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Citations de Tchinguiz Aïtmatov (84)


Le soir, tandis que chacun se préparait pour la nuit, je sortis de la yourte et me dirigeai vers la source. Quelque chose m'attirait là-bas, et j'avais besoin de solitude.
Le ciel n'était pas assez vaste pour contenir toutes les étoiles, aussi à l'horizon se glissaient-elles jusque sur la terre. Mais nombre d'entre elles, et peut-être même toutes celles qui étaient accrochées au-dessus de ma tête, s'inscrivaient merveilleusement dans l'eau ; elles se miraient dans la petite vasque ronde qui apparaissait à cet instant infiniment profonde. Elles se reflétaient et scintillaient à la surface de l'eau ; il semblait qu'on eût pu les puiser pour les déverser ensuite sur la rive en un éclaboussement de lumière. Là où le ruisseau serpentait, elles couraient avec lui et leurs éclats s'éparpillaient sur le fond de pierrailles. Mais là où l'onde s'était immobilisée, pensive et douce, elles étaient aussi rayonnantes qu'en plein firmament. Et je pensai alors que cette source des steppes était à l'image de l'homme au moment où son âme s'illuminait, pleine de rêves incommensurables, et qu'il lui semblait alors pouvoir contenir tout l'univers.
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La pluie s'arrêta brusquement, effacée, semblait-il par une main invisible. Et à l'instant même le ciel se déchira, étincelant comme une turquoise immense et transparente. Il semblait être le prolongement de cette merveilleuse splendeur qu'était la grande steppe, généreusement baignée par l'averse printanière. Les espaces infinis de l'Anarkhaï s'entrouvrirent encore plus largement, se firent encore plus immenses. Au-dessus de l'Arnakhai, en travers du ciel, se dessina un arc-en-ciel. Il enjamba la terre d'un bout à l'autre et s'immobilisa là-haut, en empruntant toutes les teintes douces de l'univers. Je regardais autour de moi avec ravissement. Bleu, infiniment bleu était le ciel impondérable ; l'arc-en-ciel palpitait en multiples couleurs et la steppe d'absinthe avait des teintes mouillées.
La terre séchait avec rapidité ; au-dessus, dans le firmament, tournoyait un aigle, les ailes puissantes déployées et immobiles. Et on eût dit que ce n'était ni de lui-même, ni grâce à ses ailes qu'il s'élevait ainsi, mais bien la forte haleine de la terre, ses courants chauds et ascendants qui le portaient vers ces hauteurs.
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Un petit garçon, un écolier décida de lui dire la vérité :
- Ce n'était pas ton père. Pourquoi cries-tu ? Ce n'était pas du tout ton père mais un acteur. Demande au projectionniste...
Les spectateurs rirent malgré eux. Et lui restait là, comme s'il avait été tué, et il ne riait pas. Un silence gêné s'installa de nouveau...
Et tous virent la mère se diriger vers son fils, triste et sévère, des larmes dans les yeux. Elle releva l'enfant :
- Viens, mon fils, partons. Oui, c'était ton père, dit-elle doucement et elle le conduisit hors de la bergerie.
La lune était déjà haute. Dans le lointain couleur nuit bleu sombre, on distinguait les sommets blancs des montagnes et, en bas, la steppe reposait, immense et noire, comme un gouffre.
Et seulement à cet instant, pour la première fois de sa vie, il connut le chagrin amer de la perte. Tout à coup, il fut envahi jusqu'à l'impossible par un sentiment d'injustice, de douleur et de malheur pour son père tué au combat. Il eut soudain envie d'étreindre sa mère, d'éclater en sanglots, et qu'elle pleure avec lui. Mais elle se taisait. Lui aussi restait silencieux, les poings serrés, ravalant ses larmes. Il ignorait qu'à cet instant même, son père, depuis longtemps mort à la guerre, commençait à vivre en lui.
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Saadat regarde les lumières lointaines des phares et voit le soc des charrues entailler de biais et en profondeur la couche inculte et la rejeter sur les côtés en une bande friable. Des années durant, cette terre est demeurée intouchée. (...) Elle voit briller sous les rayons du soleil la houle noire de la terre, fumante, comme vivante. Une odeur humide monte de la terre fraîchement labourée. Ça sent bon...
Là où la parcelle tourne, Saadat déplace brusquement les leviers de la charrue. Polis comme un miroir, les socs se soulèvent. En chacun d'eux brille un petit soleil...
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Ce que j'ai tenté de dire, c'est que la richesse est au pouvoir ce que l'air est à la respiration, qu'il l'exige, qu'il ne peut prospérer sans elle. Le genre humain est ainsi. Le pouvoir et la richesse ne peuvent se passer l'un de l'autre comme deux leviers complémentaires, et chacun reçoit son lot dès la naissance ; l'un trouve son bon plaisir, l'autre sans ira maudit dans la tombe.
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Tchinguiz Aïtmatov
Le fantastique est donc une métaphore de la vie qui permet de la voir sous un nouvel angle, inattendu.
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"Pourvu que j'arrive à temps, faites que j'arrive à temps ! J'ai tant de choses à dire à mon fils" pensait-il, et sans desserrer les dents, il récita la prière et les incantations du cavalier au galop : "Esprits des ancêtres, aide-moi ! Fais que mon cheval ne trébuche pas ! Donne-lui les ailes du faucon, donne-lui un cœur de fer, donne-lui les jambes de l'élan, donne-lui les poumons du poisson !"
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La pluie avait commencé la veille au soir et continué toute la nuit ; elle chuchotait des choses tristes, monotones, en gouttant sur le feutre de la yourte gonflée d'eau.
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Deux jours plus tôt, il préparait encore un article polémique en réponse à un lecteur qui avait crânement proclamé : «À quoi bon parler d'âme? On peut donner à ce mot le sens qu'on veut. La volonté et la conscience, voilà ce qui compte chez l'homme!» «Oui, bien sûr, mais on ne peut pas pour autant exclure ce qui se trame dans cette partie plus obscure, même si on ne peut que difficilement la concevoir, car les mouvements de l'âme constituent souvent un facteur déterminant, y compris pour les événements historiques. Elle est cette source d'où proviennent le bien et le mal, la mère nourricière du subconscient!...»
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Le globe terrestre roulait dans le carrousel de l'univers, et tout ce qui vivait sur la terre se perdait dans l'invisible marche du temps.
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Là où le peuple partait pour la guerre, demeuraient des sentiers amers...
Et tout cet univers de terrestre beauté et d’angoisses, Danïiar l’ouvrait devant moi dans son chant. Où avait-il appris, de qui tenait-il tout cela ? Je comprenais que seul ainsi peut aimer sa terre, qui de longues années a langui d’elle, qui a souffert pour cet amour-là. Quand il chantait, c’était lui que je voyais, tout petit garçon, vagabondant par les chemins de la steppe.
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Le destin garde ses desseins secrets pour chaque vie, chaque voie. C'est sa condition essentielle, un postulat valable pour tous, et toujours. Nous sommes tous hantés par son mystère, cette énigme constante et despotique.
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Le vent apportait de là-bas la senteur des pommes, les miels chauds du maïs en fleur comme un lait qu'on vient de traire, et le souffle tiède des fumiers séchés.
Longuement, s'oubliant lui-même, Danïiar chanta. Se tenant coite, la nuit d'août l'écoutait, charmée. Et jusqu'aux chevaux qui avaient voilà déjà longtemps pris un pas mesuré, comme s'ils avaient craint d'interrompre ce prodige.
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Tu dois te souvenir que nul n'a le pouvoir t'interdire à un homme de penser,de vouloir ou de rêver.
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Et soudain tout me devint compréhensible, toutes ces étrangetés qui avaient engendré chez les gens doutes et moqueries : sa tendance à la rêverie, son goût de la solitude, son caractère taciturne. Je comprenais maintenant pourquoi il dépensait des soirs entiers sur "la butte des sentinelles", et pourquoi il demeurait seul la nuit près de la rivière, pourquoi constamment il tendait l'oreille à des sons pour les autres imperceptibles, et pourquoi soudain il avait les yeux qui s'allumaient, et s'envolaient ses sourcils, d'habitude sur la réserve. C'était un homme profondément amoureux. Et amoureux, il l'était, je le sentais bien, pas seulement d'un autre être humain : il s'agissait là de je ne sais quel amour tout autre, d'un énorme amour, de la vie, de la terre. Oui, il cachait en lui cet amour, sa musique, il en vivait. Un homme indifférent n'eût pas pu chanter ainsi, quelle que fût la voix qu'il possédait.
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Quand, semblait-il, le dernier écho de la chanson s’éteignait, le nouvel élan palpitant qu’elle prenait semblait réveiller la steppe somnolente. Et celle-ci écoutait avec gratitude le chanteur qui la couvrait des caresses d’un chant familier.
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Le Kourkouréou refroidi s’ensabla, une mousse vert foncé et orange poussa sur les blocs erratiques découverts avec les bancs de sable. Un tendre petit saule nu rougit aux gelées précoces, mais les peupliers conservaient encore d’épaisses feuilles jaunes.
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Elle avait arraché de sa tête son petit foulard blanc et courait vers une amie par la prairie fauchée qui s’assombrissait, écartant largement les bras. Dans le vent tremblait le bas de sa robe. Et de moi aussi soudain la tristesse s’envola (…)
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C'était un homme profondément amoureux. Et amoureux, il l'était, je le sentais bien, pas seulement d'un autre être humain : il s'agissait là de je ne sais quel amour tout autre, d'un énorme amour de la vie, de la terre. Oui, il cachait en lui cet amour, sa musique, il en vivait. Un homme indifférent n'eût pas pu chanter ainsi, quelle que fût la voix qu'il possédait.
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.. Les liserons des champs, bien que ce soient de mauvaises herbes, étaient les fleurs les plus intelligentes et les plus gaies. Ce sont elles qui accueillent le mieux le soleil du matin. Les autres herbes ne comprennent rien, le matin, le soir, tout ça, ça leur est égal. Tandis que les liserons, dès qu'un rayon vient les réchauffer, ils ouvrent les yeux et ils rient. Un oeil d'abord, puis le second, et l'un après l'autre, tous leurs cornets s'ouvrent. Blancs, bleu très clair, mauves, de toutes les couleurs...Si tu restes près d'eux sans bouger et sans faire de bruit, il te semble qu'en s'éveillant, ils se chuchotent des histoires.
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