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EAN : 9782209060252
La Farandole (01/01/1996)
4.5/5   4 notes
Résumé :
L'un des plus grands noms de la litérature mondiale, Tchinghiz Aïtmatov, nous livre ici cinq histoires d'amour émouvantes. L'art d'Aïtmatov à conter les gens de sa Kirghizie natale, leur relation à la guerre, à la terre, aux éléments, force une fois de plus l'admiration.
Le lecteur aura plaisir à découvrir ou à retrouver dans ces pages, le sens de la légende et de l'épopée, du merveilleux conteur qu'est Aïtmatov
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Tchinghiz Aïtmatov est kirghize. Son grand-père était un berger nomade et son père - haut-fonctionnaire - a été exécuté en 1938 pendant les Grandes Purges staliniennes alors que lui-même n'a que dix ans. Pendant la guerre, il travaille dans les champs. Viendront des études d'agronomie, puis il se tourne vers des traductions littéraires et se met à l'écriture également.

Pourquoi est-ce que je vous dresse une biographie très exhaustive de cet écrivain ? Parce qu'en connaissant, ne serait-ce que ce très peu de sa vie, on comprend et on saisit davantage la teneur et l'implication des thèmes de ses écrits. Ce qui est tout particulièrement vrai pour ce recueil de nouvelles.



Chaque texte de ce livre parle de sentiments forts : de l'affection filiale comme partie intrinsèque de l'âme, de l'amour qui n'est pas partagé et qui brise celui qui en est exclu, du sentiment de perte, du manque quand celui qui devrait accompagner, celui qui devrait être a péri.

Ces nouvelles sont un reflet d'une existence dans cette république misérable, vécue par un peuple attaché à ses traditions et pour lesquelles les récits oniriques, les rêves, les chants, les mythes sont restés, malgré le poids des conditions de vie, une part intime de l'identité.
La description des paysages, des steppes à perte de vue crée une nature changeante et riche en nuances, parfois violente. La vie quotidienne au pas des bêtes, liée à leur sort dit le labeur, mais également le travail communautaire, la solidarité qui habite les actes. Une vie tout en écoute des éléments, tout en regard des saisons, en quête d'une harmonie à laquelle s'accrocher quoiqu'il advienne.

Deux des nouvelles m'ont paru particulièrement poignantes : deux textes qui disent avec une immense sensibilité le sentiment de l'absence.
L'absence du père pour le petit garçon - dans "Le fils du soldat" - qui prend soudain conscience en visionnant un documentaire cinématographique, que son père, mort à la guerre, n'est plus et que l'abîme qui se crée, après cette révélation ne peut être comblé et fait naître en lui des sentiments dont il n'avait jamais éprouvé la douleur et l'étouffement.
Tout comme la détresse de ce père - dans "Rendez-vous avec le fils" - qui souhaite, une dernière fois, marcher dans les pas de son fils que la guerre a emporté et le faire revivre parce qu'il a décidé qu'il en avait le droit et peut-être aussi le pouvoir.


Dans une communauté oubliée et niée par le Pouvoir pendant très longtemps, exploitée, vivant de peu, cette exaltation des valeurs humaines et cet attachement aux principes transmis par les aïeux nomades donnent à découvrir la steppe comme une terre de légendes et de superstition vibrant aux couleurs des feuillages qui varient au fil des mois, au mouvement perpétuel et indompté des nuages, à la lueur du scintillement évanescent des étoiles.
Une abnégation, tout en humanisme qui force le respect, tisse les phrases de ce très beau recueil.


"La journée était chaude et paisible. C'était cette période de l'automne où l'air va se refroidir d'un jour à l'autre, mais les journées, comme un signe d'adieu, sont d'une luminosité et d'une pureté exceptionnelle."
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C'est par ce recueil de cinq nouvelles que je fais connaissance avec Tchinghiz Aïtmatov. J'aime beaucoup la poésie avec laquelle il décrit la nature,la force qu'elle apporte aux hommes même si elle attend beaucoup d'eux. Ceci est particulièrement puissant dans L"oeil de chameau, la plus longue du recueil où un jeune homme integre un village dans la steppe pour devenir mécanicien agricole mais se heurte à l'hostilité de son chef qui le méprise.
Chaque nouvelle parle avec pudeur et une émotion à fleur de peau de l'amour,de la perte,de la guerre.
J'ai ressenti la douleur, la solitude, la difficulté chez tous les personnages de ces histoires, à trouver le bonheur ou même simplement une place en ce monde. Tous ces éléments bien que le contexte géopolitique et la periode soient differents,m'ont fait penser à Georges Navel.
J'aimerais découvrir d'autres écrits de cet auteur.
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On connaît assez peu en France la littérature russe ou russophone de l'époque soviétique, aussi n'avais-je jamais entendu parler de Tchinguiz Aïtmatov. Cela avant de parcourir sur Babelio les listes de lecture composées par les véritables experts qui hantent ce site, décidément plein de surprises.
L'autre surprise du destin c'est d'avoir trouvé dans une boîte à livres deux ouvrages de cet auteur que j'ai précieusement recueillis.

Le premier d'entre eux est ce recueil de nouvelles, 5 portes pour entrer dans l'univers de Tchinguiz Aïtmatov, peuplé de travailleurs soviétiques et de plantes sauvages des steppes.
Un univers fascinant et une écriture très poétique, puissante et évocatrice. Sitôt terminé, j'ai eu aussitôt envie de relire ces textes, ce qui ne m'arrive jamais...
Les thèmes abordés dans ces récits se recoupent autour des destins de personnages ordinaires, leurs relations familiales et intimes, prises au feu de la violence de l'histoire, de la guerre lointaine mais destructrice, et dans le contexte conquérant de la colonisation agricole des steppes des républiques de l'Asie Centrale.

Tous sont de grande qualité littéraire et humaine, mais deux m'ont spécialement touchée, l'oeil de chameau, nouvelle centrale du recueil, la plus longue, et Rendez vous avec le fils, la seule traduite du kirghize, qui clôt le livre.
De celle ci je ne sais pas si il faut vraiment parler car il faut juste la lire et accueillir l'émotion profonde qui submerge le lecteur porté par la justesse de la plume de l'auteur.

L'oeil du chameau m'a passionnée sur tous les plans. Ce texte magnifique nous plonge dans l'aventure des ouvriers agricoles envoyés pour défricher les plaines fertiles du Kirghizistan. À travers le récit à la première personne d'un jeune homme d'abord chargé de la corvée d'eau, puis de conduire la charrue, l'auteur exalte la beauté de la steppe, les idéaux des rêves de fécondité, d'une vie heureuse portés par ce projet.

La problématique éthique de la colonisation de ces terres ancestrales des nomades, fertiles et sauvages, est abordée par la confrontation entre le narrateur, exalté, poète et érudit, et un des ouvriers agricoles, rustre, âpre au travail, brutal et prédateur. Tchinguiz Aïtmatov livre une profonde réflexion sur le rapport à la nature, aux humains qui ont vécu sur cette terre et ceux qui y construisent l'avenir. Un texte profondément marquant qui décrit aussi avec beaucoup de beauté le travail agricole.

L'immense talent de Tchinguiz Aïtmatov nous rend familier de ces destins humains si éloignés des nôtres dans le temps et dans l'espace, nous transporte dans l'immensité de l'horizon des steppes et le bruissement des plantes sauvages.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Le soir, tandis que chacun se préparait pour la nuit, je sortis de la yourte et me dirigeai vers la source. Quelque chose m'attirait là-bas, et j'avais besoin de solitude.
Le ciel n'était pas assez vaste pour contenir toutes les étoiles, aussi à l'horizon se glissaient-elles jusque sur la terre. Mais nombre d'entre elles, et peut-être même toutes celles qui étaient accrochées au-dessus de ma tête, s'inscrivaient merveilleusement dans l'eau ; elles se miraient dans la petite vasque ronde qui apparaissait à cet instant infiniment profonde. Elles se reflétaient et scintillaient à la surface de l'eau ; il semblait qu'on eût pu les puiser pour les déverser ensuite sur la rive en un éclaboussement de lumière. Là où le ruisseau serpentait, elles couraient avec lui et leurs éclats s'éparpillaient sur le fond de pierrailles. Mais là où l'onde s'était immobilisée, pensive et douce, elles étaient aussi rayonnantes qu'en plein firmament. Et je pensai alors que cette source des steppes était à l'image de l'homme au moment où son âme s'illuminait, pleine de rêves incommensurables, et qu'il lui semblait alors pouvoir contenir tout l'univers.
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La pluie s'arrêta brusquement, effacée, semblait-il par une main invisible. Et à l'instant même le ciel se déchira, étincelant comme une turquoise immense et transparente. Il semblait être le prolongement de cette merveilleuse splendeur qu'était la grande steppe, généreusement baignée par l'averse printanière. Les espaces infinis de l'Anarkhaï s'entrouvrirent encore plus largement, se firent encore plus immenses. Au-dessus de l'Arnakhai, en travers du ciel, se dessina un arc-en-ciel. Il enjamba la terre d'un bout à l'autre et s'immobilisa là-haut, en empruntant toutes les teintes douces de l'univers. Je regardais autour de moi avec ravissement. Bleu, infiniment bleu était le ciel impondérable ; l'arc-en-ciel palpitait en multiples couleurs et la steppe d'absinthe avait des teintes mouillées.
La terre séchait avec rapidité ; au-dessus, dans le firmament, tournoyait un aigle, les ailes puissantes déployées et immobiles. Et on eût dit que ce n'était ni de lui-même, ni grâce à ses ailes qu'il s'élevait ainsi, mais bien la forte haleine de la terre, ses courants chauds et ascendants qui le portaient vers ces hauteurs.
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Un petit garçon, un écolier décida de lui dire la vérité :
- Ce n'était pas ton père. Pourquoi cries-tu ? Ce n'était pas du tout ton père mais un acteur. Demande au projectionniste...
Les spectateurs rirent malgré eux. Et lui restait là, comme s'il avait été tué, et il ne riait pas. Un silence gêné s'installa de nouveau...
Et tous virent la mère se diriger vers son fils, triste et sévère, des larmes dans les yeux. Elle releva l'enfant :
- Viens, mon fils, partons. Oui, c'était ton père, dit-elle doucement et elle le conduisit hors de la bergerie.
La lune était déjà haute. Dans le lointain couleur nuit bleu sombre, on distinguait les sommets blancs des montagnes et, en bas, la steppe reposait, immense et noire, comme un gouffre.
Et seulement à cet instant, pour la première fois de sa vie, il connut le chagrin amer de la perte. Tout à coup, il fut envahi jusqu'à l'impossible par un sentiment d'injustice, de douleur et de malheur pour son père tué au combat. Il eut soudain envie d'étreindre sa mère, d'éclater en sanglots, et qu'elle pleure avec lui. Mais elle se taisait. Lui aussi restait silencieux, les poings serrés, ravalant ses larmes. Il ignorait qu'à cet instant même, son père, depuis longtemps mort à la guerre, commençait à vivre en lui.
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Saadat regarde les lumières lointaines des phares et voit le soc des charrues entailler de biais et en profondeur la couche inculte et la rejeter sur les côtés en une bande friable. Des années durant, cette terre est demeurée intouchée. (...) Elle voit briller sous les rayons du soleil la houle noire de la terre, fumante, comme vivante. Une odeur humide monte de la terre fraîchement labourée. Ça sent bon...
Là où la parcelle tourne, Saadat déplace brusquement les leviers de la charrue. Polis comme un miroir, les socs se soulèvent. En chacun d'eux brille un petit soleil...
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"Pourvu que j'arrive à temps, faites que j'arrive à temps ! J'ai tant de choses à dire à mon fils" pensait-il, et sans desserrer les dents, il récita la prière et les incantations du cavalier au galop : "Esprits des ancêtres, aide-moi ! Fais que mon cheval ne trébuche pas ! Donne-lui les ailes du faucon, donne-lui un cœur de fer, donne-lui les jambes de l'élan, donne-lui les poumons du poisson !"
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Videos de Tchinguiz Aïtmatov (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Tchinguiz Aïtmatov
"Peu de livres changent une vie. Quand ils la changent, c'est pour toujours, des portes s'ouvrent que l'on ne soupçonnait pas, on entre et on ne reviendra plus en arrière." En guise de fil rouge pour ce nouvel épisode, cette citation de Christian Bobin. Nous avons interrogé quatre personnes. À chacune, nous avons posé la même question: "Quel est le livre qui a changé votre vie ?". Se sont prêtés au jeu, l'autrice Lilia Hassaine, le bibliothécaire brestois Loïc Martin, le lecteur passionné Nicolas le Verge et le libraire de Dialogues Julien Laparade.
Un épisode imaginé en partenariat avec le réseau des médiathèques de Brest, dans le cadre de la Nuit de la Lecture 2022.
Bibliographie :
- La Pitié dangereuse, de Stefan Zweig (éd. Grasset) https://www.librairiedialogues.fr/livre/52433-la-pitie-dangereuse-roman-stefan-zweig-grasset
- La Taupe, de John le Carré (éd. Points) https://www.librairiedialogues.fr/livre/13541117-la-trilogie-de-karla-la-taupe-roman-john-le-carre-points
- Deux ans de vacances, de Jules Verne (éd. le Livre de poche) https://www.librairiedialogues.fr/livre/732645-deux-ans-de-vacances-eux-ans-de-vacances-jules-verne-le-livre-de-poche
- l'été, d'Albert Camus (éd. Folio) https://www.librairiedialogues.fr/livre/454969-l-ete-albert-camus-folio
- le Destin miraculeux d'Edgar Mint, de Brady Udall (éd. 10-18) https://www.librairiedialogues.fr/livre/1849842-le-destin-miraculeux-d-edgar-mint-brady-udall-10-18
- La Petite lumière, d'Antonio Moresco (éd. Verdier) https://www.librairiedialogues.fr/livre/18885936-la-petite-lumiere-antonio-moresco-verdier
- Djamilia, de Tchinghiz Aïtmatov (éd. Folio) https://www.librairiedialogues.fr/livre/18640-djamilia-tchinghiz-aitmatov-folio
- La Bibliothéque des écrivains, de Stéphanie Khayat (éd. Flammarion) https://www.librairiedialogues.fr/livre/19792504-la-bibliotheque-des-ecrivains-le-livre-qui-a-c--stephanie-khayat-flammarion
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