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Critiques de Stéphanie Dupays (135)
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Comme elle l'imagine

Ce n’est pas la quatrième de couverture qui m’aurait incitée à me plonger dans ce roman : une histoire d’amour sur fond de réseau social, voilà qui évoque un parfum de déjà vu. C’est tout l’intérêt des lectures guidées par le choix d’un groupe, ici les 68 premières fois, de découvrir de nouvelles plumes, de se laisser surprendre par un récit beaucoup plus attractif que ne l’aurait laissé supposer les quelques lignes imprimées au verso. C’est aussi la preuve que l‘écriture fait tout, et peut transfigurer la banalité d’un sujet qui peut à première vue laisser indifférent. C’est pourtant le plus souvent de cette façon que l’on présente en quelques mots un livre dont on veut partager la lecture : par le sujet (d’où ces réactions inévitables. : encore la seconde (ou la première) guerre mondiale, encore la relation mère-fille, encore l’inceste…).



Pour revenir à Comme elle l’imagine, un autre élément défavorable pour une choix à l’instinct : le titre. C’est un peu tendance d’utiliser des titres de chansons, avec l’écueil de superposer deux univers dont chacun est le reflet d’un vécu qui s’inscrit dans une histoire personnelle, par les souvenirs et la période qui lui sont associés. Certes de nombreuses musicales références émaillent le récit et en justifie l’emploi.



Venons-en à cette rencontre avec Laure, universitaire spécialisée en littérature, qui tombe dans le doux piège des réseaux sociaux. L’essayer, c’est l’adopter, et au delà des alibis culturels, c’est bientôt sa solitude qu’elle offrira en sacrifice : le jeu périlleux de la séduction est un piège hautement dangereux. Outre les écueils d’une interprétation abusive, d’un procès d’intention, qui n’est pas l’apanage d’une correspondance en messages instantanés (les lettres reçues grâce au zèle des facteurs subissaient il y a quelques décennies le même sort), c’est la temporalité qui ajoute à l’angoisse. Réponse immédiate différée, pas de réponse…tout cela crée le manque, et dénature le raisonnement.



Belle leçon de prudence, qui s’adresse à nous tous.


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Un puma dans le coeur

La légende familiale dit que l’arrière-grand-mère de la narratrice est morte de chagrin, le coeur brisé après avoir perdu ses deux fils et son mari. Personne n’en dit autre chose. Le caractère taiseux des descendants d’Anne Décimus fait le reste. Pourtant la curiosité de la narratrice l’amène à une découverte étrange. L’aïeule est décédée à plus de quatre-vingt ans. De plus des arrièrés de frais d’hospitalisation avaient été réclamés à la famille dans les années soixante ! Derrière le silence se cache forcément une histoire tout autre que celle qui circule peu et mal.

Avec la pugnacité et les accès que sa profession autorise, la narratrice part sur les traces de cette arrière-grand-mère entourée d’un voile de mystère, et découvre un trésor irremplaçable.



Magnifique quête des origines, destinée à combler les non-dits de la famille dont on sait que l’ignorance volontaire n’est pas sans conséquence sur les comportements hérités sans le savoir, le roman restitue aussi une superbe histoire de la psychiatrie du vingtième siècle, avec ses balbutiements pseudo-scientifiques jusqu’à une structuration fondée sur des connaissances qui se consolident au cours des décennies.







Les lettres recueillies sont un bel exemple des liens entre la folie et la création, dont Antonin Artaud ou Camille Claudel ont été des exemples illustres, et qu’Anne Décimus ne dément pas.



Parcouru avec un grand plaisir, ce roman est un bel hommage à la famille et ce qu’elle représente de capital pour la sérénité des générations présentes et futures.





208 pages L’Olivier 10 février 2023

Sélection Prix Orange 2023




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Brillante

Claire est une jeune femme à qui tout sourit : très bonne élève, elle a réussi "L'école" et a intégré un poste au service marketing d'une grande entreprise française. Elle vit en couple avec Antonin, lui aussi trader aux dents longues, dans un grand appartement ou luxe et classe sont de mises. Mais ce rythme soutenu entre performance et dépassement de soi va se rompre brusquement lorsque la responsable de Claire la remplace par une nouvelle recrue. Claire se retrouve alors "placardisée" et son monde s'écroule...

Stéphanie Dupays signe ici un premier roman cinglant. Le monde de l'entreprise est décrit avec réalisme, et son écriture dévoile avec talent la difficulté de rester au sommet, coûte que coûte. Le vocabulaire du marketing quitte peu à peu le bureau et s'immisce dans la vie quotidienne, preuve que la frontière pour ces jeunes cadres s'est totalement effacée...
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Brillante

Claire, originaire d’Agen, est montée à Paris pour faire la meilleure école de commerce de France, puis a trouvé un travail conforme à ses désirs dans l’entreprise leader du secteur agro-alimentaire Nutribel. Elle vit avec Antonin, un trader en métaux lui aussi brillant, dans un superbe appartement haussmannien. Tout lui réussit donc, jusqu’à ce qu’un jour… ● Ce roman se lit d’une traite. Le style, sans fioriture, est au service de l’efficacité narrative. ● L’univers des jeunes diplômés des meilleures grandes écoles est très bien rendu, de même que l’aporie de leurs existences et leur aliénation, une servitude toute volontaire au service d’entreprises qui sous couvert de bienveillance, les exploitent sans vergogne et avec leur consentement. ● Malgré une fin inattendue, le roman n’échappe pas, malheureusement, à la caricature, notamment lors du repas qui réunit les parents de Claire et ceux d’Antonin. Une approche un peu plus subtile n’aurait pas nui à ce roman qui malgré cela m’a beaucoup plu.
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Comme elle l'imagine

****



Laure est professeur de lettres, spécialiste de Flaubert. Elle est célibataire, indépendante et souvent entourée d’amis. Elle aime chercher l’endroit parfait pour lire au calme et chercher dans les romans classiques les mots de sa vie. Mais depuis quelques temps elle échange par SMS avec Vincent, rencontré sur Facebook. Quand cette relation virtuelle ne lui suffit plus, Laure va chercher les signes et provoquer la rencontre...



De Stéphanie Dupays j’avais lu et apprécié Brillante. Elle garde ici son ton incisif et perçant et elle nous entraîne dans les affres des réseaux sociaux, de l’apparence et du virtuel.



Alors qu’elle nous emportait dans le monde du travail et de ses dérives dans son premier roman, elle évoque dans celui-ci le sentiment amoureux 2.0. Son héroïne est une femme que rien ne prédisposait à devenir la proie de l’attente fébrile d’un texto qui ne vient pas, d’un mot ou d’un silence qu’on analyse en boucle, de l’imagination qui s’emballe...

Laure se croit amoureuse mais elle n’est que la prisonnière d’une solitude qu’elle rejette...



Comme elle l’imagine est un roman qui analyse avec beaucoup de pertinence ce que l’amour est devenu à l’heure du virtuel, derrière les écrans, dans l’ombre d’une liberté que certain érige en maître...



Un roman fort bien écrit qui questionne... Merci aux 68 premières fois pour cette découverte !
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Brillante

Un roman réaliste et acide, très bien vu sur le monde de l'entreprise, sur l'entreprise parisienne, la multinationale qui dévore ses jeunes recrues.

Les recrues sortent de l'Ecole, y sont formées dans le même moule, et y rencontrent souvent leur conjoint. Pour les "provinciaux" comme Claire, agenaise, c'est encore un peu plus difficile de s'adapter. Il faut connaître et apprendre par cœur les codes sociaux parisiens et élitistes, très précis, et s'y conformer à la lettre.



Les lettres justement, Claire qui aimait les mots et les livres, Claire l'agenaise va s'en éloigner sans même s'en rendre compte. Elle ne lit plus, elle parade avec son ami et évolue uniquement dans ce petit cercle issu de l'Ecole.

Elle mène une brillante carrière, un plan de carrière parfait, sauf qu'un jour ... elle n'a pas prévu la jalousie de sa chef, enfin maman de jumeaux, lessivée, et qui va rapidement la placardiser.



Claire perd pied et la force du roman est de dépeindre une évolution réaliste lors de cette placardisation, et après. Claire peine à s'ouvrir, ce serait faire partie des losers, ce serait reconnaître son échec. Même aux amis, même à sa sœur, elle a du mal à avouer sa défaite. Elle va pourtant revoir sa sœur, et réfléchir, faire une pause ...

Brillant et à lire !
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Un puma dans le coeur

La narratrice vit dans une toute petite famille : le père, la mère et la grand-mère. Elle même ne veut pas d'enfants.

Elle travaille à Paris comme cadre dans l'administration et revient souvent dans sa famille qui vit près de Bordeaux.

Elle a toujours senti une chape de plomb dans les dires de la famille, des non - dits inconscients, une façon de se comporter héréditaire, presque dans les gènes.

Sa grand-mère a vécu une enfance dramatique avec la perte de ses deux frères, de son mari suite à la première guerre mondiale. La légende familiale raconte que son arrière grand-mère est morte de mélancolie et de chagrin après la mort de ses deux fils et de son mari.

Lorsque des recherches généalogiques sont effectuées, on découvre qu'Anne Décimus n'est pas morte de mélancolie et de chagrin mais a séjourné encore quarante ans dans un asile psychiatrique. Des frais ont même été réclamés aux petits-enfants.

Le style d'écriture, de grande qualité, est original avec de la prose et de la poésie utilisée comme pour prendre de la distance vis-à-vis des faits.

La partie où l'auteure choisit d'enquêter sur la vie de son arrière grand-mère à l'asile est un peu trop technique, trop détaillée même si elle revêt toute son importance pour cette personne dont on avait omis de parler.

Quant au titre"Un puma dans le coeur", j'imagine qu''il fait référence à l'arrière grand-mère devenue folle de souffrance.

Une belle découverte qui sort des sentiers battus.

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Comme elle l'imagine

L’amour au temps de Facebook



Après avoir exploré le monde de la grande multinationale dans Brillante, Stéphanie Dupays confirme son talent d’analyste de notre société en racontant la rencontre de Laure et Vincent via Facebook et leur histoire d’amour.



Laure et Vincent ne se sont jamais rencontrés, pourtant ils partagent beaucoup de leur intimité, aiment échanger sur leurs lectures, leurs films, leur vie… C’est par le truchement de leurs comptes Facebook qu’ils ont fait connaissance et qu’ils correspondent régulièrement. «Elle avait trouvé un cocon chaud et doux, où elle pouvait faire halte, et, si quelqu’un la comprenait vraiment, ses nuits d’insomnie étaient moins noires. En quelques semaines, l’admiration se mêla d’affection, le plaisir de recevoir un message vira à l’attente du suivant, la complicité se transforma en sentiment amoureux.» Laure attend avec impatience le prochain message de son ami virtuel.

Enseignante et agrégée de lettres, elle sait décortiquer les phrases, sait le poids des mots, sait chercher les signes derrière les expressions et sait jouer avec la langue. Mais ce qui lui plaît aussi dans ses échanges, c’est aussi l’effet-miroir, l’image d’elle qui lui renvoie son correspondant «une autre version d’elle-même. Non plus la prof sérieuse penchée sur ses copies, un stylo à la main, devant un thé et une profiterole au café d’en bas, mais une femme flirtant avec un homme qu’elle n’avait jamais rencontré.» Une femme qui confie sa mélancolie et s’imagine pouvoir tirer un trait sur sa relation passée en s’investissant davantage dans cette «relation électronique». Elle s’intéresse aux auteurs qu’il affectionne autant qu’à tout ce qui touche Reims, la ville où il est domicilié. Elle dresse des listes des films et des livres dont il parle et elle interroge Facebook pour y trouver des informations supplémentaires, dénicher l’ex-copine de Vincent et n’hésite pas à la demander en amie pour pouvoir creuser affiner son profil. «Laure échafaudait des hypothèses, inventait des scènes de rupture, construisait des scénarios.»

Hypnotisée par l’écran, elle va devenir de plus en plus addictive aux signes et aux messages, au point de ne plus pouvoir supporter de trop longs silences et de maudire celui qui la faisait tant languir. Jusqu’au jour où la rencontre tant espérée à lieu: «Il était là, devant elle. Celui dont elle avait tant rêvé, celui dont elle avait pressenti à partir d’un amas de signes numériques qu’il pourrait être le bon. Et à chaque phrase elle sentait que son intention se vérifiait.»

Si ce roman est si réussi, c’est que la romancière parvient fort bien à montrer que l’amour au temps de Facebook conserve les mêmes codes qu’aux siècles passés, que la passion empêche le discernement, que l’on projette sur l’autre ses désirs, que l’on efface ses doutes pour une promesse de bonheur aléatoire.

Même si très vite il aurait pu se rendre compte que l‘investissement de Vincent était bien plus restreint, qu’il se satisfaisait des quelques heures passées ensemble, qu’il ne parlait pas de s’installer avec elle ou de l’inviter chez lui, elle s’attachait à son rêve. Par la même occasion, elle s’interdisait la possibilité d’une «vraie rencontre».

Comme dans Brillante, son précédent roman, Stéphanie Dupays analyse notre société avec beaucoup d’acuité. Sans porter de jugement, elle analyse les ressorts de l’élan amoureux au temps des réseaux sociaux et montre combien il faut se méfier du fossé entre virtuel et réel.
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Un puma dans le coeur

L’arrière-grand-mère oubliée



À partir d’un extrait du registre des décès, «Anne Dèche née Décimus 14 mai 1875 - 14 mars 1964», Stéphanie Dupays raconte l’enquête qu’elle a mené pour retrouver l’histoire de son arrière-grand-mère, «oubliée» par sa famille durant quarante ans. Un récit bouleversant.



La narratrice occupe un poste au ministère de la santé et des affaires sociales, loin de son sud-ouest natal. Sa vie parisienne est désormais comme déconnectée de ses racines. C’est ainsi que, quand le TGV la mène à Bordeaux, elle a l'impression d'arriver dans un autre monde. Ses parents continuent de mener leur vie, de jardiner, sans s'épancher. Aussi n'est-ce pas sans étonnement qu'elle découvre que sa mère a trouvé une nouvelle occupation, la généalogie. Mais avec ce nouveau loisir, elle atteint très vite ses limites, ne parvenant pas à trouver trace cette arrière-grand-mère que la légende familiale dit morte d'un chagrin d'amour. Du coup, elle sollicite sa fille afin de l’aider à compléter son arbre généalogique. À l'heure d'internet, il suffira à cette dernière de quelques clics pour que le registre des décès de Gironde affiche l'information souhaitée: «Anne Dèche née Décimus 14 mai 1875 - 14 mars 1964».

Deux dates qui entrainent une réécriture de l'histoire familiale. «Ce soir-là je pressens que l’histoire familiale qui passe de "matière solide et stable de lieux et de faits" à "un tissu lâche et mouvant de souvenirs déformés, de fantômes errants et de mensonges. (...) Je sens que derrière le récit autorisé se presse une réalité difficile à cerner mais impossible à écarter.»

Intriguée par cette longue vie qui n’a pas laissé de traces, elle cherche et interroge, découvre que cette ancêtre a été internée en asile psychiatrique où elle est décédée, quasiment oubliée des siens.

«Mes parents ne comprennent pas pourquoi cette histoire me bouleverse. Ils restent indifférents à ma quête. (...) Ma mère dit: "De l'eau a coulé sous les ponts". Mon père dit: "C'était une autre époque, les gens se posaient moins de questions que maintenant."»

Mais les temps changent. Aujourd'hui, on étudie l'hérédité et la psychogénéalogie, on cherche comment se transmet l'héritage. Ce sont dès lors ces voies que part explorer la narratrice. Elle va explorer les rares documents qu'elle retrouve sur l'asile où Anne a été internée, chercher des témoins, tenter de percer ce secret de famille: comment Anne a-t-elle vécu plus de trente années sans que sa famille se préoccupe d'elle? Comment occupait-elle ses journées? De quoi est-elle morte? Où est-elle inhumée? Quand sa mère lui assène «Il n'y a rien à raconter. Nos vies ne sont pas des romans», elle y voit un encouragement à lui prouver le contraire, à poursuivre une enquête. Comme elle le souligne dans un texte confié au site Actualitté, elle va chercher à organiser le chaos: «Je pose sur le papier les faits, les dates, les souvenirs comme autant de petits cailloux en espérant qu’ils dessineront un chemin. Je convoque l’archive administrative, la médecine, la sociologie pour m’aider à approcher la vie d’Anne Décimus.»

Outre la vie de l'aïeule, on y explore l'histoire de la psychiatrie ou encore le sort des internés durant la Seconde guerre mondiale. Instructif et émouvant, ce troisième roman de Stéphanie Dupays, après Brillante (2016) et Comme elle l’imagine (2019) vaut aussi pour sa forme. La romancière choisit en effet de dire «je» pour ne pas ajouter de la fiction au mensonge. Elle prend toutefois soin de compléter sa prose de poésie, entre haikus et plus longs poèmes qui soulignent les émotions ressenties et offrent une transition, une respiration dans cette quête difficile et par trop lacunaire. «La documentation m’a ouvert le passage pour comprendre ce qu’elle a vécu. Et la poésie m’a permis d’affronter le bouleversement, d’oser exprimer une émotion, pas frontalement, mais par la grâce de l’image.»


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Comme elle l'imagine

"J'aime à vous écrire, c'est épouvantable, c'est donc que j'aime votre absence" Mme de Sévigné.



Laure, professeur trentenaire, seule, va se livrer sur Facebook à un échange nourri de messages avec Vincent. Même amours de Flaubert, Proust, René Guy Cadou ou encore Véronique Sanson, J.J. Goldman, de la nostalgie, des vieux films de Rohmer... Laure est séduite.



Est-elle amoureuse ou est-ce la recherche du sentiment amoureux qui rend Vincent si attirant ? Les réseaux sociaux ont changé la manière de se rencontrer pour certains : se livrer sincèrement, être dans l'attente de l'approbation de l'autre, dans l'inquiétude si la réponse tarde, le désir d'apprendre à connaître virtuellement Vincent, pour se convaincre que ce sera la bonne personne, avant de l'avoir face à soi. Tout cela donne l'impression à Laure de vivre plus intensément, de remplir l'espace vide, de développer un lien plus fort puisqu'elle a été comprise.



L'auteur nous offre un roman ciselé, ponctué de références littéraires, pour décrire la solitude d'aujourd'hui. Elle intellectualise la rencontre 2.0, les amitiés virtuelles, la relation créée par Laure dans sa soif d'amour, son besoin de reconnaissance et paradoxalement d'un réel alter-ego puisqu'elle a été elle-même, totalement, avant la rencontre physique.



Un récit maîtrisé, enlevé, pour décrire un sujet d'une grande banalité, avec justesse, dans un monde où le portable est posé entre les individus en permanence dans l'attente d'un partage que l'on a trop souvent des difficultés à vivre face à face. La prédation de pseudo-séducteurs qui vampirisent les informations confiées pour construire l'amoureux idéal de femmes rendues naïves par excès de solitude.



Une fiction pour alerter sur la solitude, la rupture de contact vrai entre les individus, qui trouvera certainement son lectorat. Un roman adroit qui donne à réfléchir sur nos pratiques sur les réseaux sociaux.



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Brillante

Brillante... Le titre s’applique autant à l’héroïne, une jeune femme intelligente et douée à qui tout réussit, qu’à sa vie parisienne clinquante au sein d’un microcosme privilégié et formaté, voire même qu’à l’histoire dans son entier, qui raconte (brillamment) les petites mesquineries et les grandes souffrances d’un certain monde du travail...



Ce livre me parle d’autant plus que je me reconnais un peu en Claire. Comme elle, j’ai fréquenté « L’Ecole » alors que je venais de province et ne connaissais pas les codes de la bourgeoisie parisienne. Comme elle, j’ai été fière d’avoir un bon job et d’être débordée. Comme elle, j’ai eu des difficultés (pas les mêmes) et me suis sentie complexée face à mes anciens camarades qui tous réussissaient (ou le cachaient).



La description de ce monde fait d’apparences, où toute faiblesse se doit d'être dissimulée, m’a semblé juste. De même pour la cruauté et la concurrence impitoyable qui règnent parfois en entreprise. Ou encore pour la dégringolade de Claire qui perd toute son identité en même temps que les missions clés de son job.



Pour autant, la fin m’a laissée sur ma faim. Elle est certes plausible mais un peu trop pessimiste à mon goût. Car même la jeunesse dorée peut gagner en humanité et en personnalité au fur et à mesure qu’elle grandit et mûrit... non ?
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Comme elle l'imagine



Quand les réseaux sociaux truste la littérature s'empare (2) : Après Licorne de Nora Sandor, "Comme elle imagine " de Stéphanie Dupays nous dresse un nouveau portrait littéraire, à la fois très malicieux et très juste sur les amours contemporaine à l'heure du web.







Trois ans après "Brillante" , épatante satire du monde de l'entreprise, qui avait connu un vrai succès critique et public, Stephanie Dupays réussit encore largement son coup avec cette fois ci une toute aussi " brillante" peinture du monde du virtuel, du culte de l'apparence et des faux semblants. Elle le fait à travers les affres d'une Emma Bovary qui va tomber folle éprise d'un homme lettré, Vincent, à la prose particulièrement séductrice. "À 30 ans passés, elle découvrit le plaisir de zoner dans l'espace virtuel un plaisir et une douleur car regarder défiler la vie de Vincent lui faisait un peu mal comme quelque chose qui lui était destiné mais qu'elle ne pouvait atteindre."

Comparé, à "Licorne," réflexion plus froide et théorique sur le pouvoir d'Instagram, "Comme elle l'imagine" touche par son empathie bien supérieure à l'égard de son personnage principal, malgré ses faiblesses évidentes, on sent que son regard sur ce professeure de français très intelligente mais qui va laisser perdre dans les chimères du virtuel est plus indulgent.





La plume est particulièrement élégante, et malgré un ton incisif et perçant, on voit que l'auteur aime son personnage malgré ses faiblesses , elle qui semble être si forte et en même temps si fébrile qu'elle peut être dans l’attente d’une réponse qui ne viennent pas. "Comme elle l’imagine" est un roman qui analyse avec beaucoup de pertinence l’amour à l’heure du virtuel, et le roman de Dupays pose des questions importantes sur le sujet, savoir si les rencontres physiques sont à la hauteur des rencontres virtuelles, et comment une belle prose peut exacerber. des sentiments .





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Brillante

De l'art de la satire...

Chez Nutribel, grosse (vilain mot) entreprise d'agro-alimentaire, on est beaux, on est jeunes, on est dynamique, on performe, on est minces parce qu'on ne mange surtout pas les produits maison, et on recrute des jeunes cadres, des jeunes "chefs de projet" sortis des meilleures écoles de commerce...Le top 5 des "Parisiennes" (style HEC, ESSEC...), des jeunes super motivés, au cerveau bien lavé et prêts à tout sacrifier à leur entreprise pour un bon salaire et quelques médailles en chocolat, du genre "vous êtes les meilleurs !! Youpi ! C'est vous l'avenir de la France qui travaille, qui se lève, qui bouge ! Youpihhh!! " Bizarrement, passé 27 ans, ces profils ont disparu du paysage, et se sont transformés...On va voir en quoi.

Bref, la jeune Claire, caricature complète dont il vaut mieux rire que pleurer de ce genre de créatures jeunes et motivées, vit son destin grandiose à Nutribel. Elle sort de l'Ecole (avatar d'HEC), où elle a rencontré son copain, Antonin, cheval de course dressé à la réussite sociale par sa famille de bonne bourgeoisie parisienne. Claire, elle, a un défaut de fabrication: c'est une provinciale d'Agen...Elle n'est pas tout à fait du sérail, elle a réussi ses études à la force du poignet. Les amis de ce couple brillant sont des amis de promo, qui se retrouvent fréquemment pour comparer leurs réussites et leurs divers "projets", projets professionnels, projets vacances, projets mariages, projets enfants etc...Tout doit être parfait. Stéphanie Dupays, l'auteure, manie à la perfection la novlang de ces bébés robots.

Chez Nutribel, c'est génial, Claire est sur un projet top, Love your Health, en anglais bien sûr, pour que l'image de l'entreprise reflète les préoccupations santé de la clientèle, pardon, du consommateur. Sa n+1, le jour de la présentation, doit s'absenter rapidement pour bébé malade, et Claire la remplace au pied levé...Avec un trop super Power Point en trois D, elle impressionne le numéro 2 de la boîte, qui n'a qu'un mot à la bouche : "brillante !" Oups ! La chef De Claire, revenue entre temps, a entendu...D'abord, Claire jubile, elle croit que la chef va être contente pour elle...Pauvre Claire...Elle n'a pas appris à l'Ecole que derrière un cadre trop dynamique de Nutribel de plus de 27 ans se cache un être humain, du genre prêt à tout s'il se sent mis en danger par des petits jeunes...Claire va avoir de gros soucis...

C'est un roman qui se lit vite mais qui reste dans la tête, car derrière la caricature se cache la triste réalité d'un certain monde du travail, ici présenté à la manière de 1984 d'Orwell. Big Brother (Nutribel) est partout, il s'insinue dans vos vies et vous surveille continuellement par mails et portables, dont les jeunes cadres ne décrochent jamais. Ces jeunes cadres sont présentés comme des robots ayant perdu quasiment tout lien avec les valeurs de base, amitié (tout est rivalité, aucune faiblesse admise), amour (relation fondée sur le mensonge et la non-connaissance de l'autre), reniement de sa famille (trop plouc pour Claire) etc...Une voix off récitant des sloggans publicitaires ponctue le livre, ainsi que les discours du PDG de Nutribel et du directeur de l'Ecole, tout à fait assimilables à des discours de propagande dictatoriale, et les gamins qui crient : youpihh ! Ils travaillent du matin au soir et n'ont que de petits week ends pleins de mails, mais c'est pas grave : youpihh !!

Quelque chose comme un cauchemar, finalement, avec de plus en plus de petites pilules pour Claire, comme dans le Meilleur des Mondes...

Une version bling-bling et plus satirique d'Extension du Domaine de la Lutte, mais soulevant les mêmes problèmes de la souffrance au travail et plus globalement existentielle de la femme et de l'homme modernes. Et c'est pas trop top.
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Comme elle l'imagine

Les protagonistes de Stéphanie Dupays sont des digital natives addicts aux réseaux. A travers Laure, professeure de Lettres, « maîtresse de conférences »,l'auteure explore les relations amoureuses sur la toile : comment l'étincelle naît, comment l'attirance grandit, évolue au point de tomber dans la dépendance.



On suit donc Laure, la trentaine, au début de sa relation virtuelle avec Vincent. Elle est si entichée, que même en plein cours, elle ruse pour pouvoir vérifier si Vincent lui a bien répondu. Si impatiente de s'isoler pour lui répondre, est-elle vraiment présente à ses élèves ? L'attentif Jean-Baptiste n'a-t-il pas décelé un signe de fébrilité ? La voilà scotchée à son smartphone.

Elle est si hypnotisée par l'écran que même dans un bus bondé elle est capable de se créer une bulle.

On peut lire certains de ses échanges avec ses followers, et en particulier avec ce fameux Vincent. Elle n'hésite pas à passer des heures à zoner la toile, à chatter ou à passer au crible le profil de Vincent, à fouiller dans ses posts. (1)

Sa dépendance aux messages de Vincent devient incontournable car celui-ci a l'art de la séduire, l'appelant sa « délicieuse ». Sa vie bascule, rêvant de leur rencontre, elle tente de la programmer mais la réaction de Vincent la refroidit, la déconcerte. La jalousie s'installe.

Elle va jusqu'à s'offrir une séance photo avec une professionnelle, pour poster une image séduisante de son profil. Elle fantasme déjà sur le nombre de likes qu'elle recueillera, en espérant ceux de Vincent.

L'auteure montre combien l'apparence prime sur Facebook.

Si bien que Laure qui se compare aux créatures virtuelles, aux «  visages lisses, aux corps parfaits » en est complexée. Elle voit « se rouvrir la cicatrice d'une image de soi défaillante ». Il est bon de convoquer l'injonction de Frédéric Midal : « Foutez-vous la paix », déconseillant de se comparer à un autre.



On constate que Laure, spécialiste de Flaubert, peine à concilier son travail quotidien( copies, colloques à préparer) et son égarement sur la toile. Elle perd sa concentration, corrige « l'esprit ailleurs, papillonne de ses copies à son smartphone, ce qui l'oblige à veiller parfois jusqu'à cinq heures du matin.



On suit les « montagnes russes « affectives entre les deux protagonistes et les rebondissements dans leur relation. Les vacances de Noël pour Laure, ce sera auprès de ses parents, à la campagne, pour renouer avec la nature, avec elle-même, afin que son cerveau ne tourne pas en boucle et surtout pour mettre Vincent entre parenthèses ! Elle se fait violence pour travailler sur ordi mais sans internet, elle se plonge dans Proust, Gary. Besoin de « retrouver sa souveraineté ». « Le travail effréné a un pouvoir anxiolytique » reconnu.

La romancière relate leur premier baiser, leurs premières étreintes, leur premier repas en tête à tête. Puis les rencontres ponctuelles, parfois très brèves, entre deux trains, une soirée au restaurant, des rendez-vous improvisés en dernière minute  ! « L'espacement de leurs rencontres faisait de chacune une éternelle première fois ».

Or il apparaît que Vincent a « comme un sixième sens »:dès que Laure s'éloigne, il revient vers elle ! Va-t-elle lui accorder une nouvelle chance ? Peut-elle lui faire confiance quand il lui dit que leur « rencontre est un miracle » et qu'elle est « son ange gardien » ? Laissons le lecteur découvrir l'évolution de cette relation et voir si elle parviendra à « résoudre l'énigme Vincent ».



On serait tenté de rapprocher Laure de l'héroïne de David Foenkinos, Mathide, elle aussi enseignante, qui « avait trop lu de livres » et « tous les malheurs venaient de la littérature »! Pour le narrateur de « Deux soeurs » (2), le métier de professeure « c'était une soumission à l'interprétation des mots ». Stéphanie Dupays , elle aussi, met en exergue le pouvoir des mots à travers Laure qui a tendance à vouloir vivre sa relation amoureuse à l'instar de personnages de romans. « Elle avait besoin des mots des autres pour décoder les êtres et les choses, interposer la littérature entre elle et le monde la protégeait ».

Toutefois les livres restent sa bouée de secours, son refuge, préférant « se passer de confident et s'en remettre aux livres ». Ainsi toutes ses références littéraires et cinématographiques( Rohmer) offrent au lecteur un terreau éclectique où puiser pour s'enrichir. Citons les poètes Brautigan,Cadou, Bousquet et Valérie Rouzeau qui méritent d'être lus. On croise également Durrell, Modiano.

Et si vous êtes à Paris, vous pouvez rendre visite à la statue deMontaigne, lui frotter le pied droit et le bonheur devrait vous sourire ou l'amour !

Stéphanie Dupays livre une réflexion sur le célibat selon les âges, sur les vieux couples, sur la difficulté d'entretenir une relation pérenne avec autrui.

Elle oppose celui qui se contente d'échanges derrière l'écran et de rencontres épisodiques à celle qui a besoin de relations concrètes, de convivialité et ne se satisfait pas « de mots d'amour ». Pour Laure, il devient évident que « Vincent est une divinité inaccessible ». On plonge dans les pensées de Laure qui en vient à douter de la sincérité des liens tissés avec Vincent, à se demander si elle n'a pas été ghostée. le manque devient insupportable, douloureux pour l'amoureuse. le poids du silence est terrible quand il brise l'illusion de proximité.



Si vous n'êtes pas sur les réseaux, ce roman vous protégera de cette aliénation, de cette techno- dépendance que Serge Joncour pointe aussi dans son roman CHIEN- LOUP. (3) Pour lui, « c'est comme le Nutella, dès qu'on y touche on est ferré » ! Facebook est ce « gigantesque texte à déchiffrer » où Laure s'égare!

Laure n'est pas la seule à s'être brûlé les ailes, mais son récit a la vertu de mettre en garde tous ceux qui s'emballent trop vite et s'investissent trop dans une relation virtuelle avec un(e) inconnu(e) ! Sa lucidité, toute relative, lui a toutefois permis d'éviter le piège tendu par Vincent, préférant renoncer à son invitation pour un week-end à Séville. Elle a su résister à la tentation !

Laure sait prendre de la distance (comme par exemple sa déconnexion lors d'un Noël chez ses parents), ce qui relance sa créativité, elle réagit comme Philippe Besson qui voit une corrélation entre écriture et séparation : « La souffrance et les chagrins d'amour rendent l'écriture très fertile ».

Stéphanie Dupays signe un récit nécessaire pour mettre en garde les naïfs afin d'éviter les rencontres toxiques et d'éventuelles désillusions.

Une sorte de diatribe qui éclaire et alerte sur les dangers de l'addiction à Facebook et à son smartphone. En même temps, elle offre une ode aux livres ( qui prennent soin de nous) et à la littérature, échappatoire pour les héroïnes.

La romancière se fait chantre de l'ici et maintenant, de la vraie vie, en sorte.



(1) Post : publications faites sur Facebook

(2) Deux soeurs de David Foenkinos, éditions Gallimard

(3) CHIEN-LOUP de Serge Joncour, éditions Flammarion

Prix Landerneau 2018 , Prix du roman d'écologie,

Prix de la Ville de Vannes 2019
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Comme elle l'imagine

Quand la littérature s'empare des réseaux sociaux… Ces derniers temps, que de romans (tous très intéressants d'ailleurs), sur cette nouvelle forme de communication et ses codes. Voici un champ d'observation vraiment passionnant d'autant que ces réseaux sociaux modifient en profondeur les rapports entre les individus et j'irais même jusqu'à dire nos modes de vie.

Dans Celle que vous croyez  (récemment adapté au cinéma), Camille Laurens met en scène le personnage De Claire, une femme de 48 ans qui, pour surveiller son amant volage, se crée un faux profil Facebook, entre en contact avec l'ami de l'amant et finit par tomber amoureuse de lui, sans jamais l'avoir rencontré « en vrai ». Pas de souci, me direz-vous, ils n'ont qu'à se fixer un petit rendez-vous et tout sera résolu ! Oui mais Claire a menti en se présentant comme une belle brunette de 24 ans, célibataire et passionnée de photo… Vous voyez le problème…

Je repense aussi au roman de Philippe Annocque : Seule la nuit tombe dans ses bras dans lequel, via les réseaux sociaux et les messageries, un homme et une femme tombent amoureux l'un de l'autre et vont jusqu'à faire l'amour avec des mots (magnifique discours performatif!!!) sans jamais se rencontrer « in the real life. » Quel est le « statut » d'une telle liaison ? Peut-on même parler de « liaison » quand les mots remplacent les actes ?

Enfin, Fabrice Caro dans le discours, imagine un jeune homme qui, lors d'un repas de famille, tandis que la conversation roule sur les avantages du chauffage au sol, attend dans une anxiété sans nom un texto de son ex qu'il aime encore et à qui il vient d'envoyer un SMS qu'il juge stupide et qui le torture pendant tout le repas.

Il est clair que, visiblement, les nouveaux modes de communication ne nous rendent pas forcément heureux et semblent plutôt avoir l'art et la manière de nous ruiner l'existence…

Qu'en est-il dans le roman de Stéphanie Dupays ?

Laure, professeur de littérature à la Sorbonne et spécialiste de Flaubert, a rencontré Vincent sur Facebook. Elle aime discuter avec lui de livres et de films qu'elle apprécie et qui deviennent, d'une certaine façon, des prétextes pour connaître l'autre, le séduire même peut-être.

« Les livres, les films n'étaient pas seulement des livres et des films, ils constituaient un lien entre les êtres, le symbole et le prétexte d'un dialogue interrompu. »

Mais Vincent se montre très vite plus distant, il se connecte puis s'absente, revient, écrit deux trois phrases laconiques et repart. Joue-t-il avec elle ? Est-il sincère ? On s'interroge.

Si, en tant que linguiste, Laure décode parfaitement les signes de la langue littéraire (c'est son métier), elle reste à la porte des usages de la sphère Internet  : constater que Vincent ne lui répond pas alors qu'il est encore en ligne (point vert), qu'il n'a pas liké son post alors qu'il a aimé celui des autres (pouce jaune) la déroute complètement. Si Laure a conscience que « l'état amoureux transform(e) n'importe quelle femme en linguiste méticuleuse et le moindre message en énoncé à interpréter », là, elle patauge lamentablement, s'interroge sur le sens d'un SMS ou d'un émoticône, perd pied dans un monde qui lui est étranger.

De même, elle est très touchante lorsque, dépitée de constater que sa photo de profil n'est pas assez flatteuse, elle va tout faire pour modifier son image. J'ai trouvé très intéressante dans ce texte la façon dont Laure demeure dans l'incapacité de déchiffrer des codes qui lui échappent totalement, elle qui, dans la vraie vie, est une spécialiste de la question !

En plus, elle a beau avoir lu Proust qui analyse dans le détail le fonctionnement de la jalousie, elle est incapable de se protéger de ce sentiment qui l'envahit totalement : « Swann serait devenu fou sur Messenger. Lui qui interprétait le moindre signe, qui trouvait dans chaque geste ou chaque mot de quoi nourrir sa jalousie, aurait trouvé un réservoir inépuisable de souffrance ». Bien vu, effectivement !

Je trouve que Laure est un personnage très rohmérien dans sa façon de se laisser envahir par le sentiment amoureux et de se débattre avec un langage qui lui échappe, d'analyser le moindre terme, le moindre signe de ponctuation, de tout surinterpréter. Un seul mot et voilà Laure se laissant aller au plus grand fantasme : « « Peut-être », le mot laissait le champ libre à l'espoir et projetait sur Laure le souffle de Vincent, la caresse de ses mains, le pulpeux de sa bouche... » Waouh, quel souffle romanesque !

Et le plus terrible, c'est que Laure a conscience qu'elle tombe amoureuse d'un homme qu'elle n'a jamais vu, qu'elle ne connaît pas, dont elle n'a qu'une image tronquée qui n'a peut-être (certainement) rien à voir avec la réalité. Pour autant, elle n'y peut rien. « ...la seule chose qu'elle connaissait de cet homme était un amas de signes qui, comme tous les signes, s'interprétaient selon un contexte, dont elle ignorait presque tout. Comme elle ignorait tout de la façon de vivre de Vincent, de son rapport aux gens, sans même parler d'un éventuel accord de leurs peaux. Laure voulait être amoureuse, ressentir à nouveau cet état d'apesanteur, croquer la part romanesque de l'existence. Et Vincent était l'image exacte de son désir. »

Que cherche Laure ? Un homme virtuel qui, du fait de sa virtualité, serait un homme parfait ? Ne risque-t-elle pas d'être déçue par une construction idéalisée d'un être qui, au fond, n'existerait pas ?

En tout cas, très vite le smartphone devient une obsession, un objet chronophage, « un instrument de torture. » Laure se sent piégée par ses recherches sur la toile autour de Vincent qu'elle tente sans cesse de déchiffrer : « Laure échafaudait les hypothèses, inventait des scènes de rupture, construisait des scénarios. » D'une certaine façon, Laure devient romancière, créant des personnages qui n'existent pas et des histoires tirées de son imagination.

Mais où va la conduire sa folie ?

Vous l'aurez compris, j'ai beaucoup beaucoup aimé ce texte : le personnage de Laure m'a beaucoup touchée ; l'observation et l'analyse des jeux amoureux à l'heure de Facebook et les questionnements autour des nouveaux rapports humains qu'engendre l'usage des réseaux sociaux m'ont passionnée ; je me suis régalée aussi des références littéraires (oh Flaubert, Proust, René Guy Cadou...) et cinématographiques (oh Rohmer). J'ai trouvé toutes les analyses autour de ces bouleversements de société très fines, très percutantes et l'humour, omniprésent, a fini de me combler.

Un vrai coup de coeur donc pour ce texte que je recommande très vivement !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Comme elle l'imagine

Rien d'original à ce roman, si ce n'est la description du piège Internet ! Victime des pixels, des blablas par écrans interposés, bon là ce n'est pas si dramatique juste une histoire d'amour qui vire, pas d'ancrage que du vent, forcément la chaloupe a vite fait de se retourner et hop tout le monde à la baille !

Elle m'a franchement énervée, d'être aussi naïve et piégée par ce beau parleur, se faire tout un cinéma dans sa tête, car il faut bien l'avouer ce n'est que de l'imaginaire. Leur première rencontre n'est pas crédible, on ne ressent rien d'explosif, ni de passionnant. Non ça glisse sur une mer d'huile. Déjà là j'ai été à deux doigts de refermer le livre, en me disant, pauvre d'elle et pauvre génération du virtuel. Quand je pense à tous ces faibles qui se font berner par FB, et toute la suite, quand je pense que pas plus tard que cette semaine, une gamine s'est défenestrée suite à un sondage sur je ne sais quelle application à la noix. Il serait grand temps d’atterrir et de cesser de se faire laver le cerveau par tous ces réseaux, si on n'est pas capable de s'en servir à bon escient.

Sinon, c'est un bon récit pour donner une bonne leçon à tous ceux qui se sentent attirer par une conquête virtuelle. Vous en conclurez comme l'auteur à la fin de son récit que la réalité, c'est quand même nettement mieux, plus sincère, vrai.

Une lecture rapide qui ne mange pas de pain.
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Comme elle l'imagine

D'une écriture aiguisée, avec de nombreuses références littéraires et cinématographiques, l'auteure montre les limites d’une relation amoureuse virtuelle et comment elle peut devenir rapidement obsessionnelle (même pour une femme qui au départ est peu addictive aux réseaux sociaux). Un récit efficacement mené et une analyse fine des rapports amoureux de notre époque.
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Brillante

Brillante, c’est le titre du livre mais c’est également l’adjectif que l’on peut accoler à la démonstration de Stéphanie Dupays. Brillante et glaçante à la fois. Une démonstration que son héroïne, Claire, reine du Power Point et du marketing n’aurait pas reniée. Sauf que dans le livre, le produit, c’est elle.



Jeune trentenaire, Claire affiche en vitrine tous les attributs de la réussite. Le couple qu’elle forme avec Antonin frise la perfection, lui trader qui cumule les succès et les bonus, elle cadre marketing en pleine trajectoire ascendante chez Nutribel, leader de l’industrie agro-alimentaire. Mais attention, Claire a beaucoup travaillé pour en arriver là. Elle s’est conformée à tous les codes imposés, a soigneusement choisi ses options et ses relations, n’a rien laissé au hasard. Autour d’elle ne gravitent que des gens qui lui ressemblent. Tout un petit monde qui se met en scène et ne s'évalue qu'à l'aune de sa réussite professionnelle. L’Ecole dont ils sortent tous les a formés à devenir des winners, des leaders. Mais elle ne les a pas préparés à tout. Et il suffit de peu de choses pour enrayer la belle mécanique. La jalousie d’une chef qui voit soudain sa collaboratrice briller un peu plus qu’elle par exemple. Et s’attache désormais à l’écarter de tout projet intéressant. Claire est désemparée, absolument pas armée pour gérer ce type de situation. Reconnaître sa mise à l’écart ce serait en quelque sorte avouer un échec. Impardonnable.



Stéphanie Dupays montre parfaitement la solitude de Claire au milieu du cercle artificiel dans lequel elle gravite. En entreprise, on a vite fait de se détourner de celui ou celle qui tombe en disgrâce. On ne sait jamais, ça pourrait devenir contagieux. Les discours sur l'importance du capital humain ou le bien-être au travail sont bien vite oubliés d’ailleurs, on n’est pas dupe, ils restent à l’état de discours. L’auteure est très convaincante dans son descriptif de l’aliénation du cadre à son entreprise, un véritable marché de dupe. Claire va-t-elle profiter de cet épisode pour ouvrir les yeux ? Rien n’est moins sûr…



« Nutribel ne se contentait pas d’attirer les meilleurs salariés par des gratifications financières. L’entreprise avait compris que le lien le plus fort n’est pas pécuniaire, il est affectif. Nutribel offrait plus que de l’argent à ses salariés. Elle leur offrait une identité. En échange de leur force de travail, elle les boostait à la reconnaissance. »



Stéphanie Dupays connaît sur le bout des doigts les concepts et les codes du marketing, qu’ils soient appliqués aux produits ou aux ressources humaines, et elle en joue très bien. Ceux qui naviguent professionnellement dans ces sphères ne seront pas dépaysés. Mais là où elle emporte vraiment le morceau c’est en montrant à quel point Claire n’a pas le choix face aux diktats qui ont guidé sa construction. A moins de consentir à passer définitivement dans le camp des "loosers"...



Un premier roman magistral, qui appuie avec justesse là où ça fait mal et qui risque tout de même de vous donner envie de réfléchir à la notion de réussite. Un régal !
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Comme elle l'imagine

Loin d'imaginer que se cachait derrière sa jaquette "harlequine" un roman aussi séduisant, du moins dans sa première partie !

Un soir de solitude et d'ennui, une prof de littérature se prend au jeu troublant d'un échange virtuel attrayant, sur fond de références littéraires, musicales, cinématographiques, et s'éprend inopinément de son correspondant, de ses mots donnant corps et vie à ses désirs assoupis, à son coeur endormi.

"Oui, pour elle, l'esprit avait toujours été érotique, les mots devenaient caresse."

Après ce baume au coeur, virtuellement appliqué, par écran interposé, après cet emballement des sentiments irraisonné, voici venir le temps des doutes, des questionnements...un écho imparfait, un retour sur investissement émotionnel insatisfaisant,,et une plongée amère dans un réel désenchanté, défantasmé.

"Laure avait gagné en lucidité et cela la rendait triste; elle regrettait le temps des commencements où Vincent était tel qu'elle l'avait imaginé. "



L'auteur nous restitue avec finesse ( et peut-être avec un semblant de vécu ?) une aventure amoureuse unique et chimérique propre à nos vies numériques.



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Brillante

Ce n'est pas le titre ni la couverture du livre qui risquaient d'attirer mon attention. Heureusement, quelques avis plutôt flatteurs que j'ai eu l'occasion de lire, m'ont donné envie de me faire ma propre opinion sur "Brillante" de Stéphanie Dupays.



Claire est une jeune femme ambitieuse à qui tout réussit. Sa vie professionnelle est un succès jusqu'au moment où elle commence à faire de l'ombre à sa supérieure hierarchique. Placardisée, elle se retrouve dans une situation qu'elle n'accepte pas et qui la rend malade.



J'ai trouvé très intéressante cette plongée dans un monde qui m'est totalement étranger et qui n'a pour moi rien d'attrayant. Un univers impitoyable et souvent injuste où il n'y a pas de place pour une erreur ou quelconque faiblesse. Même s'il ne me fait pas rêver, j'ai admiré le parcours de Claire, une perfectionniste sûre de ses capacités qui ne laisse rien au hasard. Je me suis retrouvée un peu dans ses souvenirs de jeune fille de province éblouie par les lumières de la capitale.



J'ai lu ce premier roman de Stéphanie Dupays avec beaucoup d'intérêt. Sa description sans complaisance de l'entreprise moderne et d'une vie centrée sur le travail, le succès et le bien-être matériel est plutôt réussie.
Lien : http://edytalectures.blogspo..
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