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Citations de Thierry Beinstingel (90)


Tous les ressuscités vous le diront : l’amour est le plus important. A l’ultime instant où le cœur s’apprête à vous lâcher définitivement, on réalise combien nous avons joué à l’économie avec lui. Toutes ces hésitations, ces atermoiements, ces tergiversations, ces balancements incessants pour en arriver là, à ces faibles battements qui vont s’éteindre, est un constat navrant.
Mieux aurait valu vivre plus intensément encore, ne pas rejeter l’extase d’une promise, ne pas laisser s’éteindre des feux ardents, ne pas récuser l’inclination vers un ami, ne pas, ne pas, ne pas...
Dernières pulsations du sang, passion, ferveur, adoration s’en vont par une porte dérobée. Ah, si seulement on pouvait refaire sa vie !
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Ainsi l'attente, synonyme d'espérance, d'envie , de désir, d'expectative. Ambition, convoitise, tentation, peur, appréhension, illusion, leurre, chimère, réalité, certitude, les mots et les pensées des hommes se mélangent dans le silence relatif des futaies.
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Vous aussi, la route vous avait désuni d'une certaine réalité. Les paysages filants s'accordent très bien à la virtualité des pensées. En voiture, on erre dans un no man's land imaginaire qui finit par se substituer aux gestes, à la sensation même du corps.
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Il avait perdu la faculté d'évaluer le temps, les distances. Les milliards de mouvements qu'il avait accomplis depuis le lycée professionnel avaient brutalement quitté sa mémoire. Son travail était devenu abstrait, réduit au simple déplacement d'une souris de plastique. Ce qui se passait dans les entrailles de la machine était inconnu, parfois incompréhensible. (p. 61)
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Maintenant, c’est au tour de la DRH d’entrer dans son bureau. Voix rapide, claironnante, yeux noirs et vifs, toujours la pêche :
– Tu as vu ?
Elle brandit le contrat de licenciement d’un « commun accord ».
– Enfin, on y est arrivés, ajoute-t-elle en s’asseyant en face de lui, sur la chaise réservée aux visiteurs ou à ceux qu’il convoque pour évoquer leur avenir au sein de la boîte, comme on dit.
Elle se rembrunit :
– Ce n’est pas comme l’autre, tu sais, le type du service informatique, l’espèce de solitaire silencieux. Deux mois qu’on cherche à s’en débarrasser, il ne veut rien savoir et, plutôt qu’une négociation, il réclame un licenciement sec. Tu te rends compte ? On n’est plus au XIXe siècle !
– D’un « commun accord », ça veut bien dire ce que ça veut dire, et s’il n’accepte pas, vous ne pouvez rien faire.
– Mais, enfin, on lui donne les indemnités prévues par la loi.
– Justement, il les aura aussi en cas de licenciement. Où est la négociation pour lui ? Vous ne pouvez pas donner plus ? Prévoir un plan de requalification ? Lui proposer un nouveau poste ?
Elle soupire et recule au fond de son siège.
– Tu as raison. Ils veulent vraiment s’en débarrasser…
– Pourquoi ? Il fait mal son boulot ? Vous avez des preuves ?
– Non, au contraire, il bosse correctement, bons rapports annuels, rien à redire, mis à part son côté réservé. Mais il déplaît à la nouvelle responsable qui vient d’arriver. Elle ne souhaite que des ingénieurs dans son équipe et ce n’est pas son cas.
– Je vous souhaite du courage, alors, pour trouver une argumentation qui tienne la route.
Elle se rapproche, saisit sur le bureau un pot à crayons aux couleurs de la boîte.
– Justement, on m’a refilé la patate chaude… Je me suis dit que tu pourrais peut-être m’aider ? Si tu acceptais de le recevoir, de le conseiller.
Il s’exclame :
– Ah ! Je te vois venir ! On a réussi tous les deux à faire partir la victime d’un harcèlement sans qu’elle porte plainte, pourquoi ne pas continuer dans les succès ?
– Harcèlement supposé, je te rappelle, rien n’est prouvé.
Il s’appuie sur son dossier, réprime une grimace, son dos le fait souffrir de plus en plus souvent, ce doit être l’âge. Elle laisse le silence s’installer, gratte de son ongle le logo sur le pot à crayons, avant de le lisser à nouveau pour le recoller.
Lui, à brûle pourpoint :
– Tu cours toujours un peu ?
Elle, à nouveau souriante, enjouée :
– Oui, deux à trois fois par semaine. Dans quinze jours, je participe à une course nature de 15 km dans la campagne, ça te dit ?
Il masse son dos endolori :
– Plus de mon âge…
– Arrête, tu vas me faire pleurer ! Et qu’est-ce que tu comptes faire lorsque tu seras à la retraite ?
Il désigne un poster de rivière derrière lui :
– J’irai parler aux poissons, ça changera des emmerdeuses dans ton genre.
Elle éclate de rire :
– Ah, Vincent, je vais bien te regretter !
– Moi aussi…
Puis, après un nouveau silence, il lance :
– C’est d’accord, je vais recevoir ton informaticien mutique.
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Pourtant, en juillet, à Marseille, dans la même torpeur estivale, avec la mer scintillante des calanques, le ciel d’airain comme un couvercle brûlant, tout cela n’avait pas suffi à faire taire le drame qui s’était déroulé et les mots implacables de celui qui avait affirmé : Je me suicide à cause de mon travail. A cause de. Origine, fondement, raison, motif. Retour brutal aux mots sauvages.
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À moins que ce voyeurisme de la mort montre seulement la sauvagerie et la perversité des rapports humains. Peut-être valoriser son propre corps en le découpant en actions à vendre est-il la seule manière qui reste à l'homme libéral pour atteindre la postérité. Enfin rompre l'identité du corps. Le dépecer sur une table métallique. Un employé heureux est plus performant, un salarié malheureux ne crée pas de valeur : phrases réelles, publiées lors des tristes événements, autant de preuves d'un totalitarisme entièrement dévoué au profit, corps et âme.
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Il dit : Je voudrai me marier...
Elle le regarde, les yeux embués, les mains sur les joues.
...avec vous.
Il y a eu une sorte d'affaissement progressif, son tablier sembla s'évaser, la course lente vers le sol continua, puis Marie bascula du côté du couchant comme une poupée de chiffon, exactement au même endroit qu'Isabelle sept mois plus tôt.
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- X (nom de l’entreprise), bonjour, Eric, que puis-je pour votre service (préenregistré)
- Bonjour, je suis client chez vous et j’aimerais changer mon contrat.
- Nous allons regarder ensemble, vous êtres bien monsieur/madame/mademoiselle X ? Vous habitez bien numéro/num de rue/ville ? (page d’accueil en couplage téléphonie informatique)
- Oui c’est cela.
- Donc si j’ai bien compris vous souhaitez modifier votre contrat.
- Oui c’est cela.
- Vous bénéficiez en ce moment de notre offre Optimum plus, est-ce exact ? (page « services du client », onglet « reformulation »)
- Oui c’est cela.
- Et que désirez-vous modifier mon sieur/madame/mademoiselle ? (page «services du client », question ouverte)
- Je trouve ma facture disproportionnée par rapport à ce que j’utilise
- Notre offre Optimum vous donne droit à. (énumartion des privilèges clients, page « services du cleint », onglet « argumentaire »). Etes-vous au courant de ces avantages ?
- ………
- Ai-je bien répondu à votre demande ?
- Oui
- Désirez-vous autre chose ?
- Non.
- X vous remercie de votre appel. Nous vous souhaitons, mon sieur/madame/mademoiselle une excellente fin de journée (page « savoir prendre congé », onglet « autre demandes », onglet « formules de politesse)

- X (nom de l’entreprise), bonjour, Eric, que puis-je pour votre service (préenregistré)
- Bonjour, je voudrais un renseignement.
- Nous allons regarder ensemble, vous êtres bien vous êtres bien monsieur/madame/mademoiselle X ? Vous habitez bien numéro/nom de rue/ville ? (page d’accueil en couplage téléphonie informatique)
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Décidément, l'histoire n'apprend jamais rien, on ne retiend que ses rêves de puissance.
page 375.
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Déjà, il avait fallu qu'elle se fasse violence pour jeter ses habits, ses costumes, ses pantalons, chemises. On n'imagine pas la brutalité de tels gestes, sortir les affaires des armoires, réunir les paires de chaussures, le revoir encore avec telle cravate, se souvenir d'un vieux chandail qu'il aimait bien, retrouver la paire de gants offerte pour un anniversaire. A cette cruauté en succède une plus grande : tout emmener à l'extérieur de la maison et disperser vers l'inconnu ce qu'il ne mettra plus jamais, le faire mourir une seconde fois, dévêtu.
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Entre amour et haine, qui sait ce qu'on peut ressentir lorsque la passion n'est plus qu'un embarrassant souvenir, semblable à un prénom perdu sur un tatouage indélébile, la marque en creux d'un fossile (...)
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«Les poètes ne meurent jamais. Il ressuscite donc, Arthur Rimbaud. Au début, c’est une conscience aléatoire, parfois un œil ouvert sur la jeune religieuse qui nettoie la chambre. On met cela sur le compte d’un réflexe, d’un sens encore présent, l’ouïe peut-être. Puis ces éclairs deviennent plus fréquents. Un matin où elle le rase, il ouvre complètement les deux yeux. Le médecin vient, braque la lampe dans la pupille qui cligne par réflexe, puis s’ouvre à nouveau, regard inexpressif. Quelques jours plus tard, on le retrouve en bas du lit. On l’attache. Le médecin revient, regarde les plaies : toujours l’aspect cartonneux, brun, mais comme figé, comme si la tumeur ne progressait plus. Le lendemain, le blessé bouge la bouche, fait mine de parler. La religieuse rapporte le fait, prononce le mot « miracle » à la mère supérieure. Comme vous y allez, ma fille ! Il faut pourtant se rendre à l’évidence. Un jour où la jeune religieuse humecte les lèvres entrouvertes de l’amputé, elle croit entendre « merci ». Elle recommence et il prononce encore le même mot. On appelle le médecin. La jeune religieuse refait le geste, verse cette fois un peu trop d’eau qui déborde sur le drap. On entend distinctement « pardon ». On retire les liens qui l’attachaient. La suite va très vite. Un après-midi, il examine longuement sa main et son bras abîmés, les tourne dans tous les sens. Les progrès sont étonnants. Il arrive à redire « merci » et « pardon » et aussi d’autres mots dans une langue qu’on ne comprend pas. Il parle surtout lorsque la jeune religieuse est là. On la fait venir souvent, la mère supérieure reste parfois derrière elle et aussi le médecin. Encore deux semaines et le voilà assis sur son lit, calé sur des oreillers. La jeune religieuse lui donne à manger de la soupe à la cuillère. Il veut essayer tout seul, mais il renverse l’assiette. Le directeur finit aussi par venir. Il examine à son tour les plaies figées dans une sorte d’attente, recouvertes de cette étrange substance faite de peaux desquamées et de corne brunâtre qui ressemble aux écailles d’un serpent. Extraordinaire ! Il faudrait faire une communication à la société des sciences, lance-t-il au médecin, tout en pensant aux retombées certaines pour sa future rosette. Il l’oubliera vite : le député lui annonce peu après sa nomination prochaine à un plus vaste hôpital.
Rimbaud retrouve assez vite l’usage de la parole. La première chose qu’il demande, c’est de se dresser. On l’aide à se lever, mais c’est difficile. Il lui faut plusieurs jours pour trouver la force de rester en équilibre, échassier tenant d’une main le rebord de la table de nuit, le plat du mur. Un homme debout et la mort s’éloigne, la guérison si inattendue devient possible. La jeune religieuse joint les mains avec ferveur, regarde souvent le ciel : Oui mon Dieu, vous existez ! Une étrange langueur la soulève quand elle regarde l’objet du miracle, le visage émacié, les yeux gris, mobiles, bien vivants. Bien sûr, la jambe en moins, d’accord, l’étrange peau de serpent qui recouvre son côté droit, mais enfin, merveille que cette vie ! Le soir, elle prie longtemps dans la solitude de sa cellule. Ses dévotions sont infinies et douces, ne cessent que lorsque la chandelle vacille. L’amputé ressuscite par sa ferveur, le blessé renaît par sa dévotion, l’homme aux beaux yeux gris guérit par ses extases. Il revit parce qu’elle aime Dieu.
Enfin, vient le jour où il demande où est sa sœur. Le directeur est bien ennuyé. Il redoute depuis longtemps cet instant. Il a compris la méprise et l’enchaînement des circonstances ne lui est pas favorable : il avait déserté son poste pour aller à la chasse. Le médecin en avait profité pour prendre la poudre d’escampette et le seul employé qui restait était cet alcoolique incapable, tout juste bon à larmoyer ses « pauvre homme ! » ou « pauvre femme ! ». Comment annoncer à quelqu’un qu’il est mort et enterré, à la suite d’une négligence, d’une erreur, d’une lamentable substitution avec un cadavre inconnu, réclamé par personne ? »
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Elle dit : Ils désertent. Et toi tu comprends « île déserte . C’est seulement quand tu t’attardes sur la silhouette de la femme appuyée d’un air las sur la carrosserie du vieux break, indifférente aux enfants pourtant en plein soleil dans l’habitacle, scrutant l’immeuble bardé de pancartes « à vendre » ou « à louer », c’est seulement à ce moment précis que tu comprends le véritable sens. »
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- Boulangerie Au Bon Pain, bonjour, que puis-je pour votre service ?
- Bonjour, je suis client chez vous et j’aimerais une baguette et deux croissants.
- Nous allons regarder ça ensemble. Vous êtes bien mon sieur/madame/mademoiselle X ? Vous habitez bien dans le quartier ?
- Oui, juste en haut de la rue.
- Donc, si j’ai bien compris, vous souhaitez acquérir une baguette et deux croissants.
- Oui, c’est cela.
- Désirez-vous profiter de notre pain à farine traditionnelle Optimum plus ?
- Oui, avec deux croissants, s’il vous plaît.
- Etes vous au courant de tous les avantages de notre farine Optimum plus ?
- Non, mais je viens surtout pour les croissants.
- C’est tout à fait possible, mon sieur/madame/mademoiselle. Je regarde les conditions de vente et je calcule votre prix
- …
- Je peux vous proposer un prix total de deux euros quatre-vingt-neuf centimes. Êtes-vous d’accord avec notre offre ?*
- Et avec une baguette à farine Optimum confort, ça reviendrait à combien ?
- Je calcule cette nouvelle option
……..

- J’effectue le nécessaire immédiatement. Ai-je bien répondu à votre demande ? Désirez-vous autre chose ?
- Non, ce sera tout.
- La boulangerie Au Bon Pain vous remercie. Nous vous souhaitons, mon sieur/madame/mademoiselle une excellente fin de journée.

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Et puis les loups ne sont pas ceux qu'on croit. Les vrais ont face humaine, une tête débonnaire, des yeux de chien battu, des joues flasques et la mâchoire amollie par les couleuvres qu'ils font avaler aux autres. Ils ont la ruse des renards, mais la couardise des poulets de basse-cour.
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Posons un postulat : la littérature est dans tout et vice-versa, elle n'est pas en marge , elle ne s'affaisse pas entre les pages d'un livre , elle court , on ne peut la retenir . On la marque un instant - un livre , un article , une thèse - elle s'échappe aussitôt - œuvre en fuite , contradictions , antithèses . L'université est sa prison dorée , ouverte sur l'infini des savoirs , mais la littérature passe outre , passe muraille , passe temps .
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Le trait d’union ne relie plus personne .Reste l’élan mystique, le poids des corps morts, l’élévation des âmes, les mots d’une histoire que nous forgeons sans y penser
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Aucun des griefs ne pèsera dans la balance.Insuffisance de résultats? Je n'ai même pas d'objectifs de vente.Désaccord avec la nouvelle direction? Je n'ai reçu aucune lettre et la formation des vendeurs que j'assurais en plu de mon travail m'a été retirée sans explication .Vous êtes nouvelle et j'imagine que vous avez reçu des consignes me concernant .Je vous le dis tout net, je refuse de partir.
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Et comme à chaque fois, nous nous demandons quand Marcelle Bazar va se décider à mourir, elle qui a déjà fait graver le principal de sa vie sur sa pierre tombale. Bien sûr, les années passant, on se demande si Marcelle, au seuil des centenaires, n’est pas déjà morte et que ses proches ont tout simplement oublié la date. Ou peut-être l’a-t-on retrouvée il y a bien des années, réduite à l’état d’un parchemin, oubliée de tous au fond d’un jardin… Ou peut-être était-ce un bébé à peine né ? Marcelle Bazar déclenche notre imagination. Et finalement, la tentation est grande de résumer sa vie à un nom, une date de naissance et un tiret. Car la date de mort n’intéresse jamais le principal concerné, le seul intérêt réside dans le tiret, petit résumé de vie et qui est tout.
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