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Critiques de Santiago H. Amigorena (317)
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Le Ghetto intérieur

Le narrateur petit-fils de Vicente va nous conter son histoire, ce roman me fait tellement penser à un récit que je suis un peu perturbée de voir « roman » sur la couverture. La plume de l’auteur est pleine de pudeur comme les silence de Vicente. Face à sa culpabilité, celle de ne pas être avec sa mère et son frère, celle de ne pas avoir fait le nécessaire pour les faire venir en Argentine quand il était encore temps, Vicente va choisir de se taire, de garde cela pour lui et donc de se retrouver dans son Ghetto Intérieur. Cet homme qui a choisi de partir pour vivre sa vie, loin de sa mère envahissante va réussir à se faire sa place, se marier avoir des enfants, une belle vie qui va basculer progressivement en même temps que la vie de ses proches devient un cauchemar.



En parallèle de la vie de notre protagoniste, des moments clés de La Shoah nous sont rappelés. Les différentes formes de massacre qu’on subit les Juifs, la ghettoïsation, puis les camps et l’extermination. Tout ce que Vicente ignore sur le moment et qu’il découvrira petit-à-petit pour comprendre que son imagination était en dessous la douloureuse réalité.



L’auteur aborde avec subtilité l’inquiétude grandissante de Vicente, mais aussi la culpabilité du survivant et le poids de cet héritage sur les générations suivantes. Sans oublier la question de l’origine et de ce qui nous définit en tant que personne.



Ce n’est pas énième livre sur la Shoah, celui-ci a le mérite d’aborder un angle différent. Et de toute façon peu importe le nombre d’écrits sur le sujet, les témoins un jour ne seront plus là alors que les écrits resteront car il ne faut surtout pas oublier et surtout que les générations à venir connaissent cette atroce vérité. Alors je ne peux que vous conseiller la lecture de ce roman.
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Le Ghetto intérieur

Ce roman est un cri silencieux.

Comment exprimer ce que les mots ne peuvent pas dire?

Vicente comprend depuis l'Argentine où il s'est expatrié en 1928 qu'il ne peut rien… Et alors qu'il pensait s'être totalement émancipé de son passé polonais, de sa famille juive polonaise, de sa mère, de sa judéité, Vicente est impitoyablement rattrapé par la culpabilité.

Ne pas savoir, savoir, ne pas vouloir savoir.

Vicente découvre le sentiment d'impuissance devant l'inconcevable projet nazi d'extermination programmée et industrielle du peuple juif.

J'ai relevé la citation qui ouvre le récit, qui me paraît tellement juste: « Réagir de façon adéquate à l'incommensurable était impossible. Et celui qui exige cela des victimes devrait exiger du poisson jeté sur la rive qu'il se dépêche de se faire pousser des jambes pour retourner à petits pas dans son élément humide. »

Günther Anders, Nous, fils d'Eichmann.



C'est par les courtes et sporadiques lettres de sa mère retenue dans le ghetto de Varsovie avec son frère aîné, sa femme et son neveu, que Vicente va peu à peu plonger dans la conscience du drame qui se joue en Europe, une conscience si coupable qu'elle va le perdre à sa propre vie, qu'elle va l'entraîner au néant, le faire sombrer dans le grand vide de l'absence et de l'impuissance.



Figurant dans beaucoup de sélections pour les prix de la rentrée littéraire 2019, Le ghetto intérieur, malgré quelques passages que j'ai ressentis comme une sorte d'écholalie, parfois un peu lassante, est à mon avis une oeuvre littéraire originale qui vient s'ajouter à la liste des grands textes dédiés à la mémoire de la Shoah que l'auteur aborde par un angle nouveau. Certains passages nous livrent une réflexion d'une très grande qualité. Ce texte d'une grande sensibilité sera sans doute distingué.

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Le Ghetto intérieur

Un récit avec beaucoup de poésie mais aussi assez sombre, l’auteur nous raconte via son passé familial comment son arrière-grand-mère fut déporté en Pologne, au camp de Treblinka II. Si le sujet n’est pas joyeux, ce n’est pas pour autant qu’il est triste, Santiago Amigorena arrive à nous faire ressentir de la joie à travers les lettres qu’elle envoie à Vicente. Ce n’est pas vraiment un témoignage, plutôt un roman qui se base sur l’Histoire et sur l’histoire de l’auteur, à l’origine du silence familial.

A Buenos-Aires en 1940, des amis juifs se retrouvent au café en se demandant ce qu’il se passe en Europe, qu’ils ont quittés quelques années plus tôt. A travers des lettres que sa mère lui envoi, Vincente pense à elle et à son destin tragique. Le roman est bien écrit, réaliste, touchant, et le thème du silence, du drame qui se passe de génération en génération, confronte l’Histoire de l’holocauste et des dégâts qu’il fait sur toute cette famille. L’auteur y exprime avec des sentiments justes, ce qui créé ce silence qu’il cherche à rompre à travers ce roman.

Même si je n’ai pas accroché immédiatement au livre, j’ai quand même réussi à entrer dans ce roman singulier, qui cherche à briser un tabou, qui veut aussi ouvrir la plaie pour que les générations futures ne subissent plus et que le traumatisme ne se transmette plus.

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Le Ghetto intérieur

Le récit d’un silence, d’homme rongé par les remords et la douleur d’assister d’Argentine à ce qu’il devine être l’extinction de son peuple en Pologne et en Allemagne. Juif, pourtant il n’a jamais voulu l’être, jamais aimé l’être, mais parce que les siens sont emmurés, il devient ce juif qui a fui, et qui ne peut pas vivre avec sa famille restée là-bas. Le ghetto intérieur, un titre puissant et évocateur, de cet homme qui s’impose son isolement. Un livre à lire, à offrir, à méditer

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Le premier exil

Voilà que s'achève l'aventure de ce jury littéraire avec ce roman paru chez P.O.L. que j'avais mis de côté comme une petite friandise, pour me souvenir de l'époque où je trouvais mon plaisir dans le catalogue de cet éditeur. Hélas, j'ai rapidement déchanté à la lecture de cet ultime “roman” de Santiago H. Amigorena que je découvre par la même occasion, car c'est

plus un récit qu'un roman, entre l'autobiographie et l'autofiction.



Le livre s'imbrique donc parmi les autres parutions de l'auteur qui composent une oeuvre globale - le Dernier Livre - présentée en fin de récit, séparée en six parties de deux chapitres découpant autant de périodes de la vie de l'auteur. le Premier Exil suit une partie de l'enfance d'Amigorena, de l'exil de sa famille de Buenos Aires alors en pleine instabilité politique, pour leur installation en Uruguay.



Si la plume et le verbe sont assurément agréables et que cette tranche de l'histoire de l'amérique latine, cruelle des exactions et de la torture auxquelles s'adonnent les militaires, nécessitait d'être rappelée, je n'y ai pas trouvé ce que j'aime dans mes lectures.



Je suis toujours terriblement ennuyé par ces longs récits psychanalytiques où les auteurs - souvent français - nous font payer une vingtaine d'euros pour lire leur introspection qui se voudrait bouleversante au point de nécessiter une publication. Quand, dans le récit, l'auteur raconte suivre une psychanalyse et être lui-même fils de deux psychanalystes, je me suis pris à sourire en songeant que j'avais vu juste.



Roman obtenu dans le cadre du jury du prix du roman Fnac.
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Le Ghetto intérieur

Vicente est un juif polonais qui a quitté son pays pour l'Argentine en 1928, marié avec trois enfants il est devenu marchand de meubles à Buenos Aires. Alors que jusqu'à cette année 1940 en recevant des lettres de sa mère restée en Pologne il s'amusait de ses inquiétudes, il devient inquiet à son tour en lisant les nouvelles désespérantes lui parvenant parfois plus d'un mois après.

Sa mère ainsi que son frère, sa belle-sœur et son neveu sont enfermés dans le ghetto de Varsovie, les lettres disent à mots couverts le désespoir de la population, les mots donnent à voir l'ampleur de la barbarie, la faim et les maladies tuent, la peur ronge le peu d'espoir qui restait.



Vicente de son côté se délite, les nouvelles de l'Europe l'ébranle au point d'abandonner sa vie à la tristesse, il en oublie de cajoler femme et enfants, s'aperçoit très peu que son silence brise l'amour. Il comprend mois après mois que l'horreur sévit au-delà de l'océan, que les siens souffrent et qu'il ne reverra probablement jamais les siens. Il avait pourtant fuit la Pologne et sa famille pour s'émanciper et vivre sa vie, aujourd'hui il regrette tant de ne pas avoir insisté pour les faire venir en Argentine. Les regrets sont puissants, ils blessent et détruisent; mais comment prévoir ces événements dramatiques, personne n'a pu imaginer jusqu'où pouvait aller la barbarie nazie surtout pas lui. La culpabilité le ronge, il se construit son propre ghetto en se murant dans le silence, ne comprenant pas comment il est possible d'identifier un homme par sa judéité, comment être polonais, argentin ou juif?



« Pourquoi jusqu'aujourd'hui j'ai été enfant, adulte, polonais, soldat, officier, étudiant, marié, père, argentin, vendeur de meubles, mais jamais juif ? Pourquoi je n'ai jamais été juif comme je le suis aujourd'hui – aujourd'hui où je ne suis plus que ça. »



Ce roman bouleversant m'a montré une autre version de la vie pendant la seconde guerre mondiale, il m'a montré comment la barbarie nazie avait pu s'abattre sur des personnes juives au-delà de l'océan, comment la cruauté pouvait tuée par delà des frontières, comment notre religion pouvait marquer notre identité. L'écriture est presque poétique, la réflexion intérieure de Vicente intense, ce ghetto qu'il s'est créé et dont la pudeur en garde la porte d'entrée regroupe toutes sortent d'émotions qui s'entrechoque pour le faire chavirer. Beaucoup de questions sont soulevées dans ce roman mais la dernière partie dévoile le fin mot de cette histoire de famille et de sang.
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Le Ghetto intérieur

Déçu par la politique et animé par une envie de réussite, Vicente Rosenberg quitte la Pologne en 1928 pour s’installer à Buenos Aires.

Laissant sa mère et son frère à Varsovie, il fonde une famille et vit heureux jusqu’à l’invasion de la Pologne par les nazis en 1939.

Car s’il a vécu en oubliant le passé et les siens, la souffrance de la population de Varsovie murée dans le ghetto va le révéler à sa condition de juif et l’enfermer dans un silence dont il ne pourra sortir, comme si les mots ravivaient son remord de ne pas avoir été là où il aurait dû être.

Ce roman nous interpelle sur la difficile et pesante «appartenance mi-religieuse et mi-ethnique» à ce peuple juif que la douleur a réuni de tous temps.

Le propos de Santiago H. AMIGORENA est une révélation d’une telle justesse qu’elle est difficile à supporter et l’on se sent coupable de n’être pas plus que les spectateurs de cette catastrophe humaine.

Une écriture simple et lancinante qui nourrit le malaise du remord et crée une irrépressible empathie pour ces êtres déracinés qui ont vécu l’holocauste emprisonnés dans un «ghetto intérieur».

L’émotion est au rendez-vous dans ce court roman qui fût une révélation pour moi et que je ne suis pas prête d’oublier.
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Le Ghetto intérieur

Santiago H. Amigorena évoque avec "Le ghetto intérieur" l'impuissance face à l'horreur et le traumatisme qui en résulte.



Vicente Rosenberg a 38 ans. Il vit depuis douze ans à Buenos Aires, où il a émigré en 1928, quittant sa Pologne natale, son statut de juif l'empêchait d'y être considéré comme un citoyen à part entière, malgré son engagement aux côtés du Maréchal Józef Piłsudski pour libérer la Pologne des russes en 1920. Marié, et père de trois enfants, il tient un magasin où il vend les meubles que fabrique son beau-père, et mène une existence paisible et confortable, ne se préoccupant guère de son identité. Jeune juif, jeune polonais, ou jeune argentin ?... Il serait bien en peine de se définir... Il se sent en tous cas détaché de tout sentiment d'appartenance à une communauté juive dont il considère avec condescendance certaines habitudes culturelles.



Mais bientôt, la rumeur de la menace nazie en Europe se concrétise. Et contrairement à celle de ses amis, la famille de Vincent vit toujours sur le vieux continent, notamment sa mère et son frère, restés à Varsovie. Les lettres maternelles le tiennent informé (parfois avec des mois de retard) d'une situation qui se dégrade, de la mise en place du ghetto de Varsovie, de la faim, du danger de mort croissant. Bientôt il ne reçoit plus de nouvelles.



C'est seul qu'il porte l'insoutenable poids de ce traumatisme rendu presque absurde par l'absence de ce qui le provoque et l'ignorance de ce qui se passe vraiment, refusant par ailleurs que sa femme et ses enfants vivent dans "la cruauté inutile de la mémoire". L'éloignement, la culpabilité et l'incertitude le rongent, le plongent dans un mutisme grandissant, le silence devenant sa seule arme pour survivre. Il se renferme sur lui-même, avec l'inconsciente illusion qu'en se taisant, il vivra le moins intensément possible, et anesthésiera la souffrance. En espérant qu'en se taisant, il cessera de penser. En vain. Obsédé par l'idée de la détresse que subit probablement sa mère, pendant que lui vit dans la sécurité et le confort -et qu'il doit bien continuer, pour ses proches, à vivre "normalement"-, est un insupportable paradoxe.



Et comment mettre des mots sur ce qui est si douloureux qu'il en est indicible, comment évoquer une horreur qui ne peut s'appuyer sur aucune logique, aucune explication, tant elle est inimaginable ?



Le drame qui se joue à des milliers de kilomètres, et dont il ignore les détails, si ce n'est par quelques colonnes dans les pages intérieures de journaux argentins qui peinant à croire à l'ampleur de l'horreur, la minimisent, le transforme. D'individu ordinaire et serein, il devient celui qui n'était pas où il aurait dû être, celui qui n'a pas insisté pour faire venir sa mère en Argentine lorsqu'il était encore temps. La vague réticence d'un fils à faire venir une mère qu'il craignait de voir bouleverser son indépendance a ainsi des conséquences disproportionnées, absurdement cruelles. Il se sent lâche, se considère comme un traître, un fugitif.



Et c'est comme si, soudain, on l'obligeait à se sentir juif, en lui faisant porter le poids des persécutions d'un peuple défini par la systématisation avec laquelle on le stigmatise et le tyrannise...



Bouleversant.
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Le Ghetto intérieur

Ce roman vient s'imbriquer dans la vaste entreprise autobiographique du romancier, qu'il a nommée "Le Dernier Livre" et révèle un nouveau pan de son histoire. Evoquant la tragédie de la Shoah sous un angle original, il démontre de façon sublime la mécanique d'une transmission transgénérationnelle.



La narration se concentre sur le poids de l'exil du grand-père maternel du romancier. Vicente Rosenberg quitte la Pologne en 1928 pour s'installer en Argentine. Un exil qui lui permet, quinze ans plus tard, d'échapper au destin tragique des juifs restés au pays mais qui, dans le même temps, le précipite dans un abîme où tous ses repères volent en éclat.



Dès 1940, il assiste, impuissant, à la dégradation de la situation en Europe, voit les murs du ghetto de Varsovie se refermer sur sa mère, l'arrière-grand-mère de l'auteur. A mesure que les lettres de cette dernière disent et révèlent l'horreur, la conscience de Vicente, marié à Rosita et père de trois enfants désormais, se paralyse. Il se vide de ses mots.



Le silence est désormais la seule traduction possible de l'irreprésentable, de la culpabilité et de son identité rétrécie. Vicente devient incapable de se situer, de faire "un" et de trouver du sens à ses différentes appartenances, mari, père, fils, et sa judéité. Avec force et une délicate pudeur, Santiago H. Amigorena nous fait entrer au plus près de l'intimité de Vicente. Il redonne une voix et des mots à son silence. On en perçoit la densité et ce qui se débat derrière ses murs intérieurs, et le processus - terrible - de l'effondrement de soi qui est en cours.



Nous suivons, tout aussi impuissants, le quotidien de Vicente et de sa famille, quasi caméra à l'épaule, jusqu'aux dernières pages, poignantes, où le romancier réapparaît et reconnecte l'histoire de Vicente à la sienne. Nous sommes alors les témoins du lien ultime qu'il établit entre le silence de son grand-père et celui qu'il a reçu en héritage. Et par là-même, qui réinscrit ce roman au sein d'une histoire tenant de l'universel.

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Le Ghetto intérieur

C'est d'un point de vue intimiste que ce roman aborde la catastrophe qu'a été la Shoah; mais aussi d'une façon indirecte puisque cette catastrophe est vécue par quelqu'un qui y a échappé; qui a eu l'intuition de fuir son pays d'origine, en abandonnant culture, langue et famille pour y échapper. Et c'est là le noeud de son drame personnel. il a fui, peut-être avec l'intuition de la menace imminente, mais aussi pour se libérer de l'emprise de sa mère. Lorsqu'il comprend, sans vouloir se l'imaginer précisément ni même vouloir en acquérir la certitude, l'horreur du ghetto de Varsovie où est contrainte de vivre sa famille — et particulièrement sa mère, lorsqu'il sait sans même se l'avouer le sort inéluctable des Juifs dans la réalité de « La solution finale », il s'enferme dans le ghetto intérieur du mutisme et du jeu où il s'efforce de tout perdre, dans ce qu'on qualifiait aujourd'hui de dépression.

Ce roman est extrêmement touchant, d'autant plus qu'on le sait d'inspiration autobiographique, le protagoniste de cette histoire Wincenty/Vicente étant le grand-père maternel de l'auteur. L'ironie du sort, ou plutôt sa cruauté, a fait que l'auteur répète malgré lui le vécu de son grand-père ayant dû, lui-même, fuir son pays d'origine, abandonner sa culture et sa langue maternelle pour échapper aux exactions d'une autre dictature…
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Le Ghetto intérieur

Court roman nous entraînant à Buenos Aires en 1940. Vicente, juif polonais s’est exilé en Amérique du Sud. Il y a fondé une famille.



Son autre famille – sa mère, son frère – sont restés à Varsovie.



Les murs du ghetto se referment sur ces derniers, ce ne sont plus que de rares lettres de sa mère qui parviennent jusqu’à Vicente.



Cependant, dans son pays d’accueil, en paix, un autre ghetto se construit, petit à petit- celui du jeune homme, victime indirecte de l’horreur nazie.



Roman dépeignant la culpabilité écrasante d’un homme exilé. Un jeune homme qui a fui sa famille pour mieux se trouver. Qui ne pouvait pas savoir qu’il allait ainsi assurer sa survie. Assister, aussi, au martyr des siens.



D’un homme qui se confronte à ses petites lâchetés d’apparence si anodine. Les demandes faites à sa mère, sans grande conviction, de le rejoindre, loin des pogroms.



Sa punition sera abominable. Celle de lire entre les lignes des lettres de sa mère bien aimée, toutes les souffrances pudiquement tues même si parfois l’horreur est telle qu’elle transpire des mots écrits.



Présente et en même temps si absente, la mère est là. La pensée divague sur ce qu’elle a vécu, sur ces lettres qu’elle tentent de rendre moins terribles. Était-elle soulagée de savoir son fils en sûreté ? Dévastée par son propre destin ?



Ce roman questionne aussi l’identité. Celle d’un homme qui s’est d’abord considéré comme polonais puis argentin et que le nazisme va définir comme juif.



Beaucoup de choses sont évoquées en moins de 200 pages, rendant cette lecture émouvante et intéressante. Un bel hommage rendu par l’auteur à son grand-père. Un roman en lice pour le Goncourt 2019.
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La Justice des hommes

Il y a des livres qui nous ressemblent, les personnages nous évoquent tous une partie de nous. C'est déroutant, c'est fascinant, c'est envoutant. Le thème abordé est généralement pour ce type de livre la condition humaine. C'est bien le cas pour celui-ci qui s'immisce à merveille dans la difficulté d'un homme et d'une femme à faire la part des choses en cas de séparation.



Belle surprise après autant de déceptions sur mes dernières lectures.

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Le Ghetto intérieur

Installé en Argentine depuis 1928, Vicente Rosenberg a laissé derrière lui, en Pologne, sa mère et son frère. Sa sœur a, quant à elle, choisi la Russie. Vicente s’est construit une vie en Argentine avec sa femme, Rosita et leurs trois enfants. Mais en ces troubles années 1940, alors que l’Europe entière s’embrase, les nouvelles qui lui parviennent de Varsovie sont terriblement inquiétantes. Et Vicente doit bientôt se rendre à l’évidence : sa mère ne sortira pas vivante de l’enfer qui s’est abattu là-bas et s’étend progressivement. Rempli de remords et de culpabilité, Vicente se retranche dans un silence que ni sa femme, ni ses enfants, ni ses amis ne parviennent à briser.



Santiago H. Amigorena nous plonge ici dans l’intimité d’un homme rongé par le sentiment d’avoir abandonné les siens. Alors que Vicente avait choisi l’exil pour construire une vie loin de sa mère, il comprend petit à petit que l’histoire va le priver pour toujours de celle qui lui donné la vie. Et que, plus que la mort de cet être qu’il chéri malgré les conflits qui ont pu les opposer, c’est surtout l’idée des souffrances qu’elle endure et qui lui apparaissent dans toute leur horreur au fur et à mesure que les nouvelles qui lui parviennent d’Europe se font plus précises, qu’il ne peut accepter alors que lui-même vit protéger dans ce pays qu’il a choisi.



Santiago H. Amigorena nous fait vivre les grandes dates qui ont marqué le ghetto de Varsovie et les terribles décision qui ont conduit à la mort de ses habitants à travers le regard épouvanté de Vicente. Les privations, la violence, la faim, la maladie que Vicente apprend au fur et à mesure, souvent à retardement et qui vont crescendo dans l’horreur. Les lettres qu’il reçoit de manière sporadique de la part de sa mère entretiennent aussi l’effroi et la culpabilité, ce sentiment terrible d’impuissance.



L’auteur aborde à travers ce récit autobiographique, puisqu’il raconte l’histoire de son grand-père, le poids de l’héritage familial mais aussi le sentiment d’appartenance à un peuple, une histoire, une religion et la manière dont cela peut se construire à partir d’une épreuve comme celle-ci. Car Vicente, qui ne s’est jamais réellement pensé comme étant juif, sent au fil du drame qui se joue si loin de lui naître ce besoin de se raccrocher à ses racines, aux souffrances endurées par les siens.



C’est un récit puissant, chargé d’émotion, qui donne un éclairage intéressant sur le besoin de silence face à quelque chose qui nous dépasse, à l’impuissance des mots pour traduire ses sentiments (culpabilité, honte, remords), à cet enfermement volontaire de ceux qui toujours penseront « pourquoi eux et pas moi ?», « qu’aurais-je pu faire de mieux, de plus ? », ceux qui vivront avec cette ombre au-dessus d’eux, la transmettant souvent de génération en génération.
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Le Ghetto intérieur

Je l’ai terminé hier.

Je ne sais pas quel livre commencer aujourd’hui. Je ne sais pas si je peux en commencer un autre d’ailleurs. Ni quand exactement.

Depuis hier je n’ai plus envie de rire. Ça reviendra bientôt.



Je ne peux vous expliquer, ainsi que je l’ai ressentie, la force de ce roman. C’est assez personnel la lecture… Certaines nous rongent, nous habitent, nous hantent. La puissance de celle-ci m’accompagnera un long moment.
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Le Ghetto intérieur

Au café Tortoni, ce 13 septembre 1940, Vincente Rosenberg va rejoindre ses amis Ariel et Sammy.

C’est un lieu à la mode et qui voit passer les célébrités, José Luis Borges, Arthur Rubinstein, Roger Caillois…venus à Buenos Aires pour fuir ce qui se trame en Europe.

En ce jour, la conversation tourne autour de deux sujets : les mères juives et la guerre en Europe.

Vincente est arrivé bien avant les évènements en 1928, juste à la recherche de son indépendance.

« C’est ce qu’on fait depuis la nuit des temps, non ? On aime nos parents, puis on les trouve chiants, puis on part ailleurs…C’est peut-être ça être juif… »

La vie est passée vite depuis son installation dans ce pays, il s’est marié, il a trois enfants, un magasin de meuble à faire tourner, les journées sont bien occupées et le temps a filé.

Sa mère et son frère sont toujours en Pologne, sa sœur elle est en Russie. Cela fait trois mois qu’il n’a pas eu de nouvelles.

Sammy avait fui le vieux continent avec toute sa famille et Ariel avait réussi à convaincre les siens de venir depuis 1937.

Vincente depuis douze ans n’a pas tenu sa promesse d’écrire toutes les semaines, comme il n’a pas réussi à convaincre sa mère et son frère de fuir. A-t-il assez insisté ?

« S’éloigner de sa mère en 1928, l’avait tellement soulagé — être loin d’elle, aujourd’hui, le torturait tellement. »

Le 9 décembre 1940 enfin une lettre. Plutôt alarmante, il y répond et réitère sa proposition de les faire venir à Buenos Aires.

« Wincenty, mon Wincenty, mon cœur, mon enfant,

Tout est devenu compliqué ici. Beaucoup de voisins de l’immeuble sont morts ces derniers mois. Berl soigne des gens pour quelques zlotys, mais la plupart n’ont plus de quoi payer. On ne sait pas ce qu’on va devenir. Il y a bien Shlomo qui nous aide parfois un peu, mais même pour lui les choses sont devenues difficiles. Les Allemands ne nous parlent plus, ils nous traitent comme des animaux. »

Lui qui avait délaissé la lecture des journaux, traque la moindre information, il lit tout ce qu’il trouve. Il rejoint de plus en plus souvent ses amis au café et pourtant participe de moins en moins. Comme s’il avait besoin de leur présence pour se réchauffer sans pour autant pouvoir livrer ce qui obstrue toutes ses pensées.

Il se heurte sans cesse à son incapacité à réussir à sauver les siens.

C’est indicible et finalement impossible de reconnaître l’inacceptable.

Alors le silence l’enveloppe l’emporte loin de son présent.



L’auteur amorce son récit en trouvant un biais original car le sujet a été l’objet de multiples essais et romans etc. Ce qui est surprenant c’est la douceur qui se dégage de l’ensemble pour dire l’indicible, l’horreur sans jamais user ou abuser de scènes horribles.

Cela ne fait que concentrer l’attention du lecteur, ce silence est ressenti dans toute la splendeur d’un retentissement qui nous fracasse les oreilles, nous noient les yeux et va nous nouer le ventre jusqu’à la dernière ligne.

Dire avec force l’origine du silence, de la culpabilité qui se propage aux descendants.

Nous ne saurons jamais si Gustawa…

« Si jamais elle a été arrêtée, j’espère qu’elle a réussi à garder son châle. C’est tout. Juste ça : son châle en laine rose. Je demande que ça, mon Dieu en qui je n’ai jamais cru. Je demande que maman, si elle a été arrêtée, soit tombée sur un soldat allemand assez humain pour comprendre que ce châle en laine rose ne pouvait faire de mal à personne. »

Vincente est un corps errant, difracté de sa famille et de ses amis, un esprit exilé qui rejoint les siens dans le ghetto intérieur même s’il ne peut avoir qu’une vague idée des horreurs de la réalité.

L’auteur redonne la voix à son grand-père, c’est puissant, troublant et déchirant.

©Chantal Lafon


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Le Ghetto intérieur

Très beau roman.

Le personnage principal ne peut pas envisager le pire pour sa famille restée en Pologne.

Il finit par se construire sa propre prison intérieure,qu'on peut mettre en parallèle avec la construction du ghetto de Varsovie,en se taisant et en étant absent à sa propre vie.

Sa souffrance profonde nous fait réfléchir à la culpabilité qu'ont pu éprouvée les survivants aux tragédies contemporaines (guerres,génocides,attentats)

Un ouvrage dont on ne sort pas vraiment indemne,à l'écriture fine et ciselée.
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Le Ghetto intérieur

Dans ce roman, nous suivons Vicente qui vit en Argentine tout en ignorons les tragiques événements que connaît l'Europe à cause de la montée du fascisme et du nazisme. L'auteur nous offre un récit d'exil qui nous montre la vie mélancolique de cet homme qui essaie de s'adapter à la vie a l'étranger pour surmonter la destruction de sa famille.

Un récit très poignant et bouleversant qui nous raconte l'histoire vraie des grands parents de l'auteur.
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Le Ghetto intérieur

En 1928,Vicente,fuit son pays : la Pologne ,pour s'exiler en Argentine, préssentant ce qui va se passer,il abandonne sa mère, son frère et sa soeur.

En Argentine à Buenos Aires ,il rencontre Rosita qui deviendra sa femme ,et ils auront quatre enfants.

Il retrouvera aussi deux amis de jeunesse exilés comme lui: Ariel et Sammy.

Vicente et Rosita ,grâce aux parents de celle-ci ,vivent dans l'aisance .Le père de Rosita tient un magasin de meubles que reprendra par la suite Vicente.L économie de l'Argentine se porte bien contrairement à l'Europe qui est en pleine crise économique.

Vicente reçoit peu de nouvelles de sa famille et de son côté en donne peu, ils vivent dans un bonheur parfait,il insistera auprès des siens pour les faire venir en Argentine mais ceux-ci refuseront.

Et puis de mauvaises nouvelles arriveront très tardivement,ou on y parle de ghetto,où la solution finale est entrevue;Vicente et ses amis lisent différents journaux mais contrairement a Vicente eux, ont leur parents a côté d'eux.

Vicente est seul,et les rares lettres de sa mère sont alarmistes.

À partir de ce moment, il va s'enfoncer dans un silence de plus en plus pesant: Ne plus savoir,Ne plus penser,et essayer d'oublier vont être ses objectifs,

Il s'éloigne de sa femme,de ses enfants,se réfugie dans le poker,au casino et y perd des fortunes.

C'est un sentiment de honte ,de culpabilité, d'impuissance,qui le ronge,jour après jour,il "descend" inexorablement dans un mutisme dévastateur,totalement coupé de la réalité,agissant par automatisme.D'où le titre:Le ghetto intérieur.

Ni sa femme qui l'adore,ni ses enfants ne parviendront à lui faire retrouver sa joie de vivre .

Une très belle histoire ,vraie puisque l'auteur parle de ses grands-parents.Un témoignage aussi,puisqu'à travers la vie de Vicente ,on voit la montée du nazisme et les méthodes appliquées pour ce que les nazis ont appelé: La solution finale.

C'est un livre dur ,c'est vrai mais qui retrace bien cette période de l'histoire,et ce décalage, entre l'argentine .où il fait bon vivre,et le contraste avec l'Europe en guerre m'a beaucoup plu.

Étant moi-même ,fille de déporté, ce livre m'a beaucoup touché, car nous portons dans nos gènes,malgré tout,une partie de cette page d'histoire qui,si ,depuis ,beaucoup de pages ont été tournées, il ne faut pas oublier.⭐⭐⭐⭐

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Le premier exil

Voilà un nouvel opus de la grande entreprise mémorielle de Santiago Amigorena. Il s'attache ici à la période de la fin des années 60 au début des années 70, qui a vu sa famille fuir l'Argentine pour se réfugier outre le Rio la Plata, en Uruguay. Ce fut le « premier exil » de l'auteur qui n'avait alors pas encore dix ans. Sa prime jeunesse nous est donc contée, celle d'un enfant ne s'exprimant pas - aphone dit-il – se réfugiant dans la lecture, la contemplation, et déjà l'écriture, n'accédant pas facilement à l'amitié, découvrant peu à peu la sensualité amoureuse. Cette jeunesse est peu à peu rattrapée par la politique, par la violence d'extrême droite qui commence à s'installer et qui culminera dans les années qui suivront.

Le style du livre est parfois un peu trop appuyé, un rien de nombrilisme peut lasser à force, mais voilà un livre qui par bien des aspects est séduisant.
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Le Ghetto intérieur

Qu'aurais-je fait ? Qu'aurais-je ressenti ? Qui aurais-je été ? Et comment cela fut-il possible? Ce sont toujours les mêmes questions. Et c'est toujours la même absence de réponse. Je reste sans réponse car je ne parviens pas à expliquer la haine que les Hommes peuvent éprouver. Comment ? Pourquoi ? Je ne comprends pas car la haine échappe à la raison. Elle la fuit, l'esquive, s'en libère en implantant ses racines dans un dehors impénétrable, insaisissable. D'où vient la haine de l'Autre ? La haine se nourrit de la raison pour se justifier et se renforcer mais elle émerge hors d'elle. Où exactement ? Qui le sait ? Seule l'amour - de soi, des autres, des Hommes et plus largement de l'humanité - résiste à la haine mais quand il n'est plus ? Quand il se fait rare ? Comment s'en sort-on ?



En lisant Santiago H. Amigorena, je me suis demandée ce que j'aurais fait moi à la place de son grand-père. Dans quel état me serais-je retrouvée ? Anéantie, meurtrie, forcément. Mais après ? Me serais-je, comme lui, emmurée dans un silence ? Me serais-je retirée de la vie ? Aurais-je fini par y mettre un terme ? Les Nazis ont tué, par milliers, par millions. Ils ont anéanti, détruit, exterminé. Et ils ont meurtri à jamais celles et ceux qui sont restés en vie. Dans quel état se retrouvent ceux-là ? La littérature est là pour nous raconter mais elle ne suffit malheureusement pas pour empêcher car les Hommes sont ce qu'ils sont, capables du pire comme du meilleur. Et ils ne savent pas tant qu'ils n'ont pas vécus, éprouvés. Autant dire que la haine a encore un bel avenir devant elle.



Mais revenons à ce livre ; nécessaire forcément comme tous les livres qui parlent de la violence du monde. Il y a dans ses pages un désespoir, une culpabilité, une disparition progressive. Il y a un homme qui se retire du monde car ce monde le prive de sa beauté. Il y a un homme qui meurt car il perd beaucoup. C'est triste, forcément. C'est tragique, indubitablement. C'est un drame, véritablement. Bémol, toutefois. J'aurais aimé que l'auteur, puisqu'il parle de ghetto intérieur, montre avec plus de précisions encore le cheminement qui amène un homme à épouser le silence éternel. Que ressent-on concrètement ? Que se passe-t-il au plus profond de soi ? Pourquoi continue-t-on à vivre si la vie a perdu de sa beauté et de son goût ? Qu'est-ce qui nous maintient encore en vie si cette vie n'est plus que tristesse infinie ? J'aurais voulu que l'auteur aille plus loin encore dans sa démarche mais aurait-il pu le faire ? Peut-il vraiment savoir lui qui n'a pas connu la seconde guerre mondiale, qui n'a pas vraiment connu son grand-père ? Peut-il ?

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