Citations de Véronique Olmi (1467)
Joseph se souvient du jeu du glaviot, auquel il avait étrangement échappé, une saloperie destinée à chaque nouveau, qui devait se tenir bien droit, bouche ouverte, pour que chaque colon lui crache dans le bec, une grosse glaire, et qu'à la fin il les avale toutes d'un coup. (p.279)
La vie à l'intérieur de soi, quand l’intérieur est noyé, c'est comment ? Lui finalement, il ne connaît que des absents. Alors il va bien falloir faire connaissance avec ceux-là qui grandissent ici, des centaines d'enfants, presque tous de l'Assistance publique. On dit qu'il y a une famille un peu à part, avec un pavillon à l'écart et un vrai nom, le nom d'une sainte : la famille Jeanne d'Arc, des colons d'à peine 7 ans, qui tout le jour cassent des cailloux, à ce qu'il paraît. Mais il paraît tant de choses… (p. 128)
La famille lui avait manqué sans qu’elle le sache, comme un paysage, une odeur que l’on a aimés et dont on s’est détourné par étourderie, inconscient du vide laissé en soi par leur absence.
L'autre combat de Sabine, au fil des mois, ce fut encore et toujours le théâtre. Le théâtre et l'amour avaient la même urgence et le même sens : vivre sa vie en intensifiant les heures et les sentiments.
En la voyant les enfants s'enfuient. Une petite s'approche, pose son doigt sur elle. Elle n'a pas été salie. Elle fait signe aux autres de venir, et tous se ruent dans ses bras, demandent des baisers, et elle reste l'après-midi entier avec eux.
Elles ne passeront pas leur vie sur les pistes, un jour la marche sera terminée, un jour il y aura autre chose, et autre chose ne peut pas être pire, le pire est déjà vécu.
Il faut faire de chaque désespoir une pirouette. Il faut s’amuser de la médiocrité du monde, survoler le grand merdier humain, c’est le seul moyen de s’en sortir. C’est la philosophie de Rhum, et il a raison, il faut planer au dessus de la tristesse et la regarder du ciel, uniquement du ciel.
La vie était faite d'arrangements et de petits pactes.
C'est dans son regard que l'on pouvait lire le contraste entre sa force et son innocence, dans son regard il y avait, toujours, ce qu'elle avait perdu et ce que sa vie intérieure lui avait permis de retrouver. Sa vie. Qu'elle protégeait comme un cadeau.
Parfois, la connaissance du monde est une grande fatigue.
Le temps passe et ne s'inscrit nulle part ailleurs que dans les corps qui vieillissent et les enfants qui naissent.
Elle voudrait leur dire comme la vie est rapide, ce n'est qu'une flèche, brûlante et fine, la vie est un seul rassemblement, furieux et miraculeux, on vit on aime et on perd ceux que l'on aime, alors on aime à nouveau et c'est toujours la même personne que l'on cherche à travers toutes les autres.
Elles pleurent toutes les deux, parce qu'il n'y a rien d'autre à faire que laisser couler cette douleur inhumaine, cette séparation qui signe la fin de leur vie ensemble, leurs jeux, leurs rites, leurs chants, leur langage pour elles deux, leurs voeux dans le soir qui vient, tout ce qu'elles quittent en se quittant.
C'était leur vie ensemble, la vie avec celui qu'elle appelait en secret "mon grand amour", et en public "mon homme". Lui ne disait pas d'elle "ma femme", ce qui aurait signifié "mon épouse", alors que "mon homme" n'évoquait pas le mariage mais le sexe.
« À Paris, on ne parle de l’hiver que lorsqu’il est à nos portes , on le touche, on le respire , on s’en protège car il apporte du malheur bien sûr , l’hiver n’aime pas les pauvres , mais qui les aime ? » ….
« Les taudis s’effondrent ou s’enflamment, on meurt dans les rues , des femmes , des enfants , des vieillards , c’est comme ça depuis toujours et pour toujours , on le sait » …..
La droite était au pouvoir depuis vingt-trois ans, alors quoi ? Est-ce que le monde pouvait s’effondrer du jour au lendemain ? la France devenir rouge sang en une soirée ? Les affiches du candidat Mitterrand avaient beau offrir un visage paisible devant une église, « La force tranquille », certains voyaient très bien le couteau qu’il tenait entre les dents. L’abolition de la peine de mort, la contraception gratuite, l’impôt sur la fortune, les trente-cinq heures, l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, la hausse du Smic, du minimum vieillesse et des allocations familiales, la cinquième semaine de congés payés, c’était la faillite morale et financière assurée, disaient les uns. La justice, disaient les autres. Et on voyait s’affronter sans se convaincre des êtres acharnés, et se creuser dans les amitiés les plus vraies des fossés de rancune que rien ne viendrait jamais combler.
(page 476)
On ne perd pas sa mère. Jamais. C'est un amour aussi fort que la beauté du monde, c'est la beauté du monde.
Après Les violences physiques, les marchés, l'enfermement, la soif et la faim ,vivre au harem , elle aurait presque remercieé pour cela . C'était un monde clos, peuplé de maîtresses et d'esclaves , toutes vivaient ensemble et toutes étaient captives
Ayant quitté Antoine, j’étais seule, du matin au soir. Seule avec les autres. Seule dans mon lit, ma cuisine, mes dimanches, mes projets, et parfois je me rendais compte que je dormais mes deux bras m’enlaçant. La liberté et son pendant, la solitude, maintenant je les connaissais bien. Elles étaient une partie de moi, elles me constituaient, et je pensais qu’on aurait pu les analyser dans mon sang, les cellules de ma peau. Parfois l’avenir semblait vaste, parfois je me trouvais pitoyable. La solitude est à vous, elle vous tient, et on ne sait jamais si c’est une délivrance ou une malédiction. Va-t-elle vous donner des ailes ou vous réduire à une existence de petits pas ? J’étais entre deux mondes. Si libre.
C’était bon parfois d’être seul. Tranquille et à son rythme.