Citations de Sören Kierkegaard (332)
La réalité est un examinateur beaucoup moins terrible que la possibilité et l' angoisse.
(Cité par Álvaro Pombo in " Ciel de lit" ( El cielo raso)
Le désespoir n’a pas seulement une autre dialectique qu’une maladie, mais tous ses symptômes mêmes sont dialectiques et c’est pourquoi le vulgaire a tant de chances de se tromper lorsqu’il se mêle de trancher si vous êtes ou non désespéré. Ne pas l’être, en effet, peut très bien signifier : qu’on l’est, ou encore : que, l’ayant été, on s’en est sauvé. Être rassuré et calme peut signifier qu’on l’est, ce calme même, cette sécurité peuvent être du désespoir ; et marquer également, quand on l’a surmonté, la paix qu’on a acquise.
[...] l'angoisse en soi n'est pas belle, elle ne l'est qu'à l'instant où l'on s'aperçoit de l'énergie qui la surmonte.
La vie ne se comprend que par un retour en arrière, mais on ne la vit qu'en avant.
[…] La reprise est le terme décisif pour exprimer ce qu’était la « réminiscence » (ou ressouvenir) chez les Grecs. Ceux-ci enseignaient que toute connaissance est un ressouvenir. […]
Reprise et ressouvenir sont un même mouvement, mais en direction opposée ; car, ce dont on a ressouvenir, a été : c’est une reprise en arrière ; alors que la reprise proprement dite est un ressouvenir en avant. C’est pourquoi la reprise, si elle est possible, rend l’homme heureux, tandis que le ressouvenir le rend malheureux […].
[Selon Socrate]
Si [le maître] se donne et donne son enseignement de quelque autre manière [qu’en étant un point de départ contingent], alors il ne donne pas, mais prend, alors il n’est même pas ami de l’élève, encore moins son maître. Là est la profondeur de la pensée socratique, cette humanité si noble, si accomplie, qui fut la sienne, qui ne recherche pas vainement la compagnie de la clique des intellectuels mais se sent tout aussi proche d’un peaussier […].
L'instant de la décision est une folie.
L’idéal n’est pas de mourir de chagrin, mais de se conserver soi-même sain, joyeux si possible, tout en sauvegardant sa sensibilité.
L’homme vit tranquillement en lui-même, alors s’éveille le paradoxe de l’égoïsme en tant qu’amour pour un autre dont on regrette l’absence (l’amour de soi est au fond de tout amour ou y périt […]).
Tel penseur élève une bâtisse immense, un système, un système universel embrassant toute l'existence et l'histoire du monde, etc., - mais regarde-t-on sa vie privée, on découvre ébaubi ce ridicule énorme, qu'il n'habite pas lui-même ce vaste palais aux hautes voûtes, mais une grange à côté, un chenil, ou tout au plus la loge du concierge ! Et qu'on risque un mot pour lui faire remarquer cette contradiction, il se fâche. Car que lui fait de loger dans l'erreur, pourvu qu'il achève son système... à l'aide de cette erreur.
... la nature féminine est un abandon sous forme de résistance.
Le châtiment correspond à la faute : être privé de tout plaisir de vivre, être porté au plus haut degré de dégoût de la vie.
Qui désespère veut, dans son désespoir, être lui-même. Mais alors, c’est qu’il ne veut pas se débarrasser de son moi ? En apparence, non ; mais à y regarder de près, on retrouve bien toujours la même contradiction. Ce moi, que ce désespéré veut être, est un moi qu’il n’est point (car vouloir être le moi qu’il est véritablement, c’est le contraire même du désespoir), ce qu’il veut, en effet, c’est détacher son moi de son auteur.
L'angoisse est le vertige de la liberté
Derrière le monde dans lequel nous vivons, loin à l'arrière-plan, se trouve un autre monde ; leur rapport réciproque ressemble à celui qui existe entre les deux scènes qu'on voit parfois au théâtre, l'une derrière l'autre.
Oser, c'est perdre pied momentanément. Ne pas oser, c'est se perdre soi-même.
Les hommes sont vraiment absurdes. ils n'usent jamais des libertés dont ils jouissent, mais ils réclament celles qu'ils n'ont pas ; ils ont la liberté de penser, ils demandent la liberté de parole. (p. 10)
Les grandes religions sont des agences de transport lucratives vers l'au-delà. Mais nul n'est jamais revenu pour dire si le voyage en valait la peine.
Le disciple est l’occasion pour le maître de se comprendre lui-même, le maître est l’occasion pour le disciple de se comprendre lui-même. A sa mort le maitre n’a rien à prétendre sur l’âme du disciple, pas plus que le disciple sur celle de son maître.
La dignité humaine, en vérité, est reconnue dans la nature ; lorsqu'on veut éloigner les oiseaux des arbres, on dispose quelque chose qui ressemble à un homme et, même lointaine, cette ressemblance de l'épouvantail avec un homme suffit à inspirer le respect.