur dégradation. Le singe est un homme obscène et le tigre un homme fourbe, le serpent un homme vil et le lion un homme fier. Moi je suis un porc. Glouton et sale. L’esprit incapable de s’élever au-dessus du sol. La pesanteur divine me dicte sa loi : à ras de terre demeure mon corps, là doit croupir mon âme.
Un nom surgit soudain dans sa mémoire, comme une voiture sur une route, la nuit. Ce nom brillait comme une étoile.
Stella.
Il se réveilla dans son appartement, allongé sur le lit. Il était habillé en femme, et il n'eut pas besoin de vérifier devant son miroir pour savoir qu'il était fardé soigneusement.
Les voisins le transformaient lentement en Simone Choule !
Ce ridicule était en lui, c'était probablement ce qu'il y avait de plus vrai dans sa personnalité.
Cette période rose reste sans conteste la plus douce que j'ai vécue. Qu'il était gai le Paris d'avant-guerre ! Et qu'il faisait bon, alors, être jeune, beau, riche et célèbre !
Idée pour faire une carrière d'artiste conceptuel : signer les dessins d'enfants.
Il convient de se mettre à la place du public. Il est constamment plus raffiné, plus cultivé ... Il est passé du cru au cuit, comme dirait Lévi-Strauss. Il préfère le mijoté. Je peux sauver la nature morte en relevant son niveau gastronomique. Le tableau n'est pas moins beau parce que la fille est jolie, n'est ce pas ? Alors pourquoi faire la fine bouche devant une nature morte ? Un confit de canard aux truffes est plus agréable à regarder qu'une botte de carottes et deux citrons, fussent-ils peints par Chardin en personne ! Ce n'est pas lui qui me contredira.
Nom de Dieu ! Il faut prendre du cuit, parce que la peinture est un art sensuel et que les sens ont besoin de chaleur.
Puis comme je lui faisais part de mes angoisses, il me confia un petit truc de son invention.
- C'est bien simple, dès qu'il te vient des idées noires, tu n'as qu'à répéter le plus rapidement possible "trente-trois crapauds gris dans trente-trois trous creux !" Mais attention à la manière dont tu articules ! Il ne faut pas te tromper ! Tu verras c'est souverain.
Le spécialiste des grenouilles disait la vérité.
J'ai souvent recours à son stratagème lorsque je ne parviens pas à trouver le sommeil et que repasse devant mes yeux le visage des mes chers disparus.
C'est une curieuse chose que la création. Devant tel somptueux paysage, je peux demeurer stérile. Et puis, devant un méchant bout de mur lépreux, avec un ciel livide, brusquement, mon génie s'émeut. Il se produit comme un déclic, et la machine à créer la beauté se met en marche.
Qui pourrait expliquer cette énigme ?
Assurément pas les critiques !
Pour comprendre les mécanismes mystérieux de la création, il vaut tout de même mieux s'adresser aux artistes !
Que mon pied grossisse comme la grenouille de la fable, et qu'il éclate si ça lui chante ! Que ma paupière batte ! Que mes dents claquent !
Mais moi, je suis à l'écart. Comme un hippopotame baignant dans une flaque, j'écarte les mâchoires en un bâillement prodigieux : c'est en moi que se trouve le théâtre. Il m'habite. Il me hante. Je suis le lieu et l'action.
Comment allaient-ils s'y prendre pour le pousser au suicide ? Il ne désirait pas mourir. Etait-ce un échec des voisins ? Si leur piège avait fonctionné parfaitement, Trelkovsky aurait dû se transformer vraiment en Simone Choule, et comme telle se suicider spontanément. Ce n'était pas le cas puisqu'il faisait semblant, puisqu'il savait très bien qu'il n'était pas Simone Choule. Alors qu'espéraient-ils ? Qu'il fit également semblant de mourir ?
Le myope ressemble au presbyte, seulement il a les yeux plus grands et une raie au milieu. Ses lunettes doivent être enlevées afin qu’il tombe dans le gratin. Il se prépare comme le cabillaud.
Un clown rigolo
qui s'appelle Coquelicot
On lui donne une claque,
ça le rend patraque
On lui donne un baiser,
il tombe de côté
(...) Salez, poivrez, ajoutez un ou deux oignons, un petit verre de madère. Laissez cuire pendant deux heures environ en prenant un petit verre de madère de temps en temps, pour tenir. (...)"
Roland TOPOR, Garde-chasse au madère, in La cuisine cannibale, 1970, Balland (p. 27).