Citations de Romain Gary (5304)
Je vais entrer ici dans le vif du sujet, sans autre forme de procès. L'Assistant, au Jardin d'Acclimatation, qui s'intéresse aux pythons, m'avait dit :
- Je vous encourage fermement à continuer, Cousin. Mettez tout cela par écrit, sans rien cacher, car rien n'est plus émouvant que l'expérience vécue et l'observation directe. Évitez surtout toute littérature, car le sujet en vaut la peine.
Il convient également de rappeler qu'une grande partie de l'Afrique est francophone et que les travaux illustres des savants ont montré que les pythons sont venus de là. Je dois donc m'excuser de certaines mutilations, mal-emplois, sauts de carpe, entorses, refus d'obéissance, crabismes, strabismes et immigrations sauvages du langage, syntaxe et vocabulaire. Il se pose là une question d'espoir, d'autre chose et d'ailleurs, à des cris défiant toute concurrence. Il me serait très pénible si on me demandait avec sommation d'employer des mots et des formes qui ont déjà beaucoup couru, dans le sens courant, sans trouver de sortie. Le problème des pythons, surtout dans l'agglomérat du grand Paris, exige un renouveau très important dans les rapports, et je tiens donc à donner au langage employé dans le présent traitement une certaine indépendance et une chance de se composer autrement que chez les usagés. L'espoir exige que le vocabulaire ne soit pas condamné au définitif pour cause d'échec.
Elle avait un visage aux traits si fins qu'on avait envie de la prendre au creux de la main et une vivacité harmonieuse dans chaque mouvement qui m'avait permis d'avoir une très bonne note à mon bac de philo. J'avais choisi l'esthétique à l'oral et l'examinateur, excédé sans doute par une journée de travail, m'avait dit :
- Je ne vous poserai qu'une question et je vous demande de me répondre par un seul mot. Qu'est-ce qui caractérise la grâce ?
Je pensai à la petite Polonaise, à son cou, à ses bras, au vol de sa chevelure, et je répondis sans hésiter :
- Le mouvement.
J'eus un dix-neuf. Je dois mon bac à l'amour.
L'humour a été pour moi, tout le long du chemin, un fraternel compagnonnage , je lui dois mes seuls instants véritables de triomphe sur l'adversaire. Personne n'est jamais parvenu à m'arracher cette arme, et je la retourne d'autant plus volontiers contre moi-même, qu'à travers le "je" et le "moi", c'est à notre condition profonde que j'en ai.
Mais je tiens pas tellement à être heureux, je préfère encore la vie. Le bonheur, c'est une belle ordure et une peau de vache et il faudrait lui apprendre à vivre. On est pas du même bord, lui et moi, et j'en ai rien à foutre.
Je n'ai jamais imaginé qu'on pût être a ce point hanté par une voix, par un cou, par des épaules, par des mains, ce que je veux dire c'est qu'elle avait des yeux où il faisait si bon vivre que je n'ai jamais su où aller depuis
Nous étions alors au fond du trou – je ne dis pas de l'»abîme», parce-que j'ai appris, depuis, que l'abîme n'a pas de fond, et que nous pouvons tous y battre des records de profondeur sans jamais épuiser les possibilités de cette intéressante institution.
J'ai conservé une très grande tendresse pour les croissants. Je trouve que leur forme, leur croustillance, leur bonne chaleur, ont quelque chose de sympathique et d'amical. Je ne les digère plus aussi bien qu'autrefois et nos rapports sont devenus plus ou moins platoniques. Mais j'aime les savoir là, dans leurs corbeilles, sur le comptoir. Ils ont fait plus pour la jeunesse estudiantine que la Troisième République. Comme dirait le général de Gaulle, ce sont de bons Français.
il y a tant d'hommes et femmes qui se ratent! Qu'est-ce qu'ils deviennent? De quoi vivent-ils? C'est terriblement injuste. Il me semble que si je ne t'avais pas connu, j'aurais passé ma vie à te haïr.
La vie est jeune. En vieillissant, elle se fait durée, elle se fait temps, elle se fait adieu.
C'est toujours dans les yeux que les gens sont les plus tristes.
J'étais tellement heureux que je voulais mourir parce que le bonheur il faut le saisir pendant qu'il est là.
Rappelle-toi qu'il est beaucoup plus touchant de venir toi-même avec un petit bouquet à la main que d'en envoyer un grand par un livreur.
Ce qu'il y a d'affreux dans le nazisme, dit-on, c'est son côté inhumain. Oui. Mais il faut bien se rendre à l'évidence : ce côté inhumain fait partie de l'humain. Tant qu'on ne reconnaîtra pas que l'inhumanité est chose humaine, on restera dans le mensonge pieux.
Instinctivement, sans influence littéraire apparente, je découvris l'humour, cette façon habile et entièrement satisfaisante de désamorcer le réel au moment même où il va vous tomber dessus.
Sans imagination, l'amour n'a aucune chance.
Bon moi j'ai rien vu dans ma vie et j'ai pas tellement le droit de dire ce qui est effrayant et ce qui ne l'est pas plus qu'autre chose , mais je vous jure que Madame Rosa à poil , avec des bottes de cuir et des culottes noires en dentelles autour du cou , parce qu'elle s'était trompée de coté , et des niches comme ça dépasse l'imagination , qui étaient couchées sur le ventre , je vous jure que c'est quelque chose qu'on peut pas voir ailleurs , meme si ça existe . Par-dessus le marché , Madame Rosa essayait de remuer le cul comme dans un sex-shop , mais comme chez elle , le cul dépassait les possibilités humaines..
Un très grand amour, ce sont deux rêves qui se rencontrent et, complices, échappent jusqu’au bout à la réalité. Vous avez ainsi des couples merveilleux qui vivent côte à côte sans cesser de s’inventer et qui restent fidèles à cette œuvre d’art, malgré tous les pièges du tel quel …
Quand vous n'en pouvez plus, faites comme moi: pensez à des troupeaux d'éléphants en liberté en train de courir vers l'Afrique, des centaines et des centaines de bêtes magnifiques auxquelles rien ne résiste, pas même un mur,pas même un barbelé, qui foncent à travers les espaces ouverts et qui cassent tout sur leur passage, qui renversent tout et tant qu'ils sont vivants, rien ne peut les arrêter- la liberté quoi!
Cependant, j'étais loin d'être désespéré. Je ne le suis même pas devenu aujourd'hui. Je me donne seulement des airs. Le plus grand effort de ma vie a toujours été de parvenir à désespérer complètement. Il n'y a rien à faire. Il y a toujours quelque chose en moi qui continue à sourire.
« Je vois la vie comme une grande course de relais où chacun de nous, avant de tomber, doit porter plus loin le défi d’être un homme... »