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Critiques de Stefan Zweig (4711)
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Le Joueur d'échecs

Stefan Zweig - le Joueur d'échecs -1943 : Alors que ce formidable petit livre (à peine cent pages) semblait s'attacher au personnage fantaisiste d'un champion d'échecs vulgaire et dénué de toute finesse en dehors de son talent pour cet art, l'apparition d'un inconnu qui le battait à plusieurs reprises lors d'une croisière remettait en cause la trame supposée de l'histoire. Cet homme providentiel qui ravalait l'orgueil et l'impolitesse du maître envers les autres passagers en lui faisant subir quelques défaites humiliantes n'avaient pourtant rien des passionnés habituels de ce jeu. Au contraire même, celui-ci semblait considérer les échecs comme un passe-temps dérisoire, comme une occupation somme toute inintéressante. C'était là où le talent de Stefan Zweig surpassait celui de bien des conteurs de son époque. Alors que le sujet du roman semblait bien en place une deuxième histoire bouleversait à nouveau la conduite du livre. En se confiant au narrateur le héros sorti de nul part faisait entrer le lecteur de plein pied dans l'appareil de répression mis en place par le système nazi pour écraser ses opposants. En effet cet homme qu'on imaginait volontiers en guerre contre le mal restait enfermé de longs mois seul dans une pièce sans aucun contact ni aucune distraction autre qu'un petit livre traitant des plus grandes parties d'échecs de l'histoire qu'il réussissait à subtiliser à un de ses geôliers. Jour après jours pour éloigner la folie qui le menaçait l'homme rejouait dans sa tête les coups gagnants de prêt de deux cents parties célèbres. Alors que le temps s'égrainait lentement, ce petit livre était pour l'homme comme un rempart contre la folie et le désespoir que les bourreaux voulaient lui faire subir en le plongeant dans la pire des solitudes. N'ayant jamais trahit ses compagnons de résistance, il était relâché la tête pleine de combinaisons qui transformaient chaque partie de son cerveau en une case d'un vaste échiquier. Cette nouvelle fut publiée alors que Stefan Zweig et sa femme s'étaient déjà donné la mort au Brésil pour protester contre la nazification de l'Autriche leur pays natal.



Sans parler de justification pour un geste presque aussi fou que le régime hitlérien lui même, il flottait dans ce livre l'odeur nauséabonde de l'oppression et du malheur qui poussa l'écrivain à commettre le sacrifice ultime... un incontestable chef d'oeuvre
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Lettre d'une inconnue

Pas cette fois Monsieur Zweig, je ne marche pas, aujourd’hui. C’est bien souvent que vous m’avez embarquée avec vous, par monts et par vaux des sentiments, jusqu’à la confusion, parfois, mais aujourd’hui, non. Quelque chose ne fonctionne pas.

Bien sûr, cela semble beau, cela semble noble, cela semble la quintessence de l’amour, mais je n’y crois pas. Ce que je connais de l’humain ne s’accorde nullement avec cet amour théorique, paroxysmique, romantique, féerique, surhumain. Un amour comme on n’en voit que sous la plume des écrivains autrichiens.

Voilà donc une jeune adolescente de 13 ans qui, au premier regard, tombe sous le feu des sentiments les plus forts que puisse susciter l’attachement entre deux êtres. L’autre est un écrivain à succès, frivole et mondain.

La jeune inconnue sera capable de se cacher, de l’aimer, inflexible, inconditionnelle dans son amour, sans jamais rien recevoir en retour. Et en plus elle est belle, et en plus elle… STOP !

On n’y croit plus Monsieur Zweig. Certes, c’est une jolie histoire théorique, mais c’est du vent votre truc, un truc pour faire pleurer les jeunes filles, du même acabit que Cendrillon, sauf que le prince n’est peut-être pas aussi charmant qu’il y paraît. Ayant passé l’âge pour Cendrillon, je ne puis adhérer davantage à votre conte moderne.

Autant cela fonctionne quand vous nous parlez d’homosexualité et de l’interdit social qui faisait ravaler l’amour de deux êtres du même sexe à une époque un peu moins ouverte quant aux mœurs que la nôtre. Autant, pour l’homme et la jeune fille, quelque chose sonne faux, un gravier dans l’horlogerie, un je-ne-sais-quoi de trop faux pour que je puisse y souscrire.

Je suis sévère, M. Zweig, mais je suis juste, je vous le dis comme je le pense, et d’ailleurs, ce n’est que mon avis, c’est-à-dire, pas grand-chose. Ceux qui voudront se laisser embarquer y trouveront leur compte, les autres feront un peu la moue, comme moi.
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La Confusion des sentiments

Œuvre subtile, œuvre forte, œuvre minutieuse comme une dentelle d’Alençon, La Confusion Des Sentiments ne manquera pas de laisser une troublante impression envers tout lecteur disposé à se laisser mener sur les bancs de la passion à l’âge de la fac (ou sur les bancs de la fac à l'âge de la passion, au choix).

Quiconque a déjà connu une attraction magnétique vis-à-vis d’un être jugé supérieur se reconnaîtra dans le jeune Roland, lui, littéralement happé, aspiré comme un noctambule papillon par l’éclat phosphorescent de son professeur, son mentor et maître, manière de Pygmalion de la littérature.

Stefan Zweig a l’art d’évoquer des sujets, a priori, assez racoleurs ou qui peuvent sembler faciles ou usés, comme la débauche, l’éveil d’une relation amoureuse ou l’homosexualité avec un tact et une pudeur hors normes, ce qui en fait un grand orfèvre en la matière et justifie pleinement son renom.



Roland, jeune étudiant originaire du nord de l’Allemagne consume son existence à l’université de Berlin dans une vie d’excentricités et d’errements variés jusqu’au jour où son père, qui le croit studieux, le surprend en pleine débauche. L’électrochoc est tel pour les deux, qu’ils décident conjointement qu’il convient mieux à Roland d’étudier dans une petite ville universitaire qu’auprès des tentations et dépravations de la capitale.

Le jeune homme, muni d’une toute nouvelle envie de se racheter, se lance avec frénésie dans les études. Son chemin croise celui d’un professeur de littérature anglophone particulièrement charismatique, passionné et passionnant. Magnétisé par ce tourbillon passionnel, Roland, dont la passion ne demandait qu’une cible pour se focaliser va se satelliser autour de cet homme et de sa vie de solitude. Bientôt familier et habitué du foyer, il y fait la connaissance de la jeune épouse de son maître.

Mais derrière cet élan inconsidéré pour la dramaturgie anglaise du XVIIème siècle se cache des zones d’ombre et de mystère. Pourquoi cet homme est-il si solitaire, si isolé, même à l’université ? Pourquoi est-il si froid avec sa jeune et aimable épouse ? Pourquoi, par moments, s’absente-t-il inopinément pendant plusieurs jours ? Pourquoi sa femme comprend-elle si bien le trouble et les frustrations de Roland ? Pourquoi ce malaise au milieu de ce couple qu’il apprécie tant ? Pourquoi ses sentiments sont-ils si confus, si contradictoires, si constamment cahotés d’un pôle à l’autre ?

Voilà ce que je me propose de vous laisser découvrir. En tout cas, ce petit roman est mon préféré de ceux que j’ai lus de Stefan Zweig. Je le place bien avant Le Joueur D’Échecs ou Vingt-Quatre Heures De La Vie D’Une Femme, mais ceci n’est que mon avis, un parmi tellement d’autres, particulièrement confus qui plus est, c’est-à-dire, pas grand-chose.
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Vingt-quatre heures de la vie d'une femme

24 heures sur toute une vie, ce n'est rien si la vie est longue, et c'est tellement à la fois.

Si le temps s'est arrêté, si l'on fait « pause » sur le film de sa vie et que plus rien ne compte ni les scènes d'avant ni celles d'après, mais alors, quelle souffrance !



Combien de femmes ont rêvé de se soustraire, sur un coup de pure folie, à leur vie réglée comme du papier à musique, entre responsabilités familiales et professionnelles, entre corvées essentielles répétées à l'infini, et plaisirs trop rares ?

Combien sont-elles, prêtes à suivre un inconnu pour qui elles ont un coup de coeur insensé, pour une heure, 24 heures ou pour toute une vie ?

Combien d'entre elles l'ont vraiment rencontré ?

Combien ont réellement commis la pure folie, sans la moindre hésitation, de suivre leur instinct, de foncer dans l'inconnu, de prendre l'amour à bras le corps ? Quand d'autres pleurent dans le soir leur projet avorté, la peur viscérale d'être jugée, l'impossibilité totale de passer à l'action ?



Ah ! Monsieur ZWEIG, encore une fois vous avez exploré au plus profond le coeur des femmes, à une époque où le deuil se portait sur le vêtement noir pendant de longs mois, et la bienséance dictait la conduite sans discussion possible.

Vous avez su dépeindre les mille couleurs des sentiments passionnels, de la folie d'un geste insensé, d'une étreinte exaltée, d'un combat contre la violence de la culpabilité. Vous avez fait parvenir le lecteur jusqu'à l'extase, après avoir fait monter le désir par la puissance de l'interdit, puis vous l'avez fait tomber dans l'enfer du piège de l'addiction aux jeux, dans les casinos.



Contre toute attente, une femme peut tout donner pour sauver un homme : passer outre ses pires défauts, par amour pardonner son addiction, ses faiblesses, ses bassesses, mais souffrira toute sa vie de n'avoir pas été aimée comme elle l'aurait souhaité.

Souffrance sentimentale infernale, torture qui marque à vie.



J'avais d'abord rencontré "Le joueur d'échecs", puis lu cette " Lettre d'une inconnue" jusqu'à en éprouver " La confusion des sentiments" et vivre " 24 heures de la vie d'une femme", comme si c'était une seule et même histoire ! Etonnante rencontre !
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Le Joueur d'échecs

C'est un petit livre magnifique,court,dense,merveilleusement écrit qui se lit d'une traite.

C'est une œuvre posthume de Stefan Zweig , publiée en 1943, qui n'a pas pris une ride.

Un illustre champion mondial d'échec ,frustre ,antipathique se fait battre par un inconnu.

Celui- ci,emprisonné dans des circonstances terribles,fin et raffiné,apprend des combinaisons par cœur,après avoir subtilisé un petit livre qui les relate.

N'ayant que ce livre à sa disposition, il l'a lu et relu, se l'est approprié.

C'est un chef d'œuvre de tension psychologique,qui montre la puissance de l'imagination,le fait que l'on peut atteindre à la folie lors d'un grand isolement et le danger extrême d'une ou de plusieurs addictions .

Pris par hasard à la bibliothèque à cause du nom du grand Stefan Zweig dont j'ai quelques titres , je vais l'acheter pour le relire.
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Lettre d'une inconnue

Qui n’a jamais connu de passion tapie dans l’ombre, née au hasard d’un regard, d’un message, d’une lueur d’espoir ?

Quelle adolescence n’a pas connu les affres de la passion à sens unique, nourrie dans les secrets d’alcôve, jetée sur des carnets secrets dans la nuit avancée ?

Quelle douleur alors que de n’être touchée que pour son corps et non pour l’amour de son âme. Quel enfant né d’une telle union ne rappelle-t-il pas chaque jour à la mère son tourment viscéral ?



Lettre d’une inconnue, je t’ai lue d’une traite, et pour une heure, quand toi tu fus nue, je fus toi, l’inconnue en souffrance. L’inconnue ne l’est plus, et moi je t’ai rendue.
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Amok ou Le fou de Malaisie

Il y a du brouillard ce matin, du blafard… C'est gris, c'est gras, c'est froid ; c'est triste à crever, humide à pleurer, gai à se pendre… On est tous flasques, l'hiver aux basques, l'avenir au masque… Alors j'avais envie de chaleur, de moiteur, d'un rien de folie pour m'aider à sortir du lit (pas trop loin, bien sûr, confinés que nous sommes, cons minés que nous sommes, éternels mauvais élèves d'une course à la servitude, à la platitude, à la chienlitude).



Alors, après mon bock, j'ai lu Amok. « le fou de Malaisie » c'était écrit en sous-titre. « Ça c'est bon, ça ! je me suis dit, la Malaisie, le pays du malaise, sans aucun doute, ça ne peut vouloir dire que cela. Et ça tombe drôlement bien, je suis en plein dedans, la malaisie, alors allons-y, franchement, vent debout… »



Oh ! c'était très court, ça ne m'a pas duré tout le confinement, et je ne vous cache pas que je me sens un peu déçue. En effet, pendant un temps, j'ai cru que Stefan Zweig allait étaler sur le papier ce qui est le plus noir en nous, faire de nos malsains penchants le coeur de sa nouvelle, un genre de Lolita de Nabokov…



… et puis finalement non, non… J'ai le sentiment de voir un auteur fasciné par le mal mais qui s'évertue à demeurer « gentil » à la fin. Mais vas-y Stefan, bon sang ! Lâche-toi un bon coup. Ça plaira ou ça ne plaira pas mais il y aura quelque chose de fort à la clef ! Nous aussi on a envie de réanimation (littérairement parlant, bien entendu) !



Mais non, non… Ici, on retrouve la petite mécanique propre à l'auteur, bien huilée, trop huilée peut-être (enfin trop pour moi en tout cas, et en ce moment surtout), où le narrateur se fait le vecteur à ARN, le porte-parole d'un autre personnage au destin « exceptionnel ». (C'était déjà le cas, par exemple, dans Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, le Joueur d'échecs et tout plein d'autres nouvelles de lui.)



Ensuite, comme à chaque fois, l'auteur en rajoute un peu avec « la violence extrême des passions » qui animait ce personnage ou toute autre formulation de ce genre, les tremblements de mains et tutti quanti, bref, tellement forte cette passion, donc, que le narrateur, qui ne le connaissait pas cinq minutes auparavant, se retrouve lui-même tout bouleversé par « cette singulière destinée », telle qu'il n'en croisa jamais plus par la suite, etc., etc.



Ça, c'est pour faire monter un peu les blancs en neige, car, dans le fond, quand on y regarde de vraiment près, il n'y a pas forcément grand chose dans ses histoires au père Zweig. C'est bien écrit, c'est onctueux, il y a même un petit côté précieux, un petit doigt levé, quelqu'un d'une grande délicatesse, quelqu'un qui fréquente du beau monde, quelqu'un qui se veut d'une grande sensibilité, tout le tralala…



… oui mais je t'en fous ! Ce qui le branche en vérité, l'ami Stefan, ce sont les côtés les plus glauques, les plus dépravés, détraqués, les putrides, les fétides, les bien dégueulasses ensevelis au fond de chacun de nous, aussi et surtout si l'on souhaite les cacher.



Alors, pudiquement, toujours avec son petit doigt levé, Stefan Zweig soulève à demi le voile, entrebâille à moitié la porte du caveau, pour qu'on voie modestement, pour qu'on sente un tout petit peu la pourriture, mais sans toucher, surtout. Sans toucher car ce ne serait pas bien élevé. (Et sans gel hydro-alcoolique en plus, vous imaginez le scandale.)



J'ai cru, donc, j'ai cru, que, pour une fois, il allait y aller franchement, qu'il allait ouvrir les barrières tout en grand et nous dépeindre un bon gros pervers, un gars carrément détraqué et peu fréquentable. Après un démarrage poussif sur un paquebot en 1912, il commence à m'intéresser, je me dis : « Chouette ! Voilà le Humbert Humbert de Nabokov qui se profile. »



Et puis, chlouf ! plouf, ploc ! Trois petits ricochets de rien du tout. Je m'attendais à un gros splash ! et c'est juste un petit chploc ! un petit caillou, un gravier presque, jeté dans la mer, tout ça parce que Stefan Zweig tient absolument à rester propre sur lui, gentil, bien élevé, pas dégoûtant du tout.



Mais vas-y, Stefan, boudiou ! Lâche les brides, affole la cavalerie et ça fera battre mon coeur ! Mais non, non, décidément non, à croire que lui aussi il respecte les gestes barrières. Alors voilà un brave type, qui rencontre un autre brave type, sur un bateau, à Calcutta. le premier brave type trouve que ça grouille et que ça pue sur ce bateau. Il y fait une chaleur à crever, rien à faire, ça vous colle de partout.



Alors il se pointe de nuit sur le pont, à la fraîche. Il y croit être seul, mais non, non, absolument pas car c'est là qu'entre en scène l'autre brave type, mais dont on fait en sorte qu'il ait l'air… inquiétant ! Ouuuuuuh ! Presque autant qu'un corona virus vu de trois-quart, ouuuuuuh ! Qu'il est inquiétant… et puis finalement non, puisque c'est un brave type, je vous dis, mais on ne le savait pas, nous. (On est confinés, après tout, on ne peut pas non plus trop exiger de nous.)



Et donc le deuxième brave type, il paraît drôlement secoué, tourneboulé par quelque chose, mais quoi ? On aimerait bien le savoir, nous, le quoi, mais il paraît trop secoué, l'autre, pour lâcher le morceau. Et puis finalement, bon, comme il a en face de lui un brave type (le premier), le brave type (le second) décide, comme ça, par pulsion, de tomber le masque, de lui déballer tout le matos, de lui confier tout ce qui le chamboule, tout ce qui lui tortille la théière depuis au moins deux mille kilomètres.



Il y a une femme là-dessous, vous vous en doutiez. Et le bonhomme, le brave type, j'entends, enfin le second, il est quoi ? Médecin. Bon, très bien, j'en prends note, ça peut toujours servir par les temps qui courent. Et la femme ? Ah, c'est une lady. Bon d'accord, j'en prends note également, ça aussi ça peut servir d'avoir quelques relations et un peu de cash au fond de sa musette. Et alors ? Elle est enceinte. Aïe, pas de bol, ma jolie, on déprogramme en ce moment. Ah ? c'est ça le truc ! Elle, elle est venue le voir lui, parce que justement elle était enceinte et qu'elle ne le voulait pas trop. Bon okay, je commence à piger.



Maintenant, le cadre : les colonies d'avant Première guerre mondiale, plus particulièrement, la colonie néerlandaise d'Indonésie. Bon très bien, je note encore. C'est un trou perdu ; palu, fièvre jaune et chaude pisse s'y ramassent à la pelle (bon, tant que c'est pas du corona virus, ça va). D'accord, je note toujours. le second brave type, c'est le médecin de l'endroit. Oui, bon, ça d'accord, j'avais compris. Mais, et la lady, là-dedans ? Ah ? C'est ça le hic, elle vient précisément de la grosse ville pour s'y faire avorter discrétos. Et après ?



Après ? Vous ne croyez tout de même pas qu'une brave lectrice confinée comme moi va vous raconter l'histoire du brave type qui a rencontré un brave type, un soir, sur un paquebot, en rentrant de Calcutta en 1912, tout de même ? Lisez-le, bande de feignasses ! Et je dirais même plus, faites-vous-en votre propre opinion, loin de toute considération partisane ou vaccinale, telle celle que je viens de vous soumettre. Grand bien vous fasse, plus on est de braves, plus on rit. Enfin, je crois… d'ailleurs, ce n'est que mon avis, sans queue ni test, c'est-à-dire pas grand-chose.
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Vingt-quatre heures de la vie d'une femme

Comment en si peu de pages, en si peu de mots, faire passer autant d'émotions au lecteur ? Monsieur Zweig seriez-vous magicien ? Un magicien des mots ?



J'ai brûlé de curiosité à la lecture de cette nouvelle. Je voulais connaître le secret qui rongeait cette vieille dame. La passion d'un jour et la désillusion de tant d'années... Quelle douleur ! Mais quelle sublime douleur... C'est plutôt paradoxal comme phénomène, non ? Mais, il faut bien admettre que Stefan Zweig est un conteur hors pair et qu'il vous mène tranquillement là où il en a décidé : dans l'univers de la passion (ou des passions) et des décisions urgentes et insensées que génère celle-ci.



Zweig possède le don d'entrer dans l'intimité des sentiments de ses héros, de façon intense et pudique tout à la fois, de tenir en haleine son lecteur et c'est tout simplement sublime !
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Le Joueur d'échecs

Il y a des livres pour lesquels je me demande pourquoi j'ai attendu aussi longtemps avant de les ouvrir.

Celui-ci est court, brillant, efficace et sans fioritures. C'est un coup de coeur pour moi.



Je l'ai lu d'une traite et avec beaucoup de frénésie. Je n'avais jusqu'alors pas encore lu de livres de cet auteur, pourtant il était dans mon programme de terminale, mais je l'avais délibérément zappé. Oui chers amis babelionautes, vous pouvez me huer ! Malheureusement à l'époque, je n'avais pas conscience du génie de cet auteur.



J'ai aimé le début de l'histoire sur le paquebot. Ensuite, au début du récit de M.B lorsqu'il raconte sa malencontreuse histoire avec la Gestapo, je me suis dit que l'auteur allait partir dans une lourde litanie. Mais quelle fut ma surprise en lisant ce passage qui constitue une histoire dans l'histoire de ce livre. J'ai adoré, j'ai trouvé ce récit d'une grande émotion. Il est empli d'obsessions et de ferveur de la part du personnage. Zweig parvient à nous faire ressentir, avec des mots simples, toute la détresse de son personnage, et c'est très fort. On comprend tout à travers ce récit.





J'ai trouvé les personnages très profonds: entre Mirko, ce personnage arrogant et si singulier qui excite la curiosité et que l'on admire du coin de l'oeil. Mac Connor l'ingénieur trop sûr de lui qui est prêt à tout pour se mettre en avant, le personnage de M.B très attachant et remarquable à la fois, sans oublier le narrateur qui nous retranscrit l'histoire et qui est le fin observateur lors de ce voyage sur le paquebot.



Un livre à lire et à relire. Si vous ne l'avez pas encore fait, foncez, car je pense que c'est une histoire qu'il faut avoir lu au moins une fois dans sa vie. Et pas besoin d'être un amateur d'échecs pour cela.
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Le Monde d'hier : Souvenirs d'un Européen

Comme j'ai souffert avec vous monsieur Zweig !



J'aurais aimé vous aduler tout entier, vous l'homme et l'écrivain. Mais ce fut impossible. J'ai détesté en vous l'homme.



Issu d'une grande famille viennoise juive, vous avez eu la chance de faire de longues études. Mais ça ne va pas, vous trouvez vos professeurs médiocres. Vous regrettez presque que vos parents n'aient pas connu la guerre, alors que vous en avez connu deux. Quand vous évoquez votre jeunesse, vous déplorez le manque de liberté sexuelle que votre génération a connu par rapport à la génération suivante.



Après avoir terminé vos études, vous voyagez en Europe surtout, mais aussi en Inde et en Amérique. Vos multiples voyages vous permettent de faire connaissance avec de nombreux artistes. Ce qui vous enchante. On sent bien chez vous une soif d'échanges intellectuels.



Quand la première guerre mondiale se déclare, vous êtes réformé. On ne sait pas pourquoi, vous ne nous en dîtes rien. Mais vous avez à coeur d'être solidaire avec ceux partis au front, alors vous trouvez une place comme archiviste dans les armées. A quoi en êtes vous réduit ? Enfin le côté positif est que cette place vous laisse du temps libre, vous pouvez alors songer à écrire. C'est ainsi que naît votre pièce de théâtre "Jérémy". Vous êtes pacifiste et par cet écrit, vous dénoncez l'absurdité de la guerre et de ses ravages. Vous nous informez vous-même que lors de la première guerre mondiale, les autorités des différents pays continuent à exporter leur culture. Votre pièce a la chance d'être sélectionnée par un théâtre suisse, donc vous avez la possibilité de quitter l'Autriche pour la Suisse. La bas, vous rencontrez des intellectuels de tous pays qui s'y sont réfugiés. Votre soif d'échanges peut ainsi continuer d'être assouvie. Vous retrouvez Romain Rolland à qui vous vouez une admiration sans borne et ce pauvre Guilbault, que vous évoquez avec une certaine condescendance, qui dit tout haut ce qu'il pense et finira presque à la potence.



Vous restez en Suisse une année, oui une année. Vous adorez tellement ce pays pour toutes ses richesses. Puis à la fin de la guerre, vous décidez après moult réflexions de rentrer au pays. Cette décision est difficile (tout le monde le comprend et tout le monde aurait aimé avoir ce choix) car vous savez qu'à nouveau vous allez rencontrer la guerre, enfin la suite de la guerre, c'est-à-dire la faim, le froid, les destructions mais aussi les vagabonds sur les routes, etc. Ce qui vous meurtrit beaucoup.

Lors de votre retour au pays, vous en profitez pour vous arrêter à Salzbourg. C'est là que vous avez acheté une maison pendant la guerre. Oui certains vont au front et d'autres achètent des maisons.



La paix est maintenant là, vous en profitez pour vous remettre à écrire et à voyager. Le succès est au rendez vous. C'est lors de ses voyages, grâce a votre don d'observateur, que vous vous rendez compte que la paix est fragile et qu'il suffirait d'un rien pour que tout s'embrase à nouveau.

Vous décidez enfin de visiter la Russie où tous vos amis se sont déjà rendu, et là vous vous interrogez sur l'enthousiasme de certains d'entre eux car vous comprenez que le décor et les dialogues ne sont que copies de pièces de théâtre donnant illusions.



Vous avez maintenant 50 ans et vous faîtes le bilan de votre vie, très positif, vous le reconnaissez. Enfin, ce ton plaintif s'éloigne.

Vous brossez avec réalisme et précision la montée au pouvoir d'Hitler qui a su si diaboliquement se mettre d'accord avec tous les partis, toutes les tendances. Vous comprenez qu'il faut que vous quittiez votre patrie afin de conserver votre liberté. Vous vous rendez donc à Londres où vous vous taisez, n'osant contredire les Anglais aveugles sur le sort de l'Autriche.

Vous avez bien compris que la guerre est là, vous avez bien compris que l'Angleterre ne pourra plus se voiler la face au vu de la situation outre-atlantique. Et vous décrivez vos sentiments et votre situation de manière si intense, si sensible, si bouleversante qu'enfin monsieur Zweig, je me sens proche de vous et s'éloigne mon ressentiment vis à vis de votre personne.





Pardon ? C'est vrai, vous êtes fin observateur et vous remarquez parfois une certaine ironie dans le portrait que je viens de brosser. Oui, je le reconnais. Je n'ai pu supporter votre ton geignard, la façon de vous plaindre sans le dire vraiment. Vous êtes né avec une cuillère d'argent dans la bouche, vous observez le monde avec le prisme de votre statut privilégié. Je n'ai pas ressenti d'empathie envers les petites gens. On est bien loin de Pierre Michon (Vies minuscules) et de son petit peuple !

Bien sûr, votre éducation et votre milieu ne vous ont pas préparé à subir la guerre, à connaître les restrictions. Mais qui est préparé à l'enfer ?



Bon, quittons l'homme et passons maintenant à l'écrivain. Là, ma réaction est toute autre.

Vous êtes un excellent portraitiste de votre époque. Vos chroniques sur Paris, sur sa population, sur l'ambiance de la ville, par exemple, sont remarquables et très détaillées.

Vos écrits sur l'inflation galopante après-guerre et les conditions de vie (le marché noir par exemple) sont des pages excellemment bien écrites, riches de détails qui aident à comprendre le climat de l'époque.

Mais ce que j'ai par dessus tout admiré, ce sont vos rencontres avec les artistes. Les personnes que vous croisez et que vous admirez sont d'abord de vrais portraits et ensuite les échanges que vous entretenez avec elles sont riches de curiosité intellectuelle. On reconnaît bien là tout le bonheur, tout le respect et toute la frénésie intellectuelle que vous avez ressentis face à ces personnalités. Votre description du travail de Rodin est splendide. J'étais avec vous dans l'atelier, aussi muette que vous et observant l'artiste en plein travail, s'oubliant au monde. J'ai comme vous assisté aux entretiens de Gorki avec son visage animé et mimant les répliques qu'il vous faisait, lui qui ne parlait que le russe. J'ai participé auprès de vous aux joutes oratoires entre Shaw et Wells. Quelle puissante évocation, quelle précision dans ce duel littéraire ! Quel bonheur de lecture !





En fait, monsieur Zweig vous êtes un esprit. Entendez-moi bien, je ne parle pas de fantôme mais d'un pur esprit, d'une pensée pure. Et pour finir, je dois bien avouer que votre vision de l'Europe, bien avant-gardiste et qui ne relève pas d'une utopie, me prouve à quel point vous avez compris et cerné notre monde. Vous êtes, avant l'heure, un citoyen du monde (les pages concernant le passeport sont un vrai réquisitoire sur la liberté de circuler).



Difficile de conclure après tout ça ?

Et bien non pas vraiment. Je vais appliquer ce que vous recommandez vous-même et qui vous tient à cœur, vous qui ne supportez pas les intrusions dans votre vie privée. Je vais distinguer le nom de l'homme. Je vais oublier l'homme et m'attacher à votre nom. Je vais maintenant lire vos œuvres car oui, monsieur Zweig, l'écrivain m'a éblouie.
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Vingt-quatre heures de la vie d'une femme

Voici un petit roman (une nouvelle pour certains, voir le P. S.) rondement mené, écrit avec délicatesse, une façon de "Sur la route de Madison" à la Stefan Zweig.

Celui-ci nous sert les confessions d'une vieille dame sur un épisode fugitif, mais marquant, (je l'écris de manière froide et tempérée, un "l'indicible confusion d'un fulgurant éclair d'amour dans la vie calme et bien réglée d'une femme" serait sûrement mieux) de sa vie où deux passions se croisent : la passion du jeu et la passion amoureuse, pour en aboutir à une troisième, un peu comme celle "selon Saint Mathieu".

Arrivée à une âge respectable, une femme de la haute société en villégiature sur la Côte d'Azur voit se dérouler sous ses yeux un épisode qui fait écho à quelque chose qu'elle a éprouvé, elle, un jour dans sa vie. Un amour ancien, fugace, une seconde de sa vie, un total abandon pour un homme dévoré par le démon du jeu (un peu à la façon du Joueur de Dostoïevski).

La description des mains du joueur (et puisque j'ai déjà commencé par une comparaison cinématographique) pourrait faire penser aux fameux cadrages serrés si chers et si caractéristiques des films de Sergio Leone et demeure selon moi le sublime morceau de ce livre.

Stefan Zweig aborde la passion amoureuse sous l'angle du refoulé et du qu'en dira-t-on. L'opprobre ordinaire du jugement des autres est aussi abordé. Il nous conte avec un certain brio, l'histoire d'un fugitif éclair dans la noire monotonie de la vie d'une femme de la haute société d'il y a cent ans environ, le palpitement de ces chairs qui n'ont pas toujours été calmes et sages.

On ne prend pas grand risque à lire ce roman, c'est rapide, c'est bien fait et, au pire, cela laisse indifférent mais je ne pense pas que l'on puisse le détester. Donc je le recommande bien volontiers et j'en garde un très bon souvenir sans toutefois le placer au niveau stratosphérique de La Confusion Des Sentiments qui m'a tant ravie. Mais cette considération hautement subjective n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.



P. S. : Pour répondre à mon ami Lecassin, les gens de chez Stock ont probablement raison de dénommer cet écrit "roman" et non "nouvelle". La taille n'a pas grand chose à voir là-dedans, c'est simplement que la narration se déroule sur deux moments distincts, et il y a même deux narrateurs, ce qui, par définition, sert à distinguer une nouvelle d'un roman. Donc, oui, je pense que l'on doit appeler ce livre un roman et non une nouvelle, mais dans l'absolu, cela n'a pas beaucoup d'importance.
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Le Joueur d'échecs

En regard du nombre étonnant de critiques sur cette œuvre, je me contenterai simplement d'une petite comparaison. Voici un petit livre qui me rappelle beaucoup "Vingt-quatre heures de la vie d'une femme".

En effet, la technique de construction en est la même : le récit rétrospectif d'un personnage qui se confie au narrateur. Le thème abordé est assez proche bien que très différent en apparence. Il s'agit de la folie du jeu, ou, plus exactement, de l'emprise que peut avoir un jeu jusqu'à rendre fou. Nous avions affaire au casino dans "vingt-quatre heures", ici ce sont les échecs, mais la lente aliénation est assez semblable.

Pareillement Stefan Zweig débute son histoire par une introduction concernant un autre personnage mais qui appelle l'analogie avec le récit central, comme dans "vingt-quatre heures". Enfin, de la même façon qu'avec la vielle dame, ici aussi, un bref épisode de la vie du personnage central a un retentissement à vie durant. (Au passage, cette construction en deux moments distincts doit nous faire catégoriser l'ouvrage parmi les romans et non parmi les nouvelles bien que sa faible longueur puisse nous y faire songer.)

En somme, si vous avez aimé l'un (vingt-quatre heures), vous aimerez l'autre (joueur d'échecs). C'est court, c'est facile à lire, c'est bien fait dans son style, mais il me manque le petit brin de je-ne-sais-quoi qui me fait croire au chef-d'œuvre quand un livre m'enthousiasme complètement mais, vous l'aurez compris, ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand chose.
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Lettre d'une inconnue

Lettre d'une inconnue.

"Amour adolescent

Amour incandescent

Quand mes mots

remplacent tes maux

Mystérieuse ingénue

L'être inconnue

Qui m'aima

Que je ne connus pas

Mon enfant est mort

Je reste seul plein de remord " .

j'ai adoré cette deuxième nouvelle, cette histoire d'amour à sens unique . Cette amour de cette jeune fille pour un écrivain. Elle se brulera les ailes , et lui ne s'apercevra de rien. Cette histoire pleine de sensibilité et de retenue mérite bien cinq étoiles.



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La Peur

Je suis tombé un peu par hasard sur cette petite plaquette, La peur, dépassant à peine cent pages. Quand j’ai remarqué que l’auteur n’était autre que le grand Stefan Zweig, je l’ai pris et je l’ai lu d’une traite, dans un temps record. L’histoire, je la résume à ceci : une femme est aux prises avec la peur. Croyez-moi, ce n’est pas si banal que ça en a l’air. Trop succinct ? Alors voici : Irène Wagner trompe son mari. Oui, oui, cette grande bourgeoise, épouse d’un magistrat bien connu de Vienne, a un mari. Mais, elle qui a tout, elle se sent lasse, inutile, comme si elle errait sans but dans la vie. Du moins, c’était jusqu’à ce qu’elle rencontre un jeune peintre de basse extraction. Non, non, il ne s’agit pas d’une histoire de vaudeville. Elle trompe son mari, mais surtout son ennui. Pour la première fois depuis longtemps, elle se sent en vie. Mais voilà qu’un jour, en sortant de chez son amant, une femme l’apostrophe, l’empêche de s’enfuir, lui bloque le chemin, lui crache à la figure son dégoût. Cette femme la suivra et exercera du chantage par la suite.



À partir de ce moment, la peur envahit Irène Wagner, au point de prendre toute la place dans vie. Plus rien n’a d’importance. La dame n’ose plus quitter ses appartements, craignant de tomber sur la folle hystérique qui risquerait de dévoiler son aventure et de ruiner sa vie. Exit le gentil amant, l’amour, la passion. Mais la peur a déjà emprise sur elle et nulle part elle ne trouve la paix. Même la sonnette la fait sursauter : est-ce sa vile extorqueuse qui la harcèle jusque chez elle ? Et elle n’a personne vers qui se tourner (il est évidemment hors de question de faire appel à son mari). C’est une véritable torture psychologique. Paralysée par la peur, elle n’a plus le goût de manger, plus rien ne l’amuse, elle semble dépérir.



Stefan Zweig a écrit un véritable drame psychologique. Il n’a pas son pareil pour sonder l’âme humaine. Il décrit Irène Wagner, ses actions, réactions, sentiments, motivations sans jamais la juger – elle le fait assez bien elle-même! – et son évolution psychologique suit une courbe en crescendo parfaite. J’y trouve un quelque chose à la Madame Bovary, de Flaubert. En tous cas, plusieurs parralèlles peuvent être faits entre les deux héroïnes, bien que leur destin ait pris des chemins différents. D’ailleurs, parlons-en, du dénoument. Beaucoup diront qu’il est inattendu, certains qu’il est magistral. Moi, je ne l’ai pas aimé. Mais bon, je suis quand même capable d’en apprécier la superbe, c’était vraiment bien pensé de la part de l’auteur. En tous cas, ça tient la route. Plus personne n’osera tromper son partenaire après avoir lu cette nouvelle…
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Marie-Antoinette

Prodigieux! Coup de cœur absolu❤️

Je n’avais jamais lu le Stefan Zweig biographe je peux désormais dire qu’il en est un de génie. J’ai terminé ce livre le cœur serré. Complètement soufflée. Sacha Guitry disait « lorsqu’on vient d’entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui » je peux appliquer cette citation à Zweig. Je suis restée longtemps prostrée dans le silence imprégnée de ses mots, chavirée par la puissance de son souffle romanesque, pensant à Marie Antoinette, à sa destinée tragique, et aux heures sombres de l’Histoire… Zweig n’est pas historien mais il insiste sur la véracité de ses propos qui s’appuient sur un solide travail d’archives.

Dans ce récit épique il dissèque les raisons du glissement vers l’impopularité de cette reine admirée et acclamée avant d’être clouée au pilori. Sous sa plume Marie-Antoinette devient une véritable héroïne de roman. Les faits historiques sont passionnants car dignes d’une grande tragédie mais le vrai intérêt de cette biographie c’est leur liant: le style de Zweig. Ses mots, sa poésie font toute la différence. Il introduit une dimension psychologique chez son personnage, se met dans sa peau et nous permet de la comprendre et d’éclairer sa trajectoire. Il lui donne une âme et c’est bouleversant. On suit la reine de son arrivée à la cour de Versailles jeune Dauphine frivole et impétueuse à la reine déchue.

Versailles comme si vous y étiez!

Alors très mondaine, elle « tourbillonne jupes au vent », enviée et admirée, dans les jardins de la cour sans la retenue exigée. Elle et son époux Louis XVI roi « sans nerfs » mou, indécis et indolent n’écoutent pas leurs conseillers et délaissent les affaires ainsi que le peuple au profit de loisirs superficiels et dispendieux.

Installée au petit Trianon elle s’entoure de personnes douteuses.

Le feu couve sous la cendre. Victime de manœuvres politiciennes, de cabales, d’intrigants et factieux elle avance sans le savoir sur le chemin noir de la destinée.

Le tocsin de la révolte ne tarde pas à sonner et oblige le couple royal à quitter sa demeure et rejoindre les Tuileries après la prise de la bastille et l’assaut de Versailles, abandonnés de tous. Seul reste auprès de M.A son favori avec qui elle entretient une romance forte et touchante: Hans Axel de Fersen. Le récit est foisonnant et palpitant avec ses maintes intrigues comme l’affaire du collier ou celle de l’œillet. Les scènes de l’assaut de Versailles et des Tuileries, les nombreux plans de fuites (à Varennes notamment) du couple relèvent d’un très bon polar, on lit leurs péripéties le cœur battant. Emprisonné au Temple, Louis XVI sera guillotiné, sa mort mettant fin à 10 siècles d’autocratie. La reine, transférée à la prison de la conciergerie, fera l’objet des pires calomnies et sera condamnée à mort sans preuves. Le récit du procès est mémorable tout comme les derniers moments déchirants de Marie Antoinette en prison avant l’échafaud privée de ses enfants, tout comme sa dernière lettre écrite à quelques heures de son exécution ou comme les extraits des lettres de Fersen qui l’aimait profondément. Celle qui fut « déesse de la grâce et du goût » terminera mutilée, jetée sans pitié dans la fosse commune et presque aussitôt dans l’oubli. La fin est poignante. Cette biographie sublime impossible à lâcher m’a captivée autant que bouleversée ce livre rejoint mon panthéon littéraire.
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Le Monde d'hier : Souvenirs d'un Européen

Merveilleux Stefan Zweig. Après avoir été éblouie par ses nouvelles et romans, époustouflée par ses talents de biographe, me voilà subjuguée par son livre-testament.



C’est en 1942 que Stefan Zweig envoie cette autobiographie à sa maison d’édition, le lendemain il met fin à ses jours avec sa jeune épouse au Brésil où ils s’étaient exilés. Quittant un monde qu’il ne reconnaissait plus, lui l’humaniste pacifiste d’origine juive qui a assisté impuissant à la « décadence morale » de sa génération après en avoir goûté le fruit d’une jouissive « élévation intellectuelle ».



Empli de lyrisme et de poésie ce livre est à la fois le testament de sa vie et celui d’un siècle confronté à de grands bouleversements. Zweig nous captive avec le récit de sa jeunesse, partage des souvenirs nostalgiques de sa Vienne natale flamboyante, de ses années d’études et d’une Europe où les arts et la culture étaient florissants. Grand voyageur, érudit, il a fréquenté les plus grands intellectuels, scientifiques et artistes de son époque de Freud à Rilke de l’intellectuel Romain Rolland au poète Émile Verhaeren en passant par Rodin pour ne citer qu’eux. Le récit de leurs échanges est passionnant.



Le Monde d’Hier c’est l’Europe des années 1900 et celle des années folles, de la joie de vivre, de l’insouciance, de la sécurité.

Mais ce monde d’hier, aube du monde d’aujourd’hui, c’est aussi un lent glissement vers les partis politiques d’extrême droite qui vont éteindre son espoir dans le progrès, signer la faillite de la démocratie, la fin de l’unicité de l’Europe et la déchéance de la culture humaniste.

Observateur lucide de son époque Zweig est un témoin clairvoyant et désarmé de la montée du nazisme et de sa stratégie machiavélique pour contaminer même les esprits les plus sains. Son témoignage est saisissant.



Après avoir connu dans sa propre patrie la censure, avoir vu Vienne, paradis de son enfance, assombrie par l’Anschluss, désenchanté, apatride, il finit par s’enfuir en Amérique du Sud hanté par « l’échec de la civilisation ».



Le testament à la fois terrible et sublime d’un homme sensible qui a perdu foi en l’humanité.

Inoubliable chant du cygne ♥
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Le Joueur d'échecs

Je suis plutôt italienne pour son côté très ouvert et spontané, mais me mets à trembler face à une londonienne, système sclérosant, fermé et assez froid. La réplique sicilienne me titille, quant à la scandinave, après avoir essuyé quelques revers, je sais à présent mieux la dompter…Et vous, pour quelle ouverture succombez-vous, face à quelle réponse tremblez-vous ?



Non, non, je ne parle pas de femmes, rassurez-vous, mais d'échecs, d'ouvertures aux échecs. Un de mes passe-temps favori qui, malgré un niveau très bas, n'est pas sans me faire faire des noeuds au cerveau et me provoquer parfois des rêves perturbés, visualisant les parties perdues et revoyant en boucle l'erreur, parfois une seule et malheureuse erreur, ayant réussi à faire tout basculer et à doucher mes espoirs. Pas la peine de vous dire que j'ai lu « le joueur d'échecs » de Stefan Zweig avec intérêt !



Mirko Czentović est un illustre champion d'échecs, champion de Hongrie à l'âge de 18 ans puis champion du monde à 20 ans. Il a la particularité incroyable pour un tel champion d'être peu intelligent, sauf aux échecs précisément. A se demander s'il n'y a pas dans le cerveau des génies des échecs une circonvolution particulière, un muscle ou une bosse propice aux échecs. Mais sinon il a eu du mal à apprendre à compter et à lire et ne sait pas écrire sans faire plein de fautes d'orthographe, peu prompt à l'imagination et à la hardiesse, il est doté d'une logique implacable et froide et ses rapports aux autres sont difficiles. Il est antipathique, arrogant, et uniquement focalisé sur sa passion. Or, un jour, il se fait battre par un inconnu, lui faisant ravaler son indélicatesse et son orgueil. Celui-ci, emprisonné dans des circonstances terribles, fin et raffiné, a appris par coeur des combinaisons, des coups tactiques, des ouvertures, dans un livre sur les échecs qu'il a volé. Seule lecture lors de son emprisonnement il l'a lu, et relu, se l'est complètement approprié.



« Toute ma vie, les diverses espèces de monomanies, les êtres passionnés par une seule idée m'ont fasciné, car plus quelqu'un se limite, plus il s'approche en réalité de l'infini ; et ces gens-là précisément, qui semblent s'écarter du monde, se bâtissent, tels des termites, et avec leur matériau particulier, un univers en miniature, singulier et parfaitement unique ».



Ce qui m'a passionné et fait écho dans ce petit livre de moins de 100 pages est la façon merveilleuse dont Stefan Zweig traite les lisières de la folie propre à toute passion engendrant isolement et addiction. Ici donc pour le joueur d'échec capable de concentrer toutes ses réflexions pendant des décennies sur « un but ridicule : acculer un roi de bois dans un angle sur une planche de bois »… La tension psychologique qui se trame est mise en valeur avec brio. Comment un jeu qui est passion et centre de toutes les pensées peut rendre petit à petit fou ? Mécanisme de l'aliénation qui m'a fait frémir…Mais en même temps, Zweig met en valeur un second personnage, lui sauvé de la folie de la guerre et du régime nazi précisément par les échecs…Deux rapports aux échecs totalement différents et inversés, deux contraires qui s'affrontent sur l'échiquier…



Voilà pour le premier niveau de lecture. le second niveau de ce livre écrit en 1941, en réalité central, est le parallèle évident que fait l'auteur autrichien entre ce champion d'échecs et les nazis, abstraction imagée du conflit mondial dont Zweig imagine très bien l'issue. Ce héros inconnu nous fait plonger dans le système nazi et le mécanisme implacable et froid pour écraser ses opposants. Et cela est d'autant plus troublant que cette nouvelle a été publiée après la mort de Stefan Zweig et de sa femme. Ils se sont en effet donné la mort pour protester contre la nazification de leur pays. Geste ultime, fatal, permettant, à leur niveau, de mettre échec et mat l'horreur.



La plume de Zweig est fluide, belle, imagée, les nombreuses réflexions sur le jeu en lui-même m'ont passionnée :



« Mais qualifier les échecs de jeu, n'est-ce pas déjà les réduire et commettre une injustice ? Ne sont-ils pas aussi une science, un art, quelque chose qui plane entre ces deux pôles comme le cercueil de Mahomet entre le ciel et la terre, une incomparable association de tous les contraires ? Très anciens et pourtant toujours neufs, mécaniques par leur dispositif, mais n'agissant qu'avec le ressort de l'imagination ; à la fois limités à un espace géométrique et figé, et illimités par leurs combinaisons, se développant sans cesse et pourtant stériles ; une réflexion qui ne mène à rien, une mathématique qui ne calcule rien, un art qui ne crée pas d'oeuvres, une architecture sans matière, mais dont l'être et l'existence sont incontestablement plus durables que tous les livres et toutes les oeuvres ; le seul jeu qui appartienne à tous les peuples et à toutes les époques, et dont nul ne sait quel dieu l'a apporté sur terre pour tuer l'ennui, pour aiguiser l'esprit, pour stimuler l'âme. Où commence-t-il, où finit-il ? »



Ce livre, sur le roi des jeux et la métaphore guerrière sous-jacente, est un petit chef d'oeuvre !



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La Confusion des sentiments

Stefan Zweig est un auteur qui a mon sens est un véritable orfèvre de l'écriture.

On suit son réçit avec passion et il arrive a nous mettre dans la peau du personnage et a nous faire subir tous ces sentiments si confus au court de ce roman.



j'ai également adoré le final, auquel je ne m'attendais aucunement.. je voyais, j'avoue un épilogue complètement différent.



J'ai tout simplement dévoré ce court roman cette nuit. Une fois débuté l'écriture de Zweig nous emporte et on oublie tout simplement le temps qui passe.

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Le Joueur d'échecs

En 1939, entre New York et Buenos Aires, Mirko Czentović, l'arrogant champion mondial des échecs, affronte un aristocrate autrichien, un homme, torturé par les nazis, qui a été sauvé de la folie par le jeu d'échecs.



On peut bien sûr faire un parallèle entre le champion d'échecs et les nazis, Stefan Zweig étant l'aristocrate de cette oeuvre posthume - qui est une abstraction du conflit mondial dont il imagine l'issue.



Une oeuvre admirable de la part d'un homme qui veut mourir, ne supportant plus le sort réservé aux Juifs et le délitement de la culture européenne. Un expatrié forcé qui n'espère plus en un monde qui agonise, mais garde sa confiance en l'homme.

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La Confusion des sentiments

♫Au nom du peu d'intérêt

Porté à mon sujet

Pour être encore à l'endroit

Quand l'envers me tend les bras

J'attends un regard

J'attends un sourire

J'attends à tout moment

Un peu d'encouragement

J'attends sans l'attendre

Un compliment

Un geste, un mot tendre

Tout simplement

J'attends♫

-Chagrin d'honneur- Kent- 2017-

----♪-----♫-----🤩-----😢-----😍-----♫-----♪----

Exaltation, pas passion !!?

Histoire d'un théatre enGlobe :

Une tour hexagonale

Tours et détours

Circonvolutions magistrales

Cirque, arène, spirale

Emprise sublimanimale

Concours d'éloquence

Ronde des mots

Intérieur at mot Sphère

je suis ton pair

Sir Conférence

Inspiration à chaque Expire

Eclosion-floraison

Candide, innocent

premiers tourments

Turbulences- tourbillons

Eruption-Confusion

Pro-fusion de mots que le feu jaillisse

tout un Art t'y fisses

Reconnaît sens

d'un volcan mort

dit tyran bi-

que l'esprit impétueux

sût planter lâme un peu tueuse

to be or not to bi

Réducteur- caractère- vieux cratère

Eteindre la lumière

Littérature Germe à nique

Mériterait que j'y reVienne

Retourné acrobatique

Exposé, tous Sonnets

plus un geste

chanson de Roland

et vie dense

danse de Vienne

Noir papillon

Addiction soustraction

album de Kent ♪Grande illusion♪

Recherche d'un temps perdu

un Cercle de poétes disparus



mon ressenti ment, confus

5/5 + ma réelle Volupté

Devoir absolu à m'incliner...

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