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Critiques de Santiago H. Amigorena (317)
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Le Ghetto intérieur

Ce livre est un vrai coup de cœur ! Je l’ai dévoré. Il parle d’un sujet extrêmement dur, il aborde la Shoah d’une façon assez différente de ce que l’on peut lire dans de nombreux romans.



Ici, la question tourne autour de la définition d’un individu, dans ce roman l’auteur tente de répondre à la question « qu’est-ce qu’être juif ? Doit-on se sentir juif ? » En effet, de nombreuses personnes sont juives car leur mère l’était mais comme ils ne pratiquent pas la religion, ils ne se sentent pas juifs. Sauf que lorsque les Nazis accèdent au pouvoir, il n’y a plus de demi-mesure : un juif est un juif, qu’il pratique ou qu’il ne pratique pas, que ses origines soient lointaines ou non…



L’auteur montre également que ces événement ont également fait des victimes collatérales, à l’image de Vicente qui souffre d’être l’un des survivants. Lui qui a si longtemps insisté pour que sa mère vienne en Argentine mais qui, devant ses refus, n’a pas insisté plus que ça, lorsqu’il comprend que sa mère est morte on a l’impression que lui aussi meurt à petit feu et qu’il ne veut plus vivre.



L’écriture est fluide et simple tout en étant très profonde et en secouant le lecteur. L’auteur effectue à travers ce roman un travail de mémoire puisqu’il nous parle de son grand-père Vicente et qu’il amène à se questionner sur l’identité, la culpabilité, le silence. Le roman est assez court mais il amène à une profonde réflexion de la part du lecteur.



Bref, je vous le conseille, une vraie pépite !
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Le premier exil

Si le contenu d’un livre vous indiffère pourvu que le style soit bon, vous aimerez Le Premier Exil, mais, si le contenu du livre a quelque importance pour vous, épargnez-vous cette lecture, bien loin de l’excellent Le ghetto intérieur, du même auteur.

L’Argentine étant devenue trop dangereuse, la famille s’exile en Uruguay, pays où il fait bon vivre, jusqu’au début des années 1970 où les militaires prennent le pouvoir et instaurent une dictature. Les Escadrons de la mort proches de l’armée commettent attentats et assassinats.

Cela paraît intéressant, hélas, l’auteur ne s’adresse pas aux lecteurs, mais à lui-même. Il n’y a aucun mal à écrire pour soi-même et pour ses amis, mais pourquoi publier le livre ?

Je dois reconnaître que Santiago H. Amigorena a du talent, j’avais beaucoup aimé Le ghetto intérieur (peut-être parce qu’il s’intéressait à quelqu’un d’autre que son importante personne). J’ai retrouvé ce talent dans certaines pages du livre Le premier Exil malheureusement, elles sont beaucoup trop rares.

Il reste un livre autocentré, sans grand intérêt, effectivement, pour un lecteur qui ne fait pas partie de ses amis.


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Le Ghetto intérieur

Raconter la barbarie, mettre des mots sur l’ineffable, créer une œuvre à partir de ce que l’être humain a produit de pire. On a parfois l’impression que la littérature n’en finira jamais avec ces sujets douloureux.

Santiago H. Amigorena s’y confronte à son tour dans son dernier roman en situant l’action en 1940, dans le ghetto de Varsovie.

Vicente est arrivé en Argentine en 1928. Il a quitté sa ville natale, ses origines juives encombrantes et une famille étouffante sous la coupe d’une mère possessive en espérant changer de vie. Il donne des nouvelles, de loin en loin, jusqu’en 1940 où il apprend, bouleversé, la situation des juifs en Pologne.

Quelques lettres de sa mère, prisonnière dans le ghetto l’inquiètent de plus en plus.

Pourquoi est-il parti ? Pourquoi a-t-il abandonné sa mère et son peuple ? Le remord se fait de jour en jour plus prégnant, l’enveloppant dans une abyssale solitude. Il passe ses nuits à jouer au poker, délaissant de plus en plus son épouse et ses enfants avec qui il est incapable de partager son mal-être et sa culpabilité.

Santiagi H. Amigorena réussit à décrire l’enfermement intérieur de son héros dans un récit lucide et sobre porté par une écriture d’une beauté incroyable.

Une magnifique lecture.

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Le Ghetto intérieur



Vicente a fui la Pologne en 1928 et s'est installé à Buenos Aires. Il a épousé Rosita, a eu avec elle trois enfants et retrouve régulièrement ses amis au café.



Loin de l'ombre dans laquelle plonge l'Europe à la fin des années 30, il en perçoit peu à peu la gravité à travers les lettres qu'il reçoit de sa mère restée à Varsovie.



Vicente qui ne s'était jamais senti particulièrement juif, s'interroge soudain sur son identité :



"Comme tous les juifs, Vicente avait pensé qu'il était beaucoup de choses jusqu'à ce que les nazis lui démontrent que ce qui le définissait était une seule chose : être juif."





Au moment où l'entreprise d'extermination industrielle des juifs se met en place, l'auteur choisit, s'inspirant de l'histoire de son grand père, un point de vue inédit : celui de Vicente, à des milliers de kilomètres de l'horreur mais emmuré peu à à peu dans son silence, dans sa consternation, dans sa culpabilité, dans son sentiment poisseux d'impuissance.



 Penser l’impensable » et « comprendre l’incompréhensible », c’est ce à quoi s’attache subtilement ce sobre mais terriblement puissant roman.
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Le Ghetto intérieur

Alors que les persécutions envers les juifs ont commencé en Europe, Vicente, dont la famille est restée à Varsovie, guette les nouvelles en provenance d’Europe. Il s'inquiète, mais ne se doute pas encore de l’étendue du crime commis.

J’ai aimé l’originalité du propos, l’éprouvant monologue intérieur que poursuit Vicente ainsi que l’analyse par le narrateur.


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La Justice des hommes

Quand, pour toute expression de l'émotion, le corps devient parole.



Encore une histoire de couple qui explose me suis-je dit dans un premier temps et pourtant, écrit par Santiago Amigorena, j'ai espéré que le sujet serait traité de manière singulière. Et c'est ce qui s'est passé.

L'implosion d'un couple, même si c'est pour une raison particulière, est un thème sur lequel il a déjà été écrit du bon comme du très fade (tout et n'importe quoi, aurais-je pu écrire).



Ici nous avons Aurélien le papa, Alice la maman, Elsa et Loup les deux enfants.

Avant même le crash, le couple communiquait déjà cahin caha. C'est dans cette ambiance délétère que Santiago Amigorena fait faire une connerie à Aurélien, bêtise qui l'emmène directement vers la case prison. Jusque-là tout aurait pu juste s'effilocher un peu plus puisqu'il ne sera question que de quelques mois d'incarcération. Mais ce n'est pas ainsi que cela se passera car Aurélien décide de ne accepter la visite des membres de sa famille pendant son séjour en prison. Alice son épouse le vit mal, mais c'est sa fille Elsa qui en sera le plus choquée.

Pire encore, l'auteur enfonce encore un peu plus le clou puisqu'à sa sortie de prison, Aurélien ne rentrera pas au domicile conjugal, louera en banlieue un misérable appartement, reprendra son travail et ne vivra plus auprès des siens.



Santiago Amigorena explore ici une nouvelle fois les relations humaines, mais là où il va sortir sa meilleure carte, c'est dans l'observation de la justice des hommes. Car il y a certes La Justice avec un grand J, celle qui pose un verdict, fait payer la connerie à celui qui a mal agit. Mais il a aussi la sentence implacable de l'entourage et celle-ci ne sera pas tendre. C'est cette superposition qui sera réussie.

Cela m'a rappelé une phrase bien connue : « la justice des hommes, n'a de justice que son nom ».



Les thèmes sont éclairés par un auteur sensible et qui connait les rouages des relations humaines. Ses personnages par contre, ne me sont pas apparus comme particulièrement attachants : juste peut-être le père d'Alice.

Pas mon livre préféré de Santiago Amigorena.



Citations :

De Herrmann Hesse cité dans le livre «  Partout les lois non écrites étaient plus fortes que les lois écrites. »
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Le Ghetto intérieur

"Puis, toujours sans un mot, il avait fait un infime sourire à sa femme, il avait adressé un infime regard à son fils, et il avait quitté l’appartement. « Que sont les mots ? À quoi ils servent ? Pourquoi lui parler ? Pourquoi essayer de lui dire ce que je ne peux même pas me dire à moi-même ? Il faudrait que je lui raconte toute l’histoire. Depuis le tout début. Depuis que je suis parti de Varsovie. Ou depuis qu’on est partis de Chełm quand j’avais douze ans. Mais comment lui raconter tout ça ? Comment lui raconter maintenant ? Comment lui raconter maintenant alors que je ne lui ai jamais rien raconté pendant toutes ces années ? Pourquoi jusqu’aujourd’hui je n’ai jamais éprouvé le besoin de lui parler de mon passé ? Pourquoi je ne lui ai jamais dit à quel point je me suis senti polonais ? À quel point j’ai voulu être allemand ? Pourquoi je ne lui ai jamais parlé de l’université ? de Varsovie ? de la honte que j’ai éprouvée la première fois où ces étudiants polonais se sont moqués de moi parce que j’étais juif ? "



Santiago H. Amigorena a voulu, dans ce roman, rendre la parole à son grand-père Vicente, lui qui justement avait renoncé à dire quoi que ce soit tant son sentiment de culpabilité était grand. Emigré en Argentine à la fin des années 1920, il avait quitté le reste de sa famille (sa mère, son frère aîné et sa soeur) d'abord avec soulagement. Il ne prendra conscience que trop tard de la gravité de la situation politique et se reprochera de ne pas avoir assez insisté pour qu'ils fuient la Pologne à temps.



Evidemment c'est une sorte de gageure que de vouloir recréer les pensées, les atermoiements et les motivations profondes d'un proche, spécialement celles d'un proche peut être car nous sommes alors souvent dans une sorte "d'angle mort".



Le résultat de ce parti pris m'a semblé en deça de ce que j'en attendais... Les personnages sont parfois un peu trop désincarnés (les amis de Vicente par exemple, qui permettent à l'auteur d'insérer essentiellement des considérations historiques, qui sont évidemment nécessaires mais paraissent forcées).



Je n'ai donc pas eu de coup de coeur pour ce texte, auquel je reconnais toutefois bien des qualités. Il n'y aura jamais assez de rappels sur les atrocités de la Shoah...
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Le Ghetto intérieur

Jusqu’où une souffrance, un martyr, un insoutenable génocide peut-il se partager, se comprendre ou tenter de se vivre à distance ?



Le ghetto intérieur de Santiago H. Amigorena n’est pas un livre de plus sur l’holocauste nazi mais une tentative d’analyse du lourd sentiment de culpabilité de ceux qui l’ont vécu à distance, et qui sont restés.



Cette profonde descente dépressive de Vincente, réfugié en Argentine avec femmes et enfants pendant que sa mère et le reste de la famille restés en Pologne voient peu à peu le ghetto de Varsovie refermer sa nasse annonciatrice des massacres à venir, est incroyablement forte et prenante.



J’ai pourtant eu beaucoup de mal à entrer dans cette intimité littéraire, ne m’y sentant pas à ma place : cette intimité qui lie Vincente et sa mère à travers ces lettres sans réponses où le lien filial semble déjà malmené depuis longtemps ; celle qui lie Vincente à ses proches qui semblent souvent passifs ou absents devant le mal-être qui le ronge ; et enfin la propre intimité de Vincente qu’il tente de nous partager comme une catharsis rédemptrice sans que nous puissions totalement la comprendre.



C’est probablement un grand livre, bien écrit et documenté, mais que je n’aurais pas su totalement aborder.
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Le Ghetto intérieur

Le ghetto intérieur… un titre percutant pour un roman qui l'est bien plus encore.

Santiago H. Amigorena, auteur argentin vivant actuellement en France, écrit ici un livre poignant sur la Shoah, sur l'identité juive, la culpabilité et le silence.

Vicente Rosenberg est arrivé en Argentine en 1928. Il a rencontré Rosita Szapire cinq ans plus tard. Vicente et Rosita se sont aimés et ils ont eu trois enfants. Mais lorsque Vicente a su que sa mère allait mourir dans le ghetto de Varsovie, il a décidé de se taire. Ce roman raconte l'histoire de ce silence – qui est aussi devenu le mien, dit Santiago H. Amigorena en quatrième de couverture.

Et le silence, l'auteur connait. Muet de naissance, il le vit dans ses tripes depuis longtemps. Ce qui ne l'a pas empêché, il est vrai, de s'exprimer à travers son oeuvre romanesque et les nombreux scénarios de film qu'il a signé. Un coup d'oeil sur sa bibliographie suffit à nous en convaincre.

Dans ce 10e roman, le silence est celui de la culpabilité de l'homme, Vicente Rosenberg, qui s'est toujours promis de revenir un jour vers sa famille à Varsovie. Mais, happé par le quotidien, l'espoir d'un monde de paix, les projets d'une vie de famille, d'une réussite professionnelle, il n'a pas pu entendre ce que disait sa mère dans ses lettres. Envoyées d'un Varsovie, terrain de jeux de l'antisémitisme nazis et des froids calculs d'anéantissement total d'un monde juif, ces besoins exprimés, ces manques et demandes apparaissent, de nos jours, comme d'évidentes alarmes. Comment de tels signaux n'ont-ils pas été mieux perçus ? Comment n'ont-ils pas déclenché les réflexes moraux à mettre en oeuvre ? Voilà bien une réflexion bien-pensante qui ne tient pas compte des méandres de l'esprit capable de se construire tant de verrous et de cadenas face à l'impensable, l'inadmissible et pourtant bien réel quotidien du ghetto de Varsovie. Ce roman retrace la parallèle descente en abîme de l'Europe des années 30-40 et celle d'un émigré juif qui peine à se définir comme tel, sent que le monde bascule, mais ne sait comment contrecarrer ce glissement, cette perte d'humanité.

Un roman puissant. Un angle d'approche de la Shoah original qui ne peut laisser indifférent. Peut-on imaginer cette ghettoïsation intérieure ? Peut-on deviner les forces de destruction qui murent un homme, un mari, un père, un fils dans un silence qui ne laisse aucune place à l'avenir, à la renaissance ? Santiago H. Amigorena nous donne d'y croire, même sans tout comprendre. Et il nous invite à nous laisser interpeller par le questionnement de Vicente Rosenberg. Qu'est-ce qu'être juif ? Et pour ceux qui ne le sont, qu'est-ce qui justifie l'antisémitisme et le silence devant celui-ci ?

Avec une écriture simple, construite sur la juxtaposition de phrases courtes, de propositions qui marquent l'enchaînement logique de la pensée, l'auteur nous donne accès à la construction d'une réflexion vitale et aux questions qu'elle suscite, aux peurs ou envies de fuites qu'elle révèle. le style de S. H. Amigorena nous prend par la main et nous conduit au coeur de ce silence, ghetto intérieur qui ne manquera pas de nous bousculer à propos de la vie, des choix à poser, des paroles à dire, des silences à partager.

Un grand roman de cette rentrée littéraire de fin 2019 ! Je ne peux qu'en conseiller la lecture, de même que celle des excellentes critiques lues dans la Presse ou sur les sites de partages littéraires.

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Le premier exil

Quel pensum ! De vagues souvenirs d'enfant (pas plus intéressants que d'autres) entrecoupés de considérations poético-philosophico mystiques à côté desquelles je suis complètement passé ! Des passages en italique, on se demande pourquoi... Tout cela manque terriblement de fluidité. J'avais pourtant bien aimé le Ghetto intérieur. Bref, abandon au tiers du livre.
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Le Ghetto intérieur

Le grand-père de Santiago Amigorena, Wincenty Rosenberg , juif polonais, a quitté Varsovie en 1928, s’est installé en Argentine à Buenos Aires, il est devenu Vicente , a fondé une famille avec Rosita Szapire , elle même juive , dont les parents avaient quitté le shtetl (quartier juif) près de Kiev avant sa naissance. Ils ont trois enfants Martha , Ercilia , Juanjo.

Vicente a tenté de faire venir sa mère, sa famille, dans ce pays, sans succès. Quand il apprend les conditions de vie et de mort des juifs, notamment ceux enfermés dans le quartier juif de Varsovie, il va, peu à peu, s’emmurer dans le silence. Un mutisme violent, comme un ghetto intérieur

Le petit- fils ouvrira la porte de cet enfermement par le biais de la littérature, pour se libérer, de cette pesanteur étouffante.
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Le Ghetto intérieur

"Le ghetto interieur" c'est la culpabilité qui ronge Vincente Rosenberg, culpabilité qui ne cesse de grandir jusqu'à l'enfermer complètement sur lui-même, Vincente en devient prisonnier.

Vincente a quitté la Pologne et les siens en 1928 pour vivre en Argentine où il rencontre Rosita, se mariera et aura 3 enfants. Tout se déroule plutôt bien jusqu'au jour où il reçoit une lettre de sa mère lui apprenant ce qu'elle vit à Varsovie avec l'arrivée des nazis. Il ne va pas se révolter, crier, se battre, non il va au contraire se murer dans un silence où la culpabilité va prendre toute son énergie et le ronger petit à petit.

C'est un livre dur car on ressent la souffrance le mal-être grandissant de Vincente mais sa souffrance ne m'a pas réellement touchée elle m'a même parfois agacée. Culpabiliser d'avoir laissé sa mère en Pologne et de ne pas avoir assez insisté pour qu'elle le rejoigne en Argentine peut se comprendre. Mais est-ce que cela justifie de délaisser sa femme et ses enfants ? oui je suis dure car il est dans une telle souffrance qu'il en devient l'esclave mais je trouve malgré tout qu'il est très égocentré. S'il ne trouve pas les mots pour exprimer ce qu'il ressent de l'horreur qui se passe en Europe et plus particulièrement de ce que sa mère peut vivre, il a auprès de lui une femme et des enfants qui existent, vivent et ont besoin d'un minimum d'attention, d'un regard, d'un geste qu'il ne donne même plus à son fils qui lui tend la main.

Faire souffrir les siens parce qu'on se sent coupable n'est pas un comportement nouveau mais est un comportement que je ne comprends pas pour autant. Je suis donc restée à distance de Vicente Rosenberg qui n'a pas laissé de place à autre chose ou à quelqu'un d'autre que sa culpabilité.
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Le Ghetto intérieur

Buenos Aires. Vicente est marié à Rosita et a trois enfants. Il quitte la Pologne en 1928 en y laissant sa sa mère, son frère et sa sœur, tous deux mariés. Là-bas, il a grandi, étudié et travaillé dans l'armée. Il a combattu en Russie et en Hongrie. Il était fier d'avoir servi son pays. Déçu par le comportements de ses frères d'armes, la motivation l'a quitté. Car Vicente est juif. Nous sommes à l'approche des années 1930. L'antisémitisme est déjà en marche. Même s'il se sent polonais avant tout, son désir de voir le monde a été plus fort. Il quitte la Pologne. Et voilà maintenant douze ans qu'il vit en Argentine, s'y est marié, s'est intégré, y a construit sa vie et préparé son avenir.



Le récit démarre en 1940. Les nouvelles d'Europe ne sont pas bonnes. En Argentine, il y a beaucoup d'émigrés juifs qui ont reconstruit leurs vies, souvent à partir de rien, puis se sont adaptés localement. Bon nombre de familles sont restées en Europe lorsque la jeune génération s'expatrie au-delà de l'océan pour découvrir cette Amérique pleine de promesses.



Vicente n'est pas un homme bavard. Très secret, il réfléchit beaucoup, ne s'extériorise pas, et s'interroge énormément sur son passé, ses origines, les motifs qui l'ont réellement motivés à quitter la Pologne. Est-ce pour fuir sa famille ? Un besoin d'évasion ? La faute à l'antisémitisme grandissant ? La déception envers l'armée ? Une chose est sûre, aujourd'hui il a une autre vie et n'imagine pas une seule seconde à retourner sur le vieux continent. Très souvent, il a demandé à sa mère de le rejoindre, mais elle n'a jamais voulu.



Alors, leur seule façon de rester en contact sont les lettres, qui se sont faites plus rares ses dernières années. Et maintenant que le conflit mondial prend de l'ampleur, ce besoin de prendre des nouvelles l'obsède. Vicente comprend de plus en plus que la situation en Pologne et dans tous les pays occupés par les nazis devient dramatique. Mais il ne sait pas tout ce qui s'y passe réellement. Les journaux américains donnent des nouvelles au fur et à mesure, mais eux non plus ne savent pas tout. Vicente est très soucieux. Il se mure dans le silence.



C'est l'histoire d'un homme rongé par l'angoisse et la honte d'avoir laissé les siens au pays à l'aube d'une guerre, de ne pas être là-bas auprès d'eux, et de ne pas savoir. Il ne comprend pas le nazisme et cette haine contre le peuple juif.



Une lecture dans laquelle on côtoie Goebbels, Heydrich, Himmler, Globocnik, Eichmann et bien sûr Hitler, tous les plus grands criminels dans leur entreprise génocidaire. On assiste à la mise en place des projets nazis, à la création du ghetto de Varsovie, à la Shoah, aux méthodes de destruction, au travail forcé dans les camps, puis à l'extermination.



Et puis, il y a ces homme et ces femmes, en proie à leur "ghetto intérieur", meurtris, rongés à jamais par cette culpabilité. Ils ne peuvent rien faire que d'assister à ce drame du 20ème siècle, sans pouvoir agir.



C'est l'histoire du silence de ceux qui restent mais c'est aussi l'histoire d'un grand-père, celui de l'auteur, Santiago H. Amigorena.



Poignant ! Un texte court mais fort, basé sur le ressenti et la conscience d un homme. COUP DE COEUR.



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Le Ghetto intérieur

C'est un livre très personnel et émouvant qu'a écrit le cinéaste Santiago Amigorena, très percutant et émouvant.

Contrairement à ce quon pourrait penser, ce n'est pas un roman de plus sur la Shoah. C'est bien plus intime et plus complexe que cela. Ce qui fait l'originalité du roman, et l'histoire de son grand-père Wicenty rebaptisé Vicente une fois arrivé à Buenos Aires, c'est qu'il raconte l'histoire de celui qui comprend de loin, impuissant et sans vraiment savoir à la destruction de sa famille restée en Pologne.



Au début du roman (j'avoue ne pas avoir accroché aux 50 premières pages), l'auteur nous décrit son grand-père, bel homme, très soucieux de son apparence, charismatique et heureux d'avoir réussi sa vie en émigrant, puis sa rencontre avec Rosita, fille de juifs russes totalement assimilée à la vie argentine. Puis la guerre arrive, le transfert dans le ghetto de Varsovie, les privations et la grande pauvreté qu'il devine dans les lettres de sa famille où la douleur se dit à demi-mots... Et c'est là que tout bascule.

Alors que sa famille restée en Europe est murée dans un ghetto "physique", Vicente s'isole dans un ghetto plus "moral" qui prend l'aspect terrifiant d'un silence sans fin, d'un retrait de la vie et de ses "plaisirs" quotidiens dont il se sent désormais coupable de jouir.



On suit alors les pensées de Vicente qui se demande d'abord (avec ses amis) ce que c'est finalement d'être juif, mais ce qu'il ne parvient à partager c'est la culpabilité et l'impuissance qui le ronge. On voit également le désarroi de sa femme et de ses enfants qui subissent son silence et qui devient , plus qu'un fardeau personnel, l'héritage familial. Si comme on le voit dans les séries américaines, dans certains cas le silence est un droit, ici c'est une sentence. Une sentence en plus de celle de vivre pendant qu'on sait que ses êtres chers meurent à petit feu. Et au fil des pages, on voit que la quête de sens de Vicente est vaine, et que l'absence de sens ou de raisonnement logique qu'il pourrait donenr à ces évènements le tue également.



C'est un livre qui offre une réflexion très forte à l'heure de la communication ("la com' ") à outrance, des techniques commerciales, des discours pervers, de la langue de bois, du politiquement correct (recyclage ultra vertueux du langage des dictatures pour cacher leurs crimes) et autres formes de discours qu'offre l'ère où il est de bon goût de parler (surtout) pour ne rien dire tout en s'écoutant parler.

Alors que le XXème siècle a illustré ce qu'a dit Sénèque plusieurs siècles plus tôt ("Les douleurs légères s'expriment; les grandes douleurs sont muettes") ce roman montre à la fois la faillite du langage à dire nos zones "d'ombres" les plus intimes (avec Vicente) et son caractère essentiel et pour le moment inégalé pour "expulser" le problème (avec l'auteur dans l'écriture de ce roman).

Très beau récit.
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Le Ghetto intérieur

Chroniquer un livre relatif à la Shoah n’est certes pas un travail aisé. Je le fais car ce livre est le livre retenu par mes collègues lectrices du jury du Grand Prix des Lectrices Elle 2020 pour le mois d’octobre dans la catégorie « littérature ».



Vicente a émigré en Argentine en 1928 où il s’est marié, a trouvé un emploi et y a fondé une famille. Polonais d’origine, il y avait notamment fait partie de l’armée. Sa mère ainsi que son frère et sa famille sont restés quant à eux là bas. Mais quelques années plus tard, le monde change et les nazis montent au pouvoir en Allemagne, défigurant le visage de l’Europe. Alors que les nouvelles n’arrivent qu’au compte-goutte en Amérique du Sud, Vicente ne peut que s’inquiéter pour sa famille restée au pays.



J’ai apprécié les apports historiques que l’auteur a inséré dans son histoire. Il nous apprend l’évolution de la mise en place du régime nazi au fil des mois, en parallèle à la vie menée par Vicente à Buenos Aires.



J’avoue, qu’à certains moments par contre, j’ai eu des difficultés à supporter le comportement apathique du personnage de Vicente. Alors qu’il tombe dans ce qu’on pourrait qualifier de profonde dépression suite au sort incertain réservé à sa famille en Pologne et au vu des lettres de sa mère, il se complait dans une espèce de léthargie complète par rapport à son travail, à sa femme et enfants, à ses amis. Finalement, il ne fait quasi rien pour que sa mère et son frère fuient l’Europe et s’installent comme lui en Argentine….



Effectivement, il leur a bien suggéré dans l’une ou l’autre lettre de fuir la Pologne, mais son rôle actif s’est arrêté là. Bien entendu, vu les moyens limités de communication de l’époque, cela n’aurait pas été aussi facile qu’à l’heure actuelle. Mais, je l’ai parfois trouvé « lâche » quant à la façon de traiter son épouse, Rosita, et leurs enfants qui n’étaient pas coupables de ce qui se passait en Pologne.



L’écriture de l’auteur, Santiago H. Amigorena est très sensible et en fait un livre émouvant mais à certains égards, très sombre. Le fait d’écrire sur sa famille comme il l’a fait n’a certainement pas dû être facile, puisqu’il fallait faire un saut dans le temps, à une époque si difficile, vu le sort réservé à sa famille maternelle. Malgré quelques redondances et un silence plus que très pesant, j’ai malgré tout apprécié ce livre touchant.



Ce livre a déjà remporté comme prix littéraire, Le Prix des Libraires de Nancy – Le Point et est en lice pour le prix Goncourt.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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Des jours que je n'ai pas oubliés

Une pépite au fond d’une bibliothèque perdue dans la campagne !...

Je ne sais par quel hasard je suis « tombée dessus » mais j’aimerais bien qu’une telle découverte me surprenne plus souvent !

Et je crois bien que ce sera aussi votre appréciation au dernier mot de mes quelques lignes…

Notre écrivain, narrateur de sa propre histoire, vit très mal le départ de son épouse, célèbre comédienne, qui l’a quitté le laissant seul. Il est prêt au pire mais à la pensée de ne plus revoir ses enfants, surmonte sa douleur et se contente de faire un voyage en Italie sur les trace de son bonheur perdu.

Au cours de son périple, Il s’adresse à la femme qu’il aime dans une sorte de lettre ininterrompue à travers laquelle il perpétue son amour dans un long monologue.

L’intérêt de cet ouvrage ne réside certes pas dans son thème hélas banal, mais dans la transcendance avec laquelle l’écriture absolument lumineuse de l’auteur va lui donner son relief.

J’aurais pu m’arrêter là, mais j’ai éprouvé tellement de plaisir et d’émotion à sa lecture que m’intéressant à son auteur inconnu, absent de mes souvenirs en tout cas, j’ai fini par une découverte bien dans l’air du temps… Santiago H. Amigorena est tout simplement l’ex-mari de … Julie Gayet !

Une chance que ce livre ait échappé à la fureur médiatique et soit resté ainsi un joyau dans cette histoire autobiographique et ne soit pas devenu un livre « people ».

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Le Ghetto intérieur

C'est un roman très personnel à l'auteur puisqu'il raconte une partie de la vie de son grand père maternel, Vicente Rosenberg, juif polonais, qui a quitté la Pologne, son pays natal, pour l'Argentine en 1928, laissant derrière lui sa mère, son frère et sa sœur.



L'Argentine est devenu son pays. Il y fonde une famille et mène une vie plutôt heureuse jusqu'en 1940. Lorsque la 2ème guerre mondiale éclate, il pense à sa famille restée en Europe. Alors qu'avant il ne faisait que peu de cas des nombreuses lettres que sa mère lui envoyait, y répondant épisodiquement, celles-ci, se faisant à présent de plus en plus rares, vont devenir précieuses. Vicente s'inquiète pour sa famille et surtout pour sa mère. Il culpabilise de ne pas avoir assez insisté pour la faire venir en Argentine. Peut-être n'a-t-il pas mis tous les moyens pour ce faire ? Plus la guerre s'intensifie, plus les Juifs sont traqués, emprisonnés, déportés, exterminés, plus Vicente s'enfonce dans le mutisme. Il se détache du quotidien, prend de la distance avec les siens. Il erre... La culpabilité le ronge, l'emmure dans le silence et l'éloigne de ses proches.



Un roman sur la mémoire. Ne jamais oublier, et pour cela, en parler. Cette histoire familiale, écrite tout en pudeur, est émouvante. L'auteur rend un bel hommage à ce grand-père mutique en le sortant du silence.

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Il y a un seul amour

Santiago H Amigorena a fait paraître en août 2019 son dixième roman, Le Ghetto intérieur, particulièrement soutenu par les libraires et présent dans la sélection de nombreux prix.



Dans sa dernière parution à ce jour, Il y a un seul amour , récit littéraire érudite et épistolaire, il détaille sa promenade nocturne au musée Picasso comme une tentative de s’extraire de l’amour, de prendre la distance nécessaire pour tenter d’y mettre des mots.



L'auteur s'est immergé dans ce musée pour qu'il s'imprègne des collections le temps d'une nuit.

L'occasion de sonder avec pudeur et profondeur le sentiment amoureux, l’écriture, les œuvres, et ce qui inextricablement les lie.



Une ballade poétique et érudite
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Le premier exil

--[ Librairie Caractères / Issy-les-Moulineaux ]--Débuté le 24 juillet 2021-22 août 2021



Toute première fois que je lis cet auteur argentin, grâce à mes camarades-libraires [ Librairie Caractères / Issy-les-Moulineaux ]--qui m’ont prêté son prochain texte à paraître en août 2021…Ce dont je les remercie !

Œuvre autobiographique qui semble clore tout un cycle….



« J'écris pour ne plus écrire. J'écris ce Dernier Texte, autobiographie et oeuvres complètes, confession et fiction, vérité et mensonge, prose et poésie, pour tout écrire- et ne plus écrire. (p. 88)”



Il dit L’exil, la mort d’un arrière-grand père, le mutisme , les chagrins et les joies d’un gamin (l’auteur) qui va connaître le premier exil à six ans, avec cette mort et le départ de l’Argentine pour l’Uruguay, pour fuir le régime, l’emprisonnement, les humiliations et les tortures. Cet Uruguay si différent de l’Argentine, où les distractions sont absentes, où les journées sont lentes, lentes…comme si le temps s’était figé…Une grande partie est consacrée à la solitude de cet enfant de 6 ans, exilé dans un autre pays… qui échappe à la tristesse par sa capacité d’imagination et de rêverie !



« Cela n'avait pas été seulement une opération préméditée: le pouvoir militaire s'en était ensuite enorgueilli en rendant publiques les photos des universitaires humiliés et en décrivant l'université elle-même comme un "antre de communistes" et un lieu dangereux "où l'on faisait circuler du savoir". Lorsqu'il fut questionné, l'officier qui mena l'attaque résuma la situation en une phrase courte et définitive : "l'autorité est au-dessus de la science"

Il y avait, dans cette manière explicitement fasciste de s'attaquer non seulement à la jeunesse, non seulement aux étudiants, mais à la pensée, aux penseurs-quel que fût leur âge, quelles que fussent leurs opinions politiques-, une violence nouvelle qui fit fuir d'Argentine des centaines et de centaines de professeurs. (p. 16)”



Un texte débuté le 24 juillet… que j’ai lu par intermittences, car ce n’est pas un roman mais un ensemble de souvenirs , de questionnements de l’auteur,…demandant du temps et de la disponibilité !



Avec l’Exil, la perte du pays de l’enfance, les proches emprisonnés, torturés, il est question très souvent , de façon bien compréhensible, de la Mort :



« - Mais toi aussi tu vas mourir ?

- Mais tu vas mourir quand ?

Comme tant d'enfants, je me souviens d'avoir fatigué ma mère de ces questions. Nous craignons tous terriblement, pendant quelques mois, la mort de nos parents, puis nous comprenons que sans doute elle surviendra dans longtemps- et toutes les morts soudain, pour des années, nous semblent irréelles. Toutes les morts nous semblent irréelles parce qu'il serait inutile de grandir, de vivre, si elles ne l'étaient pas. Puis nous vieillissons- et les morts, les autres morts, pendant quelques années encore, nous épargnent de penser à la nôtre. » (p. 51)



Ouvrage intéressant en lecture alternée, car si le texte est d’une forte authenticité et d’une belle qualité, il y a aussi, à mon goût une abondance de détails surfétatoires, qui nuisent à l’ensemble du livre…mais, peut-être n’étais-je pas la bonne lectrice… une lectrice qui reconnaît « platement » son manque de patience. !!...



Comme tout récit autobiographique, il existe des inégalités de ton et de style…Il reste de très forts et magnifiques passages concernant La Poésie, la terreur dans un pays de dictature, l’Ecriture, l’Amour de l’Art et de la Vie, l’Amitié,… et de façon récurrente la nécessité de l’écriture , le meilleur remède pour se guérir, ou du moins d'atténuer toutes les souffrances dont celles de l’Exil !...



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Le Ghetto intérieur

C'est peut-être ça, la littérature. Trouver un angle qui permette de faire ressentir autrement, des faits pourtant bien connus, des faits dont les romanciers se sont si souvent emparés. J'ai beaucoup lu sur la Shoah. Des essais, des romans, du très bon et du très fort. Mais ce que j'ai ressenti à la lecture de ce roman est tout à fait inédit. Je l'ai pris directement dans le ventre, me suis trouvée à plusieurs reprises au bord de la nausée. Pas de scène spectaculaire pourtant. Pas de description d'horreur, d'autres l'ont déjà écrit ou montré. Non, tout est dans l'angle par lequel l'auteur invite le lecteur à prendre connaissance de son histoire. Une histoire de silence, quand les mots deviennent impuissants. Et cette façon d'opposer le silence à la parole, de pointer l'horreur par l'absence de mots est tout simplement bouleversante.



Vicente Rosenberg a quitté la Pologne en 1928, s'est installé à Buenos Aires, s'est marié avec Rosita et est devenu père de trois enfants. Il a atteint le but qu'il s'était fixé : s'émanciper, s'extirper de la tutelle pesante de sa mère, restée à Varsovie. Il en a presque oublié qu'il était juif, une composante comme une autre de son identité pensait-il, jusqu'à ce que le nazisme se charge de lui rappeler que c'est ça, et uniquement ça qui le définit. Mais il y a désormais plus de 10 000 kms entre lui et les murs du ghetto qui sont en train d'encercler et de confiner la population juive de Varsovie et, parmi eux, sa mère et le reste de sa famille. Sa mère qui a refusé de le rejoindre, même s'il reconnait ne pas avoir beaucoup insisté à l'époque, vers 1936, partagé entre l'inquiétude vis à vis des bruits venus d'Europe et le désir de préserver sa toute nouvelle liberté. Comment imaginer ?



"Peut-on penser l'impensable ? Peut-on comprendre l'incompréhensible ? Peut-on imaginer ce que personne n'a jamais vu, ce que personne n'a jamais cru que l'homme serait capable de faire ? Il y a des événements, de temps en temps, qui renouvellent ce que nous sommes capables d'imaginer, qui amplifient le domaine du possible jusqu'à des limites que personne auparavant n'avait supposé qu'on pourrait atteindre."



Il y a donc cette culpabilité qui le taraude autant que l'impuissance. L'incompréhension face aux bribes de nouvelles qui lui parviennent par de rares courriers de sa mère avant le silence et par des entrefilets dans la presse, qui laissent présager le pire sans pour autant troubler l'ordre d'un monde très éloigné des terrains de chaos et de mort. Un monde qui au contraire s'épanouit grâce à l'afflux de réfugiés qui booste son économie. Alors Vicente se tait, comme emmuré dans son ghetto intérieur, étouffé par les sentiments qui l'accablent, mettent à mal les bases de son identité.



"Que sont les mots ? A quoi servent-ils ? Pourquoi lui parler ? Pourquoi essayer de lui dire ce que je ne peux même pas me dire à moi-même ? Il faudrait que je lui raconte toute l'histoire. Depuis le tout début. Depuis que je suis parti de Varsovie. Depuis qu'on est partis de Chelm quand j'avais douze ans. Mais comment lui raconter tout ça ? Comment lui raconter maintenant alors que je ne lui ai rien raconté pendant toutes ces années ?..."



La douleur naît de la distorsion entre ce que certains subissent pendant que d'autres vivent comme si de rien n'était parce qu'ils ne peuvent pas savoir. C'est exactement ce même sentiment qui vous envahit lorsque vous apprenez l'accident d'un proche après coup et que vous êtes tout étonné de n'avoir rien senti qui vous alerte ; des gens chantent, mangent, font l'amour, rient pendant que d'autres entrent dans les chambres à gaz. C'est cette dimension que l'auteur parvient à capter et qui vous retourne l'estomac. Peut-être parce qu'il l'a lui-même ressentie dans sa chair, héritier du silence de Vicente, son grand-père.



"Est-ce qu'on charrie vraiment, dans ce liquide qui nous fait vivre, ou qui nous tue, des histoires qui peuvent se dire par des mots ? J'ai souvent affirmé, en écrivant, que j'écrivais seulement pour survivre à mon passé. J'ai souvent écrit que l'oubli était plus important que la mémoire. (...) J'aime penser, comme je vieillis, que quelque chose de mon passé vit en moi - de même que quelque chose de moi, j'espère, vivra dans mes enfants".



Attention, livre essentiel.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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