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Citations de Takeshi Kaikô (41)


Il ne buvait pas à en être malade ou ivre mort, mais si la bouteille était utérus, l'alcool était le liquide amniotique dans lequel, sans relâche, continuellement, tout le temps où il ne dormait pas, il devait flotter, et par lequel il devait se laisser porter.
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Une extrême tension apparut sur le visage du serveur. La main s'empara de la bouteille avec fermeté mais en préservant avec le panier un interstice de l'épaisseur d'une feuille de papier. Le goulot se glissa auprès du verre avec la prudence du chat. La bouteille n'allait-elle pas être agitée, le vin troublé, la lie soulevée - pendant tout le temps où le vin était versé, le romancier retint son souffle. Le serveur remplit les deux verres avec douceur, lenteur, en plusieurs fois, et à l'instant où il eut terminé, on l'entendit pousser un petit soupir. C'était fini. La première partie de la cérémonie s'était déroulée sans encombres, la dernière goutte avait été rentrée dans la bouteille sans couler, la lie ne s'était pas non plus échappée. Par-delà les deux verres remplis d'Histoire, les deux hommes échangèrent un regard éperdu avant de se sourire.
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De ses prunelles d'un bleu cendré, elle vous regardait avec beaucoup d'attention, droit dans les yeux, mais ne vous fixait pas. Elle avait assez de maturité pour percer au premier coup d’œil la valeur de ce qui était devant elle mais pour n'en rien montrer, et quand elle riait, dansait dans ses yeux quelque chose de mûr qu'épargnait la corruption.
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Ses prunelles d'un bleu cendré franchirent leur limite, débordèrent soudain, se répandirent aux alentours, et le romancier entrevit un lac.
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Lors de la cérémonie qui marqua l'ouverture du chantier, on amena deux captifs hiungnu pour lesquels on creusa un grand trou là où devaient être jetées les fondations et au fond duquel ils furent agenouillés, préalablement décapités, chacun soutenant à deux mains un trépied de bronze à la place de sa tête ; après quoi le trou fut comblé de terre. C'est ainsi que les deux nomades, qui ignorèrent jusqu'à la fin le sens de leur sacrifice, furent voués à supporter pour l'éternité toute la masse de la Grande Muraille.
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Le romancier se redressa timidement.
- Eh bien, murmura-t-il, j'y vais.
Il porta le fruit sombre à ses lèvres.
Le flux franchit ses lèvres pour pénétrer dans sa bouche où il fut lentement broyé. Il fut sassé par les dents, la langue, les gencives. Il fut distribué, pétri, avant d'être rassemblé à nouveau. Le romancier demeurait assis, tous sens en éveil, l'ouïe aiguisée, et il observait attentivement le courant qui, sur sa langue, se scindait en plusieurs ruisseaux, en gouttes, se repoussant avant de s'attirer.
Romanée-Conti 1935
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Mais si la bouteille était utérus, l'alcool était le liquide amniotique dans lequel sans relâche, continuellement, tout le temps ou il ne dormait pas, il devait flotter, et par lequel il de ait se laisser porter.
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Une extrême tension apparut sur le visage du serveur. La main s'empara de la bouteille avec fermeté mais en préservant avec le panier un interstice de l'épaisseur d'une feuille de papier. Le goulot se glissa auprès du verre avec la prudence du chat. La bouteille n'allait-elle pas être agitée, le vin troublé, la lie soulevée - pendant tout le temps où le vin était versé, le romancier retint son souffle. Le serveur remplit les deux verres avec douceur, lenteur, en plusieurs fois, et à l'instant où il eut terminé, on l'entendit pousser un petit soupir. C'était fini. La première partie de la cérémonie s'était déroulée sans encombres, la dernière goutte avait été rentrée dans la bouteille sans couler, la lie ne s'était pas non plus échappée. Par-delà les deux verres remplis d'Histoire, les deux hommes échangèrent un regard éperdu avant de se sourire.
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Ce qui paralysait les Apaches, c'était la Hirano, cet innommable cloaque. Le canal, un affluent de la Néyagawa, conduisait dans la baie d'Ôsaka, et si la marée, au gré de ses fluctuations, imprimait quelque mouvement à proximité de la surface, en profondeur stagnait en fait un insondable entassement putréfié. Dans ce déversoir venaient s'engloutir les objets les plus divers, huiles de machines, urines, boites de conserve, tout un monde amorphe, déliquescent, effrité, en fin de putréfaction, un fouillis d'éléments imbriqués les uns dans les autres. Les pavés des berges étaient recouverts d'une eau qui n'avait plus apparence d'eau, mais plutôt de quelque indéfinissable soupe épaisse et gluante, d'acide délétère. Jusqu'à quelles profondeurs la corrosion a-t-elle pénétré ces pierres ? se demandait-on lorsque l'on se tenait sur un des bords.
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Fukusuké s'engagea tête baissée le long des étals d'un côté du passage où s'agglutinaient grillades, sushi, riz au curry, ragoûts, oden, anguilles, soupe au soja, poisson cru..., enchevêtrés dans un salmigondis de pustules qui l'assaillirent toutes ensembles de leurs odeurs lourdes. Des frissons l'agitèrent malgré lui...
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[...] ... La propagation du nouveau régime demanda un certain temps. Les marchands nous annonçaient que les administrations étaient dans chaque ville le théâtre de valses de personnel endiablées. Les ordres de l'Empereur témoignaient par leur rigueur à quel point celui-ci aspirait à l'intangibilité, au-delà même de ses royaux prédécesseurs. Dans son oeuvre de destruction et d'intégration des pays voisins, il avait fait la chasse aux talents, qu'il avait mobilisés sans souci de nationalités, et il ne renonça pas à cette pratique même une fois l'unification réalisée. Il se montra impitoyable envers les anciens édiles corrompus : chassés, ceux-ci furent remplacés par de nouveaux visages, venus de la capitale, et ce fut en pure perte que les premiers se dépensèrent pour avoir leur part du gâteau en faisant valoir leur qualité de notables locaux et leurs capacités, qui venaient de leur profonde connaissance de leur circonscription et de ses moeurs. Pour permettre aux agents par lui nommés de s'acquitter pleinement de leur charge, il étendit sur le pays un réseau complexe de lois, au mépris des particularismes locaux. Allant plus loin, par exigence d'efficacité et d'uniformisation, il ordonna de codifier le système national des poids et mesures, jusque là disparate, et de normaliser le gabarit des véhicules et des voies. Des tables numériques furent donc envoyées de la capitale et placardées devant les bureaux de l'administration des principales villes départementales et cantonales, où des étalons de bascules, de boisseaux, de charrettes furent exposés. Les contrevenants étaient frappés sévèrement - ils étaient requis pour le service de corvée - et sans possibilité de se justifier ; au dire des marchands, les paysans, les commerçants et les artisans, venus de leurs bourgs lointains, formaient d'interminables queues sur les places en face des préfectures et certains même couchaient dehors, dans la rue, en attendant leur tour d'entrée. Le sursaut impérial, dans le sanctuaire clos de murs et de tentures et la promiscuité grouillante des femmes nues, se répercuta aux boutiques, aux ateliers, aux villages, bouleversant les instruments de mesure, les véhicules et le tracé des champs ; avant longtemps, son impact se fit sentir aussi sur les manuels scolaires. ... [...]
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Arriva une nouvelle semaine, mais tout aussi routinière et grise, fondue dans les précédentes. Le soleil dépérissait de plus en plus et lorsque nous nous promenions au crépuscule dans un bois de la périphérie de la ville, je devinais le spectre désolé de l'automne sourdre des herbes, des ombres et des troncs et errer secrètement parmi eux. Je m'arrêtais pour attendre: elle s'amusait à ramasser des champignons hors des sentiers, et je sentais alors le froid sur mon front et mes mains. Elle répondait favorablement à chacune de mes invites, mais c'était une femme pâlie, amaigrie et presque taciturne qui me suivait. Il n'y avait plus trace en elle de sérénité, de mordacité, de spontanéité, de sensibilité, de ce à quoi elle s'était employée durant tout l'été. Je décelais des linéaments estompés, quasi invisibles, à ses actions et à ses paroles, empreintes de langueur, de mélancolie. (p. 206)
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Elle choisit du melon avec du jambon de pays, lui, du boudin noir. Un boyau rempli de sang de porc, cuit à la vapeur, et servi avec de la purée de pommes de terre. Lorsque la lame de couteau l’incisait, se déversaient dans l’assiette blanche en dégageant une odeur chaude, particulière, divers éléments d’un brun presque noir, que l’on mangeait mélangés à un peu de purée. Il croyait se souvenir qu’ils avaient également bu un Graves dont il avait oublié l’année.
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Quant à la Romanée-Conti… Là aussi, j’ai visité le domaine de fond en comble et je n’ai pas été déçu. Le vignoble, les caves aussi. Il n’y a pas une machine. Dans la pénombre, un bonhomme, tout seul, en train de boucher les bouteilles. C’est tout. Coller les étiquettes est la tâche des femmes, mais elles aussi ne sont que deux. Elles sont assises face à face à l’extérieur des caves et travaillent sans bruit. La manufacture primitive. A l’état pur. Le travail manuel, sans mélange. Je dois dire que c’était émouvant. Une vision idyllique. C’est sans doute le cas de dire : Que c’est bon, nom de nom!
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Et pendant tout ce temps-là, cette bouteille dormait. Depuis 1935, elle a vieilli d’un an chaque année en dormant. Elle se consacrait à ça. Elle mérite elle aussi le nom de V.S.O.P. C’est un vin à boire en dégustant l’Histoire.
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J’ai beaucoup bu durant ce voyage. C’est la première fois que je bois autant. Du bordeaux comme du bourgogne. S’agissant de bourgogne, en Côte d’or, tous les crus, Vougeot, Nuits-Saint-Georges, Gevrey-Chambertin… Et chaque fois, je m’arrangeais pour visiter les caves. Je buvais, dès que la griserie était passée je buvais à nouveau, si bien que j’étais dans un nuage dès le matin. J’avais le cerveau imbibé de vin!
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Ce rouge regorgeait d'une profondeur indicible, et près de son noyau sombre semblait tapi quelque continent, une forêt vierge, un abîme.
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Il y avait là, une nouvelle fois, un fruit ayant accompli sa métamorphose.
Le rouge était obscur. Il n'y avait pas là d'éclair comme au coeur de l'agate, la progression s'était poursuivie à l'infini à partir du rouge pour approcher un brun sombre passé. Le vin de La Tâche était du sang, qui s'échappant d'une blessure infligée à une peau blanche ingénue, gicle dans les rayons matinaux ; là, c'était du sang vieilli, inactivé, qui, ayant imprégné un pansement quelques jours plus tôt, s'y accrochait avec obstination. Il évoquait aussi, par certains côtés, un lac trouble, à moitié croupi. Le soleil avait définitivement perdu ses forces dans les nuées d'hiver et, derrière le crépuscule qui envahissait les baies, apparaissait l'immense silhouette que l'on pouvait sans erreur dénommer la nuit. Deçà, delà, dans cette vaste laisse désolée et desséchée, commençaient à exploser de petites lueurs bleues ou rouges. Aucune lumière, rien de lumineux, ne parviendrait sans doute à atteindre cette pièce. Malgré les rayons du matin, le jour de midi, aucun éclat ni aucune ombre ne pourrait percer ce trouble d'un brun sombre. Si ces ténèbres cachaient un continent, ne serait-ce pas celui des temps après la fin du monde ?
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C'est un vin qui est au-delà de toute critique (...) une offrande faite au néant.
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Je propose d’appeler kumizaké ceux qui fonceront avec le taxi et chargeront, sentinelles les plantons, et biffins les leurres; même s'il y a des tâches plus pénibles que d'autres, personne ne recevra un yen de plus que les camarades. Il est dons souhaitable que chacun s'emploie au mieux de lui-même.
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