Un amour éternel
Elsa Morante, la prodigieuse est le sous-titre révélateur du dernier roman de Simonetta Greggio, consacré à cet écrivain, comme toutes les deux aiment être définit et non des écrivaines. Cette adoration pour cette femme à la vie sulfureuse dans une Italie de la dolce Vita accouche d’un roman témoignage Elsa mon amour, ce petit bébé au frontière imaginaire, au cœur biographique à l’âme sensuelle.
Petite présentation de Simonetta Greggio, née le 21 avril 1961 à Padoue en Italie, est une romancière française, débutant comme journaliste dans des revues françaises puis son premier roman édité en 2005 sous le tire de La Douceur des hommes, paru chez Stock, puis d’autre romans parurent comme Dolce Vita 1959-1979, éditions Stock. Finaliste du prix Renaudot et du prix Interallié, en 2010, au total plus de 12 romans.
Elsa mon amour ressemble à une porte ouverte vers Elsa Morante à différents moment de sa vie, comme si nous étions invités à vivre ses émois avec elle, spectateur de ses états d’âmes et de sa vie qui de scènes en scènes, devient le théâtre de sa propre existence. Un de mes libraires lors de ma rencontre avec ce roman biographique, me disait que c’était une biographie à l’américaine, prendre un événement pour l’approfondir, comme si nous étions ce décors pour la vivre encore et encore, nous devenions en quelque sorte le regard du passé pour ce présent de lecture.
De prime à bord je ne connaissais pas du tout cet écrivain Elsa Morante, juste son époux Alberto Moravia, puis aussi Malaparte, mais depuis je suis parti chez mon libraire favori pour acheter La Storia pour me plonger dans cette œuvre majeur de Morante.
Il y a toujours une fascination lorsque l’auteur d’une biographie prend la voix de l’artiste qu’il met en scène, il y a toujours une double voix qui résonne dans ma tête comme un schizophrène, celle de l’auteur entremêlé avec le héros, un duo d’un son unique, celui de la prose du roman, ce refrain fredonné par l’auteur de la biographie. Elsa Morante se matérialise soudain comme une héroïne vivante du roman, elle nait devant nous, pour nous faire revivre sa vie.
Cette mélancolie de la pluie berce beaucoup cette biographie, comme les larmes de notre héroïne. Sa jeune vie embrasse celui de sa marraine la prenant sous son aile, avec un papa évaporant et son don incroyable pour l’écriture, de son plus jeune âge.
Chaque petit chapitre sème une petite graine de la vie de cette femme, avec un titre simple, J’étais jeune, Il pleut, L’enfant, J’étais une fois, Histoire d’une poupée, Printemps 1918, Visage d’ombre, La ragazza, Mes seins, Ma virginité, Ma marraine, Elsa debout, J’aimais jouer, Il pleut, Un lac, kintsugi- L’art de réparer, R.T.M, Il pleut, Moriavia, Il pleut, Karma, Malaparte, But i loved you, damned !, Un ange veille sur ma nuit, Via dell’Angelo, Le jour de mon mariage, Amour conjugal, La guerre, Le Mal, Tout devint calme, vide et paix, Mensonge et sortilège, Il pleut, Pasalini, 12 février 1945, Malghe Topli Uork, Il pleut, Leonor Fini, J’ai rêvé, Visconti, Il pleut, Quelqu’un m’a dit, L’Île d’Arturo, Bonjour et adieu, Le Mépris, Moon river, Main tenant, Il ne pleut pas, et son dernier paragraphe au titre révélateur Elle est moi Mais je ne suis pas elle Et elle n’est pas moi, conclut à merveille ce roman. Tous ces titres sont comme une petite chanson intime du cœur d’Elsa, avec cette pluie qui sans cesse tournoie son âme, sa vie ses amours.
Elsa Morante flotte comme un soupir dans ces mots empruntés par Simonetta Greggio, avec sa prose la vie d’Elsa étincelle de son esprit de son âme. Ce style direct du je, fait revivre cette grande dame de la littérature dans une roman plus personnel avec en substance ces avis sur le monde qui l’entoure, de ces amours, de ses amis, de ses émotions. Quel plaisir de pouvoir découvrir des personnes sous l’œil acides et critiques d’Elsa sous la plume de Simonetta Greggio, comme Malaparte, Pasolini, son mari Alberto Moravia, Visconti. Je lis avec beaucoup de plaisir les anecdotes choisies par Simonetta Greggio comme des petits tableaux de vie s’animant devant moi, certaines huiles peintes de mots d’Elsa elle-même, glanés ci et là par notre écrivain tinte en moi comme le son d’une cloche au début d’une messe, ce bruit reste en moi, ce son pénètre ma personne, je les ressent au fond de ma chair pour les savourer et me fondre dans cette époque et ce milieu inconnu. Voici quelques-unes pêle-mêle de ses anecdotes.
J’aime la dualité de cette femme, s’inventant sa première fois avec homme mature pour enjoliver son fantasme de jeune fille, un mensonge croustillant et le jouet qu’elle deviendra sous les mains de Visconti, cet homme homosexuel, de cette liaison pervers, la vie près de cet homme était pour elle, « andonte allegro », lui offrant son chat Arturo.
« Tomber amoureuse d’un homosexuel permet beaucoup de choses. DE rêver. D’implorer, de souffrir-et de ne pas tromper son conjoint. »
Son premier roman Mensonge et sortilège est le fruit des ténèbres, elle voulait une épopée, une tragédie, c’est en fait pour elle un opéra. Elle parlera de son bacille des ruines 20 ans plus tard dans son roman éponyme La Storia.
De Naples, Elsa Morante dira « Il faut avoir lu La Peau de Malaparte pour comprendre ce que c’était la ville. » De cet homme Malaparte aura une complicité trouble avec son mari, la complexité est diffuse dans cet être, comme ses écrits, j’ai à ma grande surprise acheté des romans de cet auteur et lu Le soleil est aveugle pour continuer l’histoire de ce roman, découvrir cette prose baroque surtout et nourrir mon appétit de lecture croissante, une véracité de plaisir.
Je finirais par le passage du film Le mépris avec Brigitte Bardot, Michel Piccoli, mise en scène de Jean-Luc Godard, d’après le roman d’Alberto Moravia, une petite éclaircit de l’éclat de ce film « ennuyeux et admirable » où Elsa reconnait dans ces mots les disputes passées avec son mari, comme écho profond et lourd traversant le temps pour perdurer l’amour maladroit entre ces deux amants mariés, puis séparé sans divorcer.
C’est un roman initiatique personnellement, il m’ouvre un univers peu connu celui de la littérature italienne de cette époque, de cette vie italienne, avec ce septième art comme refuge, pouvoir apprendre et aimer un monde nouveau, c’est de ce roman cette force, cet atout, la découverte. Simonetta Greggio s’identifie parfaitement à cette femme qu’elle encense depuis son enfance, c’est sa muse, son idéale, un miroir d’identité, ce roman est une déclaration d’amour pour cette grande dame de la littérature Italienne et je terminerai par cette phrase de Simone Weil.
« Notre vie réelle est plus qu’aux trois quarts composée d’imagination et de fiction ».
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