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Citations de Sigrid Undset (162)


La lune brillait très haut au-dessus des montagnes du coté de la terre ferme et l'eau s'étendait noire à leurs pieds, mais au-delà du fjord les flots brillaient comme des plaques d'argent. Aucune fumée ne montait des trous à fumée ; sur les toits des maisons les gouttes de rosée du gazon scintillaient au clair de lune. Nul être humain dans les courtes ruelles de la ville quand messire Erling descendit rapidement les quelques mètres qui le séparaient de la maison royale où il allait dormir. Il paraissait étrangement frêle et petit sous la clarté lunaire, tremblant un peu de froid, avec son grand manteau serré contre lui. Quelques jeunes hommes ensommeillés qui l'avaient attendu là-haut se précipitèrent dans la cour avec une lanterne. Le sénéchal prit la lanterne, envoya les hommes se coucher et eut de nouveau un léger frisson de froid en montant au grenier de la maison aux provisions où il couchait.
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Personne ne savait plus quelle heure de la nuit il pouvait être. Déjà la grisaille du petit jour grimaçait à travers le trou à fumée.
Puis après un long cri d'effroi insensé, il y eut un calme absolu. Erlend entendit que les femmes s'affairaient. Il allait regarder, quand il entendit quelqu'un pleurer bruyamment. Il se blottit de nouveau. Il n'osait pas savoir.
Alors de nouveau Kristin cria - un haut et sauvage cri de douleur qui ne ressemblait pas aux hurlements déments et inhumains d'avant. Erlend s'approcha.
Gunnulf était penché et tenait Kristin, toujours à genoux. Les yeux pleins d'une horreur mortelle, elle regardait fixement une chose que dame Gunna tenait dans une peau de mouton. Le paquet informe, rouge-brun, ressemblait aux viscères d'une bête de boucherie.
Le prêtre la serrait contre lui.
" Ma Kristin, tu as mis au monde le fils le plus joli et le plus mignon dont aucune mère ait jamais eu à remercier Dieu - et il respire ! dit Gunnulf vivement aux femmes en pleurs. Il respire… Dieu n'est pas si cruel qu'Il ne veuille nous entendre…"
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Erlend regardait sa jeune femme avec convoitise quand il la rencontrait dans la cour. Jamais elle n'avait été aussi belle - grande et svelte dans sa simple robe de bure brune, couleur de la terre. Le grossier fichu de lin qui lui couvrait les cheveux, le cou et les épaules rehaussait encore la blancheur resplendissante de sa peau. Quand le soleil de printemps tombait directement sur son visage, on eût dit que la lumière pénétrait profondément dans sa chair, tant elle était pâle ; ses yeux et ses lèvres paraissaient diaphanes. S'il descendait dans la petite chambre pour voir l'enfant, elle baissait ses longues paupières blanches dés qu'il la regardait. Elle paraissait si timide et si pure qu'il osait à peine toucher sa main. Si elle donnait le sein à Naakkve, elle jetait son foulard de tête sur le peu qu'il eût pu apercevoir de son corps blanc. Il semblait à Erlend que l'on fût en train de lui prendre sa femme pour la consacrer à Dieu.
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Les hommes allaient à skis à travers champs, mais Erlend avait donné les siens à un compagnon ; il marcha en tenant Kristin sous son manteau jusqu'au bas de la côte. Il faisait tout à fait nuit à présent, avec un ciel étoilé.
Alors, de la forêt derrière eux, parvint un hurlement diffus qui croissait peu à peu dans la nuit. C'étaient les loups - il y en avait plusieurs. Erlend s'arrêta en frissonnant, lâcha Kristin, et celle-ci senti qu'il faisait le signe de la croix tandis qu'il serrait sa hache dans l'autre main. " Est-ce que tu aurais… oh ! non… " Il l'attira à lui si rudement qu'elle en fut attendrie.
Les skieurs qui étaient dans la prairie firent volte-face et revinrent en hâte vers eux. Ils mirent leurs skis sur leurs épaules et se serrèrent autour de Kristin avec leurs lances et leurs haches. Les loups les suivirent tout le long du chemin jusqu'à Husaby - à si faible distance que de temps à autre on les entrevoyait dans l'obscurité.
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Ce qui frappait Kristin, c'est que son mari ne ressemblait pas aux gens de la contrée. Il y avait beaucoup de beaux hommes parmi eux, avec le teint clair et rouge, des têtes rondes et dures, une forte et solide stature. Beaucoup d'entre les vieux étaient excessivement gros. Erlend faisait l'effet d'un oiseau étrange parmi ses hôtes. Il était d'une tête plus grand que la plupart des hommes, svelte et maigre, avec des membres souples et de fines attaches. Il avait les yeux noirs et soyeux, la peau d'un brun pâle, mais des yeux bleu clair ombragés par des sourcils et des cils noirs comme le charbon. Son front était haut et étroit, ses tempes creusées, son nez un peu trop grand et sa bouche un peu trop petite et molle pour un homme. Pourtant, il était beau ; Kristin n'avait jamais vu un homme aussi beau qu'Erlend. Sa voix nuancée et tranquille ne pouvait être comparée au lourd parler des autres.
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- C'est que je me rappelle une chose que dame Aashild a dite un jour, répondit Kristin. Je n'étais alors qu'une enfant, mais c'était à peu près ceci : que les bons jours échoient aux gens raisonnables, mais que les meilleurs jours sont la récompense de celui qui a le courage d'être fou.
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Cela lui fit l'effet d'un réveil, quand ils sortirent de la forêt et traversèrent les prairies au-dessus des Martestokker. Le soleil était bas, et la ville et la baie s'étendaient à leurs pieds dans une lumière claire et pâle. Dans le calme du soir, les bruits arrivaient de loin comme s'ils sortaient de la fraîcheur des bas-fonds. La roue d'une voiture grinçait quelque part sur un chemin ; des chiens aboyaient en se répondant, dans les fermes, à travers la ville. Mais, dans la forêt, derrière eux, les oiseaux faisaient entendre à pleins gosiers leurs trilles et leurs chants. Le soleil, maintenant, était couché.
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Comme il posait ses mains sur ses seins et les étendait sur sa poitrine, elle eut l'impression qu'il lui ouvrait le cœur et le prenait ; il écarta légèrement les plis de la chemise de soie et déposa un baiser au milieu. Elle eut chaud jusqu'aux racines de son cœur.
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Elle demeurait agenouillée, absorbant tous les bruits de la nuit. Le vent soupirait délicieusement, le fleuve bruissait par-delà les bosquets derrière l'église, et le ruisseau courait aussi en travers du chemin ; partout, tout près et au loin, elle percevait à demi, par la vue et par l'ouïe, les cordes ténues de l'eau qui courait et dégouttait. Le fleuve luisait, tout blanc, en bas dans le village. La lune montait en glissant au dessus d'une petite faille ; il y avait de petits scintillements sur les feuilles et les pierres humides de rosée, et une lueur mate et sombre venait des poutres récemment goudronnés du clocher qui se trouvait près de la grille du cimetière. Puis la lune disparut à nouveau là où la croupe de la montagne se relevait. Il y avait maintenant beaucoup plus de nuages blancs et brillants dans le ciel.
Elle entendit un cheval qui montait le chemin d'un pas lent ; des voix d'hommes qui causaient sur un ton bas et égal. Elle n'avait point peur des gens ici où elle connaissait tout le monde ; cela la rassura.
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Son visage était tout ridé, mais d'un blanc et d'un rose-rouge aussi pur que celui d'un enfant, et il semblait que la peau dût être aussi tendre et fine à toucher. Sa bouche était rouge et fraiche comme celle d'une jeune femme, et ses grands yeux jaunâtres étincelaient. Un fin mouchoir blanc lui enserrait le visage et était attaché sous le menton par une agrafe d'or ; elle avait en outre un voile de laine moelleuse bleu sombre bien ajusté. Elle était droite comme un cierge et Kristin avait l'intuition qu'elle n'avait jamais vu une femme aussi jolie et aimable que cette vieille sorcière avec qui les grandes familles ne voulaient point se commettre.
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Ils sortirent alors de la ferme dans le petit jour gris. Une brume blanche comme du lait couvrait le village. Mais au bout d'un instant elle commença d'être plus légère, puis le soleil se coula à travers. Et, sous la rosée qui s'égouttait, on voyait briller dans le brouillard blanc les regains verts des prairies, les chaumes pales, les arbres jaunis et les sorbiers aux baies rouges qui scintillaient. Les flancs de la montagne paraissaient bleus, et allaient se perdant dans la brume et les vapeurs. Puis le brouillard se déchira et se divisa en flocons sur les versants des montagnes, et ils descendirent la vallée sous le soleil le plus magnifique, Kristin en tête du groupe, à côté de son père.
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Cette année-là, le mois de novembre fut extraordinairement beau. Le matin, quand Torkild se rendait au bureau, le givre poudrait le bois d'un léger nuage gris et le soleil montait rouge derrière la brume. Dans la journée, le temps s'éclaircissait en général, les routes, saisies par le gel le matin, devenaient noires et boueuses, et, au soleil, des gouttes glissaient, tombaient et étincelaient dans les bois éclaircis, où les arbres et les arbustes gardaient quelques dernières feuilles jaunes, quelques baies et quelques fruits d'églantiers pourpres. Après le coucher du soleil, le gel reprenait et, le long de la rivière, le brouillard s'étendait comme une vapeur blanche et légère sur les prés. Quand il rentrait, vers le soir, la lumière des fenêtres de la cuisine et de la salle à manger perçait le brouillard comme les gros faisceaux d'un projecteur.
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C'est vrai. On arrive à souhaiter quelque chose de violent, de brutal...qui puisse vous arracher à cette espèce de nostalgie vague et blanche qui vous entoure comme de fils invisibles, qui vous happe par des milliers de tentacules et qui vous suce le sang...
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La religion chrétienne n'avait jamais troublé le paganisme de son âme : sa religion à elle était bien plus ancienne ; elle croyait aux présages, aux signes, au fer, aux dates heureuses ou fatales, aux amulettes, aux prières, dont le sens ne l'intéressait nullement. Et elle adorait ses morts.
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Chose bizarre, quand elle ne se regardait pas comme en ce moment dans la glace, elle se voyait toujours elle-même sous l'aspect de la jeune fille qu'elle avait été.
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Ce jour où je suis sortie, chez nous, je ne pouvais imaginer que quelque chose pût avoir tant de prise sur l'âme des hommes qu'ils en oublient la crainte du péché, mais maintenant j'ai vu tant de choses que, s'il n'y a pas de rémission pour les péchés que le désir ou la colère font commettre, alors le ciel sera vide.
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Une honorable naissance n'est pas d'un grand secours en ce monde. Celui que la honte a courbé reste courbé.
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Elle eut comme une vision du monde: une chambre sombre dans laquelle tombait un rai de soleil; les grains de poussière dansaient entre les ténèbres et la lumière, et elle sentait que maintenant enfin elle était entrée dans le rai lumineux.
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Charlotte fouilla dans ses tiroirs et tendit
une feuille à Uni. " Tiens, si tu veux lire…"


Pareil à l'œil qui brûle
fatigué de regarder,
essayant de percer la nuit noire,
insensible ;

Fiévreusement craintif,
tendu comme l'oreille
fatiguée d'attendre la voix du destin,
imperceptible ;

Mon cœur vibre
las de guetter
et de chercher sous le ciel vide
qui m'entoure.

Seule,
oubliée dans un monde mort.
Rien que des nuages glissant sur le ciel,
et la mousse couvrant les pierres grisâtres.

p.47
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Bjoern, le vieux chien, se levait et se secouait en bâillant, puis il venait vers sa maîtresse. Dès qu'elle le caressait, il posait ses pattes sur les genoux de Christine, et à ses bonnes paroles il répondait en lui léchant consciencieusement le visage et les mains, tout en agitant la queue. Quand Bjoern s'en retournait d'où il était venu, il regardait sa maîtresse d'un air penaud ; ses petits yeux luisants et son corps lourd et velu, et jusqu'aux bouclettes de sa queue, paraissaient témoigner de sa mauvaise conscience. Christine souriait placidement, et faisait comme si de rien n'était. Alors le chien sautait dans le lit et s'y roulait en boule.
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