AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Santiago H. Amigorena (374)


Au début, ça ne s’appelait pas. On parlait d’« événement », de « catastrophe », de « cataclysme », de « désastre », puis on a parlé d’« hécatombe », d’« apocalypse ». Mais au tout début, ça n’avait pas vraiment de nom. À part pour les nazis, qui l’avaient appelée « solution territoriale » puis « solution finale » et avaient dissimulé ces noms sous
d’autres noms afin que toute l’entreprise se fît à mots couverts (les chambres à gaz étaient appelées Spezialeinrichtungen, « installations spéciales », le gazage Sonderbehandlung, « traitement spécial »), en dehors du vocabulaire des bourreaux, ce qui se passait en Europe, pendant des années, a été ce qui arrivait et qui ne s’appelait pas. Comme disait Churchill, c’était « un crime
sans nom ». Puis, à partir de la fin de la guerre, on a beaucoup discuté du nom qu’il fallait donner à cet événement. On a beaucoup discuté parce que donner un nom est toujours une manière de dire quelque chose qui n’a jamais été dit et, à la fois, de dire quelque chose qui a toujours été dit – ou qui a toujours été tu, ce qui revient au même.
Commenter  J’apprécie          60
En 1940, Vincente ne sait peut-être pas s'il était juif ou argentin, mais il savait qu'il n'était plus assez polonais, pour se battre, comme il s'était battu, pour défendre son pays.
Commenter  J’apprécie          60
Plus de mots. Plus de langues. Ni allemand, ni polonais, ni yiddish. Ni espagnol, ni argentin. Plus de mots. Plus de noms. Plus de noms pour rien. Ni pour la musique, ni pour le piano, ni pour la chaise, ni pour la table. Ni Vitrine, ni magasin, ni rue, ni voiture, ni cheval, ni ville, ni pays, ni océan. Ni massacre. Ni douleur. Plus. De. Mots.
Commenter  J’apprécie          60
C'était une insulte. Non, vraiment, c'était une insulte. Le premier jour de classe, quand la prof d'histoire-géo l'a vu débarquer, à la bourre comme il le serait pratiquement chaque matin, alors qu'il ouvrait la porte et entrait comme ça, sans s'exciser, elle s'est tout de suite arrêtée de parler. Elle l'a regardé, bouche, comme on dit, bée.
- Vous...vous êtes un prince ?
Il lui a souris, puis il a baissé les yeux et, comme si nous tous on n'existait même pas, il a traversé la salle de classe sans un mot. Ses pieds ne faisaient aucun bruit. La prof l'a suivi du regard. Soudain, l'air illuminée, elle a répondu à sa propre question :
- Oui, un prince...
C'étaient des mots inattendus, mais toute la classe avait compris : personne ne pouvait ignorer qu'il flottait au-dessus de nous comme un nuage passager.
Ce matin-là, je me souviens, il est venu s'assoir tout au fond. Y avait plusieurs tables vides, mais il a choisi la mienne. Il ne m'a pas parlé. Il m'a juste souri - et il s'est assis.
Commenter  J’apprécie          60
Plus de mots. Plus de langues. Ni allemand, ni polonais, ni yiddish. Ni espagnol ni argentin. Plus de mots. Plus de noms. Plus de noms pour rien. Ni pour la musique, ni pour le piano, ni pour la chaise, ni pour la table. Ni vitrine, ni magasin, ni rue, ni voiture, ni cheval, ni ville, ni pays, ni océan. Ni massacre. Ni douleur. Plus. De. Mots.
Commenter  J’apprécie          50
À Varsovie, Vicente avait fait partie de cette bourgeoisie éclairée qui en avait eu assez d'être juive si être juif signifiait se vêtir toujours de noir et être un peu plus archaïque que son voisin.
Commenter  J’apprécie          50
Je ne sais pas comment on survit à la terreur. Mais je sais que l'amour et l'amitié ne sont pas étrangers à cette faculté qu'a l'être humain de demeurer humain face à sa propre inhumanité. (p. 303)
Commenter  J’apprécie          50
Cet arbre (Le Gomero) immense, maison, foyer, refuge, et aussi monde, forêt vierge, Himalaya, cet arbre foisonnant où j'appris à écrire et à penser, à contempler et à écouter, cet arbre dont chaque ramification me devenait si familière qu'aujourd'hui encore j'éprouve parfois la sensation physique de me fondre entre ses branches dès que mon corps trouve le confort d'un fauteuil ou d'un canapé, cet arbre qui m'était plus intime et plus douillet que n'importe quel lit-cet arbre, aussi, j'aimais à le blesser.
La vie est une longue blessure absurde ou chacun subit ou provoque-et souffre en subissant, et souffre en provoquant-des exils et des défaites. (p. 86)
Commenter  J’apprécie          50
Quel force narrative pour arriver ainsi à nouer l’estomac du lecteur, le nouer d’un remords profond comme s’il était le remords du personnage central de ce récit poignant. A peine l’avais je commencé que je me suis rendu compte que je ne pourrais pas le lâcher rapidement.

S.H. Amigorena a un talent inouï pour nous faire vivre le traumatisme de ceux qui ont pu échapper à temps à la bête immonde mais qui ne sont pas parvenus à retirer à temps de ces griffes leurs proches. L’éditeur a trouvé la photo parfaite pour illustrer la couverture de ce Folio 6893.

Je comprends après lecture pourquoi la 4e de couverture rapporte les propos de Laurence Houot : Amigorena rejoint les Primo Levi, Jorge Semprun et ces autres témoins de cette période qui restera une tâche indélébile sur la conscience européenne.
Commenter  J’apprécie          50
Malgré la lettre de sa mère, malgré l'article du Daily Telgraph, Vicente n'avait qu'une idée très vague de ce qui se passait réellement en Europe. Les journaux, partout dans le monde, avaient commencé à parler timidement des centaines de milliers de juifs qui étaient assassinés par les nazis. Mais ne pouvant pas imaginer ce qu'est le meurtre de centaines de milliers de personnes, la plupart des gens n'y croyaient toujours pas. Après l'article du Daily Telegraph du mois de juillet, deux journaux argentins, La Pensa et Critica, avaient dénoncé que les déportations des juifs étaient destinées à des lieux d'extermination. Puis, le 25 novembre 1942, le New York Times avait publié un article sur les camps de Belzec, Sobibor et Treblinka et sur les chambres à gaz et les fours crématoires d'Aushwitz. Cet article précisait que les personnes âgées, les enfants, les nourrissons et les handicapés juifs de Pologne étaient assassinés. Mais l'article n'était paru qu'en page 10 du journal et, encore une fois, il n'avait eu qu'un écho limité.
Commenter  J’apprécie          50
Lorsqu’il était parti de Varsovie, sa mère lui avait fait jurer qu’il lui écrirait une fois par semaine. Mais alors qu’elle, elle n’avait jamais cessé, jusqu’en 1938, de lui envoyer plusieurs lettres par mois, Vincente n’avait tenu sa promesse que pendant la première année qui avait suivi son arrivée à Buenos Aires. 1929, 1930, 1931. Les années passaient et Vincente, à chaque fois qu’il recevait une lettre, maudissait les reproches de sa mère. 1932, 1933, 1934. Puis ces mêmes reproches avaient commencé de l’amuser et, avec Ariel, il s’en était parfois moqué. 1935, 1936, 1937. Puis il les avait reçus avec indifférence. 1938, 1939, 1940. Dire que maintenant, depuis trois déjà, c’est lui qui s’inquiétait de n’avoir pas assez de nouvelles de sa mère…
Commenter  J’apprécie          50
Mais plus j'observais les oeuvres, plus elles m'echappaient : visiteur cupide du musée dépeuplé. J'étais là, et j'étais absent, absolument absent. Je voulais voir et mon désir, ma volonté de voir et mon désir, ma volonté de voir aveuglaient mon regard.
Commenter  J’apprécie          50
- Travaillez... Travaillez en pensant que le but auquel tendent nos efforts -- le bonheur de tous-- est bien supérieur à la fatigue de chacun. C'est ça que les hommes appellent , et ils ont raison. Il n'y a pas d'autre philosophie dans la vie d'un homme, ou d'une abeille.
Commenter  J’apprécie          50
L’amour a-t-il une histoire ? Peut-il être étudié, annoté, disséqué ? L’amour est-il une suite d’événements qui peuvent former un récit, une chronique ? Peut-on rendre compte de l’amour ? Peut-on en faire le compte rendu ?
Ou est-ce plutôt inévitablement une fable, un mythe, la matière d’une nouvelle, d’un roman, d’un poème ?
Aimer se mérite-t-il, se gagne-t-il ? Aimer est-il un prix – ou a-t-il un prix ?
Et qu’en est-il d’« être aimé » ? Être aimé est-il une satisfaction, ou une sanction ?
Peut-on chercher l’amour ? Peut-on le trouver ? Peut-on aimer un être comme on aime un paysage, un goût, un parfum, une musique, un livre – un tableau ?
Commenter  J’apprécie          50
Pourquoi j'écris ?
J'écris pour survivre à mon passé.
J'écris pour ne pas mourir de la douleur

d'avoir été.
J'écris pour ne pas mourir de la douceur d'avoir été.
J'écris parce que la douleur et douceur, comme l'arc et la lyre, ne sont séparés que par une seule lettre.
Commenter  J’apprécie          50
Il avait su, bien sûr, qu’au mois de septembre 1939 les Allemands avaient envahi la Pologne. Et il n’ignorait pas à quel point les Allemands, avec la même ténacité que les Polonais ou les Russes depuis des décennies et d’une manière terriblement plus institutionnelle depuis 1933, étaient profondément antisémites.
Commenter  J’apprécie          50
Il voulait parler, mais prisonnier du ghetto de son silence, il ne pouvait pas parler. Il ne savait plus.
Commenter  J’apprécie          50
Onze millions de personnes. Onze millions de personnes à assassiner. Peut-on penser l'impensable ? Peut-on comprendre l'incompréhensible ? Peut-on imaginer ce que personne n'a jamais vu, ce que personne n'a encore jamais cru que l'homme serait capable de faire ? Il y a des événements, de temps en temps, qui renouvellent ce que nous sommes capables d'imaginer, qui amplifient le domaine du possible, jusqu'à des limites, que personne auparavant, n'aurait supposé, qu'on pourrait atteindre.
Commenter  J’apprécie          50
L'une des choses les plus terribles, de l'antisémitisme, est de ne pas permettre à certains hommes et à certaines femmes, de cesser de se penser comme juifs, c'est de les confiner dans cette identité au(-delà de leur volonté-c'est de décider, définitivement, qui ils sont.
Commenter  J’apprécie          50
Se taire. Oui, se taire. Ne plus savoir ce que parler veut dire. Ce que dire veut dire. Ce qu'un mot désigne, ce qu'un nom nomme. Oublier que les mots, parfois, forment des phrases.
121
Commenter  J’apprécie          51



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Santiago H. Amigorena (1626)Voir plus

Quiz Voir plus

Quiz sur des classiques connus

Victor Hugo:

Atlantide
Notre-Dame de Paris
La mer rouge

20 questions
12706 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *} .._..