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Citations de Sorj Chalandon (2519)


Lorsque nous avons passé le môle et la capitainerie, la mer est devenue grosse. Sauvage comme je l’aimais. Les vagues se jouaient de nous. Le bateau tanguait. C’était bien. Pour apprécier la terre ferme il faut goûter de la mer molle. Cet infini qui nous échappe, se dérobe sous la quille, se rue sur l’étrave comme un taureau furieux.
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Nous n’étions pas seulement des détenus mais aussi des esclaves. Charpentiers, chaudronniers, cordiers, ferblantiers, pêcheurs, usineurs de boîtes de sardine, nos ateliers produisaient pour le reste de la population. Les colons paysans de Bruté nourrissaient les gens honnêtes. Les plus sages des détenus étaient loués aux fermes alentour, aux commerces, à des particuliers et c’est la colonie qui touchait leurs salaires.
(page 375)
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Sans la confiance, tu es seul au monde.
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Serge Klarsfeld a obligé chacun à baisser les yeux. Il a tassé Jacques Vergès derrière son pupitre. Il a transformé ton visage orgueilleux en figure inquiète et pitoyable.
(page 253)
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Etienne a expliqué que lorsqu'on aime très fort celui qui part, on peut le retenir encore. Il faut occuper la maison du mort, marcher en faisant du bruit, ouvrir les portes comme on va au travail, les fenêtres comme on fait entrer le soleil. Il a dit qu'il faut parler haut, rire, choquer les couverts et les assiettes comme si le repas était en train. Il a dit qu'il faut que l'eau coule, qu'il y ait des fleurs coupées dans les vases. Il a dit que les lumières doivent éclairer les pièces, que le lit doit être défait au soir et refait au matin. Il a dit qu'il faut respirer fort pour deux.
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Son mari n'a jamais aimé le dimanche. Il n'a jamais aimé son silence, sa torpeur, le raide de ses habits, le bar de son frère tout énervé de gosses. Il n'a jamais aimé les trottoirs pressés du matin, les promenades molles d'après-déjeuner, les mains d'hommes qui soulèvent les chapeaux, les parlotes d'angles de rues, le brusque désert du soir, les voix de radios, l'été, par les fenêtres ouvertes, les lampadaires du presque lundi.
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Une joie féroce me labourait. J’ai eu honte. Je n’avais pas peur. J’ai eu honte. J’étais en enfer. J’étais bien. Terriblement bien. J’ai eu honte. Je n’échangerai jamais cet effroi pour le silence d’avant.

Chapitre 17 : Le Chœur
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Le théâtre était devenu mon lieu de résistance. Mon arme de dénonciation. À ceux qui me reprochaient de quitter le combat, je répétais la phrase de Beaumarchais : Le théâtre? "Un géant qui blesse à mort tout ce qu'il frappe."
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- Georges, connais-tu Victor Hugo?
J'ai ouvert la bouche en grand. Le phalangiste a ajusté son arme, regard perdu dans le jour tombé.
- Tu connais?
"Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends..." a récité le tueur.
J'ai tremblé à mon tour. Mon corps, sans retenue. J'ai pleuré. Tant pis. (...)
"J'irai par la forêt, j'irai par la montagne,
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au-dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit".

Et puis il a tiré. Deux coups. Un troisième, juste après. Cette fois sans trembler, sans que je sente rien venir. Son corps était raide de guerre. Mes larmes n'y ont rien fait. Ni la beauté d'Aurore, ni la fragilité de Louise, ni mon effroi. Il a tiré sur la ville, sur le souffle du vent. IL a tiré sur les lueurs d'espoir, sur la tristesse des hommes. Il a tiré sur moi, sur nous tous. Il a tiré sur l'or du soir qui tombe, le bouquet de houx vert et les bruyères en fleur.
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Savez-vous ce que c'est de voler trois œufs en espérant les gober dans un buisson ? Que savez-vous de la faim, Messieurs de la Justice ? Et du froid ? Avez-vous déjà eu des semelles en carton pour masquer le trou de vos chaussures ? Savez-vous la honte d'un pantalon troué ? Savez-vous la douleur des nuits sans parents ?
Personne n'en sait rien. Personne, jamais, ne parlera de cette solitude. De cette misère. De l'immensité d'une nuit sans toit lorsqu'on dort sous le ciel. De la rosée du matin, qui perle sur la veste d'un pauvre.
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Depuis l’enfance, ne pas parler des choses était une façon pour moi de ne plus les faire exister. Je les taisais, elles s’effaçaient d’elles-mêmes.
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Au lieu de traîner Barbie chaque jour dans le box et créer un désordre quotidien, il y serait amené contre son gré lorsque sa présence serait nécessaire. Face à ses victimes par exemple. Qui s'étaient interdit de mourir avant d'avoir pu se tenir debout devant lui.
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Il écoutait mes yeux, pas mes réponses.
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Elle a ouvert le livre au milieu, au hasard. Elle aime surprendre les phrases sans qu'elles s'y attendent. Les phrases qui paressent, qui pensent qu'elles ont le temps. Qu'il y a tant et tant de pages avant elles, qu'elles peuvent sommeiller à l'ombre des mots clos.
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Le Bon Dieu et tous ses saints n’avaient jamais mis le pied à la Colonie pénitentiaire. Pendant les coups de bâton, les tours de Bal, les humiliations, la faim, quand les petits étaient enfouis dans la braguette des grands sans que les gardiens bougent, il était où, Jésus ?
(page 169)
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Depuis toujours mon père me frappait. Il avait soumis son enfant comme on dresse un chien. Lorsqu’il me battait, il hurlait en allemand, comme s’il ne voulait pas mêler notre langue à ça. Il frappait bouche tordue, en hurlant des mots de soldat. Quand mon père me battait, il n’était plus mon père, mais un Minotaure prisonnier de cauchemars que j’ignorais. Il était celui qui humiliait.
(page 65)
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Sorj Chalandon
Nous sommes en Normandie. Vincent est producteur de lait. Il brade son litre à 29 centimes, alors que son coût de production s'élève à 32 et qu'il est vendu le triple au consommateur. « On fait manger tout le monde, mais nous, on ne peut même pas manger », dit Charlène, sa femme. Pour garantir un salaire à la famille, elle a cherché du travail comme assistante maternelle. En pleine crise agricole, la terre ne nourrit plus ses enfants. Et leur joue de sales tours. En quelques jours, 10 vaches sont mortes sur leur exploitation. les animaux tombent d'un coup, pour ne plus se relever.
Christophe, lui, a vendu ses 50 bêtes. Il n'y arrivait plus. « J'ai été un bon à rien. » Le voilà dans la salle de traite qui démonte les installations de son père. A sa femme, il a murmuré : « La solution, ça va être de me mettre un coup de fusil. » Un paysan se suicide tous les deux jours, en France. [...] Pour déjouer la ronde des huissiers, [la femme de Christophe] travaille dans un magasin de bricolage.
Voilà encore Astrid, qui élève seule ses vaches à lait pour un salaire de misère. « On est en train de crever dans nos fermes », accuse aussi Stéphanie, productrice de lait avec son mari. Leurs revenus mensuels disponibles ? 98 euros pour elle, et 136 euros pour lui. Ils vendent du bois et des poulets pour nourrir leurs deux enfants.
Il y a beaucoup de désarroi, dans ce film chagrin signé Anne Gintzburger, mais aussi de la dignité et de la bonne humeur. Astrid, Charlène et d'autres femmes d'agriculteurs du Calvados ont créé les 'Foulards noirs', un collectif d'épouses et de compagnes qui refusent de voir leur homme se lever chaque matin pour perdre de l'argent. Qui ont peur de le voir sombrer, renoncer et quitter la terre. Tracts, manifestations, interpellations des élus, les filles se veulent les porte-parole de la détresse paysanne. Comme Charlène, en larmes, obligée de demander du secours à la Mutualité sociale agricole.
Aujourd'hui, son mari sait pourquoi ses vaches meurent une à une. Converti au bio, l'agriculteur n'utilise plus de pesticides. Les mycotoxines ont proliféré. Terrible ironie du sort, les moisissures des champs ont empoisonné le bon grain.

■ article dans le Canard enchaîné du 31/01/2017, à propos de l'émission 'Les champs de la colère', diffusée le 31/01 dans 'Le Monde en face', sur France 5 (à voir en replay).
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La violence est une faiblesse ...
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Recueillement
(Samedi 23 avril 2011)

Nous n’étions que nous, ma mère et moi. Lorsque le cercueil de mon père est entré dans la pièce, posé sur un charriot, j'ai pensé a une desserte de restaurant. Les croque-morts étaient trois. Visages gris, vestes noirs, cravates mal nouées, pantalons trop courts, chaussettes blanches et chaussures molles. Ni dignes, ni graves, ils ne savaient que faire de leur regard et de leurs mains. J'ai chassé un sourire. Mon père allait être congédié par des videurs de boites de nuit.
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Un médecin m’avait expliqué que la trêve charriait l’inquiétude. Les hommes s’endormaient au son du canon. Le vacarme devenait la norme. Lorsqu’il cessait, les nuits étaient blanches.

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