Citations de Tonino Benacquista (1242)
La procrastination de l’enfant borné est une torture dont il ferait tout pour se délivrer, hormis la façon la plus légitime, la plus naturelle qui soit, pour lui insurmontable.
Dès qu'un con essaye d'allumer un feu quelque part, il y en a quatre autres pour lui expliquer comment s'y prendre.
En y regardant de près, le travail du scénariste n’est pas très éloigné de celui du paranoïaque. Tous deux sont de scientifiques du soupçon, ils passent leur temps à anticiper sur les événements, imaginer le pire, et chercher des drames affreux derrière des détails anodins pour le reste du monde. (p. 145)
En regardant vers le parc, je me suis souvenu de cet amas de feuilles mortes et rousses qui le recouvrait l’été dernier. Un artiste avait trouvé intéressant de créer une petite ambiance automnale en plein mois de juin. Aucun visiteur ne s’en était aperçu. Hormis le jardinier qui s’est éloigné un peu plus, lui aussi, de l’art contemporain.
Cinq individus, tous mâles, se tenaient en demi-cercle autour du barbecue, les yeux fixés sur la braise qui refusait de prendre, malgré le temps sec, malgré le matériel sophistiqué et les efforts du maître de maison, un vieux briscard en matière de grill.
- C'est pas comme ça qu'il faut faire... Faut plus de petit bois, monsieur Blake, vous avez mis le charbon trop vite.
[...]
- C'est pas comme ça qu'il faut faire. Moi, je ne mets pas de charbon de bois, je procède comme dans une cheminée, c'est plus long mais la braise est de bien meilleure qualité.
- C'est pas comme ça qu'il faut faire, ajouta un notable qui siégeait au conseil municipal. Vous utilisez des allume-feu, c'est toxique, et c'est pas du jeu. D'ailleurs, ce n'est même pas efficace, la preuve.
Sans le savoir, Fred vérifiait un théorème universel, qu'il se formula en ces termes : dès qu'un con essaie d'allumer un feu quelque part, il y en a quatre autres pour lui expliquer comment s'y prendre.
La Sixtine fait de lui un mythe vivant, ses pairs, ses détracteurs, le monde entier s'incline devant son travail qui, aujourd'hui plus que jamais, reste une des plus belles créations de la main humaine. Et pourtant Michel-Ange, par excès d'humilité, ne se considérait pas comme un peintre, seulement comme un sculpteur.
Il jeta enfin un œil sur le menu, qui l'exaspéra d'emblée. Philippe n'avait rien d'un goinfre et se préoccupait peu de gastronomie, mais il détestait par-dessus tout le terrorisme diététique, ultime hypocrisie d'une poignée de nantis prêts à payer le prix fort l'angoisse de prendre un gramme. Il lui suffisait de lire Saint-Pierre juste vapeur et son buisson de pousses de cresson 45€ pour lui donner envie de rôtir en broche le cuisinier, avec une pomme dans la bouche.
Al Capone disait toujours : "On obtient plus de choses en étant poli et armé qu'en étant juste poli."
Faute de réparer, écrire c’est rétablir. C’est rendre dicible ce que l’on pense, ce que l’on ressent, ce que l’on est.
Waren comprenait enfin pourquoi le mot « sexe » venait de « section » : la séparation.
Si une légende était toujours inspirée de faits réels, la voix des hommes la perpétuait pour en faire un bien commun. Si on la polissait par la parole, si on en gommait les aspérités, si on l’agrémentait de fioritures, c’était pour la rendre accessible à toutes les cultures et la transmettre par-delà les frontières et les générations.
J'aimerais savoir ce que l'anonymat a d'intolérable ? Est-ce si indigne de ne s'illustrer en rien ? De ne pas laisser son nom dans les livres ? Aujourd'hui le goût de la performance a été remplacé par l'exploit débile... À quoi bon s'emmerder à grimper l'Éverest quand on peut avaler trois hot-dogs en trente secondes ?
La perfection ne peut être que sereine. Elle exclut l'émotion, le drame et, bien entendu, l'humour.
Dans une vie de couple, il y a toujours un matin où l'autre vous regarde avec une petite lueur de doute au fond des yeux. De doute ou d'autre chose.
Et cet autre chose a quelque chose d'hypnotisant.
Pour la première fois, on perçoit une inquiétude chez celui ou celle qui, jusqu'alors, partageait avec vous cette douce et routinière insouciance.
Ce que vous ne savez pas encore, c'est que vous êtes ce sujet d'inquiétude.
On se demande souvent ce que l'on ferait si la chance nous était donnée de lire notre avenir. Je sais aujourd'hui que connaître son passé à quelque chose de bien plus extraordinaire. La peur du lendemain est une plaisanterie comparée à celle de la veille. Et le destin n'est rien d'autre qu'un peu de passé en retard.
Lire c'est entrer dans une cathédrale. Écrire c'est y mettre le feu. Lire c'est un patriarche qui vous veut du bien. Écrire c'est une petite traînée qui n'en fait qu'à sa tête. Lire c'est l'excellence des autres. Écrire c'est l'insuffisance de soi.
Dans la série des révélations qui jalonnent notre enfance, nul ne saurait identifier l'événement qui nous a fait basculer dans l'âge adulte.
Est-ce le jour où nous nous sommes vus comme des entités pensantes ? Est-ce le jour où nous avons pris conscience que nous étions mortels? Celui où nous avons découvert le sens de l'altérité ?
Celui où nous nous sommes affranchis de l'agrément des maîtres ?
Pour ma part je sais dater le jour où j'ai perdu confiance en ma mère.
Sans le savoir, Fred vérifiait un théorème universel, qu'il se formula en ces termes : dès qu'un con essaie d'allumer un feu quelque part, il y en a quatre autres pour lui expliquer comment s'y prendre.
Qu’importe que nous empruntions des itinéraires différents pourvu que nous arrivions au but.
La vraie médiocrité n'est pas de ne rien accomplir, mais de trouver inacceptable que d'autres y parviennent....