Sylvain Forge

Tous ces articles qu'elle avait étudiés, ces forums qu'elle avait consultés, interrogeant une dizaine d'inconnus. Le verdict était tombé : "phobies d'impulsion" . En fait, ce n'était pas d'être une mère imparfaite qui l'angoissait le plus, c'était d'être insensible. Car il lui fallait parfois, quand elle regardait sa fille, d'éprouver pour elle des bouffées d'amour,le reste du temps une conviction tenace l'assiégeait : celle de vivre un des pires moments de sa vie.

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— En général, le toxoplasme se fixe dans la zone du cerveau dite « limbique », là où sont régulées diverses émotions, comme la peur. Chez la souris, quand tout fonctionne normalement, des neurotransmetteurs déclenchent une attirance face à l’odeur d’une femelle et une répulsion lorsque surgit l’odeur du chat. C’est ainsi que le rongeur est conditionné pour survivre. Mais ce que nous voyons en ce moment, c’est comment le parasite s’y prend pour tout court-circuiter.
— Il affecte le cerveau du chien, comme celui des rongeurs ou des chimpanzés ? lança Marie.
— Exactement. »

Pendant des années il avait voulu se libérer de cette histoire, sans jamais complètement y parvenir. Alors, il avait tenté de pactiser avec son passé afin qu’il ne le fasse plus souffrir. Il n’avait plus ouvert la malle qui contenait leur correspondance ni regardé les photos. Entêtant les premières années, le souvenir de Clara c’était progressivement estompé. La plaie c’était doucement refermée. Mais certaines fois, sous le coup d’une douleur, elle libérait les vieux souvenirs, comme la pluie réactive des bactéries fossiles qu’on croyait destinées à hiberner pour toujours.

Le virus deviendrait pratiquement impossible à éliminer. Après avoir dupliqué ses composants de façon quasi exponentielle, il pourrait se propager à travers un nombre improbable de machines connectées, dépourvues d'antivirus. Tous les scénarios peuvent être imaginés, surtout les pires : il serait en mesure d'ouvrir des portes dérobées dans des systèmes de vidéosurveillance, de traitement des eaux ou des sites nucléaires, et prendre le contrôle de milliers d'automates industriels pour faire dérailler des trains ou dysfonctionner des barrages hydrauliques. En fin de compte, il finirait par bloquer la plupart des communications en submergeant à coup de flux malveillants les principaux fournisseurs d'accès internet.

... Une machine à café ! ...
Elle détient un capteur qui renseigne sur le niveau d'eau et le café dans sess réservoirs. La machine communique avec le cyberespace et bien sûr, elle ne possède pas d'antivirus, donc ...

Plébiscitée par les seniors et honnie par la jeunesse, l'application était devenue l'adversaire à abattre pour tout un pan de l'ultragauche nantaise, rompue à toutes les luttes. Le parfait symbole du capitalisme de surveillance : l'incarnation de l'asservissement du peuple par le mariage du business et de la high-tech.

’(...)un politique ne doit pas avoir la main qui tremble pour s’attaquer à la violence ou au terrorisme. C’est mon credo.

— Monsieur de Villeneuve, que dites-vous à ceux qui vous traitent de populiste ?
— Si répondre aux attentes des gens, si modestes soient-ils, c’est du populisme, alors mes détracteurs ont mille fois raison, répliqua le maire avec un grand sourire.
— L’opposition affirme que votre plateforme de télésurveillance porte atteinte aux libertés individuelles, lança une consœur.
— Si vous faites allusion aux libertés qu’ont les femmes dans cette ville, d’être harcelées, agressées et dépouillées le soir, si les libertés dont nous parlons sont celles de vivre entourés de dealers, de gamins qui pratiquent le rodéo et le racket dans les quartiers. Si habiter Nantes implique de se faire importuner à tous les coins de rue par des jeunes désœuvrés, accompagnés de molosses, alors, une fois encore, vous êtes dans le vrai. La première des libertés, c’est la sécurité.
— À quoi sert SARA ? demanda un journaliste en tendant son micro au maire.

Le militant savait parfaitement que la plupart des faits et gestes sur Internet sont surveillés quelque part dans le monde, mais il ignorait que beaucoup de machines identifiées par leur adresse IP sont répertoriées sur des listes partagées par des agences de renseignement occidentales; certaines d'entre elles ont formé une alliance qui réunit les États Unis et ses quatre alliés anglophones : le Canada, la Grande-Bretagne, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Ce pacte a un nom : "Five Eyes" (les 5 yeux). Le partenaire le plus actif du groupe est la National Security Agency américaine.

Le virus deviendrait pratiquement impossible à éliminer. Après avoir dupliqué ses composants de façon quasi exponentielle, il pourrait se propager à travers un nombre improbable de machines connectées, dépourvues d'antivirus. Tous les scénarios peuvent être imaginés, surtout les pires : il serait en mesure d'ouvrir des portes dérobées dans des systèmes de vidéosurveillance, de traitement des eaux ou des sites nucléaires, et prendre le contrôle de milliers d'automates industriels pour faire dérailler des trains ou dysfonctionner des barrages hydrauliques. En fin de compte, il finirait par bloquer la plupart des communications en submergeant à coup de flux malveillants les principaux fournisseurs d'accès internet.

Un message y avait été soigneusement inscrit : « La lutte continue. » le panneau exhibait une photographie du centre névralgique de SARA, où les opérateurs scrutaient un mur d’écrans.

Quelque chose clochait autour d’elle. C’était dans l’air, presque tangible. L’expérience. Une sorte de sixième sens nourri par des heures sur le terrain. La jeune femme, sans aucun signe extérieur d’affolement, checka toute la zone.
Une camionnette blanche stationnait au milieu de la chaussée, sans feux de détresse. Immobile. Anonyme. Les badauds la contournaient comme 12si elle n’existait pas. Mais Marie ne voyait qu’elle et chercha instantanément quelle pouvait être la cible. Un indice dans son entourage immédiat : synagogue, salle de spectacle ou terrasse de café… Ce qu’elle remarqua lui donna la chair de poule. Un panneau annonçait la proximité d’une école.
Sa main se posa par réflexe sur la crosse de son arme, rangée dans l’étui réglementaire collé contre sa taille. Que pouvait-elle faire ? Dégainer maintenant risquait de déclencher un mouvement de panique.

La foule était dense et le crépuscule s’installait. Des silhouettes anonymes chargées de sacs de courses s’affairaient en tous sens sur les trottoirs. Une jeune femme admirait les décorations de Noël et regardait les bus de la capitale flanqués de publicités pour les grands magasins.
Paris…
Elle aimait cette ville. Les souvenirs affluaient qui lui rappelaient les débuts de sa carrière. C’était avant qu’elle ne rencontre Michel, son ex-mari, et tout ce qui s’en était suivi.
Elle chassa ces pensées mélancoliques. Quelque chose clochait autour d’elle. C’était dans l’air, presque tangible. L’expérience. Une sorte de sixième sens nourri par des heures sur le terrain. La jeune femme, sans aucun signe extérieur d’affolement, checka toute la zone.

- Des coincidences pareilles, je n'y crois pas. Dans l'armée, ils ont cette formule, conclut Ethan : « La première fois c'est un hasard, la seconde fois une coincidence, et la troisième fois... un complot. »

«Tout ce qui est connecté est vulnérable », murmura Isabelle, en souvenir des derniers incidents survenus au commissariat de Nantes.
-C'est exact: dès qu'une machine est reliée à Internet et qu'elle possède un système d'exploitation, elle être détournée de son usage à des fins malveillantes.

— Le poste que je viens occuper est demeuré vacant plus d’un an, un cas rarissime dans les annales de la police judiciaire. Quelle peut en être la raison ? Désormais direction territoriale, Nantes est une belle boutique. Pourtant, personne n’était volontaire. Est-ce parce qu’à Nantes, comme on le raconte, « tout le monde déteste la police » ? Les slogans anarchistes défigurent le centre-ville et vous êtes accusés d’être de vrais nazis.
Il marqua une pause, guettant une réaction de ses collaborateurs. Sur les visages, l’ironie le disputait au fatalisme.
— Je vais vous dire une bonne chose : je n’en ai rien à cirer. Je suis venu pour faire le job et, tous ensemble, on le fera. Le directeur central de la PJ m’a reçu pour me donner ma lettre de mission et elle est claire : priorité à la lutte contre les violences armées dans les quartiers sensibles. Rien que cette année, ce service a mené une trentaine d’enquêtes à la suite de fusillades.
Il secoua la tête, consterné.
— Putain, mais c’est Chicago ici ?

« Votre sécurité, ma priorité ».
Des affiches le montraient debout devant un mur d’écrans : la fameuse salle d’« hypervision » dont les médias avaient abondamment parlé, installée en haut de la tour Bretagne. C’était le cœur névralgique de SARA, Search and Report Application, le dispositif de vidéosurveillance municipal. Composé d’intelligence artificielle, de caméras haute définition et de capteurs high-tech disséminés un peu partout, il offrait à la ville une plate-forme numérique destinée à contrôler l’espace public. Une gageure pour une cité réputée rebelle, berceau du syndicalisme anarchiste.

Ce type est un drogué du boulot.

Son congé parental à peine achevé, Isabelle était partie en stage un mois, au sein de l’École nationale supérieure de la police. Un lieu sinistre perdu en Seine-et-Marne, au milieu de champs de betteraves.

«  Qu’est-ce qui t’angoisse comme ça? La date du mariage qui approche, ou tes vieilles amours qui se
rappellent de toi?