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Citations de Thierry Serfaty (151)


- C'est une loi qui traverse l'Histoire, hélas, regretta Mrs Lumpini. Donnez-en les moyens à une victime, elle se transformera en bourreau.
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Quand un rival est trop fort pour l'abattre au grand jour, il faut le fragiliser dans l'ombre. Semer le doute. Le blesser en frappant là où il se croit intouchable. Où lui-même se croit intouchable : sa réputation. Il avait terrassé l'ennemi ; et si l'ennemi c'était lui ?
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Ged s'inclina devant la jeune fille.
- Pour vous servir, mademoiselle.
Violette sourit sans trop savoir comment réagir devant le crâne qu'on lui présentait.
- Oh, ça ira, j'ai un miroir dans ma chambre merci quand même, cousin Ged.
L'homme se redressa, surpris.
- Je veux dire... j'espère vous être utile indépendamment de ma calvitie.
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Comment on peut dire des choses qu'on ne pense pas ? Il m'arrive de ne pas dire les choses que je pense, et c'est déjà si dur, parfois...
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Elle ouvrit le robinet, un jet bouillant emplit le fond de la baignoire. Elle se déshabilla et se glissa dans l’eau. La brûlure fut saisissante, puis la chaleur l’apaisa. Elle s’assit, étendit les jambes et finit par s’allonger. La vapeur formait un voile sur le miroir, enveloppait son visage. Elle dénoua ses cheveux, les boucles châtain tombèrent sur ses épaules et collèrent à sa peau. Elle suivit du bout des doigts les courbes de son cou, de ses seins, de son ventre. Elle posa la main sur son sexe et ferma les yeux. Le visage de Laurent, les mains de Laurent. Absents. Son corps déserté lui fit mal. Elle eut envie de crier. Un cri contre lui, contre le choix qu’elle avait fait, contre la thérapie vouée à l’échec. Elle se caressa lentement puis avec brutalité. Elle ne sut pas ce qui, de la rage ou du plaisir, la conduisit à la jouissance.
Puis ses sens, peu à peu, la ramenèrent à la conscience.
Alors seulement elle entendit le bruit d’une porte que l’on ouvre et que l’on referme.
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Depuis la fin du congé de maternité, elle avait plus souvent vu la petite dans un couffin qu’elle ne l’avait portée.
Pourquoi ? Pourquoi ne rentrait-elle pas plus tôt ? Pourquoi ne pas l’enlever aux bras maternels d’Irene pour prendre une place légitime ? La réponse à sa question s’imposa. Elle tenta de la chasser de son esprit, en vain. Psychiatre, elle avait appris à affronter ses craintes – surtout celles, inexplicables, de la maternité et de la filiation – pour les décortiquer. Seule cette angoisse-là résistait à l’analyse de ses névroses, sans pouvoir la masquer. Oui, Léa pouvait ressembler à son père, peut-être avait-elle hérité de son étrange personnalité. Était-ce une raison pour ensevelir une relation mère-fille ?
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À l’étage, Stefania poussa la porte entrouverte, à gauche de l’escalier.
La pièce était plongée dans la pénombre. Seule une veilleuse Hello Kitty posée sur la table à langer diffusait une lueur rose, dans l’angle. Stefania s’approcha de son enfant endormie. Elle ressentit un serrement dans la poitrine. Huit mois, c’était l’âge de Léa. Depuis la fin du congé de maternité, elle avait plus souvent vu la petite dans un couffin qu’elle ne l’avait portée.
Pourquoi ? Pourquoi ne rentrait-elle pas plus tôt ? Pourquoi ne pas l’enlever aux bras maternels d’Irene pour prendre une place légitime ? La réponse à sa question s’imposa
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Stefania monta l’escalier suspendu. Laurent l’avait dessiné lorsqu’ils avaient acheté la maison – un L de béton et de verre construit par un architecte dans les années soixante, quand on achetait pour rien dans les ruelles de la Mouzaïa. Ils avaient tout rasé, elle avait décidé des grandes lignes, il avait dessiné et conçu. Elle s’évadait, il se rassurait déjà. Stefania avait choisi les matériaux ; pour l’escalier, du chêne brut ciré, en une seule pièce. Elle n’avait jamais pu gravir les marches sans être prise de vertige, un sentiment d’instabilité. Il lui semblait monter sur une surface fluide, flottante – une création à l’image de son mari. Elle s’agrippa aux filins métalliques.
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Stefania leva les yeux sur l’horloge murale de la cuisine. Il était plus de 20 heures. Irene attendait son retour pour partir – comme tous les jeudis, depuis huit mois. Tous avaient adapté leur rythme à la thérapie de Laurent. La Philippine savait que ce soir-là, Monsieur Laurent ne rentrerait pas, qu’un couvert suffirait, que Madame Stefania rentrerait tard et qu’elle-même ne serait pas chez elle avant 21 heures.
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Et ce soir, c’était la dernière nuit. Huit mois de thérapie, une nuit par semaine – tout avait été respecté. Aujourd’hui, lorsqu’elle dressait le bilan de ces mois d’efforts, les résultats lui semblaient maigres. Elle guettait un changement de personnalité, un époux à l’aise dans son rapport aux autres. En échange de cela, Laurent s’éloignait sans cesse des circonstances sociales, il s’isolait du monde pour ne supporter que son atelier et une vie intériorisée à l’extrême. Il avait fermé une porte supplémentaire dont elle n’avait pas trouvé la clé.
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– Tu as dit : électrodes sur le visage et le torse. Je n’ai pas le cerveau si bas.
Stefania finit par en sourire. Avec Laurent, il n’y avait pas de mots gratuits. L’analyse méthodique du discours à laquelle s’adonnait son époux pouvait passer pour de l’humour.
– On enregistre aussi les mouvements oculaires, les contractions musculaires, l’électrocardiogramme, la fréquence de la respiration.
– Pour quoi faire ?
– Pour choisir le moment propice de ton sommeil et repasser en son et images la séance de thérapie du jour. Elle est filmée, en journée.
– Je suis filmé ? Je ne veux pas.
– On filme la séance, poursuivit Stefania, et quand tu es endormi, on te repasse le son et les images dans un casque et un masque visuel. Tu y « assistes » une seconde fois, inconsciemment. Rien de plus. (Elle ne lui laissa pas le temps de répondre.) Ça marche, Laurent, ça marche très bien. Les résultats sont très bons. Les thérapies sont plus courtes, plus efficaces.
– Je préfère ne pas y aller.
Il s’était refermé.
Puis il avait cédé – elle n’avait pas lâché prise, cette fois.
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Laurent se réfugia dans son fauteuil de prédilection. Les arbres agitaient leurs branches tourmentées derrière la baie vitrée. Il fixa un point insaisissable dans le jardin dénudé du début d’hiver.
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Laurent se raidit. Il détestait la perspective d’être exploré, elle le savait. Elle s’en voulut de ne pas avoir pris plus de précautions.
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– Dans un lit, une chambre, rien de méchant, sois tranquille.
– Enregistrer mon sommeil ? dit-il simplement.
– On colle des électrodes sur le torse, le visage, le crâne, et on y branche des fils très fins reliés à des appareils d’enregistrement.
– Qu’est-ce que ça enregistre ?
Le ton était devenu agressif. Stefania fit un effort pour se contenir.
– L’activité électrique de ton cerveau pendant que tu dors. Ça s’appelle un EEG, un électroencéphalogramme.
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– Qu’est-ce qu’il faudra faire ?
– Suivre une thérapie à la Fondation avec l’un des médecins du service. Tu en connais certains.
– Ton service ?
– Oui. Le mien. Je serai tout près.
Dans son regard, Stefania ne lut aucun soulagement. Pour la première fois, sa présence ne le rassurait pas.
– Combien de fois par semaine ?
– Une fois.
– C’est tout ?
– Tu resterais là-bas pour la nuit, après la séance. Pour y enregistrer ton sommeil.
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– Et tu n’es pas malade non plus, répondit-elle avec patience. Je vois tous les jours en consultation des gens qui ne sont pas atteints de maladies psychiatriques et qui suivent une thérapie pour se sentir mieux, tout simplement. Et tu vis mal ta… timidité, on va dire. Tu le sais bien, n’est-ce pas ?
Laurent ne répondit pas. Elle posa la main sur son torse. Cette fois, il ne la repoussa pas.
– Pour moi aussi, c’est difficile, ces longs moments de silence, ces heures loin de moi, alors que nous sommes l’un contre l’autre. Il faut essayer, chéri ; il le faut – pour nous deux.
Laurent baissa le regard. Dans ce moment de capitulation, Stefania savait quelle violence son époux s’infligeait. Elle en éprouva une certaine peine. Il releva la tête, comme s’il regrettait déjà le combat perdu.
– Qu’est-ce qu’il faudra faire ?
– Suivre une thérapie à la Fondation avec l’un des médecins du service. Tu en connais certains.
– Ton service ?
– Oui. Le mien. Je serai tout près.
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– Je crois beaucoup en ce programme. On y croit tous.
Elle s’était approchée de lui pour l’enlacer. Il se libéra de l’étreinte un peu brutalement.
– Je ne suis pas un criminel.
– Ça n’a rien à voir. La médecine avance toujours comme ça : on exploite souvent un traitement pour des indications différentes. Laurent, si la méthode marche pour eux, elle fonctionne certainement pour des problèmes moins aigus.
– Je ne suis pas un criminel.
– Et tu n’es pas malade non plus, répondit-elle avec patience. Je vois tous les jours en consultation des gens qui ne sont pas atteints de maladies psychiatriques et qui suivent une thérapie pour se sentir mieux, tout simplement. Et tu vis mal ta… timidité, on va dire. Tu le sais bien, n’est-ce pas ?
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LE Modus corail longea l’allée de terre jusqu’à la porte métallique. Stefania fouilla dans son sac, pressa le bouton de la télécommande et la porte du garage s’ouvrit.
Le long de l’allée. La télécommande. La porte qui bascule.
Elle ressentit un mal-être, une forme de nausée, à évoquer intérieurement cet enchaînement. Comme tous ces gestes exécutés machinalement, jour et nuit, ces protocoles immuables du quotidien mais qu’elle recensait maintenant, malgré elle, et qui la renvoyaient aux obsessions de son mari. Il l’avait pour ainsi dire contaminée, tandis qu’il envahissait sa propre existence d’automatismes. Les litanies de chiffres, la façon – la même et unique façon – de caresser un tissu, un verre qu’il repose à l’endroit précis où il se trouvait. Laurent, l’homme qu’elle aimait, et qui l’avait épuisée. C’est par amour qu’elle avait tant insisté, il y a six mois.
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Vullierme examina le tracé qui apparut sur l’écran d’ordinateur. L’électroencéphalogramme dessinait ses crêtes et ses ondes, les électrodes fixées sur le crâne de Laurent étaient bien en place.
– C’est la dernière nuit, je crois, dit-il enfin pour apaiser sa consœur.
Stefania contempla son époux : les yeux grands ouverts, le regard fixe.
– Oui, c’est la dernière. Il n’y en aura pas d’autre, je le sais.
Vullierme s’approcha du micro.
– Bonsoir, monsieur Strelli. Vous pouvez vous laisser aller au sommeil, si vous le voulez. C’est votre dernière séance, profitez-en.
Les mots – ceux qu’il s’était répétés inlassablement depuis le matin – semblèrent ramener Laurent à la conscience. En guise de réponse, il ferma les yeux. Vullierme examina les autres tracés sur l’écran.
– On pourrait envisager de passer à deux reprises les images et le son de la séance de thérapie de ce matin. Finir en beauté.
Stefania s’éloigna de la vitre. L’infirmière venait de les rejoindre dans la salle technique.
– Non. Une seule fois. Au bon moment, c’est tout.
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– Il n’a pas dormi plus de cinq heures en tout, ces dernières nuits à la maison.
– On ne lui en demandait pas tant, dit l’homme en blouse blanche.
– Il se moque de ce qu’on lui demande. Il ne l’entend même pas. Il est agité – il est mal. Ces hallucinations, toujours…
Elle se tourna vers Vullierme.
– La thérapie était censée lui faire du bien.
– Toutes les thérapies sont censées faire du bien. Avec un peu de patience, bien sûr. Et aucune thérapie n’est infaillible.
Stefania contempla un instant Vullierme. Des yeux noirs trop grands, l’ombre d’une barbe jamais nette sur un visage rond. Force tranquille dans l’univers survolté de la médecine. En quelques minutes, il pouvait susciter en elle l’admiration comme l’exaspération.
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