Citations de Roland Topor (200)
"Qui aime un chat aime tous les chats. Qui aime son chien n'aime pas les autres."
Trois jeunes gens tentaient d'accoster une femme devant lui. Elle jeta un mot bref et s'éloigna à grandes enjambées peu gracieuses. Il rirent très fort en s'envoyant de grandes claques dans le dos. La virilité aussi le dégoûtait. Il n'avait jamais apprécié cette façon de revendiquer son corps, son sexe et d'en être fier. Ils se vautraient comme des porcs dans leurs pantalons d'homme, mais ils restaient des porcs. Pourquoi se déguisaient-ils, quel besoin éprouvaient-ils de s'habiller puisque toutes leurs façons d'agir suaient le bas-ventre et les glandes qui y étaient accrochées ?
Personne pour s’occuper de lui, pour le dorloter, pour lui passer une main fraîche sur le front afin d’évaluer sa fièvre. Il était seul, absolument seul, comme s’il était en train de mourir. Si cela se produisait, au bout de combien de jours découvrirait-on son cadavre ? Dans une semaine ? Dans un mois ? Qui pénétrerait le premier dans le sépulcre ?
Les voisins, sans doute, ou le propriétaire. On ne se souciait pas de lui mais il en allait autrement pour le loyer. Même mort, on ne lui permettrait pas de jouir gratuitement de ce logement qui ne lui appartenait pas.
L’altruisme fait perdre du temps. Je ne peux plus me permettre ce luxe. Je suis un vieil homme, chaque minute compte.
Parlons-en, des jeunes !
Ils rêvent de célébrité, mais leur impatience est telle qu’ils se contentent du premier succès. La belle affaire !
Trelkovsky maudit la panique qui le submergeait. Il entendait le bruit de son coeur qui faisait écho à celui qui provenait de la porte. Il fallait pourtant faire quelque chose. Un flot d'injures et d'imprécations étouffées jaillit de sa bouche.
Ainsi il allait encore être nécessaire de se justifier, s'expliquer, se faire pardonner de vivre !
Ces mauvais artistes créent. Hélas, et vous assistez à leur création. Elle est grotesque. Trop tôt pour les convaincre de leur déplaisant échec. Dans quelques années, ces ratés, enfin assagis, renonceront à l'expression, pour s'adonner à la mécanique ou à l'agriculture. Mais il est malheureux qu'ils s'obstinent en ce moment.
Derrière l'armoire, il fit une découverte. Sous la poussière floconneuse qui recouvrait le mur, il aperçut un trou. Une petite excavation située environ à un mètre trente du sol, au fond de laquelle il discerna une boule d'ouate grise. Intrigué, il alla chercher un crayon, à l'aide duquel il parvint à extraire le coton. Il y avait encore quelque chose. Il farfouilla une ou deux minutes avec le crayon avant de ramener l'objet qui vint rouler dans sa main gauche, entrouverte: c'était une dent. Une incisive plus précisément.
Pourquoi Marina et Amica ne disent-elles rien. Il avance la main pour caresser les joues rondes, et les têtes roulent sur le sol.
Elles roulent comme des boules pas tout à fait rondes, en suivant une ligne capricieuse, constellant le tapis de taches de sang. Elles continuent quelques instants leur rotation à l’arrêt, puis s’immobilisent, l’une sur l’œil droit, l’autre sur le cou, ce qui donne l’illusion d’une baigneuse émergeant du plancher.
Lime à ongle.
Il enfonce l’instrument dans l’épaule du jeune homme, le fait aller et venir tandis que son patient s’époumone. Quand le trou ouvert par la lime est suffisant, la brosse à dents la remplace. Elle nettoie énergiquement les lèvres de la plaie. Le sang gicle en abondance et le docteur se félicite d’avoir eu la prévoyance d’utiliser la salle de bains. A l’aide du peigne, il ouvre la peau du dos jusqu’à la ceinture. Deux dents se cassent. Le docteur en est contrarié […].
N'importe quel comique vous dira combien il est difficile d'égayer le public.
A force d'entendre parler de moi, je meurs d'envie de me connaître.
Le plagiaire ne provoque pas mon mépris, à condition qu’il respecte son modèle. Il fait montre d’une humilité assez admirable ! Loin de desservir son maître, il le grandit. Les suiveurs de Duchamp sont les véritables artisans de sa gloire posthume.
Survivre est parfois plus difficile qu’on ne l’imagine.
La nourriture nous faisait également défaut. Nous avalions n’importe quoi pour tromper la faim : des croissants, des tripes, du roudoudou. Encore n’ai-je jamais sucé, comme Cendrars, mes lacets de souliers en guise de repas ! Charlie Chaplin, auquel je détaillai, quelques années plus tard, ces détestables menus, utilisa l’anecdote de Cendrars dans la Ruée vers l’or. Ce qui prouve que, si pauvre soit-on, il reste toujours quelque chose à se faire voler !
"Maître, quelle est votre conception de la culture ?
- A mon sens, la culture est une foire aux vanités. Certaines trouvent acquéreur, d'autres pas. C'est donc essentiellement de l'emballage que dépend la diffusion de la culture. J'ose affirmer que demain la culture se limitera exclusivement à l'emballage, car le contenant est finalement plus culturel que le contenu."
J'acquis bientôt une réputation de sagesse qui se répandit jusqu'en Inde. Le Mahatma Gandhi m'écrivit une longue lettre pour me soumettre un problème personnel. Ses relation avec sa belle-mère étaient si compliquées que je lui enjoignis de ne pas tenter de le résoudre. "Vous seriez appelé à commettre des actes de violence, et la violence ne mène à rien de bon. La passivité est encore la meilleur solution". Il sut tirer profit de mes conseils et me voua une reconnaissance exagérée.
Je n’ai jamais tenté de trouver un sens à la vie, moral ou esthétique, ni essayé de faire évoluer l’humanité dans le bon sens. Le non-sens parait plus proche de la réalité. En général, je dessine pour me raccrocher à mon porte-plume comme un orang-outang se suspend aux branches. Il faut bien vivre, trouver de quoi payer l’ordinaire et s’offrir le luxe du vertige. Dessiner ne rapporte pas grand-chose mais ne coûte rien.
On se figurait que le manque d’argent faisait le pauvre et que l’accumulation de biens définissait le riche. Eh bien, c’est juste le contraire : la pauvreté produit le manque, la richesse créé l’illusion de l’argent.
Ses yeux arrivèrent au niveau du nombril. Il l'embrassa passionnément, puis il l'étudia, afin d'en retenir tous les détails, gravés dans sa mémoire. Elle se pencha pour voir à quoi il était occupé. Elle lui avait supposé de tout autres intentions. Il ne voulut pas la décevoir.